Liberté pédagogique : lettre ouverte à l’inspection de philosophie (d'un IPR honoraire)

http://philotextes.info/spip/IMG/pdf/lettre_ouverte.pdf

Antoine Leandri a écrit:
Les évolutions récentes tendent à soumettre de plus en plus les professeurs de philosophie (pour se limiter à eux, mais il y aurait beaucoup à dire sur les enseignants en général) à des pressions et des conditions de travail (classes plus nombreuses, horaires dispersés, suppression de nombreux dédoublements, etc.) difficilement compatibles avec la nécessaire articulation de l’enseignement et de la recherche, ainsi qu’avec le plein exercice de leur liberté pédagogique.

Le texte porte surtout sur les CPGE ; je ne sais pas si cela correspond à un soutien d'un de ses amis mais certaines réflexions sur la liberté pédagogique ont attiré mon attention.

Merci d'avoir transmis cette lettre dont j'avais eu vent mais que je n'avais pas pu lire dans son intégralité.

Je l'avais reçue dans ma boîte, et me demandais s'il valait la peine de la partager. Je suis curieux de savoir ce qu'en pensent les collègues.

PauvreYorick a écrit:Je l'avais reçue dans ma boîte, et me demandais s'il valait la peine de la partager. Je suis curieux de savoir ce qu'en pensent les collègues.

A l'heure où beaucoup de collègues se sentent dépossédés de leur liberté pédagogique, j'ai trouvé intéressant cet avis d'IPR, dont la portée me semble plus large que le simple champ de sa discipline. Et cela relativise les avis trop tranchés sur les IPR (si celui-ci avait bien le même discours lorsqu'il exerçait) :

Antoine Leandri a écrit:
Si les inspecteurs ont bien une mission d’ « évaluation » (qui joue un rôle dans le cadre des mouvements nationaux et des diverses « opérations collectives » : promotion d’échelon, accès à la hors classe, etc.), il ne leur appartient pas de donner aux professeurs des directives sur la manière dont ils doivent construire leur cours (choix des problèmes, des auteurs et des œuvres étudiées, plan suivi, style adopté, etc.) : il faut et il suffit que les programmes, tels qu’ils sont définis dans les textes officiels, soient respectés.
Pour le reste, la liberté du professeur (essentielle à un enseignement philosophique) doit être respectée. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’un inspecteur doit rester indifférent au contenu d’un cours et à sa démarche, mais, en cette matière, son autorité et les conseils éventuels qu’il donne aux professeurs qui sont ses pairs (un inspecteur, rappelons-le, n’est pas le « supérieur hiérarchique » d’un professeur, et n’a pas nécessairement une expérience ou une qualification académique supérieure à la sienne) ne peuvent se fonder que sur la qualité des arguments qu’il est capable de faire valoir. Il n’a pas d’autre autorité que celle que lui reconnaît librement le professeur au terme d’un entretien conduit dans un esprit de dialogue et de respect de la pluralité des thèses et des démarches philosophiques.

Il a attendu d'être en retraite pour publier cela (et en fait, il a pris sa retraite pour pouvoir le publier); cela dit, je l'ai un petit peu connu, et rien dans sa pratique ne m'a paru contredire ce que tu viens de citer là. (J'ai même de l'estime, intellectuellement, pour le bonhomme.)

PauvreYorick a écrit:Il a attendu d'être en retraite pour publier cela (et en fait, il a pris sa retraite pour pouvoir le publier); cela dit, je l'ai un petit peu connu, et rien dans sa pratique ne m'a paru contredire ce que tu viens de citer là. (J'ai même de l'estime, intellectuellement, pour le bonhomme.)

C'est effectivement ce qu'il affirme dans son introduction.
Ce sont les meilleurs qui partent trop tôt.

Après, c'est vrai que tant qu'à l'ouvrir, j'imagine qu'il y aurait encore plein d'autres choses à dire (y compris en se limitant aux pratiques récentes de l'IG en général et de l'IG de philosophie en particulier); mais n'insultons pas l'avenir, peut-être y aura-t-il d'autres billets.

PauvreYorick a écrit:Après, c'est vrai que tant qu'à l'ouvrir, j'imagine qu'il y aurait encore plein d'autres choses à dire (y compris en se limitant aux pratiques récentes de l'IG en général et de l'IG de philosophie en particulier); mais n'insultons pas l'avenir, peut-être y aura-t-il d'autres billets.

Le "j'imagine" est probablement plutôt concret en fait ;-)

(J'attends de voir, si avec la doyenne par interim, puis avec la (peut-être) future doyenne, certains IG dans certaines disciplines (scientifiques) vont retrouver un peu de personnalité.)

Je trouve aussi que cette question de la liberté pédagogique est centrale et que cette liberté est gravement en danger.

lene75 a écrit:Je trouve aussi que cette question de la liberté pédagogique est centrale et que cette liberté est gravement en danger.

Parfaitement d'accord.

La démarche de M. Leandri apporte enfin un peu d'air dans ce qui se passe au niveau de l'inspection. Mais apprendre qu'il a dû anticiper sa retraite pour se sentir plus utile dans son action est très inquiétant (si l'inspection ne prête pas l'oreille aux inspecteurs, comment considère-t-elle alors les professeurs qui enseignent ?).

Bouboule a écrit:

PauvreYorick a écrit:Après, c'est vrai que tant qu'à l'ouvrir, j'imagine qu'il y aurait encore plein d'autres choses à dire (y compris en se limitant aux pratiques récentes de l'IG en général et de l'IG de philosophie en particulier); mais n'insultons pas l'avenir, peut-être y aura-t-il d'autres billets.

Le "j'imagine" est probablement plutôt concret en fait ;-)

Moi môssieu, quand j'imagine, c'est très précis

snitch a écrit:

lene75 a écrit:Je trouve aussi que cette question de la liberté pédagogique est centrale et que cette liberté est gravement en danger.

Parfaitement d'accord.

La démarche de M. Leandri apporte enfin un peu d'air dans ce qui se passe au niveau de l'inspection. Mais apprendre qu'il a dû anticiper sa retraite pour se sentir plus utile dans son action est très inquiétant (si l'inspection ne prête pas l'oreille aux inspecteurs, comment considère-t-elle alors les professeurs qui enseignent ?).

Je suis d'accord avec toi.
Le devoir de réserve a bon dos, surtout quand de l'autre côté on n'hésite pas à critiquer sans cesse les profs et à les accuser de tous les maux.

La seule chose qu'on pourrait lui reprocher, c'est de s'être centré sur la question des profs de prépa rétrogradés : il avait probablement un vrai contentieux à résoudre sur ce point, mais du coup ça occulte un peu la portée beaucoup plus large de son message. J'ai du mal à comprendre qu'il ne puisse pas y avoir de vraie discussion. À ce sujet, j'ai entendu et lu des choses extrêmement inquiétantes sur la réforme du collège : certains collègues qui osaient émettre des réserves, voire simplement poser des questions, se sont entendu dire qu'ils étaient des fonctionnaires et devaient obéir ou démissionner... rappelons que sur le papier, cette réforme est censée donner pour mission aux profs de développer l'esprit critique des élèves...

lene75 a écrit:
Le devoir de réserve a bon dos, surtout quand de l'autre côté on n'hésite pas à critiquer sans cesse les profs et à les accuser de tous les maux. (...) À ce sujet, j'ai entendu et lu des choses extrêmement inquiétantes sur la réforme du collège : certains collègues qui osaient émettre des réserves, voire simplement poser des questions, se sont entendu dire qu'ils étaient des fonctionnaires et devaient obéir ou démissionner... rappelons que sur le papier, cette réforme est censée donner pour mission aux profs de développer l'esprit critique des élèves...

j'apprécie particulièrement l'indication que donne Leandri sur une question qui est liée. On n'a pas à demander plus que l'application d'un programme, c'est à dire le respect d'un texte. Or je partage ton sentiment d'une dérive en ces matières : on confond l'obéissance que doit un enseignant fonctionnaire : respecter un programme, et l'obéissance servile de celui qui sert de faire-valoir et ne peut s'autoriser d'oublier de sourire à tout. Le devoir de réserve, ne pas se servir de son enseignement pour faire de la politique, ne veut pas dire servir la soupe à ceux qui nous dirigent. On ne peut pas confondre les deux. Cette distinction me semblait relativement claire avant le ministère de Mme Vallaud, elle l'est de moins en moins. Mais ça va bien au-delà du MEN. Aujourd'hui on écrit noir sur blanc, même dans certains manuels scolaires, que la laïcité c'est une prise de parti active d'exclusion de la religion, alors que ça n'était au départ que le refus du mélange des genres entre le politique et le religieux. Dans les deux cas, le garde-fou prend peu à peu l'apparence de la bannière. Il ne faut plus respecter, il faut promouvoir. De l'un à l'autre, c'est peut-être la liberté qui s'est perdue.