- V.MarchaisEmpereur
barèges a écrit:Alors au Moyen Age on trouve ne ... mais que, ne fors ... que et on analyse que comme adverbe.
J'ai même croisé un "fokes", "forkes" (régional ?), en un seul mot et avec ce -s qui marque souvent les adverbes
Merci barèges. Sur quels critères fait-on de que un adverbe, ici ? Je ne comprends pas bien.
- IphigénieProphète
Bon intuition vérifiée sur gaffiot:
on est très vite passé de nihil aliud...nisi (négation restrictive // aliud quam (comparaison
à "nihil aliud quam" : Gaffiot signale qu'on ne trouve cette tournure qu'une fois chez CIceron, mais elle est courante ensuite.
en clair: "je ne fais que mon travail " se développe en: "je ne fais pas une chose autre que mon travail": on a confondu les deux tournures
on est très vite passé de nihil aliud...nisi (négation restrictive // aliud quam (comparaison
à "nihil aliud quam" : Gaffiot signale qu'on ne trouve cette tournure qu'une fois chez CIceron, mais elle est courante ensuite.
en clair: "je ne fais que mon travail " se développe en: "je ne fais pas une chose autre que mon travail": on a confondu les deux tournures
- NadejdaGrand sage
J'ajoute que le mot "que" avait été donné à l'agreg en 2014. Le rapport de jury en fait, dans ce cas, un adverbe exceptif.
En corrélation avec ne, l’adverbe que forme le signifiant discontinu de la négation exceptive, puisqu’elle consiste à excepter du champ de la négation l’élément sur lequel elle porte.
- 288Niveau 10
Je me disais bien que j'avais déjà vu ce problème quelque part.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/agreg_ext/32/9/lettresmod_360329.pdf p. 84.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/agreg_ext/32/9/lettresmod_360329.pdf p. 84.
- V.MarchaisEmpereur
Merci à tous.
Merci pour la recherche, Nadejda.
Donc en synchronie, l'analyse en tant qu'adverbe se justifie par analogie avec les mots forclusifs de la négation.
Mais en diachronie, on trouve bien une construction issue du comparatif, et donc usant de conjonctions. Comme Iphigénie, c'est cela dont j'avais l'intuition et qui me gênait dans le raisonnement.
Bref, la question n'est pas tout à fait tranchée, je comprends maintenant le rapprochement avec les adverbes, mais aussi les incohérences que je voyais dans ce rapprochement, qui s'expliquent par la formation de l'expression.
Ça me fait plaisir de comprendre pourquoi je comprendre pas. :lol:
Merci à tous encore une fois.
Merci pour la recherche, Nadejda.
Donc en synchronie, l'analyse en tant qu'adverbe se justifie par analogie avec les mots forclusifs de la négation.
Mais en diachronie, on trouve bien une construction issue du comparatif, et donc usant de conjonctions. Comme Iphigénie, c'est cela dont j'avais l'intuition et qui me gênait dans le raisonnement.
Bref, la question n'est pas tout à fait tranchée, je comprends maintenant le rapprochement avec les adverbes, mais aussi les incohérences que je voyais dans ce rapprochement, qui s'expliquent par la formation de l'expression.
Ça me fait plaisir de comprendre pourquoi je comprendre pas. :lol:
Merci à tous encore une fois.
- barègesÉrudit
@barèges a écrit:
Alors au Moyen Age on trouve ne ... mais que, ne fors ... que et on analyse que comme adverbe
J'ai même croisé un "fokes", "forkes" (régional ?), en un seul mot et avec ce -s qui marque souvent les adverbes
Merci barèges. Sur quels critères fait-on de que un adverbe, ici ? Je ne comprends pas bien.
Mon "on" veut dire "certains" - certains manuels croisés pour les concours... mais pas tous, on trouve aussi pour que des termes plus vagues comme "ligature", "corrélatif"...
Je reviens sur ce qui est dit plus haut : peut-être que l'on peut considérer que que n'est pas/plus analysable, un morceau de locution, et on s'en sort - ah, la magie de la locution !
C'est ce qui fait que j'ai bien aimé le régionalisme (?) *forke(s), avec la soudure en un mot. Mais c'est tellement rare que je doute de l'attestation. J'apprécie cependant la conscience linguistique d'une parenté avec d'autres forclusifs adverbes - alors qu'on repart vers du positif, à strictement parler, dans les tours exceptifs.
- User14996Niveau 10
Je n'ai pas Le Goffic sous les yeux ; il doit en faire une extension de l'adverbe indéfini (quam). Effectivement, la tournure française calquée sur le latin (nil aliud quam/nisi) donne au "que" un fonctionnement conjonctif peu adéquat au statut adverbial qu'on lui reconnaît généralement (sur le modèle des forclusifs). On paraphrase souvent par un adverbe "Je ne viens que le dimanche" = "Je viens seulement le dimanche", pourtant le discordantiel porte bien sur le verbe, la différence étant que le second élément ne ferme pas la négation comme les forclusifs, mais l'ouvre à un élément qui en sort : "Je ne viens (jamais) que le dimanche" = "Je ne viens (jamais) / que (dans des conditions telles que) je viens le dimanche". LG parle d'adverbe intégratif, ce qui tend à brouiller la frontière entre adverbe et conjonction/locution conjonctive. En tout cas, cela tend à confirmer que "ne...que" n'est pas à proprement parler une simple négation.V.Marchais a écrit:Merci à tous.
Merci pour la recherche, Nadejda.
Donc en synchronie, l'analyse en tant qu'adverbe se justifie par analogie avec les mots forclusifs de la négation.
Mais en diachronie, on trouve bien une construction issue du comparatif, et donc usant de conjonctions. Comme Iphigénie, c'est cela dont j'avais l'intuition et qui me gênait dans le raisonnement.
Bref, la question n'est pas tout à fait tranchée, je comprends maintenant le rapprochement avec les adverbes, mais aussi les incohérences que je voyais dans ce rapprochement, qui s'expliquent par la formation de l'expression.
Ça me fait plaisir de comprendre pourquoi je comprendre pas. :lol:
Merci à tous encore une fois.
- VinZTDoyen
Je soumets cette question aux spécialistes : doit-on dire
« on dira ce qu'on voudra »
ou
« on dira ce qu'on veut » ?
Je penche personnellement plutôt pour la deuxième proposition, mais sans arriver à le justifier.
« on dira ce qu'on voudra »
ou
« on dira ce qu'on veut » ?
Je penche personnellement plutôt pour la deuxième proposition, mais sans arriver à le justifier.
_________________
« Il ne faut pas croire tout ce qu'on voit sur Internet » Victor Hugo.
« Le con ne perd jamais son temps. Il perd celui des autres. » Frédéric Dard
« Ne jamais faire le jour même ce que tu peux faire faire le lendemain par quelqu'un d'autre » Pierre Dac
« Je n'ai jamais lâché prise !» Claude François
« Un économiste est un expert qui saura demain pourquoi ce qu'il avait prédit hier ne s'est pas produit aujourd'hui. » Laurence J. Peter
- Kan-gourouFidèle du forum
On dit bien "On dira ce qu'on voudra". Le premier verbe étant au futur, le deuxième doit l'être aussi. Au présent, cela donne plutôt "On peut dire ce qu'on veut".
_________________
Travaux en cours...
- SacapusHabitué du forum
avec la principale au présent, on a le choix
«On dit ce qu’on voulait», «on dit ce qu’on a voulu», «on dit ce qu’on veut», «on dit ce qu’on voudra» (pour plus tard).
Pourquoi une règle de grammaire nous empêcherait-elle de choisir le temps des verbes en fonction de ce qu’on souhaite signifier si la principale est au futur, mais pas au présent ? (Je sais bien que la concordance des temps existe, et qu’elle est contraignante, mais elle ne s’applique que pour des principales au passé, il me semble.)
«On dit ce qu’on voulait», «on dit ce qu’on a voulu», «on dit ce qu’on veut», «on dit ce qu’on voudra» (pour plus tard).
Pourquoi une règle de grammaire nous empêcherait-elle de choisir le temps des verbes en fonction de ce qu’on souhaite signifier si la principale est au futur, mais pas au présent ? (Je sais bien que la concordance des temps existe, et qu’elle est contraignante, mais elle ne s’applique que pour des principales au passé, il me semble.)
- IphigénieProphète
Fais ce que voudrasSacapus a écrit:avec la principale au présent, on a le choix
«On dit ce qu’on voulait», «on dit ce qu’on a voulu», «on dit ce qu’on veut», «on dit ce qu’on voudra» (pour plus tard).
Pourquoi une règle de grammaire nous empêcherait-elle de choisir le temps des verbes en fonction de ce qu’on souhaite signifier si la principale est au futur, mais pas au présent ? (Je sais bien que la concordance des temps existe, et qu’elle est contraignante, mais elle ne s’applique que pour des principales au passé, il me semble.)
- VinZTDoyen
Pas certain qu'on ait le choix @Sacapus.
Si j'ai bien compris ce que j'ai pu lire à gauche et à droite sur la concordance, dans le cas qui nous (enfin qui me) préoccupe (et pardon pour mes défauts de matheux).
Je dis à l'instant t0 (maintenant) « on dira » qui implique un instant t1 dans le futur. À cet instant t1, l'action est instantanée d'où utilisation du présent.
Et donc, selon moi et mon chat sur les genoux, la phrase correcte serait:
« on dira ce qu'on veut ».
Mais je suis peut-être complètement à côté de la plaque (si c'est le cas j'accuserai le greffier).
Si j'ai bien compris ce que j'ai pu lire à gauche et à droite sur la concordance, dans le cas qui nous (enfin qui me) préoccupe (et pardon pour mes défauts de matheux).
Je dis à l'instant t0 (maintenant) « on dira » qui implique un instant t1 dans le futur. À cet instant t1, l'action est instantanée d'où utilisation du présent.
Et donc, selon moi et mon chat sur les genoux, la phrase correcte serait:
« on dira ce qu'on veut ».
Mais je suis peut-être complètement à côté de la plaque (si c'est le cas j'accuserai le greffier).
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- SacapusHabitué du forum
Je ne comprends pas la relation de cause à effet que vous mettez entre «l’action est instantanée», et «le présent doit être utilisé».
Je ne comprends pas non plus ce que vous voulez dire par «l’action est instantanée».
Je ne comprends pas non plus ce que vous voulez dire par «l’action est instantanée».
- VinZTDoyen
De ce que j'ai compris de la concordance des temps,
lorsque la principale est au futur et lorsque l'action de la relative est instantanée, celle-ci doit être au présent.
En d'autres termes, « on dira » (mettons dans une heure) et dans une heure « on dit ce qu'on veut» (action qui aura lieu précisément dans une heure, et pas après).
Il est possible que je débloque complètement. Si des grammairiens éminents passent par ici …
lorsque la principale est au futur et lorsque l'action de la relative est instantanée, celle-ci doit être au présent.
En d'autres termes, « on dira » (mettons dans une heure) et dans une heure « on dit ce qu'on veut» (action qui aura lieu précisément dans une heure, et pas après).
Il est possible que je débloque complètement. Si des grammairiens éminents passent par ici …
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- IphigénieProphète
sans être grammairien ni éminent:
-on dira (alors) ce qu'on veut (dès maintenant)
-on dira (alors) ce qu'on voudra (alors, si alors on veut dire quelque chose)
la première phrase est plus "affirmative" puisqu'elle prend en compte une situation d'ores et déjà réalisée.
La deuxième introduit avec le futur une nuance d'éventualité.
Sinon parlons latin, la correspondance des temps est beaucoup plus stricte et donc beaucoup plus simple qu'en français
-on dira (alors) ce qu'on veut (dès maintenant)
-on dira (alors) ce qu'on voudra (alors, si alors on veut dire quelque chose)
la première phrase est plus "affirmative" puisqu'elle prend en compte une situation d'ores et déjà réalisée.
La deuxième introduit avec le futur une nuance d'éventualité.
Sinon parlons latin, la correspondance des temps est beaucoup plus stricte et donc beaucoup plus simple qu'en français
- User17706Bon génie
Oui, « on dira ce qu'on voudra » et « on dira ce qu'on veut » sont deux phrases parfaitement correctes, mais dont la signification est différente. Pour savoir laquelle il faut employer dans un cas donné, il faut savoir ce qu'on veut dire...
« On dira ce qu'on veut » peut s'interpréter par exemple comme suit : on veut quelque chose, mais on ne le dit pas maintenant, on le dira plus tard.
« On dira ce qu'on voudra » peut s'interpréter, par exemple, comme suit : on dira (plus tard, mettons dans une heure) ce qui nous passera par la tête à ce moment-là (mettons dans une heure).
Après, je ne suis qu'un simple locuteur natif
« On dira ce qu'on veut » peut s'interpréter par exemple comme suit : on veut quelque chose, mais on ne le dit pas maintenant, on le dira plus tard.
« On dira ce qu'on voudra » peut s'interpréter, par exemple, comme suit : on dira (plus tard, mettons dans une heure) ce qui nous passera par la tête à ce moment-là (mettons dans une heure).
Après, je ne suis qu'un simple locuteur natif
- NLM76Grand Maître
Je confirme.PauvreYorick a écrit:Oui, « on dira ce qu'on voudra » et « on dira ce qu'on veut » sont deux phrases parfaitement correctes, mais dont la signification est différente. Pour savoir laquelle il faut employer dans un cas donné, il faut savoir ce qu'on veut dire...
« On dira ce qu'on veut » peut s'interpréter par exemple comme suit : on veut quelque chose, mais on ne le dit pas maintenant, on le dira plus tard.
« On dira ce qu'on voudra » peut s'interpréter, par exemple, comme suit : on dira (plus tard, mettons dans une heure) ce qui nous passera par la tête à ce moment-là (mettons dans une heure).
Après, je ne suis qu'un simple locuteur natif
Un grammairien éminent
P.S. Je pense que VinZT, par "instantanée", veut dire "simultanée".
_________________
Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- VinZTDoyen
nlm76 a écrit:Je confirme.PauvreYorick a écrit:Oui, « on dira ce qu'on voudra » et « on dira ce qu'on veut » sont deux phrases parfaitement correctes, mais dont la signification est différente. Pour savoir laquelle il faut employer dans un cas donné, il faut savoir ce qu'on veut dire...
« On dira ce qu'on veut » peut s'interpréter par exemple comme suit : on veut quelque chose, mais on ne le dit pas maintenant, on le dira plus tard.
« On dira ce qu'on voudra » peut s'interpréter, par exemple, comme suit : on dira (plus tard, mettons dans une heure) ce qui nous passera par la tête à ce moment-là (mettons dans une heure).
Après, je ne suis qu'un simple locuteur natif
Un grammairien éminent
P.S. Je pense que VinZT, par "instantanée", veut dire "simultanée".
Merci pour vos réponses, vos éminences.
Et pardonnez pauvreté relative de mon vocabulaire. Je ne suis hélas qu'un pauvre matheux mâtiné de musicien…
_________________
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- User17706Bon génie
C'est nlm76 (avec d'autres, d'ailleurs: Sacapus, Iphigénie, V. Marchais...) qui est ici l'éminence grammaticale, mais il ne me semble pas qu'il y ait à proprement parler de règle de concordance des temps pour une principale au futur, ou alors c'est qu'on ne s'entend pas bien sur ce qu'il faut appeler « concordance des temps ». Mais à mon tour je veux bien l'avis d'un vrai grammairien / linguiste, ce que je ne suis pas du tout.
- NLM76Grand Maître
Bon alors, en fait, c'est évidemment un peu plus compliqué que cela. D'abord, je pense que dans "On dira ce qu'on veut/voudra", le problème de la concordance des temps interfère avec l'emploi du pronom indéfini.
Avec "Nous dirons ce que nous voulons" ou "Tu diras ce que tu veux", on entend mieux le sens que peut avoir l'emploi du présent ici. Je pense aussi que l'ellipse, naturelle, du verbe dire interfère : on entend encore plus clairement l'effet sémantique dans "Nous dirons ce que nous voulons dire".
Maintenant, la question ne portait pas sur la phrase que j'ai forgée, mais sur "On dira ce qu'on veut" (je ne discute que cette variante, l'autre étant manifestement correcte). Il me semble qu'il y a là en fait deux effets de sens possible:
Le présent a une valeur de vérité générale. Les gens diront ce qu'ils veulent dire en général.
Le présent a une valeur future. C'est tout à fait possible dans le langage oral. En effet, à l'oral, dans la conversation, le locuteur modifie son attitude à l'égard de son énoncé à mesure qu'il le prononce. Il peut, dans une première proposition, voir le futur comme futur, parce que son esprit coïncide avec son corps; il peut, dans la proposition qui suit, quoiqu'elle soit subordonnée, déplacer son esprit dans le futur — c'est la première proposition qui a opéré cette télétransportation — et se placer au moment où "on dira", de sorte que le présent devient naturel. Notez aussi que la télétransportation vaut pour l'interlocuteur, sans quoi la communication ne passerait pas.
C'est à mon avis possible parce que la distinction entre corps et esprit que j'ai utilisée ci-dessus par commodité est approximative. Je pense en effet que ce qui permet aux interlocuteurs de se mouvoir virtuellement dans l'espace-temps est en grande partie lié à la présence des corps dans l'espace concret du dialogue, qui constitue une espèce de scène, où le corps peut désigner dans la fiction créée. Un chercheur allemand qui travaille sur Homère a appelé cela, de façon assez juste, la deixis am phantasma (c'est de l'hellénogermain : "désignation sur la création de l'esprit").
Si le corps le peut, c'est parce qu'il peut mimer, désigner, se déplacer dans l'espace-scène du dialogue, interagir avec ses interlocuteurs.
C'est aussi possible à l'écrit, mais cela demande évidemment d'autres compétences de la part de l'auteur et du lecteur.
C'est ainsi, à mon avis, qu'on peut expliquer ce que j'appelle "la danse des temps" dans la chanson de geste médiévale, et probablement aussi l'alternance entre aoristes et imparfaits dépourvus d'augment et les mêmes augmentés chez Homère.
C'est aussi le même type de mécanisme qui explique certaines anacoluthes lafontainiennes.
Avec "Nous dirons ce que nous voulons" ou "Tu diras ce que tu veux", on entend mieux le sens que peut avoir l'emploi du présent ici. Je pense aussi que l'ellipse, naturelle, du verbe dire interfère : on entend encore plus clairement l'effet sémantique dans "Nous dirons ce que nous voulons dire".
Maintenant, la question ne portait pas sur la phrase que j'ai forgée, mais sur "On dira ce qu'on veut" (je ne discute que cette variante, l'autre étant manifestement correcte). Il me semble qu'il y a là en fait deux effets de sens possible:
Le présent a une valeur de vérité générale. Les gens diront ce qu'ils veulent dire en général.
Le présent a une valeur future. C'est tout à fait possible dans le langage oral. En effet, à l'oral, dans la conversation, le locuteur modifie son attitude à l'égard de son énoncé à mesure qu'il le prononce. Il peut, dans une première proposition, voir le futur comme futur, parce que son esprit coïncide avec son corps; il peut, dans la proposition qui suit, quoiqu'elle soit subordonnée, déplacer son esprit dans le futur — c'est la première proposition qui a opéré cette télétransportation — et se placer au moment où "on dira", de sorte que le présent devient naturel. Notez aussi que la télétransportation vaut pour l'interlocuteur, sans quoi la communication ne passerait pas.
C'est à mon avis possible parce que la distinction entre corps et esprit que j'ai utilisée ci-dessus par commodité est approximative. Je pense en effet que ce qui permet aux interlocuteurs de se mouvoir virtuellement dans l'espace-temps est en grande partie lié à la présence des corps dans l'espace concret du dialogue, qui constitue une espèce de scène, où le corps peut désigner dans la fiction créée. Un chercheur allemand qui travaille sur Homère a appelé cela, de façon assez juste, la deixis am phantasma (c'est de l'hellénogermain : "désignation sur la création de l'esprit").
Si le corps le peut, c'est parce qu'il peut mimer, désigner, se déplacer dans l'espace-scène du dialogue, interagir avec ses interlocuteurs.
C'est aussi possible à l'écrit, mais cela demande évidemment d'autres compétences de la part de l'auteur et du lecteur.
C'est ainsi, à mon avis, qu'on peut expliquer ce que j'appelle "la danse des temps" dans la chanson de geste médiévale, et probablement aussi l'alternance entre aoristes et imparfaits dépourvus d'augment et les mêmes augmentés chez Homère.
C'est aussi le même type de mécanisme qui explique certaines anacoluthes lafontainiennes.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- User17706Bon génie
Merci, c'est très intéressant --- cela dit je n'aurais rien contre un petit exemple desdites anacoluthes, maintenant qu'elles ont été mentionnées (à brûle-pourpoint je songe à pleurés du vieillard, mais sans pour autant faire le lien avec ce qui précède), et de danse des temps.
- JohannesNiveau 1
Quelle bonne idée ce topic!
Je suis mauvais grammairien mais je rêve de remédier peu à peu à cela.
Je suis mauvais grammairien mais je rêve de remédier peu à peu à cela.
- VinZTDoyen
J'ai rencontré ma première anacoluthe dans Tintin, injure du capitaine Haddock.
Aux côtés des Jocrisse, Bayadère de Carnaval et autres crétins des Alpes.
Une vrai formation littéraire, non ?
Aux côtés des Jocrisse, Bayadère de Carnaval et autres crétins des Alpes.
Une vrai formation littéraire, non ?
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« Ne jamais faire le jour même ce que tu peux faire faire le lendemain par quelqu'un d'autre » Pierre Dac
« Je n'ai jamais lâché prise !» Claude François
« Un économiste est un expert qui saura demain pourquoi ce qu'il avait prédit hier ne s'est pas produit aujourd'hui. » Laurence J. Peter
- NLM76Grand Maître
Les anacoluthes que je trouve chez La Fontaine :
Je passe sur les anacoluthes qu'on appelle aujourd'hui "dislocations à droite ou à gauche", courantes au XVIIe, ou les multiples incidentes avec changement de posture énonciatives (interventions du poète-narrateur). Ruptures temporelles :
En cherchant, je trouve aussi celle-ci:
«L'on va, l'on vient, les valets font cent tours, / L'intendant même; et pas un d'aventure / N'aperçut ni cors ni ramure, / Ni cerf enfin.»
Ou ce passage au discours indirect libre au milieu d'une phrase, excellent :
«... et la nuit, / Si quelque chat faisait du bruit, / Le chat prenait l'argent.»
- «Quand, l'ennemi se présentant, / Comme il en voulait à l'argent, / Sur le mulet du fisc une troupe se jette, /
le saisit au frein et l'arrête.» - «Mais comme il n'y pouvait atteindre: / "Ils sont trop verts, dit-il, et bon pour des goujats."»
Peut-être aussi : - «C'est pourquoi, leur dit l'hirondelle, / Mangez ce grain et croyez-moi...»
- «Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, / Dès que vous verrez que la terre /
Sera couverte, [... autres sub. circ. de tps],/ Ne volez plus de place en place.»
Je passe sur les anacoluthes qu'on appelle aujourd'hui "dislocations à droite ou à gauche", courantes au XVIIe, ou les multiples incidentes avec changement de posture énonciatives (interventions du poète-narrateur). Ruptures temporelles :
- «Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf / Envieuse, s'étend et s'enfle et se travaille...»
- «Un loup survient à jeun qui cherchait aventure...»
- «Le dauphin l'allait mettre à bord, / Quand par hasard il lui demande...»
Mais au fond l'alternance [présent pour passé simple]/[imparfait] est assez naturelle. Je préfère celle-ci (présent de narration ou passé simple coordonné à un présent d'énonciation avec ellipse du pronom sujet): - «Cela dit, Maître Loup s'enfuit, et court encor.»
En cherchant, je trouve aussi celle-ci:
«L'on va, l'on vient, les valets font cent tours, / L'intendant même; et pas un d'aventure / N'aperçut ni cors ni ramure, / Ni cerf enfin.»
Ou ce passage au discours indirect libre au milieu d'une phrase, excellent :
«... et la nuit, / Si quelque chat faisait du bruit, / Le chat prenait l'argent.»
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- NLM76Grand Maître
Pour ce qui est de la chanson de geste, les exemples sont innombrables. En voici quelques-uns, où l'alternance des temps est serrée :
Mais cette alternance, que j'appelle une danse, est constante ; le jongleur... jongle entre présent, passé simple et passé composé d'une façon qui peut paraître déconcertante.
- "Vindrent a Carles, ki France ad en baillie" (Ils vinrent à Charles, qui a la France en charge)
- "Quant se redrecet, mout par out fier lu vis" (Quand il se redresse, il eut le visage très féroce)
- "La noit demurent tresque vint al jur cler" (Ils restent la nuit, jusqu'à ce qu'elle vînt au jour clair)
- "Li quens Rollant, ki ne l'otriet mie, / En piez se drecet, si li vint cuntredire" (Le comte Roland, qui n'est pas d'accord, se dresse sur ses pieds, et vint le contredire)
- "Tant par fut bels tuit si per l'en esguardent" (Il fut si beau que tous ses pairs le regardent)
Mais cette alternance, que j'appelle une danse, est constante ; le jongleur... jongle entre présent, passé simple et passé composé d'une façon qui peut paraître déconcertante.
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- barègesÉrudit
J'étendrais cette observation des libertés quant à l'emploi du présent avec des passés hors de la chanson de geste. Le roman fait aussi cela. Le présent "de narration" paraît vraiment fréquent, et alterne très librement avec les passés composés et passés simples. Peut-être que les gens du Moyen Âge ressentaient plus directement les valeurs aspectuelles ?
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