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- ClpNiveau 3
Moonchild a écrit:
Tout d'abord, je ne crois pas qu'un cours "à peu près vide de contenu" puisse vraiment donner "matière à enseigner et à faire progresser les élèves", sauf à considérer que l'objectif est de revenir sur des notions antérieures et donc sur un contenu non vide mais qui n'est pas encore maîtrisé.
Concernant l'enseignement de la géométrie il n'est pas seulement plus pauvre qu'auparavant en terme de notions abordées, il l'est aussi dans l'approfondissement des notions qui sont traitées : même si les connaissances de base permettant de résoudre les exercices donnés il y a plusieurs décennies sont toujours au programme du collège, les élèves n'ont pas été assez entraînés à ces exercices pour y répondre avec succès.
Multiplier les notions et chapitres ne fera pas progresser pas la "réflexion" mathématique des élèves si on se contente à chaque fois d'un survol car il ne suffit pas de pratiquer de nombreux raisonnements, encore faut-il que chacun des ces raisonnements ait été suffisamment répété pour laisser une trace durable en mémoire. D'ailleurs ce qu'on appelle un peu pompeusement "le raisonnement mathématique" - tel un maître Jedi invoquant La Force - n'est la plupart du temps qu'une juxtaposition plus ou moins habile de réflexes techniques. Cela se constate par exemple lorsque des profs qui travaillent en lycée depuis longtemps peuvent parfois sécher sur des exercices de géométrie ou trouver avec peine des solutions inutilement alambiquées tandis que leurs collègues du collège les traitent en deux coups de cuillère à pot en employant des notions élémentaires ; a priori les premiers n'ont pas moins d'aptitude à la réflexion que les seconds, ils ont tout simplement perdu l'habitude de travailler sur certaines gammes d'exercices.
Je ne souhaite aucunement que soient "multipliés les notions et les chapitres" si cela gêne leur acquisition. Quant à la géométrie, je partage votre point de vue sur la nécessité d'un entraînement systématique. C'est la raison pour laquelle il me semble qu'un chapitre tel que la trigonométrie en Seconde est l'occasion de revenir de manière plus approfondie sur des notions censées être acquises mais qui ne le sont que superficiellement ; autrement on cautionne incidemment un empilement de notions rapidement abordées, sitôt délaissées.
Moonchild a écrit:
Pour ce qui est de "la question de l'utilité de la formation de l'esprit, et de la capacité des mathématiques à y participer", je crois que nous avons tendance à nous bercer d'illusions sur la portée de notre enseignement ; mais c'est probablement un trait commun à l'ensemble du monde professoral où quasiment tout intervenant est intimement persuadé que sa discipline est d'une importance primordiale et que si elle ne figurait plus dans le tronc commun des formations durant toute la scolarité obligatoire ce serait le début de la fin de la civilisation - j'exagère un peu, mais à peine.
Quand j'observe autour de moi les individus appartenant aux générations situées entre celle de mes parents et la mienne (qui ont donc été scolarisés avant le délitement de l'Education Nationale), force est de constater que le solide enseignement mathématique qu'ils ont reçu au collège (et au lycée pour certains) n'a dans l'ensemble pas fait de miracle en terme de formation de l'esprit ; je ne dis pas qu'il y a aucun effet, mais les effets perceptibles paraissent statistiquement rares.
Un autre élément m'incite à penser que l'insistance sur le rôle des mathématiques dans la formation de l'esprit est une considération générale finalement assez creuse : une idée qui revient aussi souvent sous une forme ou sous une autre dans le verbiage des préambules de programmes actuels et de divers autres textes officiels ne peut qu'être fumeuse (cet argument est certes teinté d'une pincée de mauvaise foi, mais il s'avère redoutablement efficace en pratique pour reconnaître des formules qui sont purement incantatoires).
Comme beaucoup d'autres une telle formule reste purement incantatoire si l'on ne met pas réellement en œuvre (surtout au niveau national) les moyens de son application. (D'ailleurs une partie des idées des préambules des programmes relève du simple bon sens, comme le lien naturel qui unit les mathématiques et la physique ; seulement cette idée est proférée avec vigueur au moment même où l'on s'attache à détruire ce qui reste de ce lien.)
Je ne pense pas me bercer d'illusions sur la portée de notre enseignement ; peu m'importerait que l'enseignement généraliste de la Seconde se concentre sur le latin ou le grec ou sur les mathématiques — mais il faut bien qu'il y ait quelque chose à enseigner, n'est-ce pas ? Or si chacun tient le raisonnement que vous exposez, parce qu'il faut que ce soit généraliste — il n'y aura plus rien !
Moonchild a écrit:
Pour finir, je dirais que la pertinence de la classe de Seconde indifférenciée n'est plus à discuter ; tout démontre qu'en mathématiques c'est une catastrophe. Dans un lycée comme le mien, le compromis qui incombe au professeur ne peut accorder qu'une toute petite place aux bons élèves car les autres - la très grande majorité - ne sont pas du tout disposés à assister paisiblement à des cours dont le niveau dépasse leur capacité de compréhension désormais très limitée. Le compromis consiste donc à choisir la façon dont seront sacrifiés les bons élèves : en n'abordant que superficiellement les notions délicates ou en les traitant plus en profondeur dans un chaos généralisé.
Pourquoi accepter le chaos ?
Et s'il y a des élèves qui ne peuvent acquérir le niveau minimal que représentent les programmes, par manque de travail antérieur ou incapacité réelle, ne méritent-ils pas d'être détrompés dès maintenant, plutôt que de laisser s'accumuler année après année des lacunes dont ils ne prendront réellement la mesure qu'à l'entrée dans le supérieur, si ce n'est plus tard, — trop tard ?
- MoonchildSage
Anaxagore a écrit:Et qu'elle serait la matière dans laquelle on pourrait apprendre à raisonner plus facilement qu'en mathématiques? Sur des concepts plus élémentaires?
La plupart de mes collègues de lettres, d'histoire-géo, de SVT et de physique considèrent fièrement qu'ils apprennent à leurs élèves à raisonner ; ils seraient très vexés si je leur disais le contraire. Parmi eux, certains admettent avoir décroché en maths quelque part entre la cinquième et la première (plutôt dans le pôle lettres-histoire, c'est assez rare en physique), d'autres ne reconnaissent pas la spécificité du raisonnement mathématique et affirment que quand on sait raisonner dans une discipline, alors on sait le faire dans toutes les autres (un collègue d'histoire m'avait dit que pour lui les raisonnements en maths et dans sa discipline étaient très similaires, étrangement ce genre de réflexion n'est pas rare en SVT malgré un cursus censé contenir un peu plus de maths, mais bon j'ai aussi entendu ce genre de chose de la part d'un collègue de maths alors...). Cela fait finalement déjà pas mal de monde qui semble assez étranger au raisonnement hypothético-déductif et qui pourtant a achevé des études supérieures et exerce une profession qualifiée d'intellectuelle ; visiblement la pratique de cette forme de raisonnement qui constitue presque une exclusivité des mathématiques et de certaines branches de la philosophie n'est pas une condition sine qua non pour savoir "raisonner" au sens large.
Pèp a écrit:Je ne voudrais pas faire l'oiseau de mauvaise augure, mais le concept d'"utilité" a donné le collège actuel et les épreuves horriblement terre à terre du DNB. Le fait que l'enseignement des maths après la seconde soit une spécialité pour le lycée général, et qu'on va y mélanger tous les profils d'élèves me fait craindre pour la géométrie, pas "utile"...au revoir trigonométrie, produit scalaire...bonjour probabilités, suites, analyse numérique et statistiques...surtout avec 4h/semaine.
J'espère me tromper...
Mais ici le sens donné à l'utilité n'est pas celui que j'évoquais dans mon message précédent, elle n'a pas été considérée en terme de construction de parcours scolaires cohérents car, en fait, ce qui a prévalu ce sont les impératifs budgétaire et idéologique : d'une part la réduction des coûts et d'autre part l'instauration du tronc/socle commun dont on ne pouvait pas exclure totalement les maths, obligeant alors à sans cesse justifier leur présence en insistant lourdement sur une "utilité" immédiatement perceptible par tous, ce qui a conduit à la dénaturation de la discipline qui se manifeste en particulier dans les absurdes problèmes pseudo-concrets des examens actuels.
Si on pense l'utilité en tant que cohérence des parcours scolaires, alors l'enseignement des maths devrait être différencié au plus tard en seconde : l'extrême hétérogénéité des classes actuelles impose de viser un niveau qui est au mieux moyen et qui ne permet pas de préparer les meilleurs élèves aux études scientifiques tandis que, de l'autre côté, il est totalement vain de s'échiner à parler de vecteurs ou de cercle trigonométrique à des élèves qui ont complètement décroché en maths entre la cinquième et la troisième et qui, fort probablement, n'auront jamais le moindre besoin de recourir à ces notions dans la suite de leur vie (bien sûr, on peut dans ce cas argumenter de la beauté du geste qui consiste à essayer malgré tout de leur enseigner de telles notions, mais cela mobilise beaucoup d'énergie et provoque trop de dommages collatéraux pour un bénéfice quasi-nul).
Clp a écrit:Je ne souhaite aucunement que soient "multipliés les notions et les chapitres" si cela gêne leur acquisition. Quant à la géométrie, je partage votre point de vue sur la nécessité d'un entraînement systématique. C'est la raison pour laquelle il me semble qu'un chapitre tel que la trigonométrie en Seconde est l'occasion de revenir de manière plus approfondie sur des notions censées être acquises mais qui ne le sont que superficiellement ; autrement on cautionne incidemment un empilement de notions rapidement abordées, sitôt délaissées.
Oui, mais quand le temps manque et que les bases du calcul ne sont pas du tout maîtrisées (y compris maintenant par les bons élèves), il faut bien définir des priorités. Dans ce contexte je perçois la trigonométrie comme la cerise sur le gâteau ; je m'occupe d'abord du gâteau.
Clp a écrit:Je ne pense pas me bercer d'illusions sur la portée de notre enseignement ; peu m'importerait que l'enseignement généraliste de la Seconde se concentre sur le latin ou le grec ou sur les mathématiques — mais il faut bien qu'il y ait quelque chose à enseigner, n'est-ce pas ? Or si chacun tient le raisonnement que vous exposez, parce qu'il faut que ce soit généraliste — il n'y aura plus rien !
Là encore le problème provient surtout de l'idéologie qui impose que cet enseignement généraliste soit un enseignement indifférencié (et aussi du fait que certains élèves n'ont pas les prérequis pour une seconde générale et n'auraient pas dû y être envoyés).
Clp a écrit:Moonchild a écrit:
Pour finir, je dirais que la pertinence de la classe de Seconde indifférenciée n'est plus à discuter ; tout démontre qu'en mathématiques c'est une catastrophe. Dans un lycée comme le mien, le compromis qui incombe au professeur ne peut accorder qu'une toute petite place aux bons élèves car les autres - la très grande majorité - ne sont pas du tout disposés à assister paisiblement à des cours dont le niveau dépasse leur capacité de compréhension désormais très limitée. Le compromis consiste donc à choisir la façon dont seront sacrifiés les bons élèves : en n'abordant que superficiellement les notions délicates ou en les traitant plus en profondeur dans un chaos généralisé.
Pourquoi accepter le chaos ?
Et s'il y a des élèves qui ne peuvent acquérir le niveau minimal que représentent les programmes, par manque de travail antérieur ou incapacité réelle, ne méritent-ils pas d'être détrompés dès maintenant, plutôt que de laisser s'accumuler année après année des lacunes dont ils ne prendront réellement la mesure qu'à l'entrée dans le supérieur, si ce n'est plus tard, — trop tard ?
Le problème n'est pas de détromper ces élèves, ça j'y arrive parfaitement sans la moindre difficulté et sans doute un peu trop efficacement. Le problème est que ces élèves nouvellement détrompés rejoignent les rangs de ceux qui en début d'année étaient entrés ici en ayant déjà abandonné tout espoir et que l'ensemble forme un groupe généralement majoritaire dont la présence en cours de maths n'a plus vraiment de sens ; compte tenu du public auquel j'ai affaire, il faut raisonnablement s'attendre à ce qu'une proportion non négligeable de ces élèves refuse d'attendre docilement que les heures de cours se déroulent sans elle. Dans certaines classes de mon lycée (et plus de la moitié des classes de seconde), le chaos n'est pas quelque chose qu'on accepte ou pas, on y est confronté sans avoir la main ; quand il se produit, on peut tout au plus développer des stratégies pour essayer de le limiter...
- AnaxagoreGuide spirituel
@Moonchild
À d'autres. :lol:
Savoir mener quelques raisonnements ce n'est pas en dégager la carcasse logique formelle et en avoir pleinement conscience, ce n'est pas avoir une rigueur formaliste. Quand je vois le nombre de gens qui commettent des fautes de logique, et tu le sais très bien, ce n'est pas un luxe de travailler cela avec précision et durablement en mathématiques...et c'est d'autant moins facile et moins clair dans les esprits avec des objets plus exotiques.
À d'autres. :lol:
Savoir mener quelques raisonnements ce n'est pas en dégager la carcasse logique formelle et en avoir pleinement conscience, ce n'est pas avoir une rigueur formaliste. Quand je vois le nombre de gens qui commettent des fautes de logique, et tu le sais très bien, ce n'est pas un luxe de travailler cela avec précision et durablement en mathématiques...et c'est d'autant moins facile et moins clair dans les esprits avec des objets plus exotiques.
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"De même que notre esprit devient plus fort grâce à la communication avec les esprits vigoureux et raisonnables, de même on ne peut pas dire combien il s'abâtardit par le commerce continuel et la fréquentation que nous avons des esprits bas et maladifs." Montaigne
"Woland fit un signe de la main, et Jérusalem s'éteignit."
"On déclame contre les passions sans songer que c'est à leur flambeau que la philosophie allume le sien." Sade
- MoonchildSage
Anaxagore a écrit:@Moonchild
À d'autres. :lol:
Savoir mener quelques raisonnements ce n'est pas en dégager la carcasse logique formelle et en avoir pleinement conscience, ce n'est pas avoir une rigueur formaliste. Quand je vois le nombre de gens qui commettent des fautes de logique, et tu le sais très bien, ce n'est pas un luxe de travailler cela avec précision et durablement en mathématiques...et c'est d'autant moins facile et moins clair dans les esprits avec des objets plus exotiques.
Oui, mais il faut rester plus que modeste et savoir reconnaître que, sur ce plan, l'efficacité est très loin d'être la norme ; et on ne peut même pas imputer cet échec au délitement actuel de l'enseignement des mathématiques comme en témoigne les piètres prestations en la matière des générations qui ont pourtant connu l'âge d'or de l'Ecole française (je pense aussi à une intervenante de ce forum qui vante régulièrement l'excellence de la formation mathématique qu'elle a reçue dans son pays d'origine mais qui, malgré cela, peinait récemment à rédiger une démonstration d'arithmétique plutôt simple).
En pratique, il n'est déjà pas évident que toute une classe d'âge arrivera à suffisamment maîtriser les outils mathématiques élémentaires au point de les manipuler pour résoudre des exercices simples ; parmi ceux qui y parviendront, tous n'atteindront pas une rigueur formaliste suffisante pour qu'on puisse la qualifier de "raisonnement mathématique" au sens noble du terme ; et finalement, parmi ceux qui maîtrisent cette logique disciplinaire, quelle proportion sera en mesure de la transposer à d'autres domaines que les mathématiques ? Je crains qu'à l'arrivée cela ne fasse que bien peu de monde.
Je ne dis pas qu'il faut entièrement abandonner l'idée, cependant je suis toujours embarrassé lorsque qu'elle est placée au premier plan de nos arguments, lorsqu'on nous fait porter en étendard de notre discipline un objectif certes prestigieux et ambitieux mais dont on peut prévoir par avance que nous échouerons massivement à le remplir. Au mieux j'ai le sentiment qu'il y a tromperie sur la marchandise car nous promettons des effets vertueux qui ne se produiront que par exception, au pire le constat d'échec qui s'en suit contribue à terme à la perte de sens de notre profession et nous décrédibilise.
Sans tomber dans l'optique utilitariste à courte vue - et souvent artificielle - qui prévaut actuellement, je pense qu'on gagnerait à envisager l'enseignement des mathématiques sous l'angle plus prosaïque des connaissances nécessaires à la construction de parcours scolaires cohérents, quitte à accepter de lâcher la grappe un peu plus tôt aux élèves qui n'en peuvent plus de nous subir afin de mieux pouvoir nous consacrer à ceux qui auront besoin d'une formation en mathématiques sous une forme ou sous une autre.
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