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Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité" Empty Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité"

par Parménide Mer 24 Jan 2018 - 14:48
"Dans le recueil la France, année 1797, sixième partie n° 1 : des réactions politiques, par Benjamin Constant, on lit ce qui suit, p. 123 :

« Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris d’une manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences directes qu’a tirées de ce premier principe un philosophe allemand, qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime.»

Le philosophe français réfute ce principe de la manière suivante, p. 124. Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui.

Le πρῶτον ψεῦδος gît ici dans cette proposition : dire la vérité n’est un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité.

Remarquons d’abord que l’expression : avoir droit à la vérité, n’a pas de sens. Il faut dire plutôt que l’homme a droit à sa propre véracité (veracitas), c’est-à-dire à la vérité subjective dans sa personne. Car avoir objectivement droit à une vérité, signifierait qu’il dépend de notre volonté, comme en général en matière de mien et de tien, de faire qu’une proposition donnée soit vraie ou fausse, ce qui produirait une singulière logique."

Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité".

Bonjour à tous Smile

Cela fait plusieurs jours que j'essaie vainement de percer le sens du paragraphe que j'ai mis en gras...

Kant dit que l'homme a droit à sa vérité subjective dans sa personne... Mais que diable cela veut il dire? Qu'il a droit à ce qu'il estime devoir tenir pour vrai? Qu'il est en droit d'exiger le respect pour sa propre subjectivité (donc individualité)?  

De plus: en quoi le fait d’avoir objectivement droit à la vérité impliquerait que le vrai ou le faux dépendrait de nous? Ce n'est pas parce que j'ai un droit objectif à la vérité que je peux modifier le réel à ma guise...

Dernière chose : "le mien et le tien". Kant fait je pense ici allusion à la notion de propriété. Mais ... par définition ce n'est pas ma volonté qui va faire que je vais devenir propriétaire du bien d'autrui!

Je ne sais pas trop ce qu'il se passe dans ce fameux paragraphe... ça ne m'étonnerait pas du tout qu'il y ait un gros problème de traduction!

Merci de votre attention Smile

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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)

"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)

"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)

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Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité" Empty Re: Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité"

par Paul Dedalus Jeu 25 Jan 2018 - 15:17
La vérité (objective) est hors de nous , elle ne dépend pas de notre volonté, nous n'y avons donc pas "droit".
Exemple : tu n'as pas le droit de savoir que 2+2 = 4.  
Car cela ne dépend pas de ta volonté propre ni de ton refus de le savoir. C'est de facto.

Kant distingue donc vérité de véracité et cette distinction est structurante puisque toute son argumentation s'appuie dessus et recoupe la séparation entre vérité subjective et objective. A savoir que la vérité objective ne relève pas de l'appropriation.
Tu as le droit à la véracité : à être vrai. Tu en as même le devoir selon Kant : impératif catégorique = ne pas mentir. « Un principe reconnu vrai ne doit donc jamais être abandonné, quels que soient ses dangers apparents. »

Mais que tu le veuilles ou non, la vérité objective de la proposition existe sans ta véracité. Elle en est même totalement indépendante et immuable. Ce n'est pas une question de droit.
C'est donc la véracité (et l'effort qui l'accompagne) qui permet d'obtenir la vérité et non un droit.

Kant se place hors du domaine du juridique pour soutenir ceci sachant que ce qu'il soutient dans ce texte est assez indéfendable...
A savoir : on ne doit jamais mentir quel que soit le motif.

Personnellement je ne trouve pas ce texte pertinent. C'est souvent celui qui est à l'origine du "rigorisme kantien".


Dernière édition par Paul Dedalus le Jeu 25 Jan 2018 - 22:16, édité 3 fois

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Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité" Empty Re: Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité"

par Parménide Jeu 25 Jan 2018 - 16:38
Une vérité a beau être objective et hors de nous, est ce que ça exclut de façon absolue un droit à cette vérité?

Si la réponse est oui, ça me parait vraiment bizarre...

On dit souvent par exemple, mais ce serait apparemment un abus de langage : "les victimes ont droit à la vérité!"  

Si je suis victime d'un vol, que je connais le coupable, et qu'il s'enferre dans le mensonge, n'ai-je pas un droit objectif à la vérité? En plus d'un droit subjectif?

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Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité" Empty Re: Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité"

par Paul Dedalus Jeu 25 Jan 2018 - 17:51
Justement, je t'ai répondu que Kant se plaçait hors de toute sensibilité et ne faisait pas droit aux cas particuliers.

Rigorisme qui trouve ici écho dans le stoïcisme, je crois.

Le droit à la vérité d'une victime n'a en effet pas de sens du point de vue kantien car c'est un droit dont l'objet est potentiellement incertain. Ce à quoi une personne a droit c'est d'etre vraie elle-même et non d'avoir une vérité comme une chose qu'on peut faire sienne selon sa volonté propre.

La vérité est indépendante de nos désirs. Kant la considère froidement et préconise l'intégrité.

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par Parménide Jeu 25 Jan 2018 - 18:34
Donc être vrai (honnête) et désirer la vérité sont une même chose?

Je ne vois pas en quoi posséder une vérité ferait qu'on pourrait la modifier: je possède la vérité selon laquelle 2+2=4, et ça ne changera jamais rien à cette vérité mathématique.

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par Paul Dedalus Jeu 25 Jan 2018 - 22:00
Parménide a écrit:Donc être vrai (honnête) et désirer la vérité sont une même chose?  

Justement, non. La distinction porte sur ça. Il n'est pas question de désir lorsque l'on est vrai.

Parménide a écrit:Je ne vois pas en quoi posséder une vérité ferait qu'on pourrait la modifier: je possède la vérité selon laquelle 2+2=4, et ça ne changera jamais rien à cette vérité mathématique.

La possession n'est pas vraiment la question ici. Il s'agit surtout de comprendre que la vérité ne relève pas d'un désir et ne se modifie certainement pas par celui-ci.

Enfin bon, pourquoi te tordre les méninges sur un texte spécieux et en lui-même très problématique au lieu de le synthétiser rapidement avec les repères de classe de terminale et lire des choses que tu comprends et qui te font vibrer à la place?
Éventuellement pour t'opposer à Kant et le comprendre par comparaison avec d'autres auteurs.
Surtout que CE texte en particulier a été beaucoup critiqué dans l'histoire de la philosophie.

Je ne comprendrais jamais cette façon de faire de la philo/préparer les concours (si c'est toujours à l'ordre du jour) en ne rattachant jamais rien à rien.

Peut-être que des kantiens te feront des réponses plus intéressantes (notamment avec la terminologie allemande peut-être) mais il serait plus intéressant de mettre ce texte en dialogue avec d'autres auteurs. Nietzsche par exemple. Augustin aussi, duquel il est proche. Il ne faut jamais mentir parce que priver de vérité c'est se priver de vérité (cf livre X des Confessions : ceux qui ne se dévoilent pas à la face de Dieu seront dévoilés sans qu'ils le veuillent et la vérité restera pour eux voilée).

A chaque fois tu t'arrêtes sur des problèmes de compréhension et je trouve ça démotivant au possible comme manière de faire.
D'autant plus que pour enseigner il faut vraiment aller à l'essentiel.

Tu parleras peut-être de ce texte dans un cours interrogeant le lien entre la morale et dire la vérité et il te servira de pierre de touche puisque Kant ne déroge pas à l'idée qu'il ne faut jamais mentir quelle que soit la situation.
Quelle conception de la vérité permet de soutenir un tel précepte?
Pourquoi cela peut paraître scandaleux?
Dans quels cas peut-on ne pas dire la vérité?

Dans certains cas mentir n'est-ce pas être vrai? (CF : Benjamin Constant)

Au risque de paraître un peu romantique, faire de la philo, c'est maintenir un élan vital.
Toi tu ne fais que  court-circuiter cet élan par des problèmes sans fin qui doivent t'épuiser pour pas grand chose...

Je ne fais pas ces remarques pour être désagréable mais parce que je vois ce genre de posts de ta part de manière récurrente dans lesquels tu t'enlises dans des questions inutiles.

Après mon intervention est aussi subjective et peut-être que certains aiment procéder de la sorte.
Personnellement je préfère avoir une vue synoptique et partir de ce qui me fait vibrer.

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par User17706 Jeu 25 Jan 2018 - 22:05
Pas le temps d'expliquer ce bout de passage qui effectivement peut paraître curieux, mais je ne pense pas qu'il y ait de problème de traduction à chercher. Enfin vous pouvez vérifier sur https://korpora.zim.uni-duisburg-essen.de/kant/aa08/426.html mais je doute que vous trouviez grand'chose d'important à reprendre.

Juste une remarque, qui relève plutôt de la langue française (ou allemande ou latine) que de la philosophie : la « véracité », c'est la vertu du vérace (antonyme : trompeur). Les propositions sont vraies (ou non), les personnes sont véraces (ou non).
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par Paul Dedalus Jeu 25 Jan 2018 - 22:14
Oui alors deux terrains indépendants en matière de vérité : la logique et la morale.

Un article sur la question : https://www.cairn.info/revue-etudes-2004-2-page-189.htm

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par Parménide Ven 26 Jan 2018 - 10:03
Paul:

J'ai lu et relu la conversation jusqu'à 1h du matin, je ne parviens toujours pas à comprendre ce que j'ai mis en gras... Venant de quelqu’un qui avoisine les 140 de QI verbal, c'est tout à fait inexplicable. Et l'extrait en question figure dans un manuel du secondaire...

A dire vrai, je doute que le jury, à l'oral comme à l'écrit se contente du fait que le candidat fasse une synthèse rapide du texte, (surtout en explication de texte) ...

ça tu peux le dire que je m'épuise... Je ne supporte pas de ne pas comprendre, de passer à côté. Cela dit j'ai adopté suite aux conseils donnés ici une vision plus synoptique comme tu dis, lisant effectivement en priorité ce qui me plait. Mais je n'ai pas encore réussi à être efficace. C'est monstrueux à dire mais en un an j'ai lu cinq fois les méditations métaphasiques, trois fois la république , et trois fois la physique... Et je ne me sens pas plus savant par rapport à ces œuvres qu'un étudiant de L1. Je n'ai pas encore eu le déclic pour filtrer efficacement le contenu, alors j'attends. Je crains constamment par exemple de sous-utiliser une référence et qu'on me reproche de l'expédier superficiellement en trois lignes... J'ai cru à un moment donné que le fait de lire des œuvres intégrales m'apprendrait la manière de les lire et d'en retirer l'essentiel, je m'aperçois que c'est absolument faux, du moins dans mon cas, et qu'une fois le livre refermé, c'est comme si je n'avais rien lu, ou presque!  

EDIT: le plus frustrant dans l'affaire c'est que les entrainements écrits que j'ai faits au cours des derniers moi valaient entre 8 et 12... Mais j'ai toujours ces problèmes de type "logistique" par rapport à ce que je lis.

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par Parménide Dim 28 Jan 2018 - 15:50
Parménide a écrit:

"Remarquons d’abord que l’expression : avoir droit à la vérité, n’a pas de sens. Il faut dire plutôt que l’homme a droit à sa propre véracité (veracitas), c’est-à-dire à la vérité subjective dans sa personne. Car avoir objectivement droit à une vérité, signifierait qu’il dépend de notre volonté, comme en général en matière de mien et de tien, de faire qu’une proposition donnée soit vraie ou fausse, ce qui produirait une singulière logique."


Est ce que le fait d'avoir objectivement droit à la vérité ne serait pas à concevoir comme un droit (impossible comme nous le savons) à la chose en soi?

EDIT :

Parménide a écrit:Il faut dire plutôt que l’homme a droit à sa propre véracité (veracitas), c’est-à-dire à la vérité subjective dans sa personne."

Effectivement, l'article dont tu donnes le lien explique ce qu'est cette véracité subjective : l’obligation de toujours dire ce que l’on pense sincèrement être vrai.

Mais je me demande pourquoi Kant n'est pas plus explicite dans son propre texte...

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par User17706 Mar 30 Jan 2018 - 14:21
Il faut hiérarchiser. Passer du temps pour comprendre quelque chose d'important, c'est une bonne idée. En passer à comprendre quelque chose qui n'est pas important, ce n'est pas une bonne idée.

En l'occurrence, dans le paragraphe qui te donne des sueurs froides, Kant fait une remarque qui vise simplement la formulation employée par Constant, disant en substance qu'il eût fallu s'exprimer autrement. Il explique que l'expression « droit à la vérité », prise littéralement, ne devrait pas vouloir dire ce que Constant lui fait dire, mais autre chose qui n'a guère de sens non plus.

Du coup, c'est une simple remarque relative à la formulation, où il ne faut pas chercher de profondeurs particulières. En conséquence, si elle te pose problème, tu peux passer ton chemin sans dommage. Fort heureusement Kant discute l'objection de Constant quant au fond (un peu plus bas dans sa réponse), et ne se limite pas à retoquer telle ou telle formulation.

Après, si vraiment on veut décortiquer jusqu'au bout cette remarque vitement faite par Kant, voici ce que je dirais : Constant dit que certains (et pas d'autres) ont « droit à la vérité ». On comprend bien dans le contexte que ça veut dire : j'ai (ou je n'ai pas) le droit que tu me dises ce que tu crois être la vérité (sur un point donné), autrement dit je puis légitimement exiger (ou je ne le puis pas) que tu me répondes avec sincérité (sur un point donné). On va supposer que ce « droit » est relatif à une question donnée : on imagine que selon Constant, je puis exiger que Machin ou Machine réponde à certaines de mes questions, mais pas à toutes. Donc, Kant saute sur l'emploi du terme « vérité » plutôt que de « véracité » pour pointer un léger manque de rigueur ici : en parlant d'une proposition donnée, je n'ai pas droit à ce qu'elle soit vraie (ça ne dépend absolument pas de l'arbitre humain, ni individuel ni collectif --- d'où la comparaison avec la propriété, qui, elle, en dépend), j'aurais tout au plus droit, si j'avais ici un droit, à ce qu'elle m'ait été donnée comme réponse avec sincérité ou véracité. Ensuite, comme Kant n'admet pas ce « droit » (et n'admet généralement pas qu'un devoir soit systématiquement corollaire d'un droit), bref comme il refuse l'idée d'un droit que je pourrais avoir sur la véracité d'autrui, il parle, de façon certes surprenante, d'un droit à ma propre véracité, idée qu'il juge à tout prendre moins absurde, dans la mesure où, s'agissant de soi-même, on accepte plus volontiers que le droit (que Kant en l'espèce n'admet pas) et le devoir (qu'il soutient) coïncident. Bref : on n'a pas droit à la vérité de toute façon, et si l'on avait droit à la véracité, ce serait tout au plus la sienne propre : je ne puis exiger d'autrui la véracité comme une créance qui me serait personnellement due (elle est en revanche impersonnellement exigible, au sens où selon K. toujours le mensonge est inconditionnellement exclu), mais je peux l'exiger de moi-même au sens où je me dois à moi-même d'accomplir mon devoir. D'où l'expression un peu étrange d'un « droit à sa propre véracité », qui n'est de la part de Kant qu'une façon de faire une toute petite place précaire au terme de « droit » dans un contexte où il juge de toute façon que le seul concept approprié est celui de « devoir ».
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par Parménide Mar 30 Jan 2018 - 15:04
PauvreYorick a écrit:

Il explique que l'expression « droit à la vérité », prise littéralement, ne devrait pas vouloir dire ce que Constant lui fait dire, mais autre chose qui n'a guère de sens non plus.

Je n'ai pas perçu, mais c'est sans doute car je n'ai pas su lire le texte - ou qu'il me manque beaucoup de contenu sur Kant... - qu'il était question d'un double sens de l'idée de "droit à la vérité"...

PauvreYorick a écrit:
en parlant d'une proposition donnée, je n'ai pas droit à ce qu'elle soit vraie (ça ne dépend absolument pas de l'arbitre humain, ni individuel ni collectif --- d'où la comparaison avec la propriété, qui, elle, en dépend), j'aurais tout au plus droit, si j'avais ici un droit, à ce qu'elle m'ait été donnée comme réponse avec sincérité ou véracité.

La propriété dépend de l'arbitre? Pourtant si je ramasse dans la rue un objet de valeur appartenant à autrui et que je le garde, je n'en suis pas, de facto, propriétaire... Mon libre arbitre fait qu'il y a récupération et non appropriation. La seconde est de toute façon impossible puisque l'objet appartient à autrui.

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par User17706 Mar 30 Jan 2018 - 15:13
Parménide a écrit:
PauvreYorick a écrit:

Il explique que l'expression « droit à la vérité », prise littéralement, ne devrait pas vouloir dire ce que Constant lui fait dire, mais autre chose qui n'a guère de sens non plus.

Je n'ai pas perçu, mais c'est sans doute car je n'ai pas su lire le texte - ou qu'il me manque beaucoup de contenu sur Kant... - qu'il était question d'un double sens de l'idée de "droit à la vérité"...

C'est une question de lecture du texte plutôt qu'une question de connaissances sur Kant, ça. Le texte ne laisse pas de doute sur le fait qu'on a affaire, de la part de Kant, à une remarque (on pourrait dire méchamment à du pinaillage) sur la formulation choisie.

Parménide a écrit:
PauvreYorick a écrit:
en parlant d'une proposition donnée, je n'ai pas droit à ce qu'elle soit vraie (ça ne dépend absolument pas de l'arbitre humain, ni individuel ni collectif --- d'où la comparaison avec la propriété, qui, elle, en dépend), j'aurais tout au plus droit, si j'avais ici un droit, à ce qu'elle m'ait été donnée comme réponse avec sincérité ou véracité.      

La propriété dépend de l'arbitre? Pourtant si je ramasse dans la rue un objet de valeur appartenant à autrui et que je le garde, je n'en suis pas, de facto, propriétaire... Mon libre arbitre fait qu'il y a récupération et non appropriation. La seconde est de toute façon impossible puisque l'objet appartient à autrui.

Voir le mot souligné.
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par Parménide Mar 30 Jan 2018 - 15:34
PauvreYorick a écrit:
Parménide a écrit:
PauvreYorick a écrit:
en parlant d'une proposition donnée, je n'ai pas droit à ce qu'elle soit vraie (ça ne dépend absolument pas de l'arbitre humain, ni individuel ni collectif --- d'où la comparaison avec la propriété, qui, elle, en dépend), j'aurais tout au plus droit, si j'avais ici un droit, à ce qu'elle m'ait été donnée comme réponse avec sincérité ou véracité.      

La propriété dépend de l'arbitre? Pourtant si je ramasse dans la rue un objet de valeur appartenant à autrui et que je le garde, je n'en suis pas, de facto, propriétaire... Mon libre arbitre fait qu'il y a récupération et non appropriation. La seconde est de toute façon impossible puisque l'objet appartient à autrui.

Voir le mot souligné.

Kant veut donc dire que la propriété individuelle dépend en réalité, en amont, d'une décision collective? Ce qui ne serait, je suppose, que l'expression de la théorie du contrat social... C'est ça?

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par User17706 Mar 30 Jan 2018 - 15:43
Il ne s'agit pas de Kant, enfin pas spécifiquement. Il n'y a pas tant de monde que ça qui estime que la propriété est directement quelque chose de naturel. Généralement on la tient pour quelque chose de conventionnel, au moins en partie.

La théorie « standard » consiste à remarquer que les hommes répartissent conventionnellement entre eux la propriété. Et que le seul passage de la simple possession à la propriété au sens strict suppose un ordre juridique des choses et par conséquent des conventions, quoi qu'il puisse y avoir dans la nature qui y prépare. Pour soutenir cette thèse il n'est pas besoin de beaucoup plus de justification que le fait, que chacun peut remarquer, que le droit de propriété est réglé par des lois positives.

Il y a une théorie kantienne du droit privé, mais il n'est pas utile d'entrer dans ses subtilités pour expliquer cette remarque latérale et de peu d'importance. Ce serait mobiliser toute une compagnie de chars d'assaut pour venir à bout d'un moustique.

Autrement dit et pour être tout à fait clair, à l'échelle de cette parenthèse contenue dans cette toute petite remarque de ce petit texte, il n'y a pas à traiter le rappel latéral du caractère conventionnel de la propriété autrement que comme une évidence à laquelle Kant se contente de renvoyer.
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par Parménide Mar 30 Jan 2018 - 16:04
PauvreYorick a écrit:

Autrement dit et pour être tout à fait clair, à l'échelle de cette toute petite remarque de ce petit texte, il n'y a pas à traiter le rappel latéral du caractère conventionnel de la propriété autrement que comme une évidence à laquelle on se contente de renvoyer.

Et oui, mais le problème est que j'aurais pu passer deux siècles sur :

Parménide a écrit:
"(...) droit à une vérité, signifierait qu’il dépend de notre volonté, comme en général en matière de mien et de tien, de faire qu’une proposition donnée soit vraie ou fausse, ce qui produirait une singulière logique."
, sans voir ce qui était en arrière-plan, à savoir les thèmes de propriété, de convention, etc... Là pour le coup, je pense que c'est le manque de connaissances kantiennes chez moi qui est en jeu.

Parce que que je me suis dit pendant des heures: "Bon sang comment peut-il considérer que la propriété dépend du libre-arbitre?!?!" Et je me suis même remémoré ce fameux passage de Rousseau où il est bien dit qu'entrer en possession n'est pas véritablement posséder.

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"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)

"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)

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Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité" Empty Re: Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité"

par User17706 Mar 30 Jan 2018 - 21:38
Parménide a écrit: Là pour le coup, je pense que c'est le manque de connaissances kantiennes chez moi qui est en jeu.

Non non. Connaissances éventuellement (et encore, je ne sais pas), mais spécifiquement kantiennes, non. Par exemple le texte de Rousseau auquel tu fais allusion suffit normalement à faire la distinction dont on parle. Comme bon nombre de références en philosophie politique : il va de soi que lorsqu'on parle du caractère conventionnel d'une institution humaine (que ce soit la propriété, tel régime politique, le mariage, une langue dite « naturelle » comme par exemple le français, etc., etc.), on n'a pas en vue un arbitraire individuel. Or ce sont des choses dont on peut dire que « tout le monde » (avec les exceptions de rigueur évidemment, mais elles sont somme toute bien rares), chez les philosophes comme ailleurs, les considère comme conventionnelles.


Dernière édition par PauvreYorick le Sam 3 Fév 2018 - 22:57, édité 1 fois
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par Parménide Mar 30 Jan 2018 - 23:34
Donc j'aurais dû théoriquement comprendre sans notre discussion que lorsque Kant dit que "le tien et le mien" dépendent de la volonté, il veut dire que la propriété dépend d'une volonté collective... À aucun moment je n'ai soupçonné ça...

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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)

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Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité" Empty Re: Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité"

par Paul Dedalus Sam 3 Fév 2018 - 22:37
Ce passage synthétise l'essentiel de la proposition énigmatique "droit à la vérité".


"L’expression « avoir droit à la vérité » est dépourvue de sens. Il faut dire plutôt qu’un homme a droit à sa propre véracité, c’est-à-dire à la vérité subjective dans sa personne […]. La véracité dans les déclarations qu’on ne peut éluder est le devoir formel de l’homme envers chacun, si grave que soit le préjudice qui puisse en résulter pour lui […] ; je commets une injustice certaine à l’endroit de la partie la plus essentielle du devoir en général par une telle falsification, qui, de ce fait, peut également être appelée mensonge […], c’est-à-dire que je fais, autant qu’il dépend de moi, que des déclarations de façon générale ne trouvent aucune créance et que, par suite aussi, tous les droits qui sont fondés sur des contrats deviennent caducs et perdent vigueur, ce qui est une injustice commise à l’égard de l’humanité en général. Ainsi, il suit de définir le mensonge une déclaration intentionnellement fausse, et point n’est besoin d’ajouter cette clause qu’il faut qu’elle nuise à autrui, que les juristes exigent pour leur définition. Car il nuit toujours à autrui : même si ce n’est pas à un autre homme, c’est à l’humanité en général, puisqu’il disqualifie la source du droit.

Mais ce mensonge par bonté d’âme [que défend Constant] peut même par accident tomber sous le coup des lois civiles […]. C’est ainsi que, si tu as, par un mensonge, empêché d’agir quelqu’un qui s’apprêtait à commettre un meurtre, tu es juridiquement responsable de toutes les conséquences qui pourraient en découler. Mais si tu t’en es tenu à la stricte vérité, la justice publique ne peut s’en prendre à toi, quelles que puissent être les conséquences imprévues qui s’ensuivent. Il est cependant possible que, après que tu as loyalement répondu par l’affirmative au meunier qui te demandait si celui à qui il en voulait était dans ta maison, ce dernier en soit sorti sans qu’on le remarque et ait ainsi échappé au meunier, et qu’ainsi le forfait n’ait pas eu lieu ; mais si tu as menti et dit qu’il n’était pas à la maison, et que de fait il soit réellement sorti (encore que tu ne le saches pas), supposé que le meurtrier le rencontre lors de sa sortie et perpètre son acte, c’est à bon droit qu’on peut t’accuser d’être à l’origine de sa mort. Car si tu avais dit la vérité exactement comme tu la savais, peut-être le meunier, cherchant son ennemi dans la maison, aurait-il été arrêté par les voisins accourus et le crime aurait-il été empêché. Celui qui ment, si généreuse puisse être son intention en mentant, doit répondre des conséquences de son mensonge, même devant les tribunaux civils, si imprévues qu’elles puissent être […]. C’est donc un commandement de la raison qui est sacré, absolument impératif, qui ne peut être limité par aucune convenance : en toute déclaration, il faut être véridique."
(« D’un prétendu droit de mentir par humanité »)

En somme, envisager un droit de mentir serait la mort du droit et l'ouverture à toutes les iniquités.
On peut faire droit à ce rigorisme. Je trouverais intéressant d'étudier ce texte en classe, je pense que ça peut donner lieu à un cours dialogué.
Voire organiser un débat entre les élèves en les séparant en deux groupes (pro/contra).

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Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité" Empty Re: Kant, "D'un prétendu droit de mentir par humanité"

par Sirgab Lun 5 Fév 2018 - 8:30
Je risque de reprendre bien des choses qui ont été dites mais pour ajouter ma contribution :
Pour bien comprendre ce passage, il faut distinguer l'erreur et le mensonge, et déjà la moitié du travail sera fait. Mentir, c'est tromper avec l'intention de tromper. L'erreur est le fait de se tromper sans faire attention. Pour Kant, mentir est une faute morale. (Ce point n'a rien d'original). Se tromper, par contre, n'est pas une faute morale si on est de bonne foi. Dés lors, il devient impossible de faire de la connaissance de la vérité un devoir. On a pas le devoir de savoir quelle est la constitution réelle du monde subatomique, pas plus qu'on a le devoir de connaître l'histoire exacte des mayas ou les pensées de Brigitte Macron. Si connaître la vérité ne peut être un devoir, dire ce qui est objectivement vrai ne peut l'être non plus. Et par suite, autrui ne peut pas exiger de nous ce que l'on ne peut pas obtenir. Mais si on nous demande ce que l'on sait, on a pas le droit de tromper avec l'intention de tromper. (On peut par contre garder le silence en précisant pourquoi). Notre seul devoir est d'être sincère, honnête, vérace, en un mot, de ne pas mentir. Et puisqu'on a toujours le droit de faire son devoir, et bien notre seul droit, c'est le droit à notre honnêteté, véracité, sincérité, etc. peu importe le mot ici.


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par Parménide Mar 6 Fév 2018 - 11:18
Jamais je ne me serais douté que "l'homme a droit à sa propre véracité" signifie qu'il n'a aucun droit à la vérité au sens strict, mais seulement un droit (et du même coup un devoir vu que les deux notions ne sont pas séparables chez Kant) de connaitre et de dire ce qu’il conçoit subjectivement comme étant la vérité (donc sans garantie objective de dire le vrai en soi).

En outre, cette fameuse histoire de "mien et de tien" dans le paragraphe problématique continue de m'apparaitre sans lien au premier abord avec une idée de propriété découlant d'un contrat de tous avec tous (donc volonté commune)... Du coup je n'aurais pas pu le débusquer sans cette discussion. Et cela me gène... Sad

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par User17706 Mar 6 Fév 2018 - 13:48
Parménide a écrit: un droit (et du même coup un devoir vu que les deux notions ne sont pas séparables chez Kant)
Si si, c'est complètement séparable.
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par Parménide Mar 6 Fév 2018 - 15:29
PauvreYorick a écrit:
Parménide a écrit: un droit (et du même coup un devoir vu que les deux notions ne sont pas séparables chez Kant)
Si si, c'est complètement séparable.

Oui, j'ai mal lu ton message d'explication... D’ailleurs en le relisant je m’aperçois que je ne vois pas du tout ce que veut dire un "droit sur la véracité d'autrui". S'agit il d'un droit sur la façon dont un sujet se représente une réalité? Si c'est bien ça, alors il est vrai que par définition un tel droit ne peut exister.

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par User17706 Mar 6 Fév 2018 - 17:20
Rhââ mais non. Encore une fois, "véracité" qualifie celui qui dit ce qui est vrai ou du moins ce qu'il croit vrai (pour les besoins de la discussion on peut le considérer comme un quasi-synonyme de "sincérité"). Pas la peine d'aller chercher midi à quatorze heures perpétuellement.

Bon, déjà, je rappelle que ce passage n'a pas beaucoup d'importance et qu'il est hors de question d'y passer plus de quinze minutes en tout, grand grand maximum. (Si j'ai bien compris, on est déjà à plusieurs heures, donc c'est trop, il faut arrêter définitivement d'y penser.)

Ensuite, peut-être me suis-je mal exprimé. Ce qu'il faut retenir c'est que, selon Kant, la question même d'un "droit à ce qu'autrui soit sincère avec moi" (pour formuler autrement ce qui te pose problème) est mal posée. En tout état de cause, selon Kant toujours, le devoir d'être vérace en toutes les circonstances où l'on ne peut éviter de s'exprimer est un devoir sans restriction. Autre façon de dire que le mensonge est toujours proscrit quoi qu'il arrive et quelles que soient les circonstances. Donc, si tu ne veux pas donner une certaine information, tu te tais, mais tu ne mens pas.

Et maintenant il faut passer à autre chose, ce ressassement compulsif n'est d'aucune utilité. Next.
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par Parménide Mar 6 Fév 2018 - 19:25
C'est à dire que le texte est court, figure dans un manuel du secondaire, et si je ne me trompe pas, est considéré comme classique... A partir de là, cela me gène un peu de buter à ce point dessus. Jamais je ne me serais douté que le passage que j'ai mis en évidence était si peu important.  

Donc, j'ai bien compris que s'il existe un droit à la vérité subjective, et que c'est en réalité un droit à être sincère soi-même! Et qui coïncide, chez un sujet, avec ce devoir de sincérité absolue en toutes circonstances confondues.

La chose qui me reste le plus en travers de la gorge c'est ce fameux:

Parménide a écrit: avoir objectivement droit à une vérité, signifierait qu’il dépend de notre volonté (...) de faire qu’une proposition donnée soit vraie ou fausse

Passage ambigu car deux lectures possibles:

1) Ou bien mon supposé droit objectif à la vérité fait que je peux décider du caractère vrai ou faux d'une proposition (mais j'ai beau avoir - par hypothèse - le droit de savoir combien font 2+2, ça ne fera pas que, parce que je le souhaite, le résultat sera 5!)

2) Ou bien mon supposé droit à la vérité fait que je fais apparaitre la vérité d'une proposition, en vertu de ce prétendu droit, uniquement. Et sans, absurdement, avoir la possibilité de modifier de l'immuable. Qui serait par exemple de décider que 2+2=5, et que la réalité mathématique suive ma pensée.

La deuxième lecture est la seule cohérente. Mais par sa rédaction même le texte m'a induit automatiquement vers la première hypothèse.

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