Question de vocabulaire (titres de personnes dans le monde islamique)

Quelle est la différence entre un émir, un calife, un sultan, un muphti et un vizir ? Merci !

Les "e" et les "i" ?

Alors alors...

1) Titres arabes.
Calife : ce sont les premières personnes qui ont dirigé la communauté des musulmans après la mort du Prophète. Ils cumulent un pouvoir temporel (chef politique de l'ensemble du monde islamique, quelque soit la religion des sujet, une sorte d'empereur) et spirituel (chef religieux de l'ensemble des musulmans sunnites, une sorte de pape). Au début, les califes étaient les "bien guidés (rashidun)", élus à la suite du Prophète. Puis une dynastie s'est mise en place, celle des Omeyyades, dont les dirigeants portent le titre de calife. Ils se font exterminer en 750 (sauf un), et la dynastie suivante, celle des Abbasides, prend à son tour le titre de calife. Ils le conservent jusqu'à la chute de la dynastie en 1258 (prise de Baghdad par les Mongols), et même après, puisqu'un rejeton est récupéré par les Mamluks en Egypte. Les Ottomans s'arrogent le titre après la conquête de l'Egypte. Jusqu'ici, malgré quelques noms barbares, tout est simple. Mais mais mais... normalement, il ne devrait y avoir qu'un seul calife, puisqu'il est à la tête de la communauté. Sauf que le dernier Omeyyade qui a sauvé ses fesses en 750 et qui s'est enfui dare dare le plus loin possible (en Espagne, il n'a pas découvert l'Amérique) avait aussi une légitimité califale. Et au milieu du Xe siècle, la dynastie des Omeyyades d'Espagne récupère son titre de calife. Quelques temps auparavant, en Egypte, la dynastie shiite des Fatimides avait aussi pris le titre de calife, puisqu'elle ne reconnaissait pas le calife Abbaside sunnite. On a donc eu, aux Xe-XIe s., jusqu'à trois califes, un peu comme des papes et anti-papes.

Emir : c'est le titre des principaux ministres/gouverneurs du calife. Normalement, ils n'ont pas d'autonomie politique, et ils sont soumis au calife ; dans la réalité, ils forment parfois des dynasties autonomes locales, de moindre ampleur que les dynasties califiennes ou autres.

Vizir : Ministre. Le grand vizir est un premier ministre. Le vizirat est une charge, l'émirat est un titre, on peut donc à la fois être émir et vizir.

2) Titres trucs
Sultan : c'est un titre turc, porté par les envahisseurs qui déferlent sur le monde islamique au Xe siècle (les Seljoukides), et par les dynasties suivantes. En théorie, les sultans respectent l'autorité du calife abbaside, qui réside à Baghdad. Dans les faits, ils s'en servent comme d'un pantin à partir de 1055, et constituent des dynasties totalement autonomes, qui peuvent régner sur de vastes territoires. (ce qui signifie que dans les faits, à partir du milieu du XIe s., le monde arabe est mené par des dirigeants turcs - et turcophones, d'ailleurs).

Mufit : C'est un religieux, qui interprète la loi et sert de juge. On ne trouve se titre que dans le monde ottoman. L'équivalent arabe (enfin, pas tout à fait équivalent, mais restons simples) est qadi.

A ceci, il faut ajouter le titre persan de Shah, qui est un roi, qui est utilisé en Iran et en Inde, et je crois qu'on a déjà fait un tour intéressant des titres dans l'histoire islamique.

Et le cherif ?

Merci Al-qalam, je ne connaissais pas cette distinction entre titres arabes et titres turcs : c'est très intéressant...

Thalia de G a écrit:Et le cherif ?

C'est un type qui descend du prophète et qui traque Robin Hood dans la forêt de Sherwood

Sharif (comme Omar , pluriel ashraf) est un titre arabe qui signifie à l'origine "noble par naissance", et désignait à l'origine les grandes familles arabes. On l'utilise souvent pour les descendants de Muhammad (ainsi que le titre de Seyyed - théoriquement, ce n'est pas exactement la même branche, mais il y a des variations régionales dans l'usage). Certains de ces sharifs descendants du Prophète ont pris le pouvoir ou joué un rôle dans des lieux et à des époques déterminés, les plus connus étant ceux de La Mekke, dirigeants de la ville sainte du Xe s. jusqu'en 1924, et ceux du Maroc.

Je note :lecteur:

Quand je lis des romans dont l'histoire se déroule dans le monde musulman, j'avoue me sentir un peu perdue par tous ces titres. Mais pour le calife je savais peu ou prou que c'était le titre du descendant du Prophète.

Tu vas bien, Tamerlan ?

Merci beaucoup pour ces éclairages!  
Il faudrait maintenant que je relise Voltaire pour vérifier s'il emploie ces titres dans leur style initial...

Attention, un calife n'est pas un descendant par le sang du Prophète (je n'ai peut-être pas été claire là-dessus), c'est son successeur, dans l'idée où il reprend ses fonctions. Mais justement, le problème famille du Prophète ou pas ? est central en islam, puisque ça a donné lieu à la coupure shiisme/sunnisme (pour faire très simple).

Voltaire, comme la plupart des auteurs des XVIIe et XVIIIe, est familier avant tout avec l'empire ottoman ; il utilise donc les titres ottomans (turcs). ; mais il connaît aussi la traduction des 1001 nuits par Galland qui introduit les titres arabes. C'est pour ça que c'est parfois compliqué de s'y retrouver dans les auteurs des Lumières, qui cherchent avant tout l'exotisme.

Thalia de G a écrit:Je note :lecteur:

Quand je lis des romans dont l'histoire se déroule dans le monde musulman, j'avoue me sentir un peu perdue par tous ces titres. Mais pour le calife je savais peu ou prou que c'était le titre du descendant du Prophète.

Tu vas bien, Tamerlan ?

Voui, ma réponse était à moitié juste, tu me dois la moitié des points !

T'as oublié John Wayne, Tamerlan, c'est impardonnable.

Al-qalam a écrit:T'as oublié John Wayne, Tamerlan, c'est impardonnable.

Dans True Grit en particulier ! C'est hallucinant où ils sont allés se perdre les descendants, déjà que le Maroc et le comté de Nottingham c'était pas la porte à côté...

Thalia de G a écrit:Et le cherif ?

Omar l'a tuer !

Cripure a écrit:

Thalia de G a écrit:Et le cherif ?

Omar l'a tuer !

Et Omar c'est le deuxième calife! Tout cela laisse à penser... Topic résolu c'est vite dit, l'enquête commence à peine!

Vous êtes incorrigibles !

Al, quid des pachas ?

Pacha, c'est un terme turc spécifique à l'empire ottoman, qui désigne un gouverneur de province ou un général, nommé exclusivement par le sultan ottoman. Il y a plusieurs types de pasha, qu'on distingue par le nombre de "queues" (touffes de crins de cheval) qu'ils attachaient à leur lance (symbole très important dans le monde ottoman).
La hiérarchie ottomane est très complexe, c'est une administration centralisée qui gère un empire immense, à peu près de la taille de l'ancien empire romain, donc il y a tout un tas de hauts et petits fonctionnaires dans l'administration. (et plein d'archives ... en turc ottoman )

Et Tamerlan, le vrai, quel était son titre ?

Ah, Timur, c'est un peu compliqué ; comme il ne descendait pas d'une lignée dirigeante, il a régné en tant que Güregen «gendre royal», et utilisé comme paravent un khan fantoche (khan étant un titre de dirigeant mongol).

Thalia de G a écrit:Et Tamerlan, le vrai, quel était son titre ?

Le vrai, qu'est-ce à dire? Sache jeune effrontée qu'avant d'entamer une extraordinaire seconde carrière dans l'enseignement j'étais Khan et Emir. Mais la construction d'empire au bout d'un moment ça lasse. Depuis 10 maintenant j'enseigne dans la même salle, plus rien à transporter, les cartes déjà au mur, la pré-retraite quoi...

Al-qalam a écrit:Ah, Timur, c'est un peu compliqué ; comme il ne descendait pas d'une lignée dirigeante, il a régné en tant que Güregen «gendre royal», et utilisé comme paravent un khan fantoche (khan étant un titre de dirigeant mongol).

C'est de la diffamation ! C'est les mafieux qui font ça !

Tu n'élèves plus de pyramides de crânes devant la porte de ta salle ?

Je crains d'avoir froissé un des plus grands conquérants de l'Histoire, avec un grand H Lequel, au passage ne fut qu'emir, même pas Omar.
Je ne suis plus là.

Al-qalam a écrit:Tu n'élèves plus de pyramides de crânes devant la porte de ta salle ?

Ah ça si, toujours ! Ça lutte contre les sureffectifs

Thalia de G a écrit:Je crains d'avoir froissé un des plus grands conquérants de l'Histoire, avec un grand H Lequel, au passage ne fut qu'emir, même pas Omar.
Je ne suis plus là.

Oh je ne vais me mettre la rate au court-bouillon pour une histoire de Omar !