The Rise and the Fall of an Empire: qui connaît l'épisode sur Tiberius Gracchus ?

Bonjour à tous,

Je suis, comme nombre d'entre vous, occupée à alléger ma séquence sur la fin de la République. J'ai trouvé un extrait de la série de la BBC (The Rise and the Fall of an Empire) sur la mort de Tiberius Gracchus qui me paraît intéressant, d'autant que j'ai dans ma classe de latinistes une dizaine de purs anglophones. Je me verrais bien l'utiliser en parallèle avec un texte latin. Mon problème est que je ne connais pas le contexte de la scène : je ne comprends pas le geste que fait Tiberius lorsqu'il indique sa tête à son compagnon, dont je ne sais pas non plus, d'ailleurs, qui il est .
La video se trouve ici:
https://www.youtube.com/watch?v=OB7GVuuozoQ

Quelqu'un pourrait-il éclairer ma lanterne? Merci de votre aide.

Bonjour,

Tiberius explique lui-même le sens de ce geste dans l'extrait (If I need you, I'll point to my head like this) : l'esclave (?) dont le nom est Mâtho, doit être chargé de sa protection et intervenir lorsque Tiberius lui fera signe en touchant sa tête (de mémoire, Plutarque en parle). Ce geste, qui, dans l'esprit du tribun, signale un danger capital (caput...), va précipiter au contraire sa chute puisque ses ennemis au Sénat, incarnés dans l'extrait par son cousin, Scipion Nasica, s'en servent pour prétendre qu'il réclame la couronne des rois et appeler au lynchage. Tiberius veut en effet briguer un second mandat consécutif de tribun de la plèbe, ce qui est, bien sûr, illégal, et cette réélection est à l'ordre du jour du Sénat (c'est dit au début de l'extrait). Le personnage aux cheveux blancs qui tente de prendre sa défense et qui plaide pour la non-interférence est son beau-père, Appius Claudius.

Vous avez peut-être déjà en tête le récit de cette mort par Velleius Paterculus en prenant parti contre le tribun et en insistant sur le ridicule de cette mort (les bâtons utilisés pour le lynchage sont les pieds de bancs).

Je ne sais pas ce que vous attendez réellement pour le contexte et donc si ces informations vous sont utiles.

Cordialement.

Merci beaucoup! c'est justement cette phrase (If I need you, I'll point to my head like this) que je n'arrivais pas à comprendre. J'espérais pouvoir mettre ce passage en parallèle avec le texte de Florus (en particulier "caedes a foro coepit; inde cum in Capitolium profugisset, plebemque ad defensionem salutis suae, manu caput tangens, hortaretur, praebuit speciem regnum sibi et diadema poscentis; atque ita, duce Scipione Nasica, concitato in arma populo, quasi iure oppressus est."). C'est le cas, je suis ravie !
Quant au contexte, je parlais plutôt du scénario: quelle scène précède celle-là? Quelle action Cornelia reproche-t-elle à son fils? La série met-elle en scène, par exemple, l'opposition de Tibérius à Octavius? Si oui, comment?
Merci beaucoup pour votre réponse qui fait bien avancer mon travail.
Cordialement

Haynee a écrit:Bonjour,

Tiberius explique lui-même le sens de ce geste dans l'extrait (If I need you, I'll point to my head like this) : l'esclave (?) dont le nom est Mâtho, doit être chargé de sa protection et intervenir lorsque Tiberius lui fera signe en touchant sa tête (de mémoire, Plutarque en parle). Ce geste, qui, dans l'esprit du tribun, signale un danger capital (caput...), va précipiter au contraire sa chute puisque ses ennemis au Sénat, incarnés dans l'extrait par son cousin, Scipion Nasica, s'en servent pour prétendre qu'il réclame la couronne des rois et appeler au lynchage. Tiberius veut en effet briguer un second mandat consécutif de tribun de la plèbe, ce qui est, bien sûr, illégal, et cette réélection est à l'ordre du jour du Sénat (c'est dit au début de l'extrait). Le personnage aux cheveux blancs qui tente de prendre sa défense et qui plaide pour la non-interférence est son beau-père, Appius Claudius.

Vous avez peut-être déjà en tête le récit de cette mort par Velleius Paterculus en prenant parti contre le tribun et en insistant sur le ridicule de cette mort (les bâtons utilisés pour le lynchage sont les pieds de bancs).

Je ne sais pas ce que vous attendez réellement pour le contexte et donc si ces informations vous sont utiles.

Cordialement.

En effet c'est le geste que tibérius fait en direction de ses partisans pour le dire de se protéger la tête des coups qui vont être interprétés par le Sénat comme la volonté de prendre la couronne royale. C'est ce que rapporte Plutarque dans cet extrait:
"Τῶν δ' ἀπωτέρω θαυμαζόντων τὰ γινόμενα καὶ πυνθανομένων, ὁ Τιβέριος ἥψατο τῇ χειρὶ τῆς κεφαλῆς, ἐνδεικνύμενος τῇ ὄψει τὸν κίνδυνον, ἐπεὶ τῆς φωνῆς οὐκ ἐπήκουον.

Οἱ δ' ἐναντίοι τοῦτ' ἰδόντες, ἔθεον πρὸς τὴν βουλὴν ἀπαγγέλλοντες αἰτεῖν διάδημα τὸν Τιβέριον· καὶ τούτου σημεῖον εἶναι τὸ τῆς κεφαλῆς ἐπιθιγγάνειν."

Oui, c'est le même geste. Même s'il est un peu étrange, ce geste. Si je dois montrer à quelqu'un que je crains pour ma tête, je vais plutôt placer ma main contre mon cou... Certes, pour l'allusion à la couronne, ça marche moins bien.
Mais cet esclave n'est pas historique? C'est bien une création du réalisateur?

Je n’ai pas utilisé cette docu-fiction depuis très longtemps. Je vais donc sans doute oublier des éléments. De mémoire :

L’épisode s’ouvre sur les obsèques du père des Gracques alors que ses fils sont tout jeunes. On suit le parcours de Tiberius (pas du tout de Caius) qui grandit dans l’ombre de son père, sa volonté se montrer digne de lui et le désir de sa mère d’être connue comme la mère de Tibérius (et non pour ses liens de parenté avec la gens des Scipiones et des Æmilii). Il y a une ellipse de l’enfance (inutile d'y chercher haec ornamenta mea) : on passe de suite à un jeune Tiberius qui participe à la prise de Carthage. Il est le premier à franchir le mur, ce qui lui vaut une couronne d’or. Tiberius est trahi par le Sénat quand celui-ci refuse de ratifier l’alliance pour laquelle il s’était porté garant face aux Numantins (ce traité, conclu de façon informelle, avait permis de sauver la vie de nombreux soldats). Parallèlement, lors d’un voyage à la campagne, il est frappé par la misère des petits plébéiens et fermiers : les riches propriétaires terriens, dont certains sont pourtant ses amis, en profitent. Tiberius considère que Rome se déshonore et il aspire à la changer par la politique. Il compte sur l’appui de la plèbe pour accéder au tribunat. Il est effectivement élu et veut présenter une réforme agraire en court-circuitant le Sénat. Mais la nobilitas a son propre pion parmi les tribuns, Octavius, qui appose son veto en interdisant le vote par les citoyens. Tiberius va lui-même user de son droit de veto pour empêcher tout ce qui est normalement soumis au vote des Tribuns (et qui n’aurait pas dû poser de souci, comme l’ouverture des marchés) [NB. Ce passage était assez dynamique et plaisait bien aux élèves pour comprendre le principe de la puissance tribunicienne]. Tiberius réussit ainsi, par cette guerre d’usure, à faire destituer par vote Octavius et à passer sa réforme agraire. A ce moment-là, il est le héros de la plèbe. La nobilitas, craignant pour son pouvoir, diffuse dans la plèbe l’idée qu’il veut devenir roi (il en a déjà la couronne depuis le siège de Carthage). Le mandat de Tiberius arrive à son terme et le Sénat prévoit de le poursuivre pour trahison. Les tensions entre les partisans et les opposants de Tiberius sont au paroxysme. Tiberius veut briguer un second mandat consécutif pour ne pas avoir à rendre de comptes au Sénat et croit que le peuple le protègera. L’extrait de Youtube se situe à ce moment (ce sont les toutes dernières minutes de la docu-fiction).

Cornélie reproche, me semble-t-il, à son fils d’avoir mis Rome à feu et à sang (mais avant ce passage, la maison de Tiberius est saccagée par ses opposants et l'imago de son père est brisée : c'est peut-être une allusion à cela ; la vidéo n'est pas sur cet ordinateur et je ne peux donc pas vérifier facilement une contextualisation plus précise de ces paroles).

Concernant Mâtho, je pensais qu’il devait son nom au mercenaire Mathos, et ma façon de l’orthographier est en fait due à Flaubert. Je n'ai effectué aucune recherche à son sujet.

Cordialement.

C'est formidable ! Merci pour toutes ces précisions! Je vous en suis vraiment très reconnaissante. Votre mémoire est excellente. Je n'ai plus qu'à commander la vidéo... Vous m'avez mis l'eau à la bouche en évoquant la scène sur le veto d'Octavius. Merci, merci, merci.
Cordialement.