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Poésie 1ère : LA d'un poème en prose Empty Poésie 1ère : LA d'un poème en prose

par Mauvette Mer 17 Fév 2010, 09:20
Bonjour à toutes et à tous,
Je suis en train de préparer une LA du poème en prose de Baudelaire "Un hémisphère dans une chevelure" et je me demandais s'il était possible de faire une grande partie sur la structure du poème et sa particularité de poème en prose. Il y a beaucoup de choses à dire mais le problème est qu'on leur répète à longueur de temps de ne pas séparer fond et forme, et dans ce cas, c'est ce que je ferais (un peu)...
Qu'en pensez-vous ?

En me relisant, je me dis qu'il faut que je trouve une autre solution... Poésie 1ère : LA d'un poème en prose Icon_scratch
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Abraxas
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Poésie 1ère : LA d'un poème en prose Empty Re: Poésie 1ère : LA d'un poème en prose

par Abraxas Mer 17 Fév 2010, 09:46
Eh bien non : vous pouvez lier le tout en faisant de la forme (effectivement remarquable et très importante) une métaphore visuelle de la chevelure. Essayez, vous verrez que ça marche — un certain enroulement dans des couches de plus en plus profondes, le nez et la plume, si je puis dire, dans ses cheveux…
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par Mauvette Mer 17 Fév 2010, 09:55
Merci Abraxas, c'est exactement ce sur quoi je butais.
Cela semble, en effet, éclairant.
nuages
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par nuages Mer 17 Fév 2010, 09:59
il faut lier forme et contenu. Tu peux mettre en rapport les incantations poétiques répétées avec l'ivresse que procure le parfum de la chevelure, tu peux aussi lier la structure au va-et-vient constant entre la réalité et l'univers imaginaire, voir comment ils fusionnent grâce aux nombreuses métaphores
ysabel
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Poésie 1ère : LA d'un poème en prose Empty Re: Poésie 1ère : LA d'un poème en prose

par ysabel Mer 17 Fév 2010, 16:11
Abraxas a écrit:Eh bien non : vous pouvez lier le tout en faisant de la forme (effectivement remarquable et très importante) une métaphore visuelle de la chevelure. Essayez, vous verrez que ça marche — un certain enroulement dans des couches de plus en plus profondes, le nez et la plume, si je puis dire, dans ses cheveux

dit comme cela, c'est très poétique... ça donnerait envie de le faire rien que pour le plaisir Poésie 1ère : LA d'un poème en prose Icon_twisted

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Abraxas
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Poésie 1ère : LA d'un poème en prose Empty Re: Poésie 1ère : LA d'un poème en prose

par Abraxas Mer 17 Fév 2010, 17:22
Quelques notations rapides…

Un hémisphère dans une chevelure

Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air. 



Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j'entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique. 



Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l'espace est plus bleu et plus profond, où l'atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine. 



Dans l'océan de ta chevelure, j'entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d'hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l'éternelle chaleur. 


Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d'un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes. 



Dans l'ardent foyer de ta chevelure, je respire l'odeur du tabac mêlé à l'opium et au sucre; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco. 



Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs.



Quel hémisphère ?
Se rappeler le voyage de Baudelaire en 1840-41 à Maurice, à La Réunion et aux Mascareignes. A partir de Paris, effectivement, un hémisphère (une demi-sphère). Par ailleurs, Jeanne Duval, créole au lieu de naissance inconnu mais forcément exotique (on a supposé Maurice, les Mascareignes, Haïti, l’Inde, l’Afrique du Sud), est l’incarnation (au sens propre) de cet hémisphère. Les cheveux déroulés — nous sommes au lit, et probablement à l’horizontale, cf. « l’alcôve obscure » du poème en vers — sont le fleuve Océan qui borde ce continent à demi-noir.

Le second paramètre, bien entendu, ce sont les synesthésies. Parfum / musique / toucher / voir…
L’odorat étant le sens majeur de cette concomitance des sens et des sensations (d’où l’idée du mouchoir agité : c’est ainsi qu’on évaluait la trace du parfum, voir le roman de Süsskind, ou le film qui en a été tiré).

Le troisième paramètre, c’est la distance — ou l’absence de. À commencer par ce « tu » intime, et ce nez dans la nuque de la dame… Et cette distance écourtée entre les amants convoque les distances géographiques les plus grandes, l’Océan indien se rapproche soudain infiniment de Paris.

D’où les combinaisons de ces trois paramètres : ici est ailleurs, l’instant est souvenir et rêve (d’où le temps présent unifié), l’eau, le feu, le vent se combinent (je ne vais quand même pas relever les divers champs lexicaux évidents).
D’où le poème en prose et en versets, plutôt que des vers en prose (cf. la Chevelure, bien plus guindé avec les mêmes mots — ce serait une idée de ne donner que le texte en vers, et de demander un texte en prose de même inspiration, pour voir — ou le contraire). La main glisse de paragraphe en paragraphe, le visage se noie peu à peu, il respire bouche ouverte, il finit par « mordre ».
Il y a un autre travail facile à faire sur les allitérations, qui permettent l’effet de cascade, de fluidité (« ciel immense où se prélasse… »- — parmi tant d’autres…). D’enchaînement — du texte et du poète, c’est la même chose, autour de la chevelure de Jeanne.

Et pour conclure, leur raconter que Mallarmé, qui avait beaucoup lu Baudelaire et avait une angoisse à l’idée d’enfanter, n’éjaculait jamais que dans les cheveux des dames… Ça plaira, à coup sûr…

Voilà — quelques remarques à la va-vite, dont vous pourrez peut-être tirer quelque chose sur l’intrication de la forme et du fond.
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