- marjoDoyen
Je vais étudier la semaine prochaine le sonnet de Scarron "Vous faites voir des os..." en première. J'étais persuadée qu'on rattachait cet auteur au mouvement baroque, mais après avoir cherché, la réponse ne me parait plus aussi évidente. Je sais qu'on le rattache au burlesque, mais ce n'est pas un mouvement. Il me semble pourtant qu'il y a dans l'oeuvre de Scarron (et dans le sonnet en question), un certain nombre de caractéristiques du baroque. Que dire aux élèves ?
- Une passanteEsprit éclairé
Il me semble bien que c'est un auteur baroque, et dans ce sonnet, le principe même du contre-blason est très baroque. Qu'est-ce qui t'a fait douter ?
- marjoDoyen
Le Lagarde et Michard qui ne parle du tout du baroque pour Scarron mais uniquement de burlesque.
- Une passanteEsprit éclairé
D'après les manuels Textes et documents chez Nathan, préciosité et burlesque relèvent bien du Baroque
Je crois que les Lagarde et Michard datent d'une époque où l'on détaillait bien davantage les nuances et subtilités de l'histoire littéraire, en lycée aujourd'hui, on essaie déjà de donner des repères plus généraux.
Je crois que les Lagarde et Michard datent d'une époque où l'on détaillait bien davantage les nuances et subtilités de l'histoire littéraire, en lycée aujourd'hui, on essaie déjà de donner des repères plus généraux.
- marjoDoyen
J'avais prévu de parler des deux. Vous me rassurez, je ne suis pas trop à côté de la plaque.
- *Ombre*Grand sage
Baroque pour moi aussi. Le foisonnement du roman comique, le goût pour l'irrégularité, voire la laideur, me semblent assez caractéristiques.
- InvitéInvité
J'ai tellement étudié l'histoire de ce concept que je ne l'utilise plus.
- Tem-toGrand sage
J'ai la même sensation que Nizab, sans, certainement, avoir travaillé le baroque autant que lui.
Mais à l'image de *Ombre* je trouverai également intéressant qu'il explicite son propos. Tu te sens Nizab ?
Mais à l'image de *Ombre* je trouverai également intéressant qu'il explicite son propos. Tu te sens Nizab ?
- *Ombre*Grand sage
À défaut de disserter sur l'essence du baroque, j'ai causé romantisme avec un charmant monsieur, aujourd'hui. Lequel m'aborde lourdement en déclarant : "Je suis sûr que vous êtes une femme romantique." Je demande : "Vous voulez parler de haine du matérialisme, de goût de l'idéal, d'exaltation et d'une certaine complaisance dans les postures marginales ?" Mais là, je l'ai vu douter : je n'étais sans doute plus si romantique à ses yeux. :lol:
- tannatHabitué du forum
Si j'ai bien compris, le baroque (en littérature) est une classification exogène inventée par les critiques. Les auteurs que l'on classe dans ce courant ne s'en réclamaient pas, car ils ne le connaissaient pas. Voilà pourquoi on peut s'interroger sur l'opportunité de l'employer... Il peut néanmoins être pratique pour classer des auteurs très différents de leurs contemporains dits "classiques" (Pourtant parfois, ils se détestaient ...)
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- Tem-toGrand sage
D'après mes souvenirs, le baroque (illusions, métamorphoses, mort) n'est pas français d'origine et ne s'applique pas d'abord à la littérature, y compris dans ses pays d'origine (Espagne, Portugal, Italie), mais à l'architecture, la peinture, la musique.
Les classificateurs aiment fixer sa période française juste avant, en littérature, le classicisme. Notre époque n'a pas beaucoup retenu son théâtre, héroïque et violent (Garnier), un peu plus sa poésie (de Viau, Malherbe, Saint-Amant).
En roman français, outre Scarron -mais c'est vrai que c'est plutôt burlesque-, je ne vois pas.
J'ai toujours pensé que Richelieu, Mazarin, Louis XIV, Boileau, les grammairiens de l'époque, les premiers académiciens, ont favorisé le classicisme dans une intention politique. Il s'agissait de mettre au pas l'apparition d'un "je" baroque par trop individualiste et libertin (au sens originel du mot), insuffisamment soumis à la Cour et à l'esprit d' "honnête homme" qui était alors promu (même s'il était diablement hypocrite) dans l'intention d'imposer la "bonne" culture aujourd'hui appelée classique notamment au clergé et à la noblesse, en espérant que le peuple y vienne aussi. Corneille (avec "L'Illusion comique") et Molière ("Don Juan" voir même "Le Misanthrope") ont tenté de refréner l'hégémonie classique en exposant le débat sur scène mais en faisant attention à ne pas trop s'exposer à la police de l'esprit.
Wiki dit : à l'origine, le baroque était un terme péjoratif, relevant de la bizarrerie et de l'étrangeté. Notons que l’adjectif "baroque" apparaît au XVie siècle sous le nom de "berrueco" (en Espagne) et "barroco" (au Portugal) pour désigner, en joaillerie, une perle irrégulière.
Les classificateurs aiment fixer sa période française juste avant, en littérature, le classicisme. Notre époque n'a pas beaucoup retenu son théâtre, héroïque et violent (Garnier), un peu plus sa poésie (de Viau, Malherbe, Saint-Amant).
En roman français, outre Scarron -mais c'est vrai que c'est plutôt burlesque-, je ne vois pas.
J'ai toujours pensé que Richelieu, Mazarin, Louis XIV, Boileau, les grammairiens de l'époque, les premiers académiciens, ont favorisé le classicisme dans une intention politique. Il s'agissait de mettre au pas l'apparition d'un "je" baroque par trop individualiste et libertin (au sens originel du mot), insuffisamment soumis à la Cour et à l'esprit d' "honnête homme" qui était alors promu (même s'il était diablement hypocrite) dans l'intention d'imposer la "bonne" culture aujourd'hui appelée classique notamment au clergé et à la noblesse, en espérant que le peuple y vienne aussi. Corneille (avec "L'Illusion comique") et Molière ("Don Juan" voir même "Le Misanthrope") ont tenté de refréner l'hégémonie classique en exposant le débat sur scène mais en faisant attention à ne pas trop s'exposer à la police de l'esprit.
Wiki dit : à l'origine, le baroque était un terme péjoratif, relevant de la bizarrerie et de l'étrangeté. Notons que l’adjectif "baroque" apparaît au XVie siècle sous le nom de "berrueco" (en Espagne) et "barroco" (au Portugal) pour désigner, en joaillerie, une perle irrégulière.
- PuckVénérable
Et le dieu de l’Olympe, dans son infini savoir et sa sagesse ursidienne, me dit dans l’oreillette :
Hola ! Malherbe en baroque ?
Boileau traite de fou Saint-Amant dans son AP, mais on connaît son "Enfin Malherbe vint !"
Durant les premiers ans du Parnasse françois
Le caprice tout seul faisoit toutes les lois.
La rime, au bout des mots assemblés sans mesure,
Tenait lieu d’ornemens, de nombre et de césure.
Villon sut le premier dans ces siècles grossiers,
Débrouiller l’art confus de nos vieux romanciers.
Marot bientôt après fit fleurir les ballades,
Tourna des triolets, rima des mascarades,
À des refrains réglés asservit les rondeaux,
Et montra pour rimer des chemins tout nouveaux.
Ronsard, qui le suivit par une autre méthode,
Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode,
Et toutefois longtemps eut un heureux destin.
Mais sa muse, en françois parlant grec et latin,
Vit dans l’âge suivant, par un retour grotesque,
Tomber de ses grands mots le faste pédantesque.
Ce poëte orgueilleux, trébuché de si haut,
Rendit plus retenus Desportes et Bertaut.
Enfin Malherbe vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée.
Les stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber.
Tout reconnut ses lois ; et ce guide fidèle
Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle.
Marchez donc sur ses pas ; aimez sa pureté,
Et de son tour heureux imitez la clarté.
Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre,
Mon esprit aussitôt commence à se détendre,
Et, de vos vains discours prompt à se détacher,
Ne suit point un auteur qu’il faut toujours chercher.
Soyez vif et pressé dans vos narrations ;
Soyez riche et pompeux dans vos descriptions.
C’est là qu’il faut des vers étaler l’élégance.
N’y présentez jamais de basse circonstance.
N’imitez pas ce fou, qui, décrivant les mers
Et peignant au milieu de leurs flots entrouverts
L’Hébreu sauvé du joug de ses injustes maîtres,
Met, pour les voir passer, les poissons aux fenêtres ;
Peint le petit enfant qui « va, saute, revient,
« Et joyeux à sa mère offre un caillou qu’il tient » :
Sur de trop vains objets c’est arrêter la vue.
Donnez à votre ouvrage une juste étendue. […]
Boileau fait ici allusion au texte suivant.
L’abîme, au coup donné, s’ouvre jusqu’aux entrailles ;
De liquides rubis il se fait deux murailles
Dont l’espace nouveau se remplit à l’instant
Par le peuple qui suit le pilier éclatant.
D’un et d’autre côté, ravi d’aise, il se mire ;
De ce fond découvert le sentier il admire,
Sentier que la nature a, d’un soin libéral,
Paré de sablon d’or et d’arbres de coral ,
Qui, plantés tout de rang, forment comme une allée
Étendue au travers d’une riche vallée,
Et d’où l’ambre découle ainsi qu’on vit le miel
Distiller des sapins sous l’heur du jeune ciel.
Là des chameaux chargés la troupe lente et forte
Foule plus de trésors encor qu’elle n’en porte :
On y peut en passant de perles s’enrichir,
Et de la pauvreté pour jamais s’affranchir ;
Là le noble cheval bondit et prend haleine
Où venait de souffler une lourde baleine ;
Là passent à pied sec les bœufs et les moutons
Où naguère nageaient les dauphins et les thons ;
Là l’enfant éveillé, courant sous la licence
Que permet à son âge une libre innocence,
Va, revient, tourne, saute, et, par maints cris joyeux
Témoignant le plaisir que reçoivent ses yeux,
D’un étrange caillou qu’à ses pieds il rencontre,
Fait au premier venu la précieuse montre ,
Ramasse une coquille et, d’aise transporté,
La présente à sa mère avec naïveté ;
Là, quelque juste effroi qui ses pas sollicite,
S’oublie à chaque objet le fidèle exercite ,
Et là, près des remparts que l’œil peut transpercer,
Les poissons ébahis le regardent passer.
SAINT-AMANT, Moïse sauvé (1653), chant VI
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"Ce que nous avons fait, aucune bête au monde ne l'aurait fait.
Mais nous nous en sommes sortis. Et nous voici confrontés à l'ingratitude de la nation. Pourtant, c'était pas ma guerre. C'était pas ma guerre, oh non !"Cripure
- JPhMMDemi-dieu
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- Tem-toGrand sage
Certes, mais (extrait de l'encyclopédie universalis) :
"Malherbe n'est pas pleinement un classique. On serait en droit plutôt de l'appeler baroque puisqu'il partage avec les baroques le goût de l'outrance, la recherche des extrêmes ingéniosités. Pourtant, on aurait tort de le rattacher aux baroques pour les vers qu'il compose après 1605, puisqu'en principe il ne se laissait pas entraîner aux excès, d'ailleurs savoureux, de Laugier de Porchères par exemple.
Ce n'est donc pas par le sens de la mesure ni par la discrétion des moyens qu'il s'est imposé. C'est par un sentiment admirable de l'équilibre des formes et une exigence de netteté poussés à l'extrême. Il construit ses phrases et ses strophes avec une rigueur inconnue avant lui. La combinaison des mètres et des rimes n'est pas pour lui un problème accessoire de l'art poétique, elle n'est pas davantage un jeu gratuit. Elle lui fournit le moyen d'affirmer sa pensée avec plus de force".
Il serait un bon exemple de transition d'un mouvement à un autre pour qui veut absolument opérer des classifications.
"Malherbe n'est pas pleinement un classique. On serait en droit plutôt de l'appeler baroque puisqu'il partage avec les baroques le goût de l'outrance, la recherche des extrêmes ingéniosités. Pourtant, on aurait tort de le rattacher aux baroques pour les vers qu'il compose après 1605, puisqu'en principe il ne se laissait pas entraîner aux excès, d'ailleurs savoureux, de Laugier de Porchères par exemple.
Ce n'est donc pas par le sens de la mesure ni par la discrétion des moyens qu'il s'est imposé. C'est par un sentiment admirable de l'équilibre des formes et une exigence de netteté poussés à l'extrême. Il construit ses phrases et ses strophes avec une rigueur inconnue avant lui. La combinaison des mètres et des rimes n'est pas pour lui un problème accessoire de l'art poétique, elle n'est pas davantage un jeu gratuit. Elle lui fournit le moyen d'affirmer sa pensée avec plus de force".
Il serait un bon exemple de transition d'un mouvement à un autre pour qui veut absolument opérer des classifications.
- PuckVénérable
Vite, une e-collecte pour acheter l’EU à Nicolas !
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Mais nous nous en sommes sortis. Et nous voici confrontés à l'ingratitude de la nation. Pourtant, c'était pas ma guerre. C'était pas ma guerre, oh non !"Cripure
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