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Sibylle
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Neoprof expérimenté

Diffusion d'une motion reçue Empty Diffusion d'une motion reçue

par Sibylle Mar 10 Nov 2015 - 21:44
Je diffuse une motion reçue : "Contrairement à ce qui peut être allégué de temps à autre, l’immense majorité du corps enseignant n’est en aucun cas opposé à une réforme du collège. Le tout est de savoir dans quel sens va ladite réforme.
Pour y répondre, il faut préalablement s’entendre sur le constat qui doit être fait, et nous proposons ici quelques éléments de réflexion :
12% des élèves de CM2 ne maîtrisent pas les compétences de base attendues en français.
9% des élèves de CM2 ne maîtrisent celles attendues en mathématiques.
Un élève sur huit entrant en sixième ne sait pas allier une lettre à un son.

Que propose la réforme actuelle face à cette réalité terrible ?

Devant l’extrême hétérogénéité du public auquel nous sommes confrontés, on peut a minima s’entendre sur la finalité de l’instruction publique. En premier lieu, l’Ecole doit permettre aux élèves les plus faibles de progresser. Mais simultanément, et en dehors de tout procès d’élitisme, il lui faut donner la possibilité aux autres de satisfaire leur appétit intellectuel, que ce soit par un enseignement disciplinaire exigent ou par le choix d’options supplémentaires. Dans les deux cas, si ces deux conditions ne sont pas respectées, on exposera le public scolaire à une immense souffrance morale : la perte d’estime de soi pour les premiers, l’ennui pour les seconds.

Or il s’avère que la réforme présentement envisagée remet profondément en cause cette double mission qui nous est chère. En effet, la diminution des horaires disciplinaires est devenue de mise. Car si l’on accumule les 3h hebdomadaires d’Accompagnement Personnalisé en 6ème  (les AP) les 4h hebdomadaires d’AP et d’Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (les EPI) en 5ème, 4ème et 3ème, n’importe qui peut comprendre que ce sera inéluctablement au détriment des horaires qui existent déjà. Ainsi, par exemple, si les professeurs de Maths et d’EPS montent conjointement un EPI en 3ème autour de l'endurance, les élèves n’auront alors plus que 2h en EPS pour faire le programme, et 2,5h en maths (actuellement 4h).
En tout, ils perdront de la sorte, sur les quatre années du collège, 540 heures d’enseignements disciplinaires structurés et progressifs, au profit de multiples activités dont le continu n’est pas défini clairement par les programmes. La seule chose que nous savons au sujet de ces dernières, c’est qu’il faudra traiter « transition écologique et développement durable », ou bien « information, communication, citoyenneté » ou mieux « corps, santé, bien-être ».
Notons en outre que les horaires de mathématiques et de français diminuent en 3ème, l’année même du Brevet ! Il nous appartient ici de préciser que, entre les années 60 et aujourd’hui, un élève a déjà perdu l’équivalent de deux années d’enseignement du français sur l’ensemble de sa scolarité ; et il faudrait continuer dans cette voie ?

Nous ne sommes pas réfractaires à diverses innovations ou mises en place de quelques expériences pédagogiques çà-et-là. Pour preuve, nous en pratiquons plus que régulièrement. On ne compte plus les projets interdisciplinaires de théâtre, de pôle science, d’atelier d’écriture, de voyage… Nous sommes effectivement convaincus, par notre pratique, qu’ils sont très utiles pour conforter, illustrer, appliquer et approfondir des notions déjà apprises. En revanche, ils ne peuvent permettre de les acquérir, ni même pour de les mettre en place.
Au lieu de respecter le corps enseignant, de faire confiance à son expérience, de lui laisser toute la latitude pour juger si sa classe peut ou doit profiter d’un enseignement interdisciplinaire dispensé de manière ponctuelle, selon la progression pédagogique, suivant le programme, par rapport au niveau du groupe ou en fonction de son attitude face au travail, la réforme prévoit bien au contraire d’imposer une quantité prédéfinie de manière purement arbitraire, sans tenir compte des réalités du terrain : 4h/semaine obligatoires, sur toute l’année, pour tous les établissements.

Venons-en à la question des langues. Nous refusons la disparition des sections « bilangues », « euro », de l’option latin, de l’option occitan. L’enseignement de la langue latine par exemple ne sera possible qu’au détriment des autres disciplines, ou dans le cadre d’un EPI, et la réforme proposée ne prévoit plus de programme pour l’apprentissage de cette langue. Sa disparition est donc inexorable.
En outre, pour pouvoir maintenir les classes bilangues, il est dorénavant exigé que les écoles primaires du secteur proposent d’autres langues que l’anglais, ce qui n’est évidemment pas le cas, étant donné que les professeurs d'école n’y sont pas formés. Dans ces conditions, nos sections seront condamnées à fermer, et les inégalités territoriales, tout comme les disparités d’offre d’un collège à l’autre, seront accrues. On nous rétorque que cela sera au « profit » de l’apprentissage d’une LV2 dès la 5ème. Soit, mais quel rapport avec la suppression d’un apprentissage anticipé d’une 2ème langue qui est jusqu’à présent proposé à tous dès la 6ème ? Que faire de ces élèves –près de 300 dans notre établissement – qui sont volontaires pour travailler davantage ? Comment développer le sentiment d’excellence ? Pourquoi couper la tête des plus méritants ?

Nous refusons également un accompagnement « personnalisé » sans moyens dédiés...
Actuellement, ce temps d'accompagnement est prévu dans l'emploi du temps des élèves, en plus des heures de cours. A la rentrée 2016, ce temps sera pris sur les heures de cours, et chaque collège choisira quelles heures seront transformées en temps d'accompagnement, et dans quelles matières. Là encore, les inégalités entre les établissements seront encore plus manifestes, sans parler du fait que l’on peut douter de la qualité de cette « personnalisation » dans un groupe qui excède 20 élèves : 3 minutes par élèves, on pourrait ricaner si la chose n’était pas grave.



Que vaut une réforme
qui ne permet pas de traiter le mal à la racine en maintenant à 24 heures par semaine les horaires disciplinaires d’un élève de primaire (le taux le plus bas de toute l’histoire de la République) ?
qui ne s’appuie pas sur l’expérience des enseignants de terrain ?
qui ne tient pas compte des bilans contrastés des expérimentations dans les lycée ou dans les collèges cités en exemple ?
qui prétend pallier les lacunes des plus faibles en allouant à chacun une tablette interactive, alors que les récentes études établissent leur caractère néfaste pour les apprentissages ?
qui, sous couvert de l’ « égalité » et de l’ « anti-élitisme », semble encore s’effectuer dans une pure logique économique, puisqu’elle vise avant tout à empêcher le redoublement et à réduire le nombre de postes tandis que le nombre d’élèves ne diminue pas ?
qui donne le droit aux écoles privées de ne pas appliquer ladite réforme, générant de la sorte un principe de concurrence nocif et abject ?

Les parents seront peut-être intéressés de savoir que la boîte de cours privés Acadomia, numéro 1 français, désormais cotée en bourse, faisait un chiffre d’affaire de 1 million d’euro en 1995. Et profitant de l’angoisse parentale, elle en est aujourd’hui à 120 millions d’euro. L’économie faite sur le dos de l’école publique ne profite donc pas aux parents puisque ce sont eux qui vont devoir engraisser encore davantage les boîtes à bac.

Terminons avec ces mots d’Abraham Lincoln : "Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance !"
Pat B
Pat B
Érudit

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par Pat B Mar 10 Nov 2015 - 22:11
Super !
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