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par slynop 24/7/2017, 13:17
J'avais pensé à un passage du Discours de la Servitude Volontaire, mais je n'ai pas le livre avec moi.

Peut-être aussi que vous auriez autre chose à proposer...

Dans tous les cas, merci à vous d'avance Very Happy



Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
" Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
" Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

Les Fables, Livre I, Jean de La Fontaine (1621-1695)


Dernière édition par slynop le 24/7/2017, 13:23, édité 1 fois
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par Levincent 24/7/2017, 13:18
Ça dépend quel thème tu veux aborder.

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« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
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par Iphigénie 24/7/2017, 13:21
Chiens perdus sans collier? Razz
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par slynop 24/7/2017, 13:21
Le thème de l'opposition esclavage/liberté.

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"C'est pas moi qu'explique mal, c'est les autres qui sont cons !", Perceval dans Kaamelot.
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par slynop 24/7/2017, 13:21
Iphigénie a écrit:Chiens perdus sans collier? Razz

C'est méchant de parler ainsi des élèves En complément de la fable Le loup et le chien, recherche texte philo abordable pour des 3e 558662839
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User28384
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par User28384 24/7/2017, 15:42
L'allégorie de la caverne de Platon, texte fondateur, pourrait être exploité professeur
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User28384
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En complément de la fable Le loup et le chien, recherche texte philo abordable pour des 3e Empty Re: En complément de la fable Le loup et le chien, recherche texte philo abordable pour des 3e

par User28384 24/7/2017, 15:42

C'est méchant de parler ainsi des élèves En complément de la fable Le loup et le chien, recherche texte philo abordable pour des 3e 558662839
:aaq:
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Aiôn
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par Aiôn 24/7/2017, 16:08
On peut voir ce texte à travers la question du contrat social : faut-il choisir l'état de nature (loup) ou l'état civil (chien). Le texte tendrait alors à montrer que l'on peut préférer l'état de nature par amour de la liberté sauvage. Or, justement, tous les philosophes du contrat social pensent le contraire. Et il y a des textes où ils s'expliquent. Tu aurais donc une excellente problématique : Peut-on préférer vivre à l'état de nature ou est-ce une erreur complète ? Et pourquoi la littérature parvient-elle à nous émouvoir (et partir avec le loup) là où la saine raison de la philosophie appelle à la prudence (et bon gré mal gré à faire parfois des compromis de chien) ?

Voici un exemple de texte de Hobbes. Pour un texte de Terminale c'est du facile, mais il y en a pour bien une heure d'explication si on veut qu'ils puissent vraiment réexpliquer. Ce n'est accessible à des 3e qu'avec une bonne explication préalable je pense, et tout un paratexte de vocabulaire et de questions.

Hobbes : A l'état de nature l'homme est un loup pour l'homme.

"Hors de la société civile chacun jouit d'une liberté très entière, mais qui est infructueuse, parce que comme elle donne le privilège de faire tout ce que bon nous semble, aussi elle laisse aux autres la puissance de nous faire souffrir tout ce qu'il leur plaît. Mais dans le gouvernement d'un État bien établi, chaque particulier ne se réserve qu'autant de liberté qu'il lui en faut pour vivre commodément, et en une parfaite tranquillité, comme on n'en ôte aux autres que ce dont ils seraient à craindre. Hors de la société, chacun a tellement droit sur toutes choses, qu'il ne peut s'en prévaloir et n'a la possession d'aucune ; mais dans la république, chacun jouit paisiblement de son droit particulier. Hors de la société civile, ce n'est qu'un continuel brigandage et on est exposé à la violence de tous ceux qui voudront nous ôter les biens et la vie ; mais dans l'État, cette puissance n'appartient qu'à lui seul. Hors du commerce des hommes, nous n'avons que nos propres forces qui nous servent de protection, mais dans une ville, nous recevons le secours de tous nos concitoyens."
Hobbes, Du citoyen.

Tu peux faire un tableau comparatif état de nature / état civil . Ça clarifie beaucoup !

Idée forte : à l'état de nature on vit comme des loups, rien à manger et on s'entretue. C'est la même idée que dans Lafontaine.

Et c'est l'occasion de leur faire faire du latin sur "homo homini lupus".

Merci pour ce texte de Lafontaine que je vais rajouter à mon cours sur état de nature / état civil

Après c'est une lecture du texte en mode non-rock'n-roll. :ycombe:

Le Discours de la servitude volontaire doit pouvoir être exploité pour dire que le chien est un crétin complètement aliéné et que si tous les chiens se révoltaient ensemble, on serait bien embêtés. Et on risquerait alors une république démocratique des chiens. Mais si j'avais à le faire je prendrais Hobbes. Même si j'aime beaucoup le Contr'un. C'est juste qu'il ne dit pas, il me semble, qu'il faut partir vivre avec les loups. Juste en finir avec les tyrans.
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par slynop 24/7/2017, 16:54
Merci Aiôn, c'est super.

Le Contr'un, je l'ai lu il y a de ça tellement d'années que je n'en ai plus qu'un souvenir flou. Aller voir des spécialistes est la meilleure des solutions Wink

Ce serait une lecture complémentaire, le but n'étant pas d'approfondir mais de découvrir les tenants et aboutissants d'une telle opposition.

Et du côté de Rousseau, penses-tu que l'on puisse trouver quelque chose d'intéressant et surtout d'accessible pour des 3e ?
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par slynop 24/7/2017, 17:14
2 questions par rapport à ce texte:

Y-a-t-il une différence entre l'état civil et l'état de culture ?

Et pourrait-on dire que l'état de nature, tel que Hobbes en parle, peut conduire à l'anarchie ?

Concernant la fable du Loup et du Chien, c'est une métaphore de la mise en coupe réglée de la noblesse par Louis XIV qui accepte d'avoir des titres et des charges, mais qui doit porter un collier, celui d'accepter (en avaient-ils conscience ?) de perdre sa liberté pour pouvoir vivre dans l'entourage du roi. On le voir bien dans le film Ridicule, même s'il s'agit du serrurier Louis XVI. Après, ce texte peut être dépassé, d'où ma venue ici.


Dernière édition par slynop le 24/7/2017, 17:24, édité 1 fois
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par slynop 24/7/2017, 17:17
làoùfinitlaterre a écrit:L'allégorie de la caverne de Platon, texte fondateur, pourrait être exploité professeur

C'est parti loin ça aussi Razz

Aurais-tu un extrait ?
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Aiôn
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par Aiôn 24/7/2017, 17:32
Je n'ai le temps que pour une question. Je reviendrai plus tard.

Y-a-t-il une différence entre l'état civil et l'état de culture ?

La formule "état civil" appartient au vocabulaire de Hobbes et pas "état de culture". C'est un argument fort pour employer ce terme. Du point de vue des notions du programme de Terminale le terme "civil" renvoie à la société alors que la culture renvoie à la culture. Certes tout cela est très lié, mais en philosophie cette distinction société/culture est traditionnelle. J'éviterais donc la confusion dans mon cours, de peur d'embrouiller conceptuellement les élèves.

Ce problème ne se pose pas dans ton cas. Dans la mesure où "état civil" peut porter à confusion avec l'administration du même nom, j'aurais même peur d'être mal compris, et je n'aurais aucun scrupule à mettre société et culture dans le même sac. état de nature / état de culture me semble tout à fait approprié dans ce contexte.
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par slynop 24/7/2017, 17:44
C'était la question que je me posais sur l'ambiguïté du terme pour des 3e, et tu y as répondu, merci.

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User28384
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par User28384 24/7/2017, 18:12
Désolé Slylop, mon idée de l'allégorie n'était pas une bonne idée :  le lien avec l'esclavage est peut-être trop indirect - même si les montreurs de marionnettes, les chaînes, le refus de la vérité (thème kantien de la minorité volontaire), le refus de la liberté, le lien vérité-liberté ... offrent quelques pistes intéressantes. De plus, le caractère imagé du texte plaît souvent aux élèves ...

Tu trouveras ci-joint le texte de cette bonne vieille allégorie. A toi de voir Very Happy







L’allégorie de la caverne in La République

SOCRATE (S) - Maintenant, représente-toi notre nature selon qu'elle a été instruite ou ne l'a pas été, sous des traits de ce genre: imagine des hommes dans une demeure souterraine, une caverne, avec une large entrée, ouverte dans toute sa longueur à la lumière: ils sont là les jambes et le cou enchaînés depuis leur enfance, de sorte qu'ils sont immobiles et ne regardent que ce qui est devant eux, leur chaîne les empêchant de tourner la tête. La lumière leur parvient d'un feu qui, loin sur une hauteur, brûle derrière eux; et entre le feu et les prisonniers s'élève un chemin en travers duquel imagine qu'un petit mur a été dressé, semblable aux cloisons que des montreurs de marionnettes placent devant le public, au-dessus desquelles ils font voir leurs marionnettes.
GLAUCON (G) - Je vois.
S. - Imagine le long du mur des hommes qui portent toutes sortes d'objets qui dépassent le mur; des statuettes d'hommes et d'animaux, en pierre, en bois, faits de toutes sortes de matériaux; parmi ces porteurs, naturellement il y en a qui parlent et d'autres qui se taisent.
G. - Voilà un étrange tableau et d'étranges prisonniers.
S. - Ils nous ressemblent. Penses-tu que de tels hommes aient vu d'eux-mêmes et des uns et des autres autre chose que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face?
G. - Comment cela se pourrait-il, en effet, s'ils sont forcés de tenir la tête immobile pendant toute leur vie?
S. - Et pour les objets qui sont portés le long du mur, est-ce qu'il n'en sera pas de même?
G. - Bien sûr.
S. - Mais, dans ces conditions, s'ils pouvaient se parler les uns aux autres, ne penses-tu pas qu'ils croiraient nommer les objets réels eux-mêmes en nommant ce qu'ils voient?
G. - Nécessairement.
S. - Et s'il y avait aussi dans la prison un écho que leur renverrait la paroi qui leur fait face? Chaque fois que l'un de ceux qui se trouvent derrière le mur parlerait, croiraient-ils entendre une autre voix, à ton avis, que celle de l'ombre qui passe devant eux?
G. - Ma foi non.
S. - Non, de tels hommes ne penseraient absolument pas que la véritable réalité puisse être autre chose que les ombres des objets fabriqués.
G. - De toute nécessité.
S. - Envisage maintenant ce qu'ils ressentiraient à être délivrés de leurs chaînes et à être guéris de leur ignorance, si cela leur arrivait, tout naturellement, comme suit: si l'un d'eux était délivré et forcé soudain de se lever, de tourner le cou, de marcher et de regarder la lumière; s'il souffrait de faire tous ces mouvements et que, tout ébloui, il fût incapable de regarder les objets dont il voyait auparavant les ombres, que penses-tu qu'il répondrait si on lui disait que jusqu'alors il n'a vu que des futilités mais que, maintenant, plus près de la réalité et tourné vers des êtres plus réels, il voit plus juste; lorsque, enfin, en lui montrant chacun des objets qui passent, on l'obligerait à force de questions à dire ce que c'est, ne penses-tu pas qu'il serait embarrassé et trouverait que ce qu'il voyait auparavant était plus véritable que ce qu'on lui montre maintenant?
G. - Beaucoup plus véritable.
S. - Si on le forçait à regarder la lumière elle-même, ne penses-tu pas qu'il aurait mal aux yeux, qu'il la fuirait pour se retourner vers les choses qu'il peut voir et les trouverait vraiment plus distinctes que celles qu'on lui montre?
G. - Si.
S. - Mais si on le traînait de force tout au long de la montée rude, escarpée, et qu'on ne le lâchât pas avant de l'avoir tiré dehors à la lumière du soleil, ne penses-tu pas qu'il souffrirait et s'indignerait d'être ainsi traîné; et que, une fois parvenu à la lumière du jour, les yeux pleins de son éclat, il ne pourrait pas discerner un seul des êtres appelés maintenant véritables?
G. - Non, du moins pas sur le champ.
S. - Il aurait, je pense, besoin de s'habituer pour être en mesure de voir le monde d'en haut. Ce qu'il regarderait le plus facilement d'abord, ce sont les ombres, puis les reflets des hommes et des autres êtres sur l'eau, et enfin les êtres eux-mêmes. Ensuite il contemplerait plus facilement pendant la nuit les objets célestes et le ciel lui-même - en levant les yeux vers la lumière des étoiles et de la lune - qu'il ne contemplerait, de jour, le soleil et la lumière du soleil.
G. - Certainement.
S. - Finalement, je pense, c'est le soleil, et non pas son image dans les eaux ou ailleurs, mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu'il pourrait voir et contempler tel qu'il est.
G. - Nécessairement.
S. - Après cela il en arriverait à cette réflexion, au sujet du soleil, que c'est lui qui produit les saisons et les années, qu'il gouverne tout dans le monde visible, et qu'il est la cause, d'une certaine manière, de tout ce que lui-même et les autres voyaient dans la caverne.
G. - Après cela, il est évident que c'est à cette conclusion qu'il en viendrait.
S. - Mais quoi, se souvenant de son ancienne demeure, de la science qui y est en honneur, de ses compagnons de captivité, ne penses-tu pas qu'il serait heureux de son changement et qu'il plaindrait les autres?
G. - Certainement.
S. - Et les honneurs et les louanges qu'on pouvait s'y décerner mutuellement, et les récompenses qu'on accordait à qui distinguait avec le plus de précision les ombres qui se présentaient, à qui se rappelait le mieux celles qui avaient l'habitude de passer les premières, les dernières, ou ensemble, et à qui était le plus capable, à partir de ces observations, de présager ce qui devait arriver: crois-tu qu'il les envierait? Crois-tu qu'il serait jaloux de ceux qui ont acquis honneur et puissance auprès des autres, et ne préférerait-il pas de loin endurer ce que dit Homère: "être un valet de ferme au service d'un paysan pauvre", plutôt que de partager les opinions de là-bas et de vivre comme on y vivait.
G. - Oui, je pense qu'il accepterait de tout endurer plutôt que de vivre comme il vivait.
S. - Et réfléchis à ceci: si un tel homme redescend et se rassied à la même place, est-ce qu'il n'aurait pas les yeux offusqués par l'obscurité en venant brusquement du soleil?
G. - Si, tout à fait.
S. - Et s'il lui fallait à nouveau donner son jugement sur les ombres et rivaliser avec ces hommes qui ont toujours été enchaînés, au moment où sa vue est trouble avant que ses yeux soient remis - cette réaccoutumance exigeant un certain délai - ne prêterait-il pas à rire, ne dirait-on pas à son propos que pour être monté là-haut, il en est revenu les yeux gâtés et qu'il ne vaut même pas la peine d'essayer d'y monter; et celui qui s'aviserait de les délier et de les emmener là-haut, celui-là s'ils pouvaient s'en emparer et le tuer, ne le tueraient-ils pas?
G. - Certainement.
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par slynop 24/7/2017, 20:42
Merci làoùfinitlaterre.

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par Aiôn 25/7/2017, 03:05
a - Pourrait-on dire que l'état de nature, tel que Hobbes en parle, peut conduire à l'anarchie ?

Au sens courant du mot - celui du Littré par exemple : Absence de gouvernement, et par suite désordre et confusion. - il est évident que l'état de nature hobbesien est un état d'anarchie. A l'inverse ce ne serait pas le cas de l'état de nature de Rousseau, où règne une harmonie naturelle. Je critiquerais le terme "conduire" à l'anarchie. Avec Hobbes on a plutôt l'idée que l'anarchie est première en raison de la nature de l'homme et qu'elle reste toujours latente derrière le pacte social qui la conjure : l'homme est un loup pour l'homme.  A ma connaissance le mot "anarchy" ne se trouve pas dans Hobbes lui-même, mais ce serait à mieux vérifier. Le terme existait bien pourtant dans la langue anglaise de son époque.

Je dois préciser que je n'aime pas beaucoup employer le terme d'anarchie avec Hobbes de peur d'une confusion avec l'anarchisme. Ce courant politique s'est en effet fondé sur une idée distincte de l'anarchie, qui n'y voit pas le désordre mais l'ordre moins le pouvoir. Un des premiers journaux anarchistes français se nommait ainsi : L'anarchie, journal de l'ordre. Je ne connais d'ailleurs pas un exemple d'anarchiste se réclamant du retour à l'état de nature au sens où Hobbes l'entend.

b - Sur la cour

Il me semble évident que la fable nous parle de la cour. Je crois que l'époque avait une conscience très aiguë de ses servitudes, particulièrement en ce qu'elles étaient en rupture avec des idéaux chevaleresques plus anciens, antérieurs à la monarchie absolue. Cette figure du courtisan servile était nouvelle et posait question... Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles les moralistes ont beaucoup écrit sur la cour en mettant en évidence l'hypocrisie et L'art de ramper qui est un le titre d'un opuscule rigolo du baron d'Holbach. J'ai trouvé un texte des Caractères de La Bruyère qui m'évoque beaucoup ton texte de Lafontaine. Et c'est encore une histoire de loup et de chien Very Happy



"Il y a un commerce ou un retour de devoirs du souverain à ses sujets, et de ceux-ci au souverain : quels sont les plus assujettissants et les plus pénibles, je ne le déciderai pas. Il s’agit de juger, d’un côté, entre les étroits engagements du respect, des secours, des services, de l’obéissance, de la dépendance ; et d’un autre, les obligations indispensables de bonté, de justice, de soins, de défense, de protection. Dire qu’un prince est arbitre de la vie des hommes, c’est dire seulement que les hommes par leurs crimes deviennent naturellement soumis aux lois et à la justice, dont le prince est le dépositaire : ajouter qu’il est maître absolu de tous les biens de ses sujets, sans égards, sans compte ni discussion, c’est le langage de la flatterie, c’est l’opinion d’un favori qui se dédira à l’agonie.

29 (VII)

Quand vous voyez quelquefois un nombreux troupeau, qui répandu sur une colline vers le déclin d’un beau jour, paît tranquillement le thym et le serpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue et tendre qui a échappé à la faux du moissonneur, le berger, soigneux et attentif, est debout auprès de ses brebis ; il ne les perd pas de vue, il les suit, il les conduit, il les change de pâturage ; si elles se dispersent, il les rassemble ; si un loup avide paraît, il lâche son chien, qui le met en fuite ; il les nourrit, il les défend ; l’aurore le trouve déjà en pleine campagne, d’où il ne se retire qu’avec le soleil : quels soins ! quelle vigilance ! quelle servitude ! Quelle condition vous paraît la plus délicieuse et la plus libre, ou du berger ou des brebis ? le troupeau est-il fait pour le berger, ou le berger pour le troupeau ? Image naïve des peuples et du prince qui les gouverne, s’il est bon prince.

Le faste et le luxe dans un souverain, c’est le berger habillé d’or et de pierreries, la houlette d’or en ses mains ; son chien a un collier d’or, il est attaché avec une laisse d’or et de soie. Que sert tant d’or à son troupeau ou contre les loups ?"

La Bruyère, Les Caractères, La cour, 215, 28 VII.

Mais qui craint le grand méchant loup ?
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par Levincent 25/7/2017, 09:27
Aiôn a écrit:On peut voir ce texte à travers la question du contrat social : faut-il choisir l'état de nature (loup) ou l'état civil (chien). Le texte tendrait alors à montrer que l'on peut préférer l'état de nature par amour de la liberté sauvage.

Il faut faire attention, car d'une part cette grille de lecture est sans doute anachronique (La Fontaine n'avait sans doute pas en tête les notions d'état de nature et d'état civil), et d'autre part ce sont des notions qui n'ont absolument rien d'évident pour des élèves de 3ème. Je pense que ce serait une erreur d'aborder le texte en passant ainsi par des concepts. Le mieux à faire, à ce niveau, est de mettre en valeur la question qui est posée par le texte : qui a le sort le plus enviable, tout bien pesé, et pourquoi ? Quels arguments peut-on développer pour défendre une option ou une autre ?

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par slynop 25/7/2017, 13:17
Je compte étudier le texte de La Fontaine comme un texte littéraire, non comme un texte philosophique. Par contre, j'y ferai référence quand je verrai avec eux l'extrait philosophique, que ce soit celui de Hobbes (qui me semble relativement accessible pour des 3e) ou d'un autre.

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par mrl 25/7/2017, 14:15
Merci Aiôn. Je ne connaissais pas L'essai sur l'art de ramper et il est très intéressant.

Slynop, des passages de La servitude volontaire peut être intéressants, en ce sens que La Boétie s'y indigne que les hommes supportent des jougs que les animaux ne supporteraient pas.
Le texte est vite lu : https://fr.wikisource.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire/%C3%89dition_1922/Discours
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Aiôn
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par Aiôn 25/7/2017, 14:41
Je ne suis pas d'accord avec Levincent sur plusieurs points.

Je ne sais pas ce que Lafontaine (1621-1695) avait lu et n'avait pas lu. Et je ne suis pas spécialiste de la période. Mais il ne me semble pas qu'on se trouve dans l'anachronisme si l'on admet une définition un peu large de l'idée de contrat social, qui n'appartient pas qu'à un auteur, et anime toute cette période en philosophie politique. Lafontaine arrive sur la scène de l'histoire juste après Grotius, premier théoricien du contrat, qui a vécu 23 ans en France et longuement fréquenté la cour. L'idée était dans l'air du temps. S'il faut un argument conceptuel plus précis, j'avancerais que celui qui dit que Lafontaine n'avait aucune notion du contrat social, devrait relire cet extrait de La Génisse, la Chèvre et la Brebis   et ré-expliquer au besoin en quel sens il dit cela :

"La génisse, la chèvre et leur soeur la brebis,
Avec un fier lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,
Et mirent en commun le gain et le dommage."


Certainement Lafontaine n'avait pas lu Hobbes. Et je n'affirme en rien que d'un point de vue historique le texte de Lafontaine serait une réponse à Hobbes. Là on serait dans l'anachronisme. Il ne me semble pas que Hobbes ait non plus lu Lafontaine. Par contre, Lafontaine fait partie de la constellation des auteurs qui à cette époque ont réfléchi au contrat social. Il est à cet égard notable que Rousseau ait par contre lu Lafontaine et nous en dise des choses. Je n'ai pas (encore) lu l'ouvrage de Derrida La Bête et le Souverain, que je découvre à l'occasion de cette réflexion, mais il semble que sa problématique peut nous éclairer. D'après lui le contrat social gagne à être, au moins en partie, repensé dans le cadre plus large d'une réflexion sur la figure de l'animal dans sa relation et son opposition à la souveraineté. Notre métaphore récurrente du loup, qui symbolise l'état sauvage par opposition à la civilité, s'explique alors, et prend tout son sens conceptuel.

Je ne résiste pas à vous citer ce que Rousseau écrit des fables de Lafontaine dans l'Emile. Attention ça parle bien de notre fable mais ça pique un peu ! Rousseau pense que cette fable est corruptrice pour la jeunesse, et qu'il ne faut pas l'enseigner aux jeunes gens ! Pauvres élèves. Ils aiment tellement Lafontaine... Je coupe un peu dans le texte mais je vous invite à vous y reporter.

"On fait apprendre les fables de la Fontaine à tous les enfants, et il n'y en a pas un seul qui les entende. Quand ils les entendraient, ce serait encore pis ; car la morale en est tellement mêlée et si disproportionnée à leur âge, qu'elle les porterait plus au vice qu'à la vertu. (...) Je dis qu'un enfant n'entend point les fables qu'on lui fait apprendre, parce que quelque effort qu'on fasse pour les rendre simples, l'instruction qu'on en veut tirer force d'y faire entrer des idées qu'il ne peut saisir, et que le tour même de la poésie, en les lui rendant plus faciles à retenir, les lui rend plus difficiles à concevoir, en sorte qu'on achète l'agrément aux dépens de la clarté. (...) Suivez les enfants apprenant leurs fables, et vous verrez que, quand ils sont en état d'en faire l'application, ils en font presque toujours une contraire à l'intention de l'auteur, et qu'au lieu de s'observer sur le défaut dont on les veut guérir ou préserver, ils penchent à aimer le vice avec lequel on tire parti des défauts des autres. (...) Dans la fable du loup maigre et du chien gras, au lieu d'une leçon de modération qu'on prétend lui donner, il en prend une de licence. Je n'oublierai jamais d'avoir vu beaucoup pleurer une petite fille qu'on avait désolée avec cette fable, tout en lui prêchant toujours la docilité. On eut peine à savoir la cause de ses pleurs ; on la sut enfin. La pauvre enfant s'ennuyait d'être à la chaîne, elle se sentait le cou pelé ; elle pleurait de n'être pas loup."

En ce qui concerne les pauvres petits Troisièmes les notions d'état de nature et d'état civil sont évidemment une découverte complète, c'est certain. C'est d'ailleurs également le cas des Terminales, qui débutent aussi bien. Je crois que la tâche herculéenne de faire découvrir tout le programme de philosophie aux grands Terminales s'allège si les profs d'autres disciplines font découvrir certains concepts aux plus petits à l'occasion. En EMC avec les Secondes et Premières je fais beaucoup de philo pour les préparer à la Terminale. Avec des Secondes, j'ai travaillé la séparation des pouvoirs directement dans Montesquieu. Ils ont très bien compris. Avec des Premières, j'ai fait une série de textes (Rousseau, Alain...) sur intérêt général et intérêts particuliers. Ils ont bien aimé y réfléchir en pleine période d'élections ("Est-il légitime de voter selon ses intérêts particuliers ?"). Il est certain qu'on va moins vite qu'en Terminale. Ce qui est mieux...
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Aiôn
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par Aiôn 25/7/2017, 15:21
@ mrl : Je viens d'aller regarder ce que tu signales dans le Contr'Un et tu as parfaitement raison. J'ai parlé trop vite et je le regrette d'autant plus amèrement que c'était sur un ton quelque peu moqueur qui n'avait pas lieu d'être. En plus le texte est super clair. Néanmoins je maintiendrais mes réserves sur l'intérêt de rapprocher ces textes dans une même problématique. Ils ne parlent de la même chose qu'en apparence. Toute la thèse de La Boétie est que, contrairement à l'homme dénaturé, les animaux détestent tous l'état domestique, et ne l'acceptent que par contrainte et jamais de leur plein gré. Le chien de Lafontaine contredit La Boétie en plein (malgré l'exemple des chiens de Lycurgue, qui vise à montrer le rôle de l'habitude dans la servitude volontaire, et par lequel La Boétie se contredit lui-même un peu il me semble). Mais ils ne sont même pas en débat en fait. Là où les animaux de Lafontaine sont des personnages conceptuels, et sont humanisés, ceux de La Boétie sont des exemples factuels destinés à construire une opposition homme/animal. Or cette difficulté risque de poser des problèmes de compréhension difficiles à dépasser pour les élèves (et même pour nous) si l'on confronte trop directement ces deux textes, il me semble. Au lieu de questionner la servitude volontaire en général on se restreint alors à la problématique "Les animaux sont-ils contents d'être domestiqués ?". Question intéressante au demeurant mais qui, contrairement aux apparences, n'est pas du tout celle de Lafontaine, qui comme le notait Slynop a ici l'homme de cour en vue, et pas la liberté des chiens. C'est vraiment dommage que l'animal ne soit pas au programme de la Terminale en philo. On pourrait faire des cours excellents et les élèves adoreraient je pense.

Voilà le passage auquel je crois tu faisais référence :

"Or, si d’aventure nous nous faisons quelque doute en cela, et sommes tant abâtardis que ne puissions reconnaître nos biens ni semblablement nos naïves affections, il faudra que je vous fasse l’honneur qui vous appartient, et que je monte, par manière de dire, les bêtes brutes en chaire, pour vous enseigner votre nature et condition. Les bêtes, ce maid’ Dieu ! si les hommes ne font trop les sourds, leur crient : Vive liberté ! Plusieurs en y a d’entre elles qui meurent aussitôt qu’elles sont prises : comme le poisson quitte la vie aussitôt que l’eau, pareillement celles-là quittent la lumière et ne veulent point survivre à leur naturelle franchise. Si les animaux avaient entre eux quelques prééminences, ils feraient de celles-là leur noblesse. Les autres, des plus grandes jusqu’aux plus petites, lorsqu’on les prend, font si grande résistance d’ongles, de cornes, de bec et de pieds, qu’elles déclarent assez combien elles tiennent cher ce qu’elles perdent ; puis, étant prises, elles nous donnent tant de signes apparents de la connaissance qu’elles ont de leur malheur, qu’il est bel à voir que ce leur est plus languir que vivre, et qu’elles continuent leur vie plus pour plaindre leur aise perdue que pour se plaire en servitude. Que veut dire autre chose l’éléphant qui, s’étant défendu jusqu’à n’en pouvoir plus, n’y voyant plus d’ordre, étant sur le point d’être pris, il enfonce ses mâchoires et casse ses dents contre les arbres, sinon que le grand désir qu’il a de demeurer libre, ainsi qu’il est, lui fait de l’esprit et l’avise de marchander avec les chasseurs si, pour le prix de ses dents, il en sera quitte, et s’il sera reçu de bailler son ivoire et payer cette rançon pour sa liberté ? Nous appâtons le cheval dès lors qu’il est né pour l’apprivoiser à servir ; et si ne le savons-nous si bien flatter que, quand ce vient à le dompter, il ne morde le frein, qu’il ne rue contre l’éperon, comme (ce semble) pour montrer à la nature et témoigner au moins par là que, s’il sert, ce n’est pas de son gré, ainsi par notre contrainte. Que faut-il donc dire ?

Même les bœufs sous le poids du joug geignent,
Et les oiseaux dans la cage se plaignent,

comme j’ai dit autrefois, passant le temps à nos rimes françaises ; car je ne craindrai point, écrivant à toi, ô Longa, mêler de mes vers, desquels je ne lis jamais que, pour le semblant que tu fais de t’en contenter, tu ne m’en fasses tout glorieux. Ainsi donc, puisque toutes choses qui ont sentiment, dès lors qu’elles l’ont, sentent le mal de la sujétion et courent après la liberté, puisque les bêtes, qui encore sont faites pour le service de l’homme, ne se peuvent accoutumer à servir qu’avec protestation d’un désir contraire, quel malencontre a été cela qui a pu tant dénaturer l’homme, seul né, de vrai, pour vivre franchement, et lui faire perdre la souvenance de son premier être et le désir de le reprendre ?"


Dernière édition par Aiôn le 25/7/2017, 16:11, édité 1 fois
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par mrl 25/7/2017, 16:02
@Aiôn : Oui, je pensais à cet extrait.
Il ne faut cependant pas oublier, même si ce n'est pas dans cet extrait, que La Boétie oppose les âmes bien nées, capables d'amitié et refusant la sujétion, aux autres hommes, considérés comme dénaturés (puisque tout animal est libre par nature et eux acceptent de ne pas l'être). Pour moi, les deux animaux de La Fontaine peuvent représenter ces deux types d'hommes.

Ceci étant, je n'ai jamais envisagé la fable de La Fontaine en regard de la question du contrat social et je trouve cette approche hyper pertinente.
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par cannelle21 25/7/2017, 16:27
Bon, je pense que je ne réponds pas directement à la question, mais c'est l'occasion pour moi de faire découvrir un texte que j'adore : Discours à la nation, de Celestini
Tiens, je vais le redonner comme cursive à mes troisièmes quand on fait la critique du pouvoir. J'ai l'enregistrement audio avec David Murgia.

Extrait : Silhouettes

Moi, j’ai une technique.
Quand je participe à une réunion,
Je m’assois et je pense au révolver.
[…]
La possibilité d’avoir un revolver en poche
Sans être obligé de le sortir,
Pour moi, ça a été une révolution.
[…]
Tous les êtres qui m’entourent
Aussitôt se transforment en cibles.
[…]
Ma femme me parle de sa crème à l’extrait d’écorce de bouleau
Pour lutter contre les vergetures sur les fesses.
Je pense au revolver dans ma poche,
Je souris et je lui masse le derrière.
[…]
Avoir une alternative !

Extrait : Camarades

Chères et chers camarades,
Je tiens à vous appeler ainsi bien que je sache
Que vous n’employez plus ces mots gracieux,
Car pour moi, vous restez des camarades,
Vous les exploités et les gueux, vous les humiliés et les offensés,
En somme vous les prolétaires du monde entier
Qui devriez vous unir pour briser vos chaînes.

Moi, je ne suis pas un camarade,
Je suis un maître, un patron.
Ou plus exactement
Un représentant de la classe dominante […]

Extrait : L’homme au parapluie

Je suis un homme à parapluie.
Devant moi il y a un homme sans parapluie.
Il pleut.
[…]
Je n’aime pas le conflit, je suis un pacifiste.
Alors je l’autorise à se mettre dessous.
Mais pas sous le parapluie,
Sous mes pieds.
[…]
Je mange un morceau de pain,
Des miettes tombent et lui, lèche le sol.
[…]
Vu qu’il se trouve sous mes pieds, il pourrait me les masser.
[…]
Moi je suis celui du dessus et je fais caca sur celui du dessous.
J’imagine qu’il n’est pas content,
Mais qu’est-ce que j’y peux, si j’ai envie ?
[…]
Celui du dessous se plaint.
Il se plaint comme quand il était sous la pluie.
Et maintenant que je lui ai permis de rester sous mes pieds,
De lécher mes miettes et de se fumer mes mégots,
Il se plaint de nouveau.
Il se plaint tout le temps.
Il y a des gens qui ne sont jamais contents.
[…]
Le monde ne change pas.
Ce qui change, c’est juste ta place dans le monde.

Extrait : Chèvre et choux

Alors je me suis dit :
Pour avoir une véritable majorité
Ce n’est pas le peuple qui doit nous choisir,
C’est nous qui devons choisir le peuple !

J’avais besoin d’une majorité, n’importe laquelle.
[…]
Si la majorité des citoyens a mauvaise haleine
Nous formerons le Parti de la mauvaise haleine.
[…]
Je m’efforce de vous représenter mieux que n’importe qui d’autre.
Si la majorité des citoyens aimaient la danse classique
Je danserais sur les pointes.
[…]
Du coup, j’ai repensé à l’histoire du paysan
Qui doit faire traverser une rivière à sa chèvre,
Mais aussi à un loup et à un chou,
Mais qui ne peut en faire embarquer qu’un à la fois.
Il embarque la chèvre et l’amène de l’autre côté,
Puis il fait traverser le loup et revient avec la chèvre,
Ensuite il fait traverser le chou, il le laisse à côté du loup
Qui ne le mange pas
Et enfin il fait retraverser la chèvre.
[…]
Faites traverser la chèvre,
Ensuite apportez-lui le chou, tournez le dos, elle va le bouffer
et vous aurez sa voix !
Ensuite ramenez-la au loup, l’air de rien, et il va la bouffer,
Et il sera votre allié à jamais.
[…]
La démocratie est un beau scénario pour le cinéma.
Dans la réalité
On ne peut pas mettre d’accord le loup, la chèvre et le chou.
Ce sont des ennemis naturels.
[…]
C’est moi qui vous ai choisis, vous.
Parce que vous êtes le loup.
Si le plus fort ça avait été le chou, j’aurais choisi le chou,
J’aurais fondé le parti du chou.
[…]
Nous attendons que la chèvre bouffe le chou
Après quoi nous mangerons la chèvre.
Nous éliminerons cette minorité encombrante
Et quand il n’y aura plus de minorités, il n’y aura plus que nous,
La majorité,
Et ce jour-là, nous serons vraiment égaux.

Extrait : Le pain volé

On t’a appris que tu ne devais pas voler le pain.
Le pain n’est bon que si on l’a gagné à la sueur de son front.
On t’a dit que tout ce qui est volé est sale.
[…]
C’est comme quand t’es gamin
Et qu’à la piscine on te dit de pas pisser dans l’eau
Parce qu’il y a une substance chimique qui réagit
Au contact de l’urine
Et la transforme en liquide phosphorescent.
[…]
Et puis un jour t’as tellement envie que tu n’arrives pas à te retenir,
Ou alors c’est que tu as oublié un instant
La présence du piège chimique.
Et tu constates qu’il ne se passe rien.
Alors tu te mets à pisser dans l’eau sans retenue.
[…]
Et c’est pareil pour le pain.

Extrait : Une modeste proposition

Citoyens !
Nos villes et nos campagnes se sont remplies de travailleurs étrangers.
Des gens qui bossent dans des conditions d’esclavage et souvent de véritable torture.
Tout cela est-il illégal ? Mais oui, bien sûr.
[…]
Je vous le demande : pourquoi les chasser
S’ils sont prêts à se faire exploiter ?
Pourquoi les régulariser s’ils sont prêts à bosser comme des esclaves ?
[…]
Ouvrons les frontières. Laissons les tous entrer.
Permettons-leur de travailler un an ou deux
Et puis mangeons-les.
[…]
Cela stimulerait la reprise de l’ancienne pratique du cannibalisme
En stimulant du même coup la gastronomie nationale
[…]
Le maçon roumain
Pourrait être bouillie façon poulpe à la vénitienne
Puisque sa chair aurait été talée
Par sa chute du haut de son échafaudage.

Extrait : L’homme sans parapluie

J’ai besoin d’un parapluie.
J’en ai besoin parce que dehors il pleut.
Je pourrais aller m’en acheter un, mais il pleut
Et si je sors, je vais me mouiller.
Je pourrais y aller quand même, mais j’y arriverais trempé
Chez le marchand de parapluies
Et alors ça ne servirait plus à rien d’acheter un parapluie.
Je pourrais attendre que le soleil revienne
Mais s’il y a du soleil c’est insensé d’acheter un parapluie.
[…]
Tu leur dis « Mais c’est une belle journée ensoleillée.
Pourquoi tu te balades avec ton parapluie ? »
Et l’autre « Parce que si ça se trouve il va pleuvoir. »
Un jour passe, une semaine, un mois, et à la fin il pleut.
Et le mec au parapluie « T’as vu, il pleut ! »
Il te dit ça comme s’il était devin.
Comme s’il était le type le plus malin de la planète,
Le seul prêt à combattre la pluie.
Pendant un mois entier ça a été un pauvre ***
Et maintenant c’est l’homme de l’année.



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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
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Aiôn
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En complément de la fable Le loup et le chien, recherche texte philo abordable pour des 3e Empty Re: En complément de la fable Le loup et le chien, recherche texte philo abordable pour des 3e

par Aiôn 25/7/2017, 16:35
@mrl : Je veux bien essayer de m'expliquer. Parce que c'est vrai que ces textes ont l'air assez d'accord. Et merci de me faire me (re)plonger dans ces textes. Je trouve ça passionnant ! Je vais essayer de pousser un peu mon argument.

Je ne trouve pas l'expression "âme bien-née" dans La Boétie. Je veux bien la référence pour aller regarder. Je ne crois pas cependant que pour lui la nature humaine soit a priori divisée en deux groupes étanches sur cette question (comme chez d'autres auteurs...). La liberté est accessible à tous. Sinon pourquoi écrirait-il "Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres." ? Mais peut-être fait-il une distinction en matière de disposition spontanée à la liberté. Il faudrait un texte...

La Boétie nous dit que l'homme est franc (libre) à l'état de nature, comme les animaux, et même qu'il est plus fait pour la liberté que les animaux. Il s'interroge donc sur la servitude volontaire, qui apparaît comme une monstruosité. On a donc bien deux destins possibles pour l'homme : servitude volontaire (dénaturation), liberté (état de nature).

Mais il ne faudrait pas se laisser abuser par l'expression "état de nature" chez La Boétie. Elle ne signifie pas la même chose que pour les théoriciens du contrat. L'homme libre, et conforme à sa nature, que La Boétie a en vue, est le fier citoyen des cités antiques. Il donne en exemple à ce propos Lacédémone et la République de Platon, pas la vie dans les bois. Notre fier citoyen antique ne vit pas du tout à l'état de nature mais à l'état civil (c'est un citoyen). Sa liberté est l'adéquation à sa propre nature, indissociable de la vertu politique, pas la liberté de la vie sauvage. L'homme libre de la Boétie n'est certainement pas l'homme sauvage de Hobbes avant le pacte social (homo homini lupus), ou l'homme que représente le loup de la fable, qui vit de brigandage toujours à la pointe de l'épée. Si on lit l'ensemble du Contr'Un il apparaît évident que - contrairement à ce que certains extraits isolés pourraient laisser penser - La Boétie ne dit pas que l'homme doit régresser à ce que les contractualistes appellent l'état de nature mais retrouver sa vraie nature d'être libre (son état de nature) par l'implication politique, loin des habitudes de soumission. En fait dans sa perspective c'est la tyrannie qui est la vraie sauvagerie. Et on se retrouverait plutôt du côté du Loup et l'agneau.  

C'est compliqué cette affaire. Les mêmes mots (état de nature, nature, liberté...) ne recouvrent pas dans tous ces textes les mêmes concepts, les uns les emploient au sens antique quand d'autres leurs donnent un sens moderne. Quelle pagaille pour nous et les Troisièmes Very Happy  !


Dernière édition par Aiôn le 25/7/2017, 20:25, édité 1 fois
slynop
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En complément de la fable Le loup et le chien, recherche texte philo abordable pour des 3e Empty Re: En complément de la fable Le loup et le chien, recherche texte philo abordable pour des 3e

par slynop 25/7/2017, 17:49
C'est intéressant que tu parles du Loup et de l'agneau car c'est l'autre fable que j'aborderai avec eux dans cette intro à l'argumentation.

Je suis sur mon téléphone, je ne peux donc développer plus, mais tout ce que j'ai pu lire semble passionnant. L'idée, avec cette incursion dans le registre philosophique, c'est de leur faire découvrir une autre façon de penser qui puisse nourrir leur réflexion. Avec mes 5e l'an dernier cela avait plutôt bien fonctionné quand j'avais étudié avec eux un passage de "des coches" de Montaigne. Ce que j'aime, c'est de sortir les élèves de leur zone de confort en leur proposant, quand c'est possible, quelque chose d'inusité pour eux.

La Fontaine avait-il lu La Boétie ? Si un spécialiste de l'auteur passe par ici, peut-être pourrait-il nous éclairer.

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"C'est pas moi qu'explique mal, c'est les autres qui sont cons !", Perceval dans Kaamelot.
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