- cannelle21Grand Maître
Nous sommes plusieurs à avoir choisi le thème du paysage état d'âme pour aborder la poésie lyrique. Et si nous regroupions ici nos choix de poèmes, nos trouvailles.
Un poème
«Terre – Terre»
À Roland Biaujou
Sur cette floraison de routes innombrables
Où les pas font sonner les heures du désert,
Où s'efface le vent et ses cris et ses rides,
Emporté par soi-même et toujours recouvert,
Sur ces arbres scellés au ciel, à la lumière,
Sur ces fontaines de sommeil,
Sur ces oiseaux tombant au fond des puits d'azur
Roulant de l'aile sur le silence essentiel,
Je promène mes mains, mes lèvres, ma tendresse.
Je promène mes pas, ma tristesse et mon coeur.
Ô ma terre, c'est toi, toi seule qui m'oppresses,
Et je me sens jailli droit de tes profondeurs.
Je suis les quatre vents, je suis le champ des Cygnes
Et, des bords d'Orion aux feux de la Grande Ourse,
Je suis l'âme semée qui s'éprend d'elle-même,
Je suis le coeur gorgé de pur.
Terre je suis tes bras, tes ombres, tes blasphèmes,
Le ciel ouvert aux flots et la mer qui murmure.
Maurice Fombeure
À dos d'oiseau
/ nrf / Poésie Gallimard (1971)
Un poème
«Terre – Terre»
À Roland Biaujou
Sur cette floraison de routes innombrables
Où les pas font sonner les heures du désert,
Où s'efface le vent et ses cris et ses rides,
Emporté par soi-même et toujours recouvert,
Sur ces arbres scellés au ciel, à la lumière,
Sur ces fontaines de sommeil,
Sur ces oiseaux tombant au fond des puits d'azur
Roulant de l'aile sur le silence essentiel,
Je promène mes mains, mes lèvres, ma tendresse.
Je promène mes pas, ma tristesse et mon coeur.
Ô ma terre, c'est toi, toi seule qui m'oppresses,
Et je me sens jailli droit de tes profondeurs.
Je suis les quatre vents, je suis le champ des Cygnes
Et, des bords d'Orion aux feux de la Grande Ourse,
Je suis l'âme semée qui s'éprend d'elle-même,
Je suis le coeur gorgé de pur.
Terre je suis tes bras, tes ombres, tes blasphèmes,
Le ciel ouvert aux flots et la mer qui murmure.
Maurice Fombeure
À dos d'oiseau
/ nrf / Poésie Gallimard (1971)
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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- cannelle21Grand Maître
Une référence critique : Paysage et poésie, du romantisme à nos jours, par Michel Collot
http://www.jose-corti.fr/titreslesessais/paysage-poesie.html
Le paysage est une image du pays, tel qu’il est perçu par un observateur ou représenté par un artiste. Il met donc en jeu un site, un sujet et un langage, artistique ou littéraire. Il est donc un lieu privilégié du lyrisme moderne, si l’on admet que celui-ci ne relève pas de l’introspection mais plutôt d’une projection du sujet lyrique, qui ne peut s’ex-primer que dans son rapport au monde et aux mots. Ce rapport est à double sens : le paysage reflète les émotions du sujet mais il les suscite aussi. En poésie, il n’est pas décrit mais simplement évoqué par les images, les rythmes et les sonorités, qui produisent ce que les allemands appellent une Stimmung, terme intraduisible qui unit l’atmosphère et la coloration affective d’un site à la résonance des mots et à la tonalité du poème.
Le paysage est devenu, depuis le romantisme, un thème poétique majeur, qui a contribué à déplacer les frontières entre les genres ; s'il trouve dans la poésie lyrique son expression privilégiée, sa description a contribué à l'émergence d'une prose poétique et tient une place essentielle dans l'économie des "" romanspoèmes "" contemporains.
Michel Collot, Paysage et poésie, du romantisme à nos jours, éditions José Corti, 2005. Édition José Corti. José Corti
Le paysage est devenu, depuis le romantisme, un thème poétique majeur, qui a contribué à déplacer les frontières entre les genres ; s'il trouve dans la poésie lyrique son expression privilégiée, sa description a contribué à l'émergence d'une “prose poétique” et elle tient une place essentielle dans l'économie des “romans-poèmes”. Mais il a confronté aussi l'écriture à ses limites, faisant éclater la syntaxe et la versification, obligeant le poète, comme l'artiste moderne, à inventer des formes nouvelles.
C'est l'histoire de ces métamorphoses du paysage poétique que Michel Collot retrace ici, en les replaçant dans leur contexte social, intellectuel et culturel et en les confrontant à l'évolution des arts plastiques. Pour compléter ce parcours qui va du romantisme à nos jours, et illustrer la spécificité d'un art poétique du paysage, il propose ensuite une approche plus détaillée de quelques œuvres exemplaires, nous donnant à relire d'un autre point de vue Hugo, Cendrars, Ponge, Char, Gracq, Duras, Frénaud, Jaccottet, Chappuis, Glissant, Deguy, Roubaud et Sacré.
Il montre comment chacun de ses auteurs, partant d'une expérience commune, la recrée pour créer son paysage, en réinventant la langue et les formes poétiques pour exprimer à la fois le plus intime de lui-même et une nouvelle vision du monde. À une époque où la poésie tend à s'isoler, l'écriture du paysage permet de renouer “la relation lyrique”, au sein de laquelle le moi, le monde et les mots, sans jamais se fondre ni se confondre, échangent leurs différences et “une réciprocité de preuves”.
Michel Collot a enseigné à l'École normale supérieure, il a réalisé pour la Pléiade l'Anthologie de la poésie française du XXe siècle et a publié chez Corti, L'horizon fabuleux, 2 tomes (XIXe et XXe siècle).
Introduction 7
Première partie : PARCOURS 19
1. Sites romantiques et description poétique 21
2. L’espacement du sujet 43
3. Horizon et imagination 65
4. La crise du paysage 79
5. Transfigurations 99
6. Défigurations 117
7. Abstractions 139
8. Refigurations 157
Seconde partie : APPROCHES 175
1. Paysage et critique littéraire 177
2. Entre chaos et cosmos
(Hugo, Les Travailleurs de la mer) 191
3. Les vrais-faux paysages
de Blaise Cendrars (Kodak) 217
4. Le préfixe des préfixes
(Ponge, La Fabrique du pré) 237
5. La présence de l’imparfait (René Char) 257
6. Les guetteurs de l’horizon
(Gracq, Le Rivage des Syrtes) 273
7. D’une voix qui donne à voir
(Duras, Le Navire Night) 299
8. Pays, paysans, paysage (André Frénaud) 315
9. Dans la proximité de l’inaccessible
(Philippe Jaccottet) 333
10. Dans les marges du paysage (Pierre Chappuis) 355
11. L’ouverture au(x) monde(s) (Édouard Glissant) 371
12. Une phénoménologie de l’espace poétique
(Michel Deguy) 393
13. Se retrouver paysage (Jacques Roubaud) 411
14. Paysages avec (James Sacré) 425
Conclusion : Renouer la relation 437
http://www.jose-corti.fr/titreslesessais/paysage-poesie.html
Le paysage est une image du pays, tel qu’il est perçu par un observateur ou représenté par un artiste. Il met donc en jeu un site, un sujet et un langage, artistique ou littéraire. Il est donc un lieu privilégié du lyrisme moderne, si l’on admet que celui-ci ne relève pas de l’introspection mais plutôt d’une projection du sujet lyrique, qui ne peut s’ex-primer que dans son rapport au monde et aux mots. Ce rapport est à double sens : le paysage reflète les émotions du sujet mais il les suscite aussi. En poésie, il n’est pas décrit mais simplement évoqué par les images, les rythmes et les sonorités, qui produisent ce que les allemands appellent une Stimmung, terme intraduisible qui unit l’atmosphère et la coloration affective d’un site à la résonance des mots et à la tonalité du poème.
Le paysage est devenu, depuis le romantisme, un thème poétique majeur, qui a contribué à déplacer les frontières entre les genres ; s'il trouve dans la poésie lyrique son expression privilégiée, sa description a contribué à l'émergence d'une prose poétique et tient une place essentielle dans l'économie des "" romanspoèmes "" contemporains.
Michel Collot, Paysage et poésie, du romantisme à nos jours, éditions José Corti, 2005. Édition José Corti. José Corti
Le paysage est devenu, depuis le romantisme, un thème poétique majeur, qui a contribué à déplacer les frontières entre les genres ; s'il trouve dans la poésie lyrique son expression privilégiée, sa description a contribué à l'émergence d'une “prose poétique” et elle tient une place essentielle dans l'économie des “romans-poèmes”. Mais il a confronté aussi l'écriture à ses limites, faisant éclater la syntaxe et la versification, obligeant le poète, comme l'artiste moderne, à inventer des formes nouvelles.
C'est l'histoire de ces métamorphoses du paysage poétique que Michel Collot retrace ici, en les replaçant dans leur contexte social, intellectuel et culturel et en les confrontant à l'évolution des arts plastiques. Pour compléter ce parcours qui va du romantisme à nos jours, et illustrer la spécificité d'un art poétique du paysage, il propose ensuite une approche plus détaillée de quelques œuvres exemplaires, nous donnant à relire d'un autre point de vue Hugo, Cendrars, Ponge, Char, Gracq, Duras, Frénaud, Jaccottet, Chappuis, Glissant, Deguy, Roubaud et Sacré.
Il montre comment chacun de ses auteurs, partant d'une expérience commune, la recrée pour créer son paysage, en réinventant la langue et les formes poétiques pour exprimer à la fois le plus intime de lui-même et une nouvelle vision du monde. À une époque où la poésie tend à s'isoler, l'écriture du paysage permet de renouer “la relation lyrique”, au sein de laquelle le moi, le monde et les mots, sans jamais se fondre ni se confondre, échangent leurs différences et “une réciprocité de preuves”.
Michel Collot a enseigné à l'École normale supérieure, il a réalisé pour la Pléiade l'Anthologie de la poésie française du XXe siècle et a publié chez Corti, L'horizon fabuleux, 2 tomes (XIXe et XXe siècle).
Introduction 7
Première partie : PARCOURS 19
1. Sites romantiques et description poétique 21
2. L’espacement du sujet 43
3. Horizon et imagination 65
4. La crise du paysage 79
5. Transfigurations 99
6. Défigurations 117
7. Abstractions 139
8. Refigurations 157
Seconde partie : APPROCHES 175
1. Paysage et critique littéraire 177
2. Entre chaos et cosmos
(Hugo, Les Travailleurs de la mer) 191
3. Les vrais-faux paysages
de Blaise Cendrars (Kodak) 217
4. Le préfixe des préfixes
(Ponge, La Fabrique du pré) 237
5. La présence de l’imparfait (René Char) 257
6. Les guetteurs de l’horizon
(Gracq, Le Rivage des Syrtes) 273
7. D’une voix qui donne à voir
(Duras, Le Navire Night) 299
8. Pays, paysans, paysage (André Frénaud) 315
9. Dans la proximité de l’inaccessible
(Philippe Jaccottet) 333
10. Dans les marges du paysage (Pierre Chappuis) 355
11. L’ouverture au(x) monde(s) (Édouard Glissant) 371
12. Une phénoménologie de l’espace poétique
(Michel Deguy) 393
13. Se retrouver paysage (Jacques Roubaud) 411
14. Paysages avec (James Sacré) 425
Conclusion : Renouer la relation 437
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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- cannelle21Grand Maître
I
Je redresse une branche
Qui s'est rompue. Les feuilles
Sont lourdes d'eau et d'ombre
Comme au ciel, d' encore
Avant le jour. Ô terre,
Signes désaccordés, chemins épars,
Mais beauté, absolue beauté,
Beauté de fleuve,
Que ce monde demeure,
Malgré la mort !
Serrée contre la branche
L'olive grise.
II
Que ce monde demeure,
Que la feuille parfaite
Ourle à jamais dans l'arbre
L'imminence du fruit !
Que les huppes, le ciel
S'ouvrant, à l'aube,
S'envolent à jamais, de dessus le toit
De la grange vide,
Puis se posent, là-bas
Dans la légende,
Et tout est immobile
Une heure encore.
Yves Bonnefoy
Que ce monde demeure (extrait)
Les planches courbes
/ éd. Mercure de France 2001
Je redresse une branche
Qui s'est rompue. Les feuilles
Sont lourdes d'eau et d'ombre
Comme au ciel, d' encore
Avant le jour. Ô terre,
Signes désaccordés, chemins épars,
Mais beauté, absolue beauté,
Beauté de fleuve,
Que ce monde demeure,
Malgré la mort !
Serrée contre la branche
L'olive grise.
II
Que ce monde demeure,
Que la feuille parfaite
Ourle à jamais dans l'arbre
L'imminence du fruit !
Que les huppes, le ciel
S'ouvrant, à l'aube,
S'envolent à jamais, de dessus le toit
De la grange vide,
Puis se posent, là-bas
Dans la légende,
Et tout est immobile
Une heure encore.
Yves Bonnefoy
Que ce monde demeure (extrait)
Les planches courbes
/ éd. Mercure de France 2001
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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- cannelle21Grand Maître
Paysage polaire
Un monde mort, immense écume de la mer,
Gouffre d' ombre stérile et de lueurs spectrales,
Jets de pics convulsifs étirés en spirales
Qui vont éperdument dans le brouillard amer.
Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer
Où passent à plein vol les clameurs sépulcrales,
Les rires, les sanglots, les cris aigus, les râles
Qu' un vent sinistre arrache à son clairon de fer.
Sur les hauts caps branlants, rongés des flots Voraces,
Se roidissent les dieux brumeux des vieilles races,
Congelés dans leur rêve et leur lividité ;
Et les grands ours, blanchis par les neiges antiques,
Çà et là, balançant leurs cous épileptiques,
Ivres et monstrueux, bavent de volupté.
Leconte De Lisle
Poèmes
barbares
(1878)
Un monde mort, immense écume de la mer,
Gouffre d' ombre stérile et de lueurs spectrales,
Jets de pics convulsifs étirés en spirales
Qui vont éperdument dans le brouillard amer.
Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer
Où passent à plein vol les clameurs sépulcrales,
Les rires, les sanglots, les cris aigus, les râles
Qu' un vent sinistre arrache à son clairon de fer.
Sur les hauts caps branlants, rongés des flots Voraces,
Se roidissent les dieux brumeux des vieilles races,
Congelés dans leur rêve et leur lividité ;
Et les grands ours, blanchis par les neiges antiques,
Çà et là, balançant leurs cous épileptiques,
Ivres et monstrueux, bavent de volupté.
Leconte De Lisle
Poèmes
barbares
(1878)
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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- cannelle21Grand Maître
Un coucher de soleil, en Bretagne
Un coucher de soleil sur la côte bretonne
Les ajoncs éclatants, parure du granit,
Dorent l'âpre sommet que le couchant allume.
Au loin, brillante encore par sa barre d'écume,
La mer sans fin, commence où la terre finit !
À mes pieds, c'est la nuit, le silence. Le nid
Se tait. L'homme est rentré sous le chaume qui fume ;
Seul l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
A la vaste rumeur de l'Océan s'unit.
Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes,
Des landes, des ravins, montent des voix lointaines
De pâtres attardés ramenant le bétail.
L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre,
Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,
Ferme les branches d'or de son rouge éventail.
José-Maria de Hérédia /
La nature et le rêve
Un coucher de soleil sur la côte bretonne
Les ajoncs éclatants, parure du granit,
Dorent l'âpre sommet que le couchant allume.
Au loin, brillante encore par sa barre d'écume,
La mer sans fin, commence où la terre finit !
À mes pieds, c'est la nuit, le silence. Le nid
Se tait. L'homme est rentré sous le chaume qui fume ;
Seul l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
A la vaste rumeur de l'Océan s'unit.
Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes,
Des landes, des ravins, montent des voix lointaines
De pâtres attardés ramenant le bétail.
L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre,
Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,
Ferme les branches d'or de son rouge éventail.
José-Maria de Hérédia /
La nature et le rêve
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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- JaenelleHabitué du forum
Merci pour ce partage, Cannelle : j'adore (même si je n'utiliserai plus tous ces beaux textes).
- RabelaisVénérable
Ces poèmes sont magnifiques, j'adore celui de Hérédia , que je ne connaissais pas .
Que penses-tu de " l'isolement" de Lamartine, en complément ?
Je le fais etudier lorsque j'aborde ce thème, justement.
l'isolement
Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon (1), de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un oeil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;
Je ne demande rien à l'immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puis-je, porté sur le char de l'Aurore,
Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi !
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
Que penses-tu de " l'isolement" de Lamartine, en complément ?
Je le fais etudier lorsque j'aborde ce thème, justement.
l'isolement
Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon (1), de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un oeil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;
Je ne demande rien à l'immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puis-je, porté sur le char de l'Aurore,
Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi !
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
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Le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est c., on est c.
- ipomeeGuide spirituel
J'aime beaucoup ce poème. de plus beaucoup de strophes forment comme un tout, avec le dernier vers comme chute. Et la fluidité du vers de Lamartine, sous une apparence de simplicité, est prodigieuse, et permet une étude de la prosodie.
Par ailleurs as-tu pensé à Verlaine :
Clair de lune
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.
Par ailleurs as-tu pensé à Verlaine :
Clair de lune
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.
- ipomeeGuide spirituel
Et que dites-vous de :
Soleils couchants
Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées ;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !
Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.
Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.
Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !
Victor Hugo, Les Feuilles d'Automne
Soleils couchants
Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées ;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !
Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.
Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.
Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !
Victor Hugo, Les Feuilles d'Automne
- JaenelleHabitué du forum
Une petite liste datant de l'époque où je travaillais sur ce thème en 4e.
Lamartine, Le Lac, L'Automne, L'Isolement
A la forêt de Gastine, de Ronsard
Octobre, de Bertrand
Soleil couchant de Hugo
Verlaine : Soleils couchants, Crépuscule du soir mystique, Promenade sentimentale dans les "paysages tristes" des Poèmes saturniens. "Le Rossignol" (Poèmes saturniens), "L'échelonnement des haies" (Sagesse), "Après trois ans " (Poèmes saturniens).
"Temps gris" de Verhaeren.
Nerval, "Avril".
Gautier, "Au bord de la mer".
Lamartine, Le Lac, L'Automne, L'Isolement
A la forêt de Gastine, de Ronsard
Octobre, de Bertrand
Soleil couchant de Hugo
Verlaine : Soleils couchants, Crépuscule du soir mystique, Promenade sentimentale dans les "paysages tristes" des Poèmes saturniens. "Le Rossignol" (Poèmes saturniens), "L'échelonnement des haies" (Sagesse), "Après trois ans " (Poèmes saturniens).
"Temps gris" de Verhaeren.
Nerval, "Avril".
Gautier, "Au bord de la mer".
- ipomeeGuide spirituel
ET ce texte d'Aragon, chanté aussi par J. Ferrat :
ENIGME
Un grand champ de lin bleu parmi les raisins noirs
Lorsque vers moi le vent l'incline frémissant
Un grand champ de lin bleu qui fait au ciel miroir
Et c'est moi qui frémis jusqu'au fond de mon sang
Devine
Un grand champ de lin bleu dans le jour revenu
Longtemps y traîne encore une brume des songes
Et j'ai peur d'y lever des oiseaux inconnus
Dont au loin l'ombre ailée obscurément s'allonge
Devine
Un grand champ de lin bleu de la couleur des larmes
Ouvert sur un pays que seul l'amour connaît
Où tout a des parfums le pouvoir et le charme
Comme si des baisers toujours s'y promenaient
Devine
Un grand champ de lin bleu dont c'est l'étonnement
Toujours à découvrir une eau pure et profonde
De son manteau couvrant miraculeusement
Est-ce un lac ou la mer les épaules du monde
Devine
Un grand champ de lin bleu qui parle rit et pleure
Je m'y plonge et m'y perds dis-moi devines-tu
Quelle semaille y fit la joie et la douleur
Et pourquoi de l'aimer vous enivre et vous tue
Devine
LOUIS ARAGON
ENIGME
Un grand champ de lin bleu parmi les raisins noirs
Lorsque vers moi le vent l'incline frémissant
Un grand champ de lin bleu qui fait au ciel miroir
Et c'est moi qui frémis jusqu'au fond de mon sang
Devine
Un grand champ de lin bleu dans le jour revenu
Longtemps y traîne encore une brume des songes
Et j'ai peur d'y lever des oiseaux inconnus
Dont au loin l'ombre ailée obscurément s'allonge
Devine
Un grand champ de lin bleu de la couleur des larmes
Ouvert sur un pays que seul l'amour connaît
Où tout a des parfums le pouvoir et le charme
Comme si des baisers toujours s'y promenaient
Devine
Un grand champ de lin bleu dont c'est l'étonnement
Toujours à découvrir une eau pure et profonde
De son manteau couvrant miraculeusement
Est-ce un lac ou la mer les épaules du monde
Devine
Un grand champ de lin bleu qui parle rit et pleure
Je m'y plonge et m'y perds dis-moi devines-tu
Quelle semaille y fit la joie et la douleur
Et pourquoi de l'aimer vous enivre et vous tue
Devine
LOUIS ARAGON
- SergeMédiateur
Ce serait bien de voir en prolongement un extrait du René de Chateaubriand, même si c'est de la prose. C'est pour moi un incontournable sur le thème du paysage état d'âme.
- ipomeeGuide spirituel
Amaliah a écrit:Merci pour ce topic!
oui, et juste pour le plaisir. (en ce qui me concerne car je suis retraitée mais la poésie...)
- AmaliahEmpereur
Je trouve ces textes magnifiques et ils me parlent, comme ils parlaient à l'élève de 1ère L que j'étais. Mais j'ai du mal à imaginer faire une séquence entière sur ce thème avec mes futurs 3e dont le niveau est ... ce qu'il est. Je suis la seule?
- ipomeeGuide spirituel
Tu n'es certainement pas la seule. Mais je trouve aussi que la poésie est négligée au collège, ce qui fait que ça va paraître difficile à des élèves qui n'en ont pas l'habitude. Il faudrait en faire plus dès la 6e, et aussi en faire apprendre par cœur.
Utiliser pour certains le biais de la chanson (textes de poètes mis en chanson) ?
Utiliser pour certains le biais de la chanson (textes de poètes mis en chanson) ?
- JaenelleHabitué du forum
Ces textes passaient bien auprès de mes 4e, très moyens, mais meilleurs tout de même que les élèves que je côtoie dans mon nouveau collège. Avec ces derniers, je passerais par quelques relevés faciles, faits par eux, puis par une explication vers à vers (ou groupe de vers) faite essentiellement par moi. On peut imaginer une courte séquence, voir une longue séance, tournée vers l'écriture, et autre thème pour les autres éléments de poésie que l'on veut étudier.Amaliah a écrit:Je trouve ces textes magnifiques et ils me parlent, comme ils parlaient à l'élève de 1ère L que j'étais. Mais j'ai du mal à imaginer faire une séquence entière sur ce thème avec mes futurs 3e dont le niveau est ... ce qu'il est. Je suis la seule?
- cannelle21Grand Maître
Un article : http://epublications.unilim.fr/revues/as/3418
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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- JaenelleHabitué du forum
Merci : à lire absolument !cannelle21 a écrit:Un article : http://epublications.unilim.fr/revues/as/3418
- IlseÉrudit
J'ai travaillé sur : "Marine" de Verlaine, "Soleils Couchants" de Hugo, "L'automne" de Lamartine et "Afrique" de Diop.
Je cherche un poème pour mon évaluation finale, et je sèche...
Je cherche un poème pour mon évaluation finale, et je sèche...
- VicomteDeValmontGrand sage
Le coucher du soleil romantique
Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
- Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !
Je me souviens ! J'ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
- Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !
Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire ;
L'irrésistible Nuit établit son empire,
Noire, humide, funeste et pleine de frissons ;
Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,
Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,
Des crapauds imprévus et de froids limaçons.
Baudelaire.
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Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.
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