Elève qui va VRAIMENT nous manquer

La fin de l'année approche, j'ai hâte de voir enfin partir les 3e qui n'en fichent pas une et sont franchement désagréables ! Tous, sauf un, que l'idée de ne plus revoir l'année prochaine me peine réellement. Je sais qu'on ne doit pas s'attacher à ses élèves, mais ce n'est pas toujours facile de mettre la distance affective nécessaire avec certains élèves, qui sont très doués pour se rendre attachants, aussi pénibles soient-ils par ailleurs. Cela vous est-il déjà arrivé ?

En six ans d'enseignement, j'ai eu chaque année un ou une élève dont je pensais qu'il ou elle allait vraiment me manquer... et puis finalement nouvelle classe, nouveaux élèves, je passe à autre chose.
Je garde toujours la trace de ces élèves (qui allait vraiment me manquer) dans un coin de mon cerveau mais le souvenir reste partiel (prénom ou visage ou détail de sa personnalité).

chaque année. J'ai même la nostalgie de 2 classes en entier: une 3° et une 5°, tout simplement exceptionnelles (gentils gamins, bosseurs, polis, sympas enthousiastes... le bonheur !)

Moi, je crois que je vais regretter ma classe de 6e de cette année (et particulièrement une élève) ; mais bon, je devrais en retrouver au moins quelques-uns l'année prochaine puisque j'aurai a priori des 5e.

Cet élève est venu me voir jeudi en me faisant croire qu'il venait me dire au revoir parce qu'après il ne reviendrait plus au collège. C'était faux, et moi comme une idiote j'ai marché : mon visage s'est littéralement décomposé et il a maintenant compris, alors que j'ai réussi à le lui cacher toute l'année, que je l'appréciais énormément. Il m'a dit que j'allais lui manquer l'année prochaine, et depuis cet épisode-là, je n'arrête pas de me projeter dans quelques semaines, lorsque je ne le verrai plus, et ça me fait vraiment beaucoup de peine.
J'hésite à lui donner, ainsi qu'à un autre de ses camarades que j'apprécie également beaucoup, mon adresse mail professionnelle pour qu'ils puissent me donner des nouvelles de temps à autre. J'hésite car je ne sais pas comment les autres risquent de le prendre s'ils le savent, et surtout comment eux, en tant que "privilégiés" risquent de l'interpréter aussi.

L'année dernière, TZR, j'ai quitté une classe de 4e, et le collège par la même occasion, que j'aimais beaucoup. Pour mon départ, je leur ai offert un "trombinoscope affectif" : j'ai redécoupé sur un scan chaque visage à partir de la photo de classe, et j'ai inscrit à côté de chacun une "appréciation" purement subjective, par exemple : "la voix et les yeux incroyables de E. (fille) resteront longtemps gravés dans ma mémoire" ou "B. ne dit rien mais n'en pense pas moins!", ou encore "A. est l'incarnation parfaite de ce qu'on appelle un vif-argent (cherche dans le dictionnaire!)". Tout sur une seule page, faut écrire petit, et je me suis fendue de 27 photocops couleur pour l'occasion. Ils ont beaucoup aimé, et du coup chacun m'a fait son "appréciation" sur un petit papier, anonyme ou pas. Et ils ont su trouver des choses gentilles qui ne franchissaient nullement les limites. Le "vif-argent" m'a même qualifiée de "vive-argentée", après recherche

Marjolie, je pense que le mieux pour éviter ton souci est peut-être de demander à tous ceux qui le souhaitent dans la classe d'inscrire leur adresse mail à eux sur une feuille, afin que tu puisses "prendre de leurs nouvelles" par la suite.
Ensuite, libre à toi d'en demander à qui tu veux ! Et s'il y en a qui sont dans le même établissement post brevet, rien ne t'empêche de leur demander des nouvelles des autres aussi, au cas où l'info passerait que tu as écrit à l'un d'eux. Une autre solution peut être facebook : on peut s'envoyer des messages sans être inscrit comme "ami", je l'ai fait avec l'une des élèves dont je parlais plus haut. Une fois qu'on n'est plus dans le même établissement que l'élève, on a quand même les coudées plus franches.

J'ai un élève qui m'a écrit via facebook en fin d'année dernière pour me demander d'accepter sa "demande d'ami", j'ai dit non et même en lui expliquant pourquoi, ça l'a vexé... Facebook avec les élèves, j'essaie d'éviter au maximum. Ton idée de feuille avec les adresses est en revanche très bonne et ça évitera de froisser les susceptibilités (en même temps, j'ai tellement râlé après cette classe depuis des semaines, et vendredi en particulier, le jour du conseil de classe, que je ne suis pas certaine de faire une bonne pêche...)

Je n'ai jamais ressenti de sentiments aussi forts pour un élève mais j'ai donné à plusieurs reprises mon mail à certaines classes.

Je ne risque rien, je l'écrivais même au tableau, "si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas! ou simplement pour me donner de vos nouvelles"

C'est le principe même de la rencontre, je crois. Il y a des élèves avec qui on sent que s'il n'y avait pas la barrière professionnelle ou celle de l'âge, on s'entendrait bien avec eux juste comme ça, parce qu'il y a des affinités de caractère et de personnalité.

J'ai eu une élève comme ça, une année où je faisais un remplacement. La classe était géniale aussi mais cette gamine sortait un peu du lot. C'était des 4°. Quand j'ai fini mon remplacement et que je suis partie, j'ai été contactée par une collègue pour savoir si elle pouvait lui transmettre mes coordonnées à elle, et puis à d'autres. Je me suis posée les mêmes questions que toi Marjolie. Et puis finalement, j'ai accepté. Les autres, jamais eu de nouvelles. Mais cette gamine, je l'ai revue une fois avec sa maman en dehors des cours, on a passé un moment ensemble à discuter. Personnellement j'étais plutôt mal à l'aise parce que là, j'avançais à découvert sans la casquette de prof. Et puis finalement, c'était bien, on a passé un bon moment.

Je n'ai plus eu de nouvelles pendant longtemps. J'ai déménagé, changé de secteur et de nom. Et puis quelques années plus tard, pas longtemps (3 ou 4 ans), j'ai reçu une carte postale de cette élève. Voilà, juste comme ça, un petit mot de ses vacances, écrite à mon ancienne adresse mais on me l'a faite suivre. Juste pour me dire qu'elle se rappelait encore de moi parfois. Bouleversant... Elle ne me manque pas, mais je pense encore à cette élève de temps en temps dans mon travail.

J'ai retrouvé les coordonnées de ma prof d'espagnol du lycée 15 ans plus tard, et je lui ai envoyé un faire-part de naissance de mon 3e enfant. Elle était ravie et j'ai appris en retour qu'elle était maman de 3 métis, de même que moi. L'an dernier elle a débarqué avec une bouteille de champ' et ses 3 loulous pour fêter ma réussite au Capes...
Nos enfants s'entendent bien et nous aussi!
Et je lui suis reconnaissante de m'avoir fait aimer l'espagnol!

Avec certains élèves je sens également que le courant passe et je ne vois aucun inconvénient à rester en contact si par la suite ils ne sont plus mes élèves.

Une de mes petites élèves de 6e, qui avait 10 ans à l'époque alors que j'en avais déjà 30, est devenue une de mes meilleures amies. Il faut dire qu'elle était exceptionnellement brillante et très mûre pour son âge. J'ai eu d'abord quelques scrupules à accepter cette amitié : je pensais qu'il était nécessaire de garder une certaine distance étant donné nos différences d'âge et de statut... mais le temps a vite fait d'effacer mes réticences. Je l'ai conseillée sur la carrière à suivre (surtout pas professeur !) et elle m'a fait découvrir la littérature jeunesse qu'elle connaissait mieux que moi et où elle occupe aujourd'hui des responsabilités. Elle vient d'être mère de famille ; nous sommes toujours régulièrement en contact. J'ai tendance à oublier qu'elle a été mon élève et c'est souvent elle qui me conseille !

Je ne sais pas si je suis "anormal", mais je ne m'attache jamais à mes élèves. Dès que j'ai passé la porte de l'établissement, j'ai quitté le monde de l'enseignement pour entrer dans celui de la vie extérieure, et partant, je ne pense plus du tout aux élèves. Je suis (parfois) content de les retrouver en cours, mais jamais je n'ai eu une sensation de "manque" en les quittant à la fin de l'année. Il faut dire que j'ai à peine plus de 6 ans qu'eux, donc je garde pas mal de distance... du coup je suis peut-être un peu trop "professionnel" avec eux ?!?

Waoh, Zazk, c'est une très belle histoire !
(Les autres aussi, hein, mais là vraiment...)

Dragons, je pense qu'on est tous différents... Tant qu'on ne les hait pas, qu'on ne récolte pas leur adresse mail pour envoyer lettres d'insultes au son de "tu as pourri ma classe toute l'année" et autres joyeusetés...
Chacun son style !

Je m'attache régulièrement à un grand nombre d'élèves. Il faut dire que j'aime la majorité d'entre eux. Mais comme de nouveaux arrivent chaque année, cela ne me fait vraiment de peine, c'est comme ça, c'est tout.

Je dois dire que j'avais (et j'ai toujours) des scrupules à connaître et à fréquenter les élèves en dehors de l'atmosphère de la classe : je pense qu'il est bon, la plupart du temps, de garder sa part de mystère et ses distances. Mais cette amitié exceptionnelle avec cette ancienne élève n'en est que plus appréciable aujourd'hui. (Et ça ne m'est pas arrivé depuis !)

marjolie.june a écrit:La fin de l'année approche, j'ai hâte de voir enfin partir les 3e qui n'en fichent pas une et sont franchement désagréables ! Tous, sauf un, que l'idée de ne plus revoir l'année prochaine me peine réellement. Je sais qu'on ne doit pas s'attacher à ses élèves, mais ce n'est pas toujours facile de mettre la distance affective nécessaire avec certains élèves, qui sont très doués pour se rendre attachants, aussi pénibles soient-ils par ailleurs. Cela vous est-il déjà arrivé ?

Pour ma part , non, je vais au boulot comme j'irais ailleurs, et je les oublie , sauf quand je m'occupe d'eux indirectement (notes, copies...) mais je regrette parfois leur qualité d'élèves le cas échéant, surtout quand je subodore qu'on va me donner une classe pourrie. J'ai du mal à entrer dans la tête des élèves, j'ai vraiment l'impression que je vis sur une autre planète que les ados (déjà qu'avec la plupart de mes collègues , je suis à 3 galaxies, il m'arrive même de me pincer pour me rappeler que je suis devenu prof par hasard et sur le tard... ) .
Cependant, on a des surprises : une élève très effacée m'a recontacté pour me demander de l'aide et des conseils . C'était une des meilleures, elle a choisi L , avec latin . Une autre m'a revu deux ans plus tard et m'a fait la bise. J'ai eu un accident, bloqué à la maison , avec des points de suture partout, le bras en écharpe, les côtes pétées, et j'entends sonner, huit élèves qui se pointent pour voir comment j'allais, ils avaient appris (comment ? je n'avais vu personne...) que j'étais amoché et dans le groupe, il y en avait auxquels je me serais encore moins attendu.

LadyC a écrit:Dragons, je pense qu'on est tous différents... Tant qu'on ne les hait pas, qu'on ne récolte pas leur adresse mail pour envoyer lettres d'insultes au son de "tu as pourri ma classe toute l'année" et autres joyeusetés...
Chacun son style !

Je viens enfin de comprendre l'intérêt que pouvais avoir les petites feuilles que l'on fait remplir aux élèves en début d'année.

Bein moi j'ai fait un spécial goûter avec mes premières Vendredi car ils sont tous choupinets et que je ne mettrais plus les pieds dans ce lycée avant fort longtemps. L'avantage (et parfois aussi l'inconvénient) d'avoir de gros volumes horaires avec certaines classes c'est que tu développes un lien privilégié. J'ai gardé contact avec mes anciens élèves de première, ils passent leur BTS cette année. Je stresse avec eux et tente aussi de les rassurer. Ils deviennent grands, connaissent joies et déceptions et veulent me faire partager certaines choses. Je suis ouvert et je dis "tant mieux".

olive-in-oil a écrit:Je m'attache régulièrement à un grand nombre d'élèves. Il faut dire que j'aime la majorité d'entre eux. Mais comme de nouveaux arrivent chaque année, cela ne me fait vraiment de peine, c'est comme ça, c'est tout.

Je me reconnais dans ce que tu écris. Une amie qui a plus de bouteille que moi avait une image qui me plaît bien: chaque année tu as ta portée de chatons, tu les aides à marcher seul et tu recommences. C'est aussi un peu le mythe de Sisyphe mais malgré tout c'est un peu ça. Je garde plus facilement aujourd'hui des contacts avec des anciens, par mail en particulier, peu dans la vraie vie, et même dans la vraie c'est un pot comme ça une fois l'an et encore. Quand j'en ai certain plusieurs années, je leur dis à la fin pour les plus marquants que ça a été un plaisir de travailler avec eux, même à certains zouaves pas toujours travailleurs mais humainement agréables.

Pour moi c'est impossible de ne pas m'attacher à certains... surtout les tous premiers élèves d'une carrière, je sais que je ne les oublierais pas et ça me fera mal au coeur de les quitter dans quelques jours ... si je leur ai, je l'espère, appris des choses, eux-aussi m'ont beaucoup appris (les chous comme les chieurs).

Certains m'ont demandé sur facebook, je leur ai dit que j'accepterais une fois l'année scolaire terminée... je ne publie de toute façon rien de privé sur facebook, ça permettra juste de se donner des nouvelles plus rapidement, plus facilement qu'un mail

marjolie.june a écrit: (en même temps, j'ai tellement râlé après cette classe depuis des semaines, et vendredi en particulier, le jour du conseil de classe, que je ne suis pas certaine de faire une bonne pêche...)

ça, ça ne veut rien dire du tout, tu verras! râler = montrer qu'on se préoccupe d'eux, et ça ils le savent très bien...
J'arrête pas d'en engueuler certains - mais vraiment,vraiment beaucoup - et là ils me sortent : "mais comment on va faire si vous êtes plus notre prof principal l'année prochaine ?? "

C'est sûr que ça dépend un peu du volume horaire de notre matière aussi, moins d'élèves, plus de temps avec eux...
Disons qu'il y a des élèves auxquels on repense de temps en temps, des classes qui nous manquent vaguement, et puis quelques exceptions, très peu dans une carrière sans doute, qui vont vraiment nous "manquer", enfin disons auxquels on repensera souvent et qu'on aurait envie de revoir, peut-être parce qu'ils sont eux-mêmes des adultes en puissance, ou parce qu'on les a connus et suivis pendant trois ou quatre ans, ou parce qu'on a des affinités de parcours, de caractère... Ces affinités se manifestent peut-être plus souvent dans les matières où les élèves ont l'occasion d'exprimer leur personnalité dans le travail lui-même, comme en EPS, rédaction, arts, ... Je ne sais. En tout cas, le volet humain du métier, chacun le vit à sa manière, et la distance comme l'affection ont leurs vertus.

marjolie.june a écrit:Cet élève est venu me voir jeudi en me faisant croire qu'il venait me dire au revoir parce qu'après il ne reviendrait plus au collège. C'était faux, et moi comme une idiote j'ai marché : mon visage s'est littéralement décomposé et il a maintenant compris, alors que j'ai réussi à le lui cacher toute l'année, que je l'appréciais énormément. Il m'a dit que j'allais lui manquer l'année prochaine, et depuis cet épisode-là, je n'arrête pas de me projeter dans quelques semaines, lorsque je ne le verrai plus, et ça me fait vraiment beaucoup de peine.
J'hésite à lui donner, ainsi qu'à un autre de ses camarades que j'apprécie également beaucoup, mon adresse mail professionnelle pour qu'ils puissent me donner des nouvelles de temps à autre. J'hésite car je ne sais pas comment les autres risquent de le prendre s'ils le savent, et surtout comment eux, en tant que "privilégiés" risquent de l'interpréter aussi.

J'ai eu une élève adorable pendant 3 ans, elle est maintenant en seconde, et m'envoie régulièrement des mails (j'ai une boîte mail exprès pour tous mes élèves) et des sms, vient me voir et me raconte pleins de petits potins. Sa mère est d'accord bien entendu. Après tout, on est des êtres humains, c'est normal de s'attacher à certaines personnalités. Si ça te fais plaisir, tu peux toujours lui laisser de quoi te contacter par mail, et tu verras bien.