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(latin 3e) propagande impériale - Page 3 Empty Re: (latin 3e) propagande impériale

par egomet Ven 16 Mar 2018, 12:04
DesolationRow a écrit:
henriette a écrit:Je comprends les choses comme toi, Iphigénie : je parle aussi de "propagande" d'Auguste pour installer le principat, restaurer des valeurs morales, et asseoir son pouvoir personnel, en expliquant toutefois qu'il ne s'agit pas là d'une dictature totalitariste. Il est intéressant à ce titre de travailler sur l'Ara Pacis.

Par contre, de là à trouver un texte latin qui décrirait la nécessité de cette communication particulière, je ne vois pas. Si quelqu'un trouve quelque chose, je serais bien intéressée par une source.

Je serais très étonné qu'un tel texte existe Smile

Je n'ai surtout pas connaissance de son existence, mais on est parfois surpris de ce que les gens ont osé écrire. Je peux te trouver par exemple des textes latin expliquant comment trafiquer les oracles.

On dispose même d'un traité de stratégie et de diplomatie indien qui ferait passer Machiavel pour un enfant de chœur, un manuel de la trahison si détaillé qu'on se demande comment il a pu être déclassifié.
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par Serge Ven 16 Mar 2018, 13:29
J'aimerais bien lire l'extrait qui explique comment trafiquer les oracles. Razz

Si on peut influencer les augures, ça peut être très intéressant araignée

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par egomet Ven 16 Mar 2018, 14:12
Serge a écrit:J'aimerais bien lire l'extrait qui explique comment trafiquer les oracles. Razz

Si on peut influencer les augures, ça peut être très intéressant araignée


Frontin, Strategemata. Un livre fort intéressant, pour qui s'intéresse un minimum à l'histoire militaire. C'est en quelque sorte le Reader's Digest de la stratégie, une collection d'anecdotes assez brèves qui illustrent des problèmes classiques qui se posent aux généraux tels que "comment s'échapper d'un endroit difficile", "comment masquer ses intentions" etc. Et il y a toute une rubrique sur la façon d'influencer les soldats pour les dissuader de combattre ou au contraire les y encourager. Notamment on y explique comment profiter de leur superstition. On nous raconte comment Alexandre le Grand a fait écrire un message à l'envers sur la main d'un prêtre, pour que cela s'imprime sur le foie de l'animal sacrifié. C'est formidable, les dieux écrivent en grec! Et plein d'autres trucs dans le même genre.

Je trouve cet auteur très pratique à étudier en classe, car les anecdotes sont courtes et complètes. On n'a pas besoin d'attendre des heures et des heures avant d'obtenir une traduction satisfaisante. Super intéressant pour travailler le gérondif et l'adjectif verbal.

On peut trouver une traduction française ici: https://www.ebooksgratuits.com/ebooks.php


Dernière édition par egomet le Ven 16 Mar 2018, 14:17, édité 1 fois

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par egomet Ven 16 Mar 2018, 14:14
J'aime bien aussi le passage où un général fait une leçon d'astronomie à ses soldats, ce qui lui permet de gagner une bataille. Je ne sais plus de quel général il s'agit, mais je trouve l'idée délicieuse.

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par Iphigénie Ven 16 Mar 2018, 14:32
Serge a écrit:J'aimerais bien lire l'extrait qui explique comment trafiquer les oracles. Razz

Si on peut influencer les augures, ça peut être très intéressant araignée

Ciceron, De la Divination, II,LVII
"Démosthène, qui vivait il y a maintenant près de trois cents ans, disait déjà que la Pythie philippisait, c'est-à-dire qu'elle était favorable à Philippe. Il entendait signifier par là qu'elle s'était laissé gagner par Philippe. On peut soupçonner par cet exemple que, dans d'autres cas aussi, les oracles de Delphes ont eu quelque chose de louche. "
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par egomet Ven 16 Mar 2018, 14:36
Iphigénie a écrit:
Serge a écrit:J'aimerais bien lire l'extrait qui explique comment trafiquer les oracles. Razz

Si on peut influencer les augures, ça peut être très intéressant araignée

Ciceron, De la Divination, II,LVII
"Démosthène, qui vivait il y a maintenant près de trois cents ans, disait déjà que la Pythie philippisait, c'est-à-dire qu'elle était favorable à Philippe. Il entendait signifier par là qu'elle s'était laissé gagner par Philippe. On peut soupçonner par cet exemple que, dans d'autres cas aussi, les oracles de Delphes ont eu quelque chose de louche. "

Cicéron et Démosthène font part de leurs soupçons. Frontin élève la fraude au rang de précepte.

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par henriette Ven 16 Mar 2018, 14:53
Sinon, j'y pense, dans l'art de manipuler les gens, il y a le traité pour se faire élire attribué au frère de Cicéron, qui explique comment influencer les gens pour qu'ils votent pour vous.
Mais ce n'est pas non plus érigé en principe d'Etat.

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par DesolationRow Ven 16 Mar 2018, 15:03
egomet a écrit:
Iphigénie a écrit:
Serge a écrit:J'aimerais bien lire l'extrait qui explique comment trafiquer les oracles. Razz

Si on peut influencer les augures, ça peut être très intéressant araignée

Ciceron, De la Divination, II,LVII
"Démosthène, qui vivait il y a maintenant près de trois cents ans, disait déjà que la Pythie philippisait, c'est-à-dire qu'elle était favorable à Philippe. Il entendait signifier par là qu'elle s'était laissé gagner par Philippe. On peut soupçonner par cet exemple que, dans d'autres cas aussi, les oracles de Delphes ont eu quelque chose de louche. "

Cicéron et Démosthène font part de leurs soupçons. Frontin élève la fraude au rang de précepte.

Il n'y a rien là d'extraordinaire.
Ils savaient tous très bien que les sacrifices, les oracles, etc. pouvaient être truqués et que cela constituait un outil politique bien commode ; c'est à cause de ça par exemple que ce crétin de Flaminius quitte Rome en cachette pour prendre le commandement de l'armée avant Trasimène.
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par Sylvain de Saint-Sylvain Ven 16 Mar 2018, 15:38
Iphigénie a écrit:
DesolationRow a écrit:Il est vraiment passionnant, cet article, comme généralement ce qu'écrivait Veyne Smile Je ne suis pas certain d'être convaincu par les distinctions et les définitions qu'il propose, mais ça donne vraiment à réfléchir. En tout cas, c'est il me semble une bonne démonstration de l'utilité d'employer de manière critique, pour les interroger, des concepts "anachroniques" Wink
Oui.
Personnellemnt je me demande si dans son immense savoir il ne néglige pas le fait que ce qu'on ne comprend pas,  impressionne d'autant plus: c'est le principe de la messe en latin, non?

Si si, j'avais relevé un passage de cet article (qui est dans L'Empire gréco-romain), à propos de la colonne Trajane :

Veyne a écrit:Le problème se déplace alors de la sémantique vers une pragmatique : ce qui importe est moins le contenu du message que la relation qu'il établit avec autrui. Et c'est ici que nous retrouvons une force des images qui est aussi puissante que celle de la propagande. Expression de la grandeur monarchique, le décor de la colonne semble ignorer l'existence des spectateurs, mais n'en établit pas moins un rapport de forces avec eux, qui se trouvent moins informés qu'impressionnés. Le faste monarchique est une expression de soi qui est impressionnante pour autrui parce qu'elle semble découler d'une supériorité naturelle qui se suffit assez pour ne pas se soucier de faire de la propagande.

Serge a écrit:Le but est clairement d'imposer un culte qui n'avait pas eu de précédent dans la romanité (si on excepte la "divinisation" de Romulus) et ce nouveau régime mis en place.

Et en même temps, toujours selon Veyne, personne n'était dupe : on ne retrouve pas d'ex-voto au pied des temples des empereurs, les gens s'adressaient aux "vrais" dieux. Et lorsqu'un empereur tentait de se diviniser vraiment, à l'égyptienne (Caligula le premier), il se faisait plus d'ennemis qu'autre chose.

Mes lectures de Veyne, en particulier du chapitre "Qu'est-ce qu'un empereur romain ?" de L'Empire, tendent à me faire douter de l'idée d'une vraie monarchie dissimulée sous une apparence républicaine. Si on quitte la république, on ne met pas vraiment en place ce qu'il faut pour entrer en monarchie, si bien qu'à moins d'avoir une personnalité aux nerfs solides, on a des empereurs qui sombrent dans la paranoïa à cause de la profonde ambiguïté du nouveau régime. Il est étonnant qu'un régime aussi mal fondé et source d'instabilité ait pu durer si longtemps.
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par Iphigénie Ven 16 Mar 2018, 16:01
Surtout un régime héréditaire dont le fondateur n'a pas d'héritier...Après on regarde peut-être trop l'empire et ses institutions d'un regard occidental alors qu'il était fortement appuyé sur la méditerranée orientale. Mais là je m'aventure dans un domaine que je maîtrise trop mal pour affirmer.
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par Sphinx Ven 16 Mar 2018, 16:04
Il a PLEIN d'héritiers. (Soit, et une poisse monumentale quant à leur espérance de vie, mais c'est un détail technique (latin 3e) propagande impériale - Page 3 437980826)

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par Iphigénie Ven 16 Mar 2018, 16:10
Sphinx a écrit:Il a PLEIN d'héritiers. (Soit, et une poisse monumentale quant à leur espérance de vie, mais c'est un détail technique (latin 3e) propagande impériale - Page 3 437980826)
voui si on veut aussi, plein d'héritiers possibles, mais pas d'héritier incontestable, donc... Et dieu sait ce qu'il advient des héritages importants quand on a une compétition d'héritiers possibles. Wink
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par Alyki Ven 16 Mar 2018, 16:25
Surtout quand on adopte...

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Interrogé sur ce qu'il valait mieux apprendre à des enfants libres, (Léotychidas) dit "ce qui pourra leur servir lorsqu'ils seront devenus des hommes" - Apophtegme laconien.
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par Sphinx Ven 16 Mar 2018, 16:35
Oh bah l'adoption est un lien assez solide et peu contesté (sauf quand on fait vraiment n'importe quoi comme Clodius Pulcher), il n'y a qu'à voir les savons que se fait passer Tibère quand il fait mine de refuser l'Empire. Et les adoptions d'Auguste sont successives et non simultanées donc il n'y a pas tant de concurrence que ça (sauf entre Tibère et Agrippa Postumus, le second étant si discrédité déjà du vivant d'Auguste que son assassinat ne tire pas de larmes à grand monde). Le problème d'Auguste, c'est que ses héritiers déclarés ou présomptifs clabotent tous à un âge très prématuré. Et ce qui cause des guerres de succession par la suite (les deux années des quatre empereurs par exemple), c'est l'absence d'héritier clairement désigné par le dernier représentant d'une lignée dont on ne voulait de toutes façons clairement plus (Néron, Commode). Le problème de la légitimation, c'est aussi quand la procédure de l'adoption se retrouve en fait parasitée par des conditions supplémentaires ajoutées au fur et à mesure par les successeurs alors qu'Auguste avait tout bien fait comme il faut (par exemple l'acclamation par la garde prétorienne subséquemment à l'octroi d'une petite priprime, ce qui ne pouvait que mal tourner).

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par egomet Ven 16 Mar 2018, 17:05
Sphinx a écrit:Oh bah l'adoption est un lien assez solide et peu contesté (sauf quand on fait vraiment n'importe quoi comme Clodius Pulcher), il n'y a qu'à voir les savons que se fait passer Tibère quand il fait mine de refuser l'Empire. Et les adoptions d'Auguste sont successives et non simultanées donc il n'y a pas tant de concurrence que ça (sauf entre Tibère et Agrippa Postumus, le second étant si discrédité déjà du vivant d'Auguste que son assassinat ne tire pas de larmes à grand monde). Le problème d'Auguste, c'est que ses héritiers déclarés ou présomptifs clabotent tous à un âge très prématuré. Et ce qui cause des guerres de succession par la suite (les deux années des quatre empereurs par exemple), c'est l'absence d'héritier clairement désigné par le dernier représentant d'une lignée dont on ne voulait de toutes façons clairement plus (Néron, Commode). Le problème de la légitimation, c'est aussi quand la procédure de l'adoption se retrouve en fait parasitée par des conditions supplémentaires ajoutées au fur et à mesure par les successeurs alors qu'Auguste avait tout bien fait comme il faut (par exemple l'acclamation par la garde prétorienne subséquemment à l'octroi d'une petite priprime, ce qui ne pouvait que mal tourner).

Les adoptions et les héritiers choisis posent un problème en matière de succession. Il est toujours possible de contester un testament. On peut produire un faux. On peut contester la santé mentale ou l'indépendance du vieillard, au pire spéculer sur ses intentions ou contester les dates. Bref, ce qu'un testament peut faire, un testament peut le défaire.
Les crises de succession dans l'empire romain ne se limitent pas aux changements de dynasties. C'est un peu une menace permanente.

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par archeboc Ven 16 Mar 2018, 17:08
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Mes lectures de Veyne, en particulier du chapitre "Qu'est-ce qu'un empereur romain ?" de L'Empire, tendent à me faire douter de l'idée d'une vraie monarchie dissimulée sous une apparence républicaine. Si on quitte la république, on ne met pas vraiment en place ce qu'il faut pour entrer en monarchie, si bien qu'à moins d'avoir une personnalité aux nerfs solides, on a des empereurs qui sombrent dans la paranoïa à cause de la profonde ambiguïté du nouveau régime. Il est étonnant qu'un régime aussi mal fondé et source d'instabilité ait pu durer si longtemps.
C'est justement sur sa capacité à susciter la stabilité que dès Auguste le régime a fondé sa permanence :  On a parlé plus haut de l'Ara Pacis, on pourrait ajouter la reconstruction du temple de la Concorde.

La prudence d'Auguste, évitant toute titulature royale, tout soupçon d'aventure semblable à celle ayant conduit à la chute de César, est connue. Mais le vrai modèle politique négatif, pour ce qui reste d'aristocratie romaine, c'est sûrement l'expérience syllanienne et l'échec de la restauration républicaine qui a suivi. La conscience de cet échec a dû peser sur le sénat et explique sa résignation, en particulier lors des chutes de Tibère et Caligula.

Finalement, même les périodes d'instabilité des deux premiers siècles ne viennent que confirmer cette leçon : pour la stabilité, la prospérité du peuple romain, et jusqu'à la survie des grandes familles, il fallait un patron. Telle est en tout cas la lecture que font les auteurs du IIe siècle.
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par egomet Ven 16 Mar 2018, 17:21
Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:

Mes lectures de Veyne, en particulier du chapitre "Qu'est-ce qu'un empereur romain ?" de L'Empire, tendent à me faire douter de l'idée d'une vraie monarchie dissimulée sous une apparence républicaine. Si on quitte la république, on ne met pas vraiment en place ce qu'il faut pour entrer en monarchie, si bien qu'à moins d'avoir une personnalité aux nerfs solides, on a des empereurs qui sombrent dans la paranoïa à cause de la profonde ambiguïté du nouveau régime. Il est étonnant qu'un régime aussi mal fondé et source d'instabilité ait pu durer si longtemps.

Peut-être pas si surprenant que cela en fait. Une monarchie, c'est une des formes de gouvernement les plus simples. Si tu veux, c'est un peu le degré zéro du droit constitutionnel, la situation dans laquelle on retombe dès lors que l'ordre public est en danger. Une démocratie par exemple suppose le respect d'institutions complexes, pas la dictature militaire.
Ce qui est surprenant en revanche, c'est que l'Empire n'ait pas éclaté plus tôt ou plus exactement qu'il ait régulièrement reconstitué son intégrité. Il aurait pu dégénérer beaucoup plus vite en un système féodal. Les factions auraient pu se consolider sur une base territoriale, mais ce n'est arrivé que très tard, et encore avec les royaumes barbares. Peut-être que le plus remarquable, c'est la force d'attraction de la capitale. On ne peut vivre qu'à Rome en quelque sorte. Celui qui tient la ville prend l'ascendant sur les autres prétendants.

Il y a un peu de ça aussi, plus tard, avec Constantinople.

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par Sphinx Ven 16 Mar 2018, 17:24
egomet a écrit:
Sphinx a écrit:Oh bah l'adoption est un lien assez solide et peu contesté (sauf quand on fait vraiment n'importe quoi comme Clodius Pulcher), il n'y a qu'à voir les savons que se fait passer Tibère quand il fait mine de refuser l'Empire. Et les adoptions d'Auguste sont successives et non simultanées donc il n'y a pas tant de concurrence que ça (sauf entre Tibère et Agrippa Postumus, le second étant si discrédité déjà du vivant d'Auguste que son assassinat ne tire pas de larmes à grand monde). Le problème d'Auguste, c'est que ses héritiers déclarés ou présomptifs clabotent tous à un âge très prématuré. Et ce qui cause des guerres de succession par la suite (les deux années des quatre empereurs par exemple), c'est l'absence d'héritier clairement désigné par le dernier représentant d'une lignée dont on ne voulait de toutes façons clairement plus (Néron, Commode). Le problème de la légitimation, c'est aussi quand la procédure de l'adoption se retrouve en fait parasitée par des conditions supplémentaires ajoutées au fur et à mesure par les successeurs alors qu'Auguste avait tout bien fait comme il faut (par exemple l'acclamation par la garde prétorienne subséquemment à l'octroi d'une petite priprime, ce qui ne pouvait que mal tourner).

Les adoptions et les héritiers choisis posent un problème en matière de succession. Il est toujours possible de contester un testament. On peut produire un faux. On peut contester la santé mentale ou l'indépendance du vieillard, au pire spéculer sur ses intentions ou contester les dates. Bref, ce qu'un testament peut faire, un testament peut le défaire.
Les crises de succession dans l'empire romain ne se limitent pas aux changements de dynasties. C'est un peu une menace permanente.

Bien sûr qu'on peut, mais il y a eu dans les faits assez peu de contestations de testaments impériaux jusqu'à disons la fin des Sévères, non ? (Je connais très mal la suite, je l'avoue.)

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par egomet Ven 16 Mar 2018, 17:33
Sphinx a écrit:
egomet a écrit:
Sphinx a écrit:Oh bah l'adoption est un lien assez solide et peu contesté (sauf quand on fait vraiment n'importe quoi comme Clodius Pulcher), il n'y a qu'à voir les savons que se fait passer Tibère quand il fait mine de refuser l'Empire. Et les adoptions d'Auguste sont successives et non simultanées donc il n'y a pas tant de concurrence que ça (sauf entre Tibère et Agrippa Postumus, le second étant si discrédité déjà du vivant d'Auguste que son assassinat ne tire pas de larmes à grand monde). Le problème d'Auguste, c'est que ses héritiers déclarés ou présomptifs clabotent tous à un âge très prématuré. Et ce qui cause des guerres de succession par la suite (les deux années des quatre empereurs par exemple), c'est l'absence d'héritier clairement désigné par le dernier représentant d'une lignée dont on ne voulait de toutes façons clairement plus (Néron, Commode). Le problème de la légitimation, c'est aussi quand la procédure de l'adoption se retrouve en fait parasitée par des conditions supplémentaires ajoutées au fur et à mesure par les successeurs alors qu'Auguste avait tout bien fait comme il faut (par exemple l'acclamation par la garde prétorienne subséquemment à l'octroi d'une petite priprime, ce qui ne pouvait que mal tourner).

Les adoptions et les héritiers choisis posent un problème en matière de succession. Il est toujours possible de contester un testament. On peut produire un faux. On peut contester la santé mentale ou l'indépendance du vieillard, au pire spéculer sur ses intentions ou contester les dates. Bref, ce qu'un testament peut faire, un testament peut le défaire.
Les crises de succession dans l'empire romain ne se limitent pas aux changements de dynasties. C'est un peu une menace permanente.

Bien sûr qu'on peut, mais il y a eu dans les faits assez peu de contestations de testaments impériaux jusqu'à disons la fin des Sévères, non ? (Je connais très mal la suite, je l'avoue.)

De contestation formelle non, mais quand l'empereur vient d'être assassiné, ce n'est pas vraiment l'essentiel. Il faut bien reconnaître au vu des taux d'homicide que la légitimité successorale est faible. On assassine plutôt moins dans une monarchie à l'ordre de succession bien défini, me semble-t-il. Il est plus difficile à l'ambitieux de se dire que les choses auraient pu tourner autrement et d'en persuader assez de soutiens politiques et militaires pour tenter un coup de force.

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par Sphinx Ven 16 Mar 2018, 17:40
C'est pas faux, mais il me semble que ce n'est pas la raison numéro 1 qui "permet" des assassinats : c'est surtout que contrairement à une monarchie, l'empereur n'est pas là de droit divin, donc pas intouchable. Beaucoup de complots, qu'ils réussissent ou non, sont surtout l'oeuvre de maîtresses, de fidèles aigris, d'aristocrates excédés par des abus de pouvoirs (assassinats politiques, autorité bafouée du Sénat...) qui n'ont pas forcément un plan de succession bien défini derrière (les assassins ne finissent jamais eux-mêmes sur le trône). J'ai en fait un seul exemple d'assassinat qui soit vraiment dicté par un désir de pouvoir (toujours dans les premiers siècles) : celui de Claude par Agrippine (il y en a peut-être d'autres, mais c'est celui-là qui me revient). Or Agrippine avait eu soin de sécuriser auparavant le pouvoir pour Néron par... son adoption. (Je parle bien des assassinats, hein, et pas de vraies guerres, qui se déclenchent justement quand il n'y a pas de testament : Galba, Othon, Vitellius, Clodius Albinus et Pescennius Niger, par exemple, se réclament uniquement de la fidélité des troupes, et c'est pour cela qu'ils ne sont pas légitimes ; à ce moment-là, c'est uniquement le plus fort qui gagne).

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par egomet Ven 16 Mar 2018, 18:51
Sphinx a écrit:C'est pas faux, mais il me semble que ce n'est pas la raison numéro 1 qui "permet" des assassinats : c'est surtout que contrairement à une monarchie, l'empereur n'est pas là de droit divin, donc pas intouchable. Beaucoup de complots, qu'ils réussissent ou non, sont surtout l'oeuvre de maîtresses, de fidèles aigris, d'aristocrates excédés par des abus de pouvoirs (assassinats politiques, autorité bafouée du Sénat...) qui n'ont pas forcément un plan de succession bien défini derrière (les assassins ne finissent jamais eux-mêmes sur le trône). J'ai en fait un seul exemple d'assassinat qui soit vraiment dicté par un désir de pouvoir (toujours dans les premiers siècles) : celui de Claude par Agrippine (il y en a peut-être d'autres, mais c'est celui-là qui me revient). Or Agrippine avait eu soin de sécuriser auparavant le pouvoir pour Néron par... son adoption. (Je parle bien des assassinats, hein, et pas de vraies guerres, qui se déclenchent justement quand il n'y a pas de testament : Galba, Othon, Vitellius, Clodius Albinus et Pescennius Niger, par exemple, se réclament uniquement de la fidélité des troupes, et c'est pour cela qu'ils ne sont pas légitimes ; à ce moment-là, c'est uniquement le plus fort qui gagne).

Droit divin ou dieu vivant, c'est fragile dans tous les cas. Il s'agit d'un élément de propagande, qui facilite un peu le soutien de l'opinion publique, mais a peu d'effets sur les puissants et les courtisans. Quand on fréquente le prince, on sait qu'il chie comme tout le monde. Plus déterminante à mon avis est l'ancienneté de la dynastie. A partir d'un certain moment, la succession prend l'allure d'une évidence. Pouvoir dire sans hésitation à n'importe quel moment "le roi est mort, vive le roi", c'est là que se trouve la stabilité du régime. La vacance du pouvoir n'est pas possible, quelle que soit la cause du décès. Les systèmes où le successeur est désigné n'arrivent jamais à ce stade-là. Il y a toujours un moment où une succession est contestable. Cinq ou six génération sans accroc, c'est bien un maximum. Et une fois que le tabou du régicide a sauté, il n'y a plus vraiment de limite. Un de plus, un de moins...

Le droit successoral plus ou moins bien défini change quelque chose de très concret: les chances de succès et les opportunités. Quand on assassine, ce n'est pas forcément pour monter sur le trône soi-même, mais bien dans l'espoir de mettre sur le trône un meilleur candidat. Il faudrait être particulièrement sûr de son coup ou particulièrement stupide pour tenir le poignard soi-même. On peut aussi assassiner sans vouloir compromettre son favori.
Quelle est la meilleure configuration pour quelqu'un d'ambitieux ou pour quelqu'un qui veut se débarrasser d'un roi gênant?
Un héritage mal assuré peut être une bonne motivation pour quelqu'un d'ambitieux et bien placé. Il faut saisir l'opportunité avant qu'elle ne disparaisse. Il peut paraître important d'empêcher un éventuel revirement (pour soi-même ou pour sa faction). Si le souverain veut changer son testament, s'il y a une rumeur dans ce sens, la tentation est grande. A tel point qu'en Chine, par exemple, le testament était tenu secret pour éviter les spéculations dangereuses.
Dans l'empire ottoman, plusieurs souverain à leur avènement ont assassiné leurs frères pour couper court aux manœuvres de ceux qui se disaient que les choses auraient pu tourner autrement.
En revanche quand l'ordre de succession est clair, celui qui a les meilleures prétentions n'a pas forcément intérêt à précipiter les choses. Il n'a qu'à attendre. Le meurtre est précisément la faute à ne pas commettre, car c'est la seule chose qui pourrait remettre en cause la légitimité de l'héritage. Quand à ceux qui pourraient vouloir le faire à sa place, ils n'ont guère de reconnaissance à espérer. On s'oppose facilement au roi capétien, on peut même lui faire la guerre, mais on ne touche pas à sa personne. Non pas tant parce qu'il est sacré, mais parce qu'il n'y a rien à en espérer. Pas de clémence pour le régicide, ni de la part du roi si la tentative échoue, ni de la part de son successeur en cas de succès.


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par Sphinx Ven 16 Mar 2018, 19:07
(À noter que je n'ai pas parlé de "dieu vivant", ce que les empereurs romains ne sont pas).

Oui, d'accord, mais enfin, tu t'étonnes que les Romains n'aient pas réagi de la façon que tu aurais trouvée logique, et que l'empire ait tenu ; c'est bien que ta logique ne devait pas leur sembler si logique, à eux Wink Je trouve que tu ériges en généralités de choses qui ne sont pas vécues pareillement selon les époques, les lieux et les mentalités. Il me semble justement que ce qui sauvegarde la plupart des empereurs romains, c'est qu'on est à des années-lumières des modèles que tu cites. Un empereur romain n'est pas un monarque du même tonneau que ceux que tu cites, c'est un citoyen premier du Sénat / grand pontife / parfois consul / parfois général, qui est choisi (c'est là l'importance du testament, et une des raisons pour laquelle l'adoption est considérée à Rome comme aussi valable que le droit du sang) pour ses qualités pour faire un job. S'il le fait bien, on le garde, s'il déplaît, on s'en débarrasse, ce n'est pas plus compliqué que ça. La "propagande" impériale (pour revenir au sujet de départ) a pour but de démontrer à l'électeur mécontent que 1) le princeps a été bien choisi et 2) fait bien le boulot qu'on lui a confié. Après, c'est une ligne délicate sur laquelle il faut se tenir : tout abus de pouvoir ou comportement indigne d'un "premier citoyen" est inévitablement sanctionné par la classe sénatoriale. C'est là qu'il faut distinguer une communication efficace, comme celle d'un Auguste qui se montre en punisseur des guerres civiles (les Danaïdes du portique d'Apollon Palatin), en restaurateur de la paix (l'Ara Pacis), et surtout en humble serviteur des dieux (la totalité de ses portraits en grand pontife), d'une communication qui tombe presque comiquement à côté de la plaque, comme celle d'un Néron qui se rêve en rock-star. Dans aucun cas la nomination d'un empereur par le précédent n'est contestée : en revanche, ce sont de grosses erreurs dans la com et dans la gestion des affaires courantes qui précipitent la chute.

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par egomet Ven 16 Mar 2018, 20:21
Sphinx a écrit:(À noter que je n'ai pas parlé de "dieu vivant", ce que les empereurs romains ne sont pas).

Oui, d'accord, mais enfin, tu t'étonnes que les Romains n'aient pas réagi de la façon que tu aurais trouvée logique, et que l'empire ait tenu ; c'est bien que ta logique ne devait pas leur sembler si logique, à eux Wink Je trouve que tu ériges en généralités de choses qui ne sont pas vécues pareillement selon les époques, les lieux et les mentalités. Il me semble justement que ce qui sauvegarde la plupart des empereurs romains, c'est qu'on est à des années-lumières des modèles que tu cites. Un empereur romain n'est pas un monarque du même tonneau que ceux que tu cites, c'est un citoyen premier du Sénat / grand pontife / parfois consul / parfois général, qui est choisi (c'est là l'importance du testament, et une des raisons pour laquelle l'adoption est considérée à Rome comme aussi valable que le droit du sang) pour ses qualités pour faire un job. S'il le fait bien, on le garde, s'il déplaît, on s'en débarrasse, ce n'est pas plus compliqué que ça. La "propagande" impériale (pour revenir au sujet de départ) a pour but de démontrer à l'électeur mécontent que 1) le princeps a été bien choisi et 2) fait bien le boulot qu'on lui a confié. Après, c'est une ligne délicate sur laquelle il faut se tenir : tout abus de pouvoir ou comportement indigne d'un "premier citoyen" est inévitablement sanctionné par la classe sénatoriale. C'est là qu'il faut distinguer une communication efficace, comme celle d'un Auguste qui se montre en punisseur des guerres civiles (les Danaïdes du portique d'Apollon Palatin), en restaurateur de la paix (l'Ara Pacis), et surtout en humble serviteur des dieux (la totalité de ses portraits en grand pontife), d'une communication qui tombe presque comiquement à côté de la plaque, comme celle d'un Néron qui se rêve en rock-star. Dans aucun cas la nomination d'un empereur par le précédent n'est contestée : en revanche, ce sont de grosses erreurs dans la com et dans la gestion des affaires courantes qui précipitent la chute.

Sans être des dieux vivants (ce que les rois de France ne sont pas plus), ils essaient quand même de sacraliser leur pouvoir, tout comme les rois orientaux et à peu près n'importe qui en fait. L'instrumentalisation de la religion est une bien faible protection contre les poignards et le poison. Sauf à penser que le catholicisme aurait réussi là où tant d'autres ont échoué. Surtout que le rapport entre le pouvoir royal et le christianisme est bien plus ambigu que ce que la propagande royale a voulu dire. La rhétorique du droit divin n'a jamais été pleinement validée par la papauté. Au contraire, elle ne manque pas de rappeler que le roi est un pécheur et qu'il y a des règles auxquelles lui aussi doit se soumettre. Je pense que s'il faut chercher une explication à la longévité de la dynastie capétienne, il faut la chercher ailleurs.

A mon avis, la loi salique est un bon candidat. Elle a bien failli ne pas passer, celle-là, mais une fois qu'elle était en place, elle a eu le mérite de clarifier la question pour longtemps. Reste à savoir si la renonciation au trône par la branche espagnole des Bourbons est juridiquement valide ou non, mais à part ça, la succession est établie pour un temps indéfini.
Bien sûr, au plan de la légitimité, le roi désigné peut paraître en position avantageuse. On pense pouvoir compter sur sa compétence. Mais en pratique, ce n'est pas un gage de stabilité. Dès qu'il y a choix, il y a la possibilité de revenir sur ce choix. Je pense que cela facilite la contestation ultérieure, même s'il est vrai qu'on accorde aux empereurs une période d'essai plus ou moins longue, s'il a pu être désigné par son prédécesseur (aparté, je me demande combien d'empereurs sont morts intestats). Quoi qu'il en soit, si la succession est le fruit d'une volonté particulière, il est plus facile de se dire qu'on a fait une erreur. On s'en convaincra facilement en observant le désamour qui frappe les présidents de la République ou encore la relativement faible stabilité des mariages d'amour. Je pense qu'il y a là une réalité psychologique importante. Pour rappel, le taux de mort violente chez les empereurs romains est de plus de 50%, tout dépend comment on compte quand il y a des Césars et des Augustes en même temps. Alors, "ce qui sauvegarde la plupart des empereurs romains" je ne sais pas bien ce que ça veut dire.



La force de la monarchie française, c'est que personne, pas même le roi, n'a le choix. C'est tellement une situation de fait qu'un roi fou reste roi. On le neutralise politiquement. On déclare son incapacité. Mais il reste roi et continue de transmettre le pouvoir.

La stabilité du job d'empereur, celle de la dynastie, celle du régime et celle de l'empire sont en fait des choses bien distinctes.
La stabilité du poste est plus ou moins faible selon les pays. Les dynasties de longue durée ne sont pas fréquentes, mais une poignée d'entre elles sont remarquables. La longévité des pays est souvent, mais pas toujours, liée à celle des dynasties. L'intégrité territoriale peut être remise en cause par les guerres civiles, surtout s'il existe des puissances concurrentes, sauf si les gens ont un intérêt à la reconstituer. C'est ça qui est intéressant à Rome. Il y a plus que la soumission à l'empereur. Difficile de faire la part des tous les facteurs: sans doute un peu le prestige de la ville et l'existence du sénat qui ramènent régulièrement les forces dissidentes au centre. Je pense aussi à la zone commerciale que représente la Méditerranée. Cela forme un ensemble géographique relativement cohérent, pas évident à constituer, mais efficace: le transport maritime est beaucoup, beaucoup plus efficace que le transport terrestre. En revanche, quand on a perdu la suprématie navale, c'est beaucoup plus difficile de sécuriser les routes. L'unité culturelle est en revanche assez faible à Rome, déjà sur le plan linguistique... En revanche, le statut de citoyen n'a pas disparu est reste suffisamment enviable, pour qu'on le recherche, du moins jusqu'à Caracalla.
La stabilité de la monarchie en tant que telle est très élevée. C'est la plus facile à expliquer. Un royaume envahit un autre royaume. Un roi remplace un roi. Tout change pour que rien ne change.

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par Thalia de G Ven 16 Mar 2018, 21:16
Désolée de m'immiscer dans cette discussion que je suis depuis le début, mais où ai-je donc lu que le bel Antinoüs avait servi d'outil de "propagande" (guillemets prudents) après sa mort ?

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par Iphigénie Sam 17 Mar 2018, 09:22
Thalia de G a écrit:Désolée de m'immiscer dans cette discussion que je suis depuis le début, mais où ai-je donc lu que le bel Antinoüs avait servi d'outil de "propagande"  (guillemets prudents) après sa mort ?
Je ne sais pas où  j'ai mis "mon" Yourcenar, mais ce n'est pas impossible. Il me semble que nous aurons  bien du mal à analyser l'empire romain avec les concepts de notre histoire moderne ( je suis d'accord sur ce point même avec le concept de propagande pris dans l'acception moderne, en effet), tout y est extrêmement différent à  commencer par ce que nous appelons religion et qui était un ensemble inextricable de rites, croyances, organisation politique et morale, vie quotidienne et superstition, très  difficile à concilier avec  notre laïcité et même  notre culture chretienne. Je crois aussi, mais plus intuitivement que par connaissance de cet univers  complexe, que l'empire s'adapte à  l'orient, habitué depuis Alexandre d'un côté  et les pharaons de l'autre à  une forme de divinisation complexe du pouvoir. Je pense meme que Neron, que nous ne connaissons que par la vision des sénateurs romains, avait une vision politique plus intelligente ( même si individuellement il laissait sans doute à  desirer...) que l'on a coutume de présenter et qu'il est le premier à  avoir voulu gouverner à  l'Est, en quelque sorte....( alors qu'on le reduit à un taré très à l'Ouest (latin 3e) propagande impériale - Page 3 437980826 )
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par Thalia de G Sam 17 Mar 2018, 09:29
Iphigénie, je ne pense pas que ce soit dans Les mémoires qu'Hadrien dise avoir instrumentalisé la mort d'Antinoüs.

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