- CòchoNiveau 5
- Spoiler:
- Suis-je dans la bonne rubrique ? Je n'ai pas trouvé mieux.
Je me souviens d'un prof à la fac qui avait composé (jusqu'au plan rédigé seulement) en même temps que nous, le dernier jour, pour s'amuser. Il avait eu en gros ce commentaire à la fin : "Quelle épreuve ! je préfère de loin ma place à la vôtre." Pour autant, il avait en quelques minutes à peine construit un raisonnement dense et impeccable...
Quant à moi je cours après ce genre de "place", mais cela suppose justement l'Epreuve !
Je prépare à la fois les concours, et l'année scolaire, puisque je suis candidat à un poste de contractuel — en philosophie. Ni élève ou étudiant, ni prof donc. Mais, chose assez drôle sans doute, j'ai développé une sorte de "phobie" de l'épreuve, je veux dire de l'exercice scolaire canonique en temps limité et conditions réelles. C'est donc une sacrée épreuve, mais tout à fait improductive !
Je peux passer des heures pour ainsi dire de bonheur à lire, annoter, ficher et re-ficher ; aussi bien à lire et corriger une copie d'élève (de cours particulier) ; ou préparer un cours articulé complet... mais quand, une fois par semaine, le samedi, je me "colle" moi-même pour 5 à 7h, c'est le drame : comme le diable au corps, je gigote, je me lève pour boire, manger, fumer, je pense mal, je perds le fil, me trouve incapable et idiot, et à la fin, la déroute ! au bout de trois ou quatre heures de brouillonnage je décroche avant d'exploser.
- Spoiler:
- En réalité ce n'est pas nouveau, dès le lycée et jusqu'au supérieur j'ai été confronté à ce problème ! mais j'arrivais comme je pouvais à m'en dégager. Mais maintenant j'ai l'impression de fort stagner... Aucun progrès, ou presque, en plusieurs mois. On dirait une sorte de blocage tout psychologique, difficile à décrire et comprendre — mais je vais essayer quand même :
- Toute la semaine je redoute ce samedi comme une épreuve au sens fort du mot. J'anticipe le blocage et la déroute. Quand j'y suis, je n'y trouve aucun goût ni plaisir.
- Lors des épreuves réelles du concours (tenté deux fois...), je gère mieux que lors des entraînements (y compris quand ces entraînements étaient organisés et notés, à la fac), enjeu oblige. Mais comme j'ai eu beaucoup de mal à m'entraîner en conditions réelles les mois précédents, je suis dépassé par l'horloge... Ou comment avoir un 9 avec quatre pages.
- Tout écrit me pose problème. Mais tout spécialement les compositions de type "scolaire" (explications, commentaires, dissertations), surtout les dissertations. Entre en faire l'éloge et les démolir, mon coeur balance.
- Quand je veux placer Platon, par exemple, tout me pousse à aller vérifier dans le bouquin en question, à noter le passage exact, etc., pour être le plus exact possible... ce qui est évidemment hors de question dans ce contexte. Peut-être la réponse serait : tu devrais savoir exactement ce qu'il dit, comment, et où ! Mais dans ce cas, il faut que je bosse encore de long mois à temps plein pour mémoriser toute la Tradition avant de commencer le moindre entraînement écrit ! C'est d'ailleurs ce que j'ai longtemps fait : repousser les entraînements au "moment idéal", où je serai prêt, bibliothèque vivante.
- Un temps j'ai cru que c'était comme par orgueil : "J'ai mieux à faire que de perdre une journée à composer un machin rhétorique à la forme périmée, niveau secondaire"... mais en fait, c'est presque l'inverse : "Qui suis-je pour répondre à cette vertigineuse question, en quelques heures, sur un bout de table ?! Cela mériterait bien quelques mois d'investigation et de notes préparatoires..." Vous voyez le genre ? — Au fond les deux ne sont pas contradictoires. Ce genre d'épreuve et de situation de concours est comme un "retour en arrière" ; surtout en philosophie, où une (vraie fausse) naïveté méthodologique est toujours requise face au sujet ou texte : il faut retrouver la fraîcheur de l'adolescent... tout en rapportant tout ce qu'on a engrangé depuis, et qui complique tout "plan en trois parties".. Or je suis comme un vieux truc incapable de faire la synthèse. Et j'ai bien conscience du caractère parfaitement antiphilosophique de cet état, ce qui est suprêmement déprimant !
- Pourquoi est-ce plus facile à l'oral ? Fétichisation de la "feuille blanche" ?
- En bref j'agis apparemment comme l'élève qui n'a rien compris et qui fait mal, tout ce que je suis censé recadrer ! Mais, dirait Aristote, il n'est pas possible d'expliquer à d'autres comment faire ce qu'on ne sait pas faire soi-même.
J'avais parlé à un prof... qui disait être "exactement comme moi". Il était toujours en lutte. Principale différence : il était agrégé !
D'autres dans la salle ? Peut-on parler de phobie ? Que faire ? (A part en rire ; ou songer à une reconversion dans la santé mentale, ou la technique de surface ?) Des astuces, des conseils ?
Merci !
- ZagaraGuide spirituel
L'attitude compatible avec l'épreuve sur table s'acquiert avec l'expérience ; il n'y a rien d'autre à te conseiller qu'à t'entraîner sérieusement jusqu'à ce que tu saches le faire. Évidemment, quand on a acquis cette habitude jeune, c'est plus facile de la retrouver ou de ne pas la perdre. D'où l'importance d'apprendre la concentration, l'effort et la stabilité d'esprit dès la maternelle/primaire.
- Madame-de-PierreHabitué du forum
Mon meilleur conseil, et aussi le plus dur à observer, c'est d'y aller DE-TEN-DU.
- PoupoutchModérateur
Moi je suis un peu comme ça. C'est ce que j'appelle mon "mental de tennisman français" ou mon "syndrome Mickael Llodra".
En fait, face à l'épreuve, j'oublie ce que je sais, paralysée par l'enjeu (et même quand l'enjeu est faible d'ailleurs).
En revanche, je n'ai jamais eu de problème à faire les exercices en entraînement.
J'ai passé l'agreg 5 fois, dont 3 seulement en l'ayant vraiment préparée. La première fois, je m'étais préparée toute seule, je ne connaissais pas les attendus des exercices, j'ai voulu trop en savoir, trop en faire, et je me suis noyée dans le travail. Entendre les autres parler de leurs copies après les épreuves me renvoyait à tout ce que je ne savais pas... J'ai échoué. La deuxième, j'ai pris une formation très chère et très exigeante, j'ai bossé raisonnablement (j'étais par ailleurs en entreprise et j'avais également une charge de cours à la fac) mais de manière très régulière, en ayant une connaissance très précise des exigences de chacune des épreuves. J'ai raté l'admission à 0,5 points, mais obtenu le capes. J'ai ensuite passé l'interne et l'externe spéciale la même année et obtenu les deux.
Ce que j'ai constaté sur mon dernier passage, et qui a sans doute fait que ça a marché :
- grâce à mon psy, j'ai assumé que je ne pouvais pas être parfaite, et qu'il fallait dès lors que je sois simplement au meilleur niveau possible pour moi. J'ai donc organisé mon temps de manière à me sentir en position de maîtrise mais en acceptant aussi que je ne pouvais prétendre à l'exhaustivité. J'ai défini des priorités, j'ai fait le deuil de certaines choses (recherches, livres à lire, etc.).
- J'ai conservé dans mon emploi du temps des moments pour moi, pour vivre. Cela m'a aidée à mieux envisager l'échec : si j'échouais, je n'aurais pas "perdu" une année. J'aurais quand même eu de bons moments.
- J'ai envisagé dès le départ l'échec. En attendant les résultats, et tout en ayant bon espoir d'être admissible ou admise, j'ai envisagé ce que je ferais et dirais si je ne l'étais pas. Mon psychiatre encore : "avoir de l'assurance, ce n'est pas être certain de réussir, c'est être certain que l'on parviendra à gérer l'échec".
- J'ai travaillé au maximum dans les conditions du concours, donc, par exemple, travaillé les dissertations sans les œuvres à portée de main. Je me suis imposé de travailler dans des endroits peu confortables pour ne pas être tentée d'aller chercher le confort (j'ai beaucoup bossé au lycée les jours où je n'avais pas de cours : enfermée dans une petite salle, à l'écart des collègues, sans internet, télé, ordinateur....)
- J'ai pris du plaisir à ce que je faisais. A tel point d'ailleurs que cette année, j'ai envié une amie qui allait passer les écrits. J'ai profité de l'intégralité du rituel : s'installer à sa table, remplir les en-têtes, etc. Je me suis efforcée de concevoir ces moments comme de bons moments. Ce qui m'y a aidée, c'est d'être allée deux fois passer l'agreg en touriste, sans avoir rien préparé (en 2016, je n'avais même pas lu les livres, je m'étais inscrite pour motiver une amie )
Avec tout ça, je n'ai pas brillé, mais j'a réussi à ne pas me sentir paralysée.
En fait, face à l'épreuve, j'oublie ce que je sais, paralysée par l'enjeu (et même quand l'enjeu est faible d'ailleurs).
En revanche, je n'ai jamais eu de problème à faire les exercices en entraînement.
J'ai passé l'agreg 5 fois, dont 3 seulement en l'ayant vraiment préparée. La première fois, je m'étais préparée toute seule, je ne connaissais pas les attendus des exercices, j'ai voulu trop en savoir, trop en faire, et je me suis noyée dans le travail. Entendre les autres parler de leurs copies après les épreuves me renvoyait à tout ce que je ne savais pas... J'ai échoué. La deuxième, j'ai pris une formation très chère et très exigeante, j'ai bossé raisonnablement (j'étais par ailleurs en entreprise et j'avais également une charge de cours à la fac) mais de manière très régulière, en ayant une connaissance très précise des exigences de chacune des épreuves. J'ai raté l'admission à 0,5 points, mais obtenu le capes. J'ai ensuite passé l'interne et l'externe spéciale la même année et obtenu les deux.
Ce que j'ai constaté sur mon dernier passage, et qui a sans doute fait que ça a marché :
- grâce à mon psy, j'ai assumé que je ne pouvais pas être parfaite, et qu'il fallait dès lors que je sois simplement au meilleur niveau possible pour moi. J'ai donc organisé mon temps de manière à me sentir en position de maîtrise mais en acceptant aussi que je ne pouvais prétendre à l'exhaustivité. J'ai défini des priorités, j'ai fait le deuil de certaines choses (recherches, livres à lire, etc.).
- J'ai conservé dans mon emploi du temps des moments pour moi, pour vivre. Cela m'a aidée à mieux envisager l'échec : si j'échouais, je n'aurais pas "perdu" une année. J'aurais quand même eu de bons moments.
- J'ai envisagé dès le départ l'échec. En attendant les résultats, et tout en ayant bon espoir d'être admissible ou admise, j'ai envisagé ce que je ferais et dirais si je ne l'étais pas. Mon psychiatre encore : "avoir de l'assurance, ce n'est pas être certain de réussir, c'est être certain que l'on parviendra à gérer l'échec".
- J'ai travaillé au maximum dans les conditions du concours, donc, par exemple, travaillé les dissertations sans les œuvres à portée de main. Je me suis imposé de travailler dans des endroits peu confortables pour ne pas être tentée d'aller chercher le confort (j'ai beaucoup bossé au lycée les jours où je n'avais pas de cours : enfermée dans une petite salle, à l'écart des collègues, sans internet, télé, ordinateur....)
- J'ai pris du plaisir à ce que je faisais. A tel point d'ailleurs que cette année, j'ai envié une amie qui allait passer les écrits. J'ai profité de l'intégralité du rituel : s'installer à sa table, remplir les en-têtes, etc. Je me suis efforcée de concevoir ces moments comme de bons moments. Ce qui m'y a aidée, c'est d'être allée deux fois passer l'agreg en touriste, sans avoir rien préparé (en 2016, je n'avais même pas lu les livres, je m'étais inscrite pour motiver une amie )
Avec tout ça, je n'ai pas brillé, mais j'a réussi à ne pas me sentir paralysée.
_________________
Lapin Émérite, celle qui Nage en Lisant ou Inversement, Dompteuse du fauve affamé et matutinal.
"L'intelligence est une maladie qui peut se transmettre très facilement mais dont on peut guérir très rapidement et sans aucune séquelle"
- ernyaFidèle du forum
J'aime beaucoup tes conseils, Poupoutch. Surtout sur le fait de se conserver du temps pour soi pour ne pas avoir l'impression d'avoir perdu une année.
@Verdure : Tu tentes tous les samedis de te faire un entraînement complet en temps limité ? Peut-être est-ce tout simplement trop ?
@Verdure : Tu tentes tous les samedis de te faire un entraînement complet en temps limité ? Peut-être est-ce tout simplement trop ?
- CòchoNiveau 5
Merci à tous pour vos réponses !
Je n'ai pu que les survoler mais dès que je peux je m'y plonge.
@ernya : Avec les imprévus et autres, c'est plutôt tous les quinze jours...
Je n'ai pu que les survoler mais dès que je peux je m'y plonge.
@ernya : Avec les imprévus et autres, c'est plutôt tous les quinze jours...
- La CaverneNiveau 5
Verdure a écrit:Merci à tous pour vos réponses !
Je n'ai pu que les survoler mais dès que je peux je m'y plonge.
@ernya : Avec les imprévus et autres, c'est plutôt tous les quinze jours...
Verdure, moi j'essaie de faire comme toi mais en bibli, sinon je finis par aller faire une sieste qui dure tout l'après-midi.
Une fois que j'y suis je fais des pauses mais j'ai toujours plus bossé que si j'étais restée chez moi. En plus cela me motive de voir les (vrais) étudiants travailler à côté de moi.
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum