TOUS en grève le 22 mars : pour un printemps de la fonction publique

C'est bien connu, le professorat est un don gracieux de soi qui sera récompensé dans l'au-delà. Inutile de demander des gratifications matérielles ou de recourir à ses droits : on fait tout ça pour le biendézenfans.

Certes, c'est du bénévolat, je sais. Je suis déclarée gréviste, je perds une journée de salaire. Je ne suis pas fonctionnaire, je suis dans le privé. Décidément, je cumule. Je suis solidaire des collègues du public, quels qu'ils soient. Je me sens cependant mieux dans mes baskets que ceux qui ne font pas grève.

Les collègues qui disent qu'ils ont des scrupules à trop manquer, comme Oudemia, quand même, la grippe ça n'est pas rien, et Luc b, pour son projet ... Je ne suis pas d'accord avec Stench, il ne va pas faire une heure gratuite. Comme sa journée de salaire va sauter, il va payer pour travailler. Enfin, je vous trouve "héroïques", mais quelle différence cela fait-il ? Va-t-il se passer des choses extraordinaires, indispensables et décisives pendant vos cours ?
N'y a-t-il pas un prof qui dirait "je ne veux pas avoir 80 euros qui volent, donc, je ne fais pas grève ?"

Je prépare les cahuettes. Grace à mon apéro j'ai convaincu 4 collègues qui ne voulaient pas se bouger.

Oonnay : !!!

Au début, quand je suis devenu enseignant,  j'étais un peu gêné par l'idée de manquer, quel que soit  le motif. Venant d'une administration sans droit de grève, habitué à bosser en plus au pied levé, je croyais que ce que je faisais était très important.  Je comptais le décalage que ça m'imposait dans mes cours, considérais les "impératifs" que je m'étais mis dans le crâne.
Vanitas vanitatum. Je me suis aperçu peu à peu qu'en dehors de moi, tout le monde s'en tamponne le coquillard : l'administration avec les heures qui sautent pour des sorties, des projets, des conseils de classe, des ateliers de parole, lavage de dents, préservatifs et autres pris sur les cours ; les élèves qui s'auto-volent leur propre temps par leurs bavardages ; les parents qui n'en on ont rien à braire, hormis la garderie et la cantine.
Et surtout l'Etat, premier destructeur d'heures de cours par la voie et la voix  de ses politiciens qui, en réduisant les horaires de cours, signifie clairement qu'ils ne sont pas importants, en tout cas bien moins que le fric économisé. Avec le concept des "heures plafond",dont le but est de raboter les DHG,  chaque classe perd chaque année entre 18 et 36 heures par rapport à la situation antérieure, voire 54 heures pour les 6e.
Alors je me dis désormais  que les absences de toute ma carrière passée et à venir ,   ne constituent qu'une goutte d'eau, sauf longue maladie (auquel cas, je serais remplacé).

dita a écrit:Les collègues qui disent qu'ils ont des scrupules à trop manquer, comme Oudemia, quand même, la grippe ça n'est pas rien, et Luc b, pour son projet ... Je ne suis pas d'accord avec Stench, il ne va pas faire une heure gratuite. Comme sa journée de salaire va sauter, il va payer pour travailler. Enfin, je vous trouve "héroïques", mais quelle différence cela fait-il ? Va-t-il se passer des choses extraordinaires, indispensables et décisives pendant vos cours ?
N'y a-t-il pas un prof qui dirait "je ne veux pas avoir 80 euros qui volent, donc, je ne fais pas grève ?"

Ce n'est pas forcément une question d'héroïsme ou d'illusions sur le rôle que nous jouons, ça peut simplement être une question de confort personnel. Moi je sais que ça me casserait sévèrement les pieds de pas faire cours, rien que parce que ça fout en l'air ma progression.

Lefteris a écrit:Au début, quand je suis devenu enseignant,  j'étais un peu gêné par l'idée de manquer, quel que soit  le motif. Venant d'une administration sans droit de grève, habitué à bosser en plus au pied levé, je croyais que ce que je faisais était très important.  Je comptais le décalage que ça m'imposait dans mes cours, considérais les "impératifs" que je m'étais mis dans le crâne.
Vanitas vanitatum. Je me suis aperçu peu à peu qu'en dehors de moi, tout le monde s'en tamponne le coquillard : l'administration avec les heures qui sautent pour des sorties, des projets, des conseils de classe, des ateliers de parole, lavage de dents, préservatifs et autres pris sur les cours ; les élèves qui s'auto-volent leur propre temps par leurs bavardages ; les parents qui n'en on ont rien à braire, hormis la garderie et la cantine.
Et surtout l'Etat, premier destructeur d'heures de cours par la voie et la voix  de ses politiciens qui, en réduisant les horaires de cours, signifie clairement qu'ils ne sont pas importants, en tout cas bien moins que le fric économisé. Avec le concept des "heures plafond",dont le but est de raboter les DHG,  chaque classe perd chaque année entre 18 et 36 heures par rapport à la situation antérieure, voire 54 heures pour les 6e.
Alors je me dis désormais  que les absences de toute ma carrière passée et à venir ,   ne constituent qu'une goutte d'eau, sauf longue maladie (auquel cas, je serais remplacé).

Mon Dieu, comme c'est vrai. A l'échelle d'une scolarité, c'est une minute dans une journée. Cette petite voix qui fait culpabiliser, n'est-elle pas du maître qui nous a conditionnés ?

La servitude volontaire et intégrée chez les enseignants fait partie des plus fortes parmi les différents corps de métier, oui. Une partie des enseignants se prend pour un clerc au service des enfants ; son service est un sacerdoce (voir un martyr) et son absence damnerait les élèves et hypothèquerait leur futur. C'est un relent culturel très ancien.
En réalité, nous ne sommes que des grouillots et ça ne changera absolument rien à la vie des élèves si ils ratent une heure de cours.

Gréviste et à la manif de Lyon.

Il y a du monde et on n'est pas parti de Bellecour. Si vous êtes dans le coin, venez !

Vous connaissez l'histoire du collègue qui demande aux autres s'ils font grève... pour faire des heures sup en prenant leurs heures de cours ?

Hypermnestre a écrit:Vous connaissez l'histoire du collègue qui demande aux autres s'ils font grève... pour faire des heures sup en prenant leurs heures de cours ?

Ha oui, le héros de l'histoire s'appelle Ganelon, non ?

Lefteris a écrit:Au début, quand je suis devenu enseignant,  j'étais un peu gêné par l'idée de manquer, quel que soit  le motif. Venant d'une administration sans droit de grève, habitué à bosser en plus au pied levé, je croyais que ce que je faisais était très important.  Je comptais le décalage que ça m'imposait dans mes cours, considérais les "impératifs" que je m'étais mis dans le crâne.
Vanitas vanitatum. Je me suis aperçu peu à peu qu'en dehors de moi, tout le monde s'en tamponne le coquillard : l'administration avec les heures qui sautent pour des sorties, des projets, des conseils de classe, des ateliers de parole, lavage de dents, préservatifs et autres pris sur les cours ; les élèves qui s'auto-volent leur propre temps par leurs bavardages ; les parents qui n'en on ont rien à braire, hormis la garderie et la cantine.
Et surtout l'Etat, premier destructeur d'heures de cours par la voie et la voix  de ses politiciens qui, en réduisant les horaires de cours, signifie clairement qu'ils ne sont pas importants, en tout cas bien moins que le fric économisé. Avec le concept des "heures plafond",dont le but est de raboter les DHG,  chaque classe perd chaque année entre 18 et 36 heures par rapport à la situation antérieure, voire 54 heures pour les 6e.

Je fais le même constat. Mais je refuse de cautionner ce peu de considération de parents, de l'administration, des élèves et des politiques en en concluant mes cours n'ont quasi pas d'importance

Sans surprise, d'après Pronote, dans mon collège je suis la seule gréviste de la matinée ...

Je n'ai pas fait grève depuis longtemps, très longtemps. Mais là, la coupe est pleine. (C'est jour de conseil de classe ^o^)

milie57 a écrit:Sans surprise, d'après Pronote, dans mon collège je suis la seule gréviste de la matinée ...

Ca m'en démoralise pour toi.

71 % des professeurs grévistes dans mon établissement (si on ne prends en compte que ceux qui travaillent aujourd'hui...).
:thebest:

millie57: les grévistes sont marqués sur pronote chez vous??

Il s'agit de ma toute première grève en 8 ans d'enseignement, comme dit Panta Rhei, la coupe est pleine.

Forster a écrit:millie57: les grévistes sont marqués sur pronote chez vous??

Il s'agit de ma toute première grève en 8 ans d'enseignement, comme dit Panta Rhei, la coupe est pleine.

Et oui, tu comprends pour que les élèves et les parents soient au courant ...

BrindIf a écrit:
Je fais le même constat. Mais je refuse de cautionner ce peu de considération de parents, de l'administration, des élèves et des politiques en en concluant mes cours n'ont quasi pas d'importance

Non, je ne dis pas qu'il faut cautionner, il faut faire bien ce qu'on fait quand on le fait, mais accepter ce triste constat, et en conclure que quelques heures de plus ou de moins ne changent rien dans une spirale qui tire toujours vers le bas. Ca peut d'ailleurs être rétorqué aux gens e mauvaise foi, à certains parents. "Vous n'avez rien dit quand on a supprimé X mois de français, de maths. Vous ne dites rien quand des sorties scolaires, des interventions extérieures réduisent par deux ou plus les heures dans le mois, il n'y a aucune raison de vous plaindre de l'absence d'un enseignant qui défend son métier, et avec préjudice puisqu'il perd son traitement".

Et la grève a aussi pour but de tenter de faire cesser cette spirale : une perte maintenant pour ne pas perdre encore plus dans l'avenir. Même raisonnement pour la fiche de paie. J'entends d'ailleurs déjà les non-grévistes d'aujourd'hui et de demain pleurnicher l'an prochain à la nouvelle baisse de la DHG (qui va faire sauter des dédoublements, donc des postes, augmenter le nombre de classes) et en janvier à la baisse du montant de la fiche de paie en raison de l'augmentation des prélèvements. J'entends aussi des parents geindre, comme c'est déjà arrivé, parce que le métier dont ils refusent la défense est si dégradé que plus un remplaçant contractuel ne veut venir , ou que ces derniers se succèdent à un rythme effréné, avec évidemment des "vacances" entre les deux.

Doublon

Forster a écrit:millie57: les grévistes sont marqués sur pronote chez vous??  

Pas marqués dans pronotes chez nous, mais par curiosité, je suis allée voir qui avait ou non rempli son cahier de texte : je suis la seule sur 28 à avoir cours ce matin à ne pas l'avoir fait.
Donc, la seule gréviste...

Lefteris a écrit:Et la grève a aussi pour but de tenter de faire cesser cette spirale : une perte maintenant pour ne pas perdre encore plus dans l'avenir.

Bien sûr. Ce raisonnement m'a plus aidé à dépasser cette culpabilité dont tu parlais plus haut, d'ailleurs.

Non, je ne dis pas qu'il faut cautionner, il faut faire bien ce qu'on fait quand on le fait,  mais accepter ce triste constat, et en conclure que quelques heures de plus ou de moins ne changent rien dans une spirale qui tire toujours vers le bas. Ca peut d'ailleurs être rétorqué aux gens e mauvaise foi, à certains parents. "Vous n'avez rien dit  quand on a supprimé X mois de français, de maths. Vous ne dites rien quand des sorties scolaires, des interventions extérieures réduisent par deux  ou plus les heures dans le mois, il n'y a aucune raison de vous plaindre de l'absence d'un enseignant qui défend son métier, et avec préjudice puisqu'il perd son traitement".

Je dis exactement le contraire aux élèves
"Vous avez déjà perdu X heures avec les sorties, les interventions extérieures, etc., vous allez encore perdre une heure, il va falloir travailler encore plus de votre côté pour compenser ! (et souhaitez-nous d'être entendus, que vous puissiez de nouveau bénéficier de mes heures de cours sans perturbation )"
Les parents ont raison de se plaindre, il manquerait plus qu'ils considèrent que nous ne sommes pas importants. Mais c'est une plainte qui dénote du même manque de vision long terme que l'usager mécontent de son train annulé.

Hypermnestre a écrit:Vous connaissez l'histoire du collègue qui demande aux autres s'ils font grève... pour faire des heures sup en prenant leurs heures de cours ?

Je connaissais (dans mon ancien bahut) l'histoire d'un collègue qui informait les élèves qu'il serait gréviste ... et qui, le jour J, ne l'était pas. Il se retrouvait sans élèves, mais payé.

:lol:

Y'en a qui doutent de rien.

C'est ma première grève en 8 ans, je n'ai absolument aucune espèce de début de culpabilisation. J'ai choisi la fonction publique pour ce qu'elle représente, et voir à quelle vitesse et avec quelle violence elle est fracassée me met hors de moi. Mes élèves se remettront parfaitement de l'heure qu'ils auront loupée avec moi, et moi aussi. Je les ai prévenus mardi, ils n'avaient franchement pas l'air traumatisés.

D'un simple point de vue financier de toute façon, pour moi, l'équation était claire aujourd'hui : j'ai une heure de train + une heure de route à faire pour rejoindre mon lycée (et pareil dans l'autre sens évidemment), sauf que mes trains en question ne circulent pas, ni à l'aller, ni au retour. Ce qui m'aurait donc obligée à faire 300 km de voiture dans ma journée, pour 2 heures de cours, et pour un coût total de 55 euros (gazoil et péage). Autrement dit, la question que j'avais à me poser est la suivante : vaut-il mieux perdre une journée de salaire, que de payer 55 euros pour aller faire 2 heures de cours ?

Je n'ai pas mis beaucoup de temps à répondre.

Et je suis bien contente que la mobilisation par chez moi soit massive. Même si ce n'est qu'un baroud d'honneur. Mais dans baroud d'honneur, il y a honneur.

celinesud a écrit:

Hypermnestre a écrit:Vous connaissez l'histoire du collègue qui demande aux autres s'ils font grève... pour faire des heures sup en prenant leurs heures de cours ?

Je connaissais (dans mon ancien bahut) l'histoire d'un collègue qui informait les élèves qu'il serait gréviste ... et qui, le jour J, ne l'était pas. Il se retrouvait sans élèves, mais payé.

Les collègues sont formidables !