- flplstkNiveau 5
Bonjour,
Prof d'histoire, je sollicite l'aide de collègues de français. Je cherche un court extrait d'un roman de Zola décrivant la condition ouvrière au XIXeme autre que "Germinal" et accessible pour des 4emes. Je pense éventuellement à "l'Assomoir" mais je n'ai rien trouvé de convaincant sur le net (à part sur l'alcoolisme). Quelqu'un aurait-il ça en magasin ?
Merci beaucoup !
Prof d'histoire, je sollicite l'aide de collègues de français. Je cherche un court extrait d'un roman de Zola décrivant la condition ouvrière au XIXeme autre que "Germinal" et accessible pour des 4emes. Je pense éventuellement à "l'Assomoir" mais je n'ai rien trouvé de convaincant sur le net (à part sur l'alcoolisme). Quelqu'un aurait-il ça en magasin ?
Merci beaucoup !
- GilbertineNeoprof expérimenté
Dans L'Assommoir, il y a une description du travail du forgeron avec une scène poignante sur la mécanisation du travail, je peux te trouver l'extrait, un autre passage décrit Coupeau, le zingueur sur le toit qu'il installe et l'accident se produit.
Dans La Fortune des Rougon, les enfants Macquart travaillent très jeunes (Gervaise casse des amandes à 8 ans), mais il y a peu de détails.
Dans La Fortune des Rougon, les enfants Macquart travaillent très jeunes (Gervaise casse des amandes à 8 ans), mais il y a peu de détails.
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"votre mystère étant resté là où est mort mon silence"
- JennyMédiateur
Le premier extrait m'intéresse, Gilbertine, si tu as le courage de le rechercher.
- GilbertineNeoprof expérimenté
C'est le début du chapitre VI :
https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Assommoir/Chapitre_VI
et pour le face-à-face avec la machine :
Dans Le Papa de Simon de Maupassant, il y a aussi une évocation épique du travail du forgeron.
Edit : j'ai ajouté en spoiler la description de la machine.
https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Assommoir/Chapitre_VI
et pour le face-à-face avec la machine :
- Spoiler:
- — Venez donc, vous n’avez pas tout vu… Non, vrai, c’est très-curieux.
Il la conduisit à droite, dans un autre hangar, où son patron installait toute une fabrication mécanique. Sur le seuil, elle hésita, prise d’une peur instinctive. La vaste salle, secouée par les machines, tremblait ; et de grandes ombres flottaient, tachées de feux rouges. Mais lui la rassura en souriant, jura qu’il n’y avait rien à craindre ; elle devait seulement avoir bien soin de ne pas laisser traîner ses jupes trop près des engrenages. Il marcha le premier, elle le suivit, dans ce vacarme assourdissant où toutes sortes de bruits sifflaient et ronflaient, au milieu de ces fumées peuplées d’êtres vagues, des hommes noirs affairés, des machines agitant leurs bras, qu’elle ne distinguait pas les uns des autres. Les passages étaient très-étroits, il fallait enjamber des obstacles, éviter des trous, se ranger pour se garer d’un chariot. On ne s’entendait pas parler. Elle ne voyait rien encore, tout dansait. Puis, comme elle éprouvait au-dessus de sa tête la sensation d’un grand frôlement d’ailes, elle leva les yeux, elle s’arrêta à regarder les courroies, les longs rubans qui tendaient au plafond une gigantesque toile d’araignée, dont chaque fil se dévidait sans fin ; le moteur à vapeur se cachait dans un coin, derrière un petit mur de briques ; les courroies semblaient filer toutes seules, apporter le branle du fond de l’ombre, avec leur glissement continu, régulier, doux comme le vol d’un oiseau de nuit. Mais elle faillit tomber, en se heurtant à un des tuyaux du ventilateur, qui se ramifiait sur le sol battu, distribuant son souffle de vent aigre aux petites forges, près des machines. Et il commença par lui faire voir ça, il lâcha le vent sur un fourneau ; de larges flammes s’étalèrent des quatre côtés en éventail, une collerette de feu dentelée, éblouissante, à peine teintée d’une pointe de laque ; la lumière était si vive, que les petites lampes des ouvriers paraissaient des gouttes d’ombre dans du soleil. Ensuite, il haussa la voix pour donner des explications, il passa aux machines : les cisailles mécaniques qui mangeaient des barres de fer, croquant un bout à chaque coup de dents, crachant les bouts par derrière, un à un ; les machines à boulons et à rivets, hautes, compliquées, forgeant les têtes d’une seule pesée de leur vis puissante ; les ébarbeuses, au volant de fonte, une boule de fonte qui battait l’air furieusement à chaque pièce dont elles enlevaient les bavures ; les taraudeuses, manœuvrées par des femmes, taraudant les boulons et leurs écrous, avec le tictac de leurs rouages d’acier luisant sous la graisse des huiles. Elle pouvait suivre ainsi tout le travail, depuis le fer en barre, dressé contre les murs, jusqu’aux boulons et aux rivets fabriqués, dont des caisses pleines encombraient les coins. Alors, elle comprit, elle eut un sourire en hochant le menton ; mais elle restait tout de même un peu serrée à la gorge, inquiète d’être si petite et si tendre parmi ces rudes travailleurs de métal, se retournant parfois, les sangs glacés, au coup sourd d’une ébarbeuse. Elle s’accoutumait à l’ombre, voyait des enfoncements où des hommes immobiles réglaient la danse haletante des volants, quand un fourneau lâchait brusquement le coup de lumière de sa collerette de flamme. Et, malgré elle, c’était toujours au plafond qu’elle revenait, à la vie, au sang même des machines, au vol souple des courroies, dont elle regardait, les yeux levés, la force énorme et muette passer dans la nuit vague des charpentes.
Cependant, Goujet s’était arrêté devant une des machines à rivets. Il restait là, songeur, la tête basse, les regards fixes. La machine forgeait des rivets de quarante millimètres, avec une aisance tranquille de géante. Et rien n’était plus simple en vérité. Le chauffeur prenait le bout de fer dans le fourneau ; le frappeur le plaçait dans la clouière, qu’un filet d’eau continu arrosait pour éviter d’en détremper l’acier ; et c’était fait, la vis s’abaissait, le boulon sautait à terre, avec sa tête ronde comme coulée au moule. En douze heures, cette sacrée mécanique en fabriquait des centaines de kilogrammes. Goujet n’avait pas de méchanceté ; mais, à certains moments, il aurait volontiers pris Fifine pour taper dans toute cette ferraille, par colère de lui voir des bras plus solides que les siens. Ça lui causait un gros chagrin, même quand il se raisonnait, en se disant que la chair ne pouvait pas lutter contre le fer. Un jour, bien sûr, la machine tuerait l’ouvrier ; déjà leurs journées étaient tombées de douze francs à neuf francs, et on parlait de les diminuer encore ; enfin, elles n’avaient rien de gai, ces grosses bêtes, qui faisaient des rivets et des boulons comme elles auraient fait de la saucisse. Il regarda celle-là trois bonnes minutes sans rien dire ; ses sourcils se fronçaient, sa belle barbe jaune avait un hérissement de menace. Puis, un air de douceur et de résignation amollit peu à peu ses traits. Il se tourna vers Gervaise qui se serrait contre lui, il dit avec un sourire triste :
— Hein ! ça nous dégotte joliment ! Mais peut-être que plus tard ça servira au bonheur de tous.
Gervaise se moquait du bonheur de tous. Elle trouva les boulons à la mécanique mal faits.
— Vous me comprenez, s’écria-t-elle avec feu, ils sont trop bien faits… J’aime mieux les vôtres. On sent la main d’un artiste, au moins.
Elle lui causa un bien grand contentement en parlant ainsi, parce qu’un moment il avait eu peur qu’elle ne le méprisât, après avoir vu les machines.
Dans Le Papa de Simon de Maupassant, il y a aussi une évocation épique du travail du forgeron.
Edit : j'ai ajouté en spoiler la description de la machine.
- User5899Demi-dieu
Sinon, toujours dans L'Assommoir, il y a le travail des repasseuses dans la blanchisserie de Gervaise, avec les femmes et l'apprentie, "ce louchon d'Augustine"
Les deux maçons qui ont réussi dans La Curée (j'ai oublié leurs noms, ils sont de toutes les soirées mondaines).
Des ouvriers particuliers : les employés du chemin de fer dans La Bête humaine.
Les deux maçons qui ont réussi dans La Curée (j'ai oublié leurs noms, ils sont de toutes les soirées mondaines).
Des ouvriers particuliers : les employés du chemin de fer dans La Bête humaine.
- V.MarchaisEmpereur
La condition des filles de magasin dans "Au Bonheur des Dames".
- Tem-toGrand sage
De mémoire, dans L'Oeuvre, il y a une description des portefaix qui déchargent les péniches amarrées en quai de Seine.
- Tem-toGrand sage
Les débuts en littérature du métier de "Relations publiques" ou d'autres exemples plus anciens ?Cripure a écrit:Les deux maçons qui ont réussi dans La Curée (j'ai oublié leurs noms, ils sont de toutes les soirées mondaines).
- OsmieSage
flplstk a écrit:Bonjour,
Prof d'histoire, je sollicite l'aide de collègues de français. Je cherche un court extrait d'un roman de Zola décrivant la condition ouvrière au XIXeme autre que "Germinal" et accessible pour des 4emes. Je pense éventuellement à "l'Assomoir" mais je n'ai rien trouvé de convaincant sur le net (à part sur l'alcoolisme). Quelqu'un aurait-il ça en magasin ?
Merci beaucoup !
Sans hésiter, de nombreux textes dans un des évangiles de Zola, Travail. Il faudrait que je te retrouve un passage, un parmi mille !
- OsmieSage
Je viens de feuilleter mon exemplaire, et suis tombée sur cet extrait, que je trouve parlant :
"Justement Luc put suivre l’opération. Des ouvriers chargeaient un four, il les vit descendre les creusets de terre réfractaire, préalablement rougis, puis y verser, à l’aide d’un entonnoir, le mélange des caissettes, une caissette de trente kilogrammes par chaque creuset. Pendant trois ou quatre heures, la fusion allait se faire. Ensuite, ce seraient les creusets enlevés et vidés, l’arrachage et le coulage, la besogne meurtrière. Et, comme il s’approchait d’un autre four, où les aides, armés de longues tiges, venaient de s’assurer que la fusion était complète, il reconnut Fauchard dans l’arracheur chargé de retirer les creusets. Blême, desséché, la face maigre et cuite, Fauchard avait gardé des jambes et des bras d’hercule. Déformé physiquement par la terrible besogne, toujours pareille, qu’il faisait depuis quatorze ans déjà, il avait plus souffert encore dans son intelligence de ce rôle de machine, aux gestes éternellement semblables, sans pensée, sans action individuelle, devenu lui-même un élément de lutte avec le feu. Ce n’était pas assez de ses tares physiques, les épaules remontées, les membres hypertrophiés, les yeux brûlés, pâlis à la flamme, il avait la conscience de sa déchéance intellectuelle ; car, pris à seize ans par le monstre, après une instruction rudimentaire, brusquement arrêtée, il se souvenait d’avoir été intelligent, d’une intelligence qui vacillait et s’éteignait à cette heure, sous la meule implacable qu’il tournait en bête aveuglée, sous l’écrasement du métier empoisonneur et destructeur. Et il n’avait plus qu’un besoin, qu’une joie : boire, boire ses quatre litres, par journée ou par nuit de travail, boire pour que le four ne brulât pas comme une vieille écorce sa peau calcinée, boire pour ne pas tomber en cendre, et pour avoir une félicité dernière, et pour achever sa vie dans l'hébétement heureux d'une continuelle ivresse."
- Tem-toGrand sage
Osmie a écrit:Je viens de feuilleter mon exemplaire, et suis tombée sur cet extrait, que je trouve parlant :"Justement Luc put suivre l’opération. Des ouvriers chargeaient un four, il les vit descendre les creusets de terre réfractaire, préalablement rougis, puis y verser, à l’aide d’un entonnoir, le mélange des caissettes, une caissette de trente kilogrammes par chaque creuset. Pendant trois ou quatre heures, la fusion allait se faire. Ensuite, ce seraient les creusets enlevés et vidés, l’arrachage et le coulage, la besogne meurtrière. Et, comme il s’approchait d’un autre four, où les aides, armés de longues tiges, venaient de s’assurer que la fusion était complète, il reconnut Fauchard dans l’arracheur chargé de retirer les creusets. Blême, desséché, la face maigre et cuite, Fauchard avait gardé des jambes et des bras d’hercule. Déformé physiquement par la terrible besogne, toujours pareille, qu’il faisait depuis quatorze ans déjà, il avait plus souffert encore dans son intelligence de ce rôle de machine, aux gestes éternellement semblables, sans pensée, sans action individuelle, devenu lui-même un élément de lutte avec le feu. Ce n’était pas assez de ses tares physiques, les épaules remontées, les membres hypertrophiés, les yeux brûlés, pâlis à la flamme, il avait la conscience de sa déchéance intellectuelle ; car, pris à seize ans par le monstre, après une instruction rudimentaire, brusquement arrêtée, il se souvenait d’avoir été intelligent, d’une intelligence qui vacillait et s’éteignait à cette heure, sous la meule implacable qu’il tournait en bête aveuglée, sous l’écrasement du métier empoisonneur et destructeur. Et il n’avait plus qu’un besoin, qu’une joie : boire, boire ses quatre litres, par journée ou par nuit de travail, boire pour que le four ne brulât pas comme une vieille écorce sa peau calcinée, boire pour ne pas tomber en cendre, et pour avoir une félicité dernière, et pour achever sa vie dans l'hébétement heureux d'une continuelle ivresse."
Merci, c'est intéressant, mais peut-on trouver dans cet ouvrage, des extraits qui présentent le travail de manière positive ?
- OsmieSage
Oui, il y en a pas mal, car c'est une œuvre d'anticipation portant notamment sur le progrès social et l'évolution de l'industrie ; le texte avait d'ailleurs été salué par Jean Jaurès, il me semble.
- Tem-toGrand sage
Penses-tu qu'on peut qualifier Travail d'utopie ?Osmie a écrit:Oui, il y en a pas mal, car c'est une œuvre d'anticipation portant notamment sur le progrès social et l'évolution de l'industrie ; le texte avait d'ailleurs été salué par Jean Jaurès, il me semble.
- OsmieSage
Voici un second extrait, mais à présenter aux élèves dans le contexte ; les Evangiles de Zola n'ont plus rien à voir avec la démarche naturaliste choisie pour l'écriture des Rougon-Macquart.
Je te copie ce qu'écrivait Zola à propos de ses Evangiles : « C'est la conclusion naturelle de toute mon œuvre, après la longue constatation de la réalité, une prolongation dans demain, et d'une façon logique, mon amour de la force et de la santé, de fécondité et du travail, mon besoin latent de justice, éclatant enfin. Tout cela basé sur la science, le rêve que la science autorise. Je suis content surtout de pouvoir changer ma manière, de pouvoir me livrer à tout mon lyrisme et à toute mon imagination.»
Le texte suivant correspond donc à un idéal, et non à une réalité observée ; P. Gattaz pourrait s'en servir pour vanter les joies du labeur, d'où la nécessité absolue d'expliquer aux élèves ce qu'est cette œuvre, très différente de Germinal.
« Le travail, ah ! le travail, je lui dois d’avoir vécu. Vous voyez quel pauvre petit être chétif je suis, je me souviens que ma mère devait m’envelopper dans des couvertures, les jours de grand vent ; et c’est pourtant elle qui m’a mis au travail, comme à un régime certain de bonne santé. Elle ne me condamnait pas à des études écrasantes, vrais bagnes où l’on torture les intelligences en formation. Elle me donnait l’habitude d’un labeur régulier, varié sans cesse, attrayant. Et c’est ainsi que j’ai appris à travailler, comme on apprend à respirer, à marcher. Le travail est devenu la fonction de mon être, le jeu naturel et nécessaire de mes membres et de mes organes, le but et le moyen de ma vie. J’ai vécu parce que j’ai travaillé, un équilibre s’est fait entre le monde et moi, je lui ai rendu en œuvres ce qu’il m’apportait en sensations, et je crois que toute la santé est là, des échanges bien réglés, une adaptation parfaite de l’organisme au milieu… Et, tout fluet que je suis, je vivrai très vieux, c’est certain, du moment que je suis une petite machine montée avec soin et qui fonctionne logiquement. »
Luc s’était arrêté, dans sa marche lente. Comme Sœurette, il écoutait avec une attention passionnée.
« Mais ce n’est là que la santé des êtres, une bonne hygiène pour bien vivre, continua Jordan. Le travail est la vie elle-même, la vie est un continuel travail des forces chimiques et mécaniques. Depuis le premier atome qui s’est mis en branle pour s’unir aux atomes voisins, la grande besogne créatrice n’a point cessé, et cette création qui continue, qui continuera toujours, est comme la tâche même de l’éternité, l’œuvre universelle à laquelle nous venons tous apporter notre pierre. L’univers n’est-il pas un immense atelier ou l’on ne chôme jamais, où les infiniment petits font chaque jour un labeur géant, où la matière agit, fabrique, enfante sans relâche, depuis les simples ferments jusqu’aux créatures les plus parfaites ? Les champs qui se couvrent de moissons travaillent, les forêts dans leur poussée lente travaillent, les fleuves ruisselant le long des vallées travaillent, les mers roulant leurs flots d’un continent à un autre travaillent, les mondes emportés par le rythme de la gravitation au travers de l’infini travaillent. Il n’est pas un être, pas une chose qui puisse s’immobiliser dans l’oisiveté, tout se trouve entraîné, mis à l’ouvrage, forcé de faire sa part de l’œuvre commune. Quiconque ne travaille pas disparaît par là même, est rejeté comme inutile et gênant, doit céder la place au travailleur nécessaire, indispensable. Telle est l’unique loi de la vie, qui n’est en somme que la matière en travail, une force en perpétuelle activité, le dieu de toutes les religions, pour l’œuvre finale du bonheur dont nous portons en nous l’impérieux besoin. »
Un instant encore, Jordan rêva, les yeux au loin.
« Et quel admirable régulateur que le travail, quel ordre il apporte, partout où il règne ! Il est la paix, la joie, comme il est la santé. Je reste confondu, lorsque je le vois méprisé, avili, regardé ainsi qu’un châtiment et qu’une honte. S’il m’a sauvé d’une mort certaine, il m’a donné encore tout ce que j’ai de bon en moi, il m’a refait une intelligence et une noblesse. Et quel admirable organisateur il est, comme il règle les facultés de l’intelligence, le jeu des muscles, le rôle de chaque groupe dans une multitude de travailleurs ! Il serait à lui seul une constitution politique, une police humaine, une raison d’être sociale. Nous ne naissons que pour la ruche, nous n’apportons chacun que notre effort d’un instant, nous ne pouvons expliquer la nécessité de notre vie que par le besoin où est la nature d’un ouvrier de plus pour faire son œuvre. Toute autre explication est orgueilleuse et fausse. Nos vies individuelles semblent sacrifiées à l’universelle vie des mondes futurs. Il n’est pas de bonheur possible, si nous ne le mettons dans ce bonheur solidaire de l’éternel labeur commun. Et c’est pourquoi je voudrais que fût enfin fondée la religion du travail, l’hosanna au travail sauveur, la vérité unique, la santé, la joie, la paix souveraine. »
Il se tut, et Sœurette eut un cri d’enthousiasme tendre.
« Ah ! frère, comme tu as raison, et que c’est vrai, et que c’est beau ! »
Je te copie ce qu'écrivait Zola à propos de ses Evangiles : « C'est la conclusion naturelle de toute mon œuvre, après la longue constatation de la réalité, une prolongation dans demain, et d'une façon logique, mon amour de la force et de la santé, de fécondité et du travail, mon besoin latent de justice, éclatant enfin. Tout cela basé sur la science, le rêve que la science autorise. Je suis content surtout de pouvoir changer ma manière, de pouvoir me livrer à tout mon lyrisme et à toute mon imagination.»
Le texte suivant correspond donc à un idéal, et non à une réalité observée ; P. Gattaz pourrait s'en servir pour vanter les joies du labeur, d'où la nécessité absolue d'expliquer aux élèves ce qu'est cette œuvre, très différente de Germinal.
Il y eut un silence. Sœurette avait posé la plume, et elle écoutait maintenant. Après avoir rêvé quelques secondes, Jordan reprit, sans transition apparente :
« Le travail, ah ! le travail, je lui dois d’avoir vécu. Vous voyez quel pauvre petit être chétif je suis, je me souviens que ma mère devait m’envelopper dans des couvertures, les jours de grand vent ; et c’est pourtant elle qui m’a mis au travail, comme à un régime certain de bonne santé. Elle ne me condamnait pas à des études écrasantes, vrais bagnes où l’on torture les intelligences en formation. Elle me donnait l’habitude d’un labeur régulier, varié sans cesse, attrayant. Et c’est ainsi que j’ai appris à travailler, comme on apprend à respirer, à marcher. Le travail est devenu la fonction de mon être, le jeu naturel et nécessaire de mes membres et de mes organes, le but et le moyen de ma vie. J’ai vécu parce que j’ai travaillé, un équilibre s’est fait entre le monde et moi, je lui ai rendu en œuvres ce qu’il m’apportait en sensations, et je crois que toute la santé est là, des échanges bien réglés, une adaptation parfaite de l’organisme au milieu… Et, tout fluet que je suis, je vivrai très vieux, c’est certain, du moment que je suis une petite machine montée avec soin et qui fonctionne logiquement. »
Luc s’était arrêté, dans sa marche lente. Comme Sœurette, il écoutait avec une attention passionnée.
« Mais ce n’est là que la santé des êtres, une bonne hygiène pour bien vivre, continua Jordan. Le travail est la vie elle-même, la vie est un continuel travail des forces chimiques et mécaniques. Depuis le premier atome qui s’est mis en branle pour s’unir aux atomes voisins, la grande besogne créatrice n’a point cessé, et cette création qui continue, qui continuera toujours, est comme la tâche même de l’éternité, l’œuvre universelle à laquelle nous venons tous apporter notre pierre. L’univers n’est-il pas un immense atelier ou l’on ne chôme jamais, où les infiniment petits font chaque jour un labeur géant, où la matière agit, fabrique, enfante sans relâche, depuis les simples ferments jusqu’aux créatures les plus parfaites ? Les champs qui se couvrent de moissons travaillent, les forêts dans leur poussée lente travaillent, les fleuves ruisselant le long des vallées travaillent, les mers roulant leurs flots d’un continent à un autre travaillent, les mondes emportés par le rythme de la gravitation au travers de l’infini travaillent. Il n’est pas un être, pas une chose qui puisse s’immobiliser dans l’oisiveté, tout se trouve entraîné, mis à l’ouvrage, forcé de faire sa part de l’œuvre commune. Quiconque ne travaille pas disparaît par là même, est rejeté comme inutile et gênant, doit céder la place au travailleur nécessaire, indispensable. Telle est l’unique loi de la vie, qui n’est en somme que la matière en travail, une force en perpétuelle activité, le dieu de toutes les religions, pour l’œuvre finale du bonheur dont nous portons en nous l’impérieux besoin. »
Un instant encore, Jordan rêva, les yeux au loin.
« Et quel admirable régulateur que le travail, quel ordre il apporte, partout où il règne ! Il est la paix, la joie, comme il est la santé. Je reste confondu, lorsque je le vois méprisé, avili, regardé ainsi qu’un châtiment et qu’une honte. S’il m’a sauvé d’une mort certaine, il m’a donné encore tout ce que j’ai de bon en moi, il m’a refait une intelligence et une noblesse. Et quel admirable organisateur il est, comme il règle les facultés de l’intelligence, le jeu des muscles, le rôle de chaque groupe dans une multitude de travailleurs ! Il serait à lui seul une constitution politique, une police humaine, une raison d’être sociale. Nous ne naissons que pour la ruche, nous n’apportons chacun que notre effort d’un instant, nous ne pouvons expliquer la nécessité de notre vie que par le besoin où est la nature d’un ouvrier de plus pour faire son œuvre. Toute autre explication est orgueilleuse et fausse. Nos vies individuelles semblent sacrifiées à l’universelle vie des mondes futurs. Il n’est pas de bonheur possible, si nous ne le mettons dans ce bonheur solidaire de l’éternel labeur commun. Et c’est pourquoi je voudrais que fût enfin fondée la religion du travail, l’hosanna au travail sauveur, la vérité unique, la santé, la joie, la paix souveraine. »
Il se tut, et Sœurette eut un cri d’enthousiasme tendre.
« Ah ! frère, comme tu as raison, et que c’est vrai, et que c’est beau ! »
- OsmieSage
Petitfils a écrit:Penses-tu qu'on peut qualifier Travail d'utopie ?Osmie a écrit:Oui, il y en a pas mal, car c'est une œuvre d'anticipation portant notamment sur le progrès social et l'évolution de l'industrie ; le texte avait d'ailleurs été salué par Jean Jaurès, il me semble.
Oui, je le pense ; Travail présente une conception idéaliste des rapports entre les hommes et la société, et plus particulièrement le monde du travail.
- Tem-toGrand sage
Merci Osmie pour cet autre texte et la présente discussion.
Entre la bête aveuglée qu'est Fauchard sous la plume péjorative de Zola dans votre premier extrait et, dans votre deuxième les propos mélioratifs de Jordan auquel Zola fait dire Nous ne naissons que pour la ruche, il y a le point commun de la métaphore animalière. Mais les hommes ont conscience de leur existence alors que cela reste, je pense, à prouver chez les animaux. Dès lors, la métaphore animalière, dans un texte qui se veut didactique et non farcesque, ne serait-elle pas hors de propos ?
Entre la bête aveuglée qu'est Fauchard sous la plume péjorative de Zola dans votre premier extrait et, dans votre deuxième les propos mélioratifs de Jordan auquel Zola fait dire Nous ne naissons que pour la ruche, il y a le point commun de la métaphore animalière. Mais les hommes ont conscience de leur existence alors que cela reste, je pense, à prouver chez les animaux. Dès lors, la métaphore animalière, dans un texte qui se veut didactique et non farcesque, ne serait-elle pas hors de propos ?
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