Agrégation interne 2018 Philosophie

Les sujets de la session 2018.

Sujet de l'explication de textes

http://media.devenirenseignant.gouv.fr/file/agregation_interne/25/2/s2018_agreg_interne_philo_1_887252.pdf

Sujet de la dissertation

http://media.devenirenseignant.gouv.fr/file/agregation_interne/25/4/s2018_agreg_interne_philo_2_887254.pdf

"Où commence l'interprétation ?"
Ça veut dire quoi ?

William Foster a écrit:"Où commence l'interprétation ?"
Ça veut dire quoi ?

Très bon réflexe devant un sujet de philosophie.
A première vue, je comprends cela comme un questionnement sur la frontière qui sépare l'interprétation et autre chose. Mais quoi ? Peut-être la réception brute des faits et des informations, qui n'ont pas encore été passés au crible de notre interprétation personnelle (si cela est possible). Ou alors la connaissance de type scientifique, qui nous renseigne sur des lois, certaines relations de constance dans les phénomènes, mais qui ne nous dit pas quelles conclusions nous sommes en droit d'en tirer (sur la nature ultime de la réalité, par exemple : le fait que nous sachions qu'à une certaine échelle, la matière se présente sous forme de particules élémentaires nous autorise-t-il à conclure que la nature de la réalité se trouve dans les particules élémentaires ?). On peut se poser la question dans un contexte religieux : on a un texte sacré, qui m'ordonne de faire telle chose de telle manière : est-ce écrit explicitement que je doive agir ainsi, ou est-ce une interprétation de ma part ? Où se termine la lecture littérale, où commence l'interprétation ? La question ne donne certes pas de contexte au sein duquel l'interprétation serait appelée à "commencer". Peut-être s'agit-il d'envisager différents contextes au sein desquels il y aurait ce genre de frontière à délimiter entre une approche interprétative des choses et quelque chose ressemblant davantage à un savoir positif. Ou alors il s'agit de prendre de façon plus radicale cette question du "où" et du "commencement" : quelle est l'origine de l'interprétation ? Où prend-elle sa racine ? Le "où" n'est pas anodin, ça aurait pu être un "quand", mais là c'est un "où", donc ça pose la question du lieu. On ne s'interroge pas sur une situation qui provoquerait une mise en route d'une démarche interprétative (se trouver devant une oeuvre d'art), mais plutôt un domaine qui serait propre à l'interprétation, comme une certaine attitude envers le monde, par exemple.
La question me semble prendre différents sens en fonction de ce qu'on définit par "interprétation". Si on considère que l'interprétation est quelque chose qui vient se surajouter à un donné sensoriel brut, la question du "où" est plus proche du "quand" : à partir de quel moment nous mettons-nous à interpréter des sense data qu'on suppose neutres au départ (mais bien sûr cette supposition serait à interroger) ? Mais si, dans un esprit plus phénoménologique, l'interprétation est quelque chose de déjà présent au moment de la perception, alors on peut se demander comment tout cela se passe et s'intéresser à la manière dont la conscience créé toujours déjà du sens.

Banalement, et en attendant d'éventuels raffinements, il y a des remarques très simples à faire : on se met à interpréter quand on ne comprend pas ou quand on n'est pas sûr de comprendre (en un certain sens, pas le seul mais très courant, d'« interpréter » et de « comprendre », il y a exclusion mutuelle). La difficulté qu'il y a à préciser avec un peu de généralité les conditions dans lesquelles on n'interprète pas (parce qu'on est sûr de comprendre, par exemple, ou parce qu'on est sûr qu'il n'y a rien à comprendre) peut aider à faire sortir un problème de cette question.

PauvreYorick a écrit:Banalement, et en attendant d'éventuels raffinements, il y a des remarques très simples à faire : on se met à interpréter quand on ne comprend pas ou quand on n'est pas sûr de comprendre (en un certain sens, pas le seul mais très courant, d'« interpréter » et de « comprendre », il y a exclusion mutuelle). La difficulté qu'il y a à préciser avec un peu de généralité les conditions dans lesquelles on n'interprète pas (parce qu'on est sûr de comprendre, par exemple, ou parce qu'on est sûr qu'il n'y a rien à comprendre) peut aider à faire sortir un problème de cette question.

Pas sûr que l'intersection soit toute vide, même dans le sens que tu soulignes : une compréhension parcellaire ne pourrait-elle pas amener une interprétation qui comblerait certains trous ?
C'est arrivé à chacun de nous de comprendre l'essentiel de ce qu'on lit dans une copie d'élève mais on est obligé pour certains passages d'interpréter, d'extrapoler, les propos de l'élève pour tenter de comprendre ce qu'il a voulu dire ou faire précisément.
On aurait le même truc sur des sujets politiques, politiciens même plutôt, où l'on discute (sur ce forum même) de ce qu'a voulu dire précisément tel ou tel responsable alors même qu'on a compris l'idée générale.

En fait, quand tu parles de "difficulté à préciser quand on n'interprète pas", j'ai spontanément (mais sans doute à tort) envie de parler d'impossibilité. Je sens qu'avec l'âge la séparation entre ce qui est évident et ce qui ne l'est pas devient très floue, et que peut-être finalement tout n'est qu'interprétation.
Exemple : tu trouves une chanson célèbre dans laquelle le chanteur dit bien le "A" de U.S.A., et qu'on te répond que non, le "A" ne se dit pas... Ai-je interprété le son "A" comme le "A" qu'il est ? ou comme le "A" qui ne se dit pas mais que j'entends quand même ?  

J'aurais sans doute trop tendance à lier le mot interprétation de mon interprétation du mot "réalité".

Une partie au moins des difficultés que tu soulignes peut justement montrer qu'il y a de l'ordre à mettre dans nos concepts / affirmations, et hop, le travail de réflexion est lancé.