Contre vents et marées, recruter des latinistes

Bonjour à tous,

Après une année de lutte acharnée, l'EC sera proposé à la rentrée prochaine en plus de l'EPI LCA. Je suis donc passée dans toutes les classes de 6e cette semaine pour faire 1h d'initiation au Latin. Cette initiation comprend trois aspects : un échange sur ce qu'est le latin à partir des remarques, questions et préjugés des élèves, trois exercices simples et interactifs d'étymologie, et une lettre à l'intention des parents que l'on commente ensemble.

Les élèves doivent rendre leur coupon-réponse pour le 30 mai. Mais, aux vues des premières réactions, j'ai deux ou trois élèves intéressés par classe seulement. Ce qui fait, sur 5 classes, une dizaine d'élèves. C'est, à terme, dans le contexte actuel, et vu la difficulté que j'ai eu à maintenir le latin, la fin de l'option. Je me dis cependant que tout n'est pas encore joué car :
- Un affichage est prévu pour la semaine prochaine sur la promotion du Latin avec une mise en évidence du lien entre le latin et toutes les autres langues et un ensemble de témoignages d'élèves latinistes (les + et les + du latin, les - n'étant que le nombre d'heures plus important) sur l'intérêt du latin.
- Une intervention sur l'archéologie et le monde gallo-romain mené par le conservateur d'un musée archéologique avec lequel on a beaucoup travaillé ces dernières années.

Je fais aussi face à deux problèmes majeurs :
- Le Latin est en concurrence cette année avec la LV2. Surtout que, erreur stratégique, le chef a fait un papier commun pour le latin et le choix de la LV2. Les parents comme les enfants ont donc peur de tout commencer en même temps, qu'il y ait trop de travail et que ce soit trop dur.
- A cause de la réforme, nous perdons la particularité d'offrir un versant patrimoine à l'option Latin. Jusqu'à présent nous présentions en effet une option Latin-Patrimoine, avec sorties culturelles et voyage à la clé, moyennant 1h/quinzaine de cours par semaine.
- Je ne peux pas m'avancer sur des sorties ou voyage pour l'an prochain car... ce n'est pas moi qui enseignerai le Latin l'an prochain. Je pars sous les tropiques, là où d'ailleurs, selon toute vraisemblance, la situation étant pire là bas qu'en métropole, je n'enseignerai plus du tout le Latin... Mais je souhaite tout de même proposer un bon groupe bien motivé à la personne qui prendra la relève dans mon collège actuel.

Avez-vous des idées pour une stratégie afin de recruter d'autres élèves avant le 30 mai ?

Je pense prendre l'excuse de la nécessité d'avoir une liste précise d'élèves pour l'intervention sur l'archéologie du 26 mai, offerte en priorité aux élèves intéressés par le latin, pour venir passer de nouveau dans les classes et revenir sur l'option latin. Ecouter les questions, rassurer sur le fait que le latin n'entrave pas l'apprentissage de la LV2 (au contraire, le latin est une langue socle, elle permet de faire facilement des ponts, et... ce n'est qu'une heure par semaine en 5e!) et proposer peut-être une activité rapide sur les prénoms des élèves de la classe.

Je voudrais aussi mettre en avant d'autres arguments mais je ne sais pas lesquels : Qu'en est-il des points au Brevet ? Je crois qu'on peut toujours en gagner quelques uns avec le Latin, non ? Y a t-il d'autres avantages que l'on peut tirer de la réforme ?

Autre chose, les élèves sont effrayés par le fait qu'il faille s'engager sur 3 ans. Avez-vous déjà tenté de laisser un mois aux élèves de 5e en début d'année pour se décider définitivement ? Il me semble que ce serait intéressant de leur laisser cette souplesse. Au prof, ensuite, bien sûr, sans faire de la démagogie, de faire en sorte que ce premier mois se passe bien mais qu'il soit aussi en accord avec le reste de l'année.

Je me sens démunie parce qu'il y a peu de volontaires et pourtant mes élèves latinistes, me semble t-il, même s'ils trouvent parfois le latin pénible ou difficile pour un tiers, ne regrettent pas leur choix. La plupart sont même toujours très enthousiastes, même en 3e et... même si les résultats ne sont pas à la hauteur !

Bref, je suis ouverte à toutes vos suggestions, ou remarques, témoignages... sur la difficile question du latin, surtout en ces jours de désespoir généralisé des profs de Lettres Classiques...

Coucou ! Pour moi aussi, "tournée des popotes" cette semaine pour vendre un peu de latin auprès des 6èmes que je n'ai pas non plus n français ... Bilan mitigé : certains assez motivés, qui ont posé pas mal de questions ... et d'autres qui m'ont bien fait comprendre que, sans mon intervention, ils auraient pu roupiller tranquilles en perm ! Le top : un jeune homme qui m'a très sérieusement demandé si, comme c'était en option, il pouvait venir que quand il avait envie ! Alors là, je sais bien qu'il faut être vendeur-bienveillant-toutgentil-toutmignon, mais ça m'a gavé et je lui ai répondu que c'était un enseinement fait pour ceux qui avait envie d'apprendre plus de choses et d'être un peu moins *** que la moyenne, mais qu'il fallait pas qu'il se sente obligé ! Et bien une bonne dizaine d'élèves de la classe sont venus me dire à la fin qu'ils avaient bien envie de tenter parce qu'ils avaient bien aimé l'activité (fiche avec mots latins passés directement en français, type agenda - alibi - ex aequo - forum ... bref, rien de révolutionnaire !) et qu'ils en avaient marre qu'on leur dise que question vocabulaire, ils voyageaient un peu léger ... Donc je verrai bien ... Il n'y a que deux classes de 6ème et ma CDE veut un "vrai" groupe c'est à dire une quinzaine de gamins ... Donc moi non plus, je ne suis pas bien barrée ... Je vais prendre quelques volontaires pour venir voir un cours de 5ème (ils ont perm à cette heure, coup de pot !) et peut-être que je les prendrai une heure pour faire "un vrai cours de latin" ... Pour ce qui est de laisser un délai en septembre pour choisir, j'ai déjà tenté mais ma CDE n'a pas voulu car il faut faire remonter les effectifs assez vite en début d'année ... Voilà ! Mais, de tout coeur, bon courage à toi : lettres classiques, pour les bras, c'est encore mieux que l'aviron !!

Ancalimë a écrit:Bonjour à tous,

Après une année de lutte acharnée, l'EC sera proposé à la rentrée prochaine en plus de l'EPI LCA.

Que s'est-il passé?

Rien de bien particulier. Hormis bien sûr les grèves, les tentatives pour alerter les journalistes et l'opinion publique, les éternelles discussions entre collègues, parents et chef d'établissement sur l'intérêt (ou plutôt le désintérêt) du latin, les multiples conseils pédagogiques où il a fallu défendre son point de vue corps et âme bien que j'ai profité de l'arrivée d'un nouveau chef d'établissement plutôt pro latin, les heures données à promouvoir le latin, les projets menés depuis des années pour rendre le latin "utile" et "attractif" aux yeux des élèves mais aussi de tout le monde. Et ce désespoir qui s'installe, face à tant d'énergie dépensée et gâchée... L'envie de démissionner, bien sûr, et je ne pense pas être la seule. Mais bon, je mènerai la barque jusqu'au bout, au moins dans ce collège-ci, et je n'abandonne donc pas.

Je voulais éviter de proposer aux élèves de venir à un cours de Latin, c'est beaucoup d'organisation comme il y a 5 classes de 6e et je ne peux accueillir des élèves que dans mon groupe de 3e (10 élèves) ou de 5e (17 élèves), les 4e étant à 29. Mais les 3e sont faibles et les 5e trop fragiles encore, donc aucun des groupes ne peut initier les 6e au latin comme je le faisais les années précédentes. Je ne peux faire qu'un cours d'observation donc. Mais pourquoi pas, après tout.

Je compte aussi emmener mes 6e dont je suis le prof principal voir l'exposition sur le latin que j'afficherai dans le hall principal et leur proposer un travail là-dessus. Ce sera l'occasion d'aborder de nouveau la question de l'option.

Mon message paraît bien amer. J'ajoute cependant que je ne regrette en rien l'investissement qui a été le mien et qui m'a permis au moins, et pour cela ça valait la peine, d'avoir un lien exceptionnel avec les élèves de l'Option que j'ai engagés dans tout, les projets, les voyages, les expositions et la promotion du Latin. Elèves qui me souhaitent aujourd'hui bonne chance pour ma future affectation et que je veux laisser entre de bonnes mains...

Les PP de 6e m'ont en effet alertée sur la crainte des élèves que LV2 + latin à commencer en même temps ne fasse trop.
Du coup, quand je suis passée dans les classes, j'ai changé l'activité que je fais faire habituellement aux élèves lors de mon passage. J'ai choisi cette fois des mots italiens et espagnols non transparents mais très courants, et j'ai mis ça sous forme de tableau avec une 3e colonne pour la traduction française, en demandant aux élèves s'ils connaissaient le sens de ces mots.
En dessous du tableau, j'ai mis un glossaire latin --> français + mot français savant dérivé du mot latin.
Et on a du coup complété ensemble le tableau, les élèves se rendant compte qu'avec le mot latin, le mot italien ou espagnol devenait évident, et que donc connaître le latin leur faciliterait l'apprentissage de la LV2.
Et bien sûr, comme toujours, j'ai parlé des points bonus au brevet (avec la réforme du brevet, ça donne : moyenne annuelle entre 10 et 15 --> 10 points bonus / moyenne annuelle entre 15 et 20 --> 20 points bonus) puis au bac.

Bien joué pour le lien entre le latin et les autres langues ! C'est effectivement ce qu'il faut faire, je pense. Ce sera le but de l'affichage qui sera fait dans le hall. Mais en repassant dans les classes je peux proposer cette activité aussi pour les rassurer.
Merci pour la clarification sur les points Brevet.

As-tu eu du succès ?

Il semblerait bien que oui. Je suis en train de faire le dépouillement, et les deux groupes de 5e me semblent assurés, ouf.
Voilà l'activité en question, au cas où tu en aurais besoin (C'est une des réponses à la question "Pourquoi étudier le latin" ?) :

Moi ce sont les 5e qui vont abandonner. D'habitude on ne les laisse pas faire mais là avec les incertitudes sur la réforme je leur avais dit qu'au point où on en était en fin d'année dernière, je ne pouvais pas promettre qu'on aurait encore du latin à la rentrée 2016 et que donc ils ne s'engageaient que pour un an. Finalement on aura du latin, mais les élèves me disent "y en a plein qui veulent arrêter", et je ne sais pas à quoi correspond ce "plein"... En même temps, je "perdrais" avec plaisir la moitié de la classe : ils sont 32, je ne sais pas comment faire du latin correctement dans ces conditions, et en plus on perd une heure en 4e J'espère juste qu'ils ne seront pas trop nombreux à lâcher l'affaire. Quant aux 6e, pareil, j'espère ne pas en avoir trop finalement. Cette année de 5e à 32 deux heures par semaine était ingérable, je ne veux pas revivre la même chose l'an prochain à seulement une heure par semaine. Pas qu'ils ne soient pas sages, hein, au contraire ils étaient plutôt studieux, mais comment fait-on pour passer dans les rangs et expliquer le cours à tous les élèves, quand ils sont trop nombreux, qu'on n'a pas assez d'heures, et qu'ils n'ont pas les bases en grammaire ? Comme disait 'Moiselle Jeanne, "je ne peux pas être partout et je ne peux pas penser à tout parce que je n'ai que deux pieds..."

Un groupe aussi chargé, c'est l'horreur, c'est sûr !
J'ai eu une année un groupe de 32 hellénistes en 3e, parce que je n'avais pas eu le cœur à refuser des élèves : plus jamais ça.