- sansaraModérateur
Chers collègues d'Histoire, je sollicite vos lumières sur une question peut-être très naïve, mais qui me turlupine depuis un moment :
Sous l'Ancien Régime, si une femme d'origine noble se marie avec un roturier, elle perd normalement son titre jusqu'à son veuvage, non ?
Mais alors pourquoi, dans le George Dandin de Molière, le George en question, riche paysan, devient-il Monsieur de la Dandinière en épousant Angélique ? Comment se fait-il qu'il puisse lui apporter sa fortune, et qu'en échange il récupère un titre, qui n'est d'ailleurs pas celui des parents d'Angélique (M. et Mme de Sotenville) ?
Je ne sais pas si je suis très claire...
Merci en tout cas à tous ceux qui pourront m'éclairer sur ce point !
Sous l'Ancien Régime, si une femme d'origine noble se marie avec un roturier, elle perd normalement son titre jusqu'à son veuvage, non ?
Mais alors pourquoi, dans le George Dandin de Molière, le George en question, riche paysan, devient-il Monsieur de la Dandinière en épousant Angélique ? Comment se fait-il qu'il puisse lui apporter sa fortune, et qu'en échange il récupère un titre, qui n'est d'ailleurs pas celui des parents d'Angélique (M. et Mme de Sotenville) ?
Je ne sais pas si je suis très claire...
Merci en tout cas à tous ceux qui pourront m'éclairer sur ce point !
- VoltigeurHabitué du forum
Sous l'Ancien Régime en France, la noblesse ne se transmettait qu'en lignée masculine (c'est d'ailleurs pour cela que l'on y comptait les degrés et non les quartiers de noblesse). Un noble épousant une roturière engendrait des enfants nobles. Un roturier épousant une noble engendrait des enfants roturiers.
C'est le cas général. Après on entre dans des configurations plus complexes.
Il existait diverses formes possibles d'anoblissement effectif, notamment par charges ou par lettres patentes.
Par ailleurs, une fille noble pouvait apporter en mariage des héritages personnels incluant des terres et des seigneuries. Ces biens pouvaient aussi être vendus. Un roturier pouvait ainsi parfaitement être le détenteur d'une baronnie, voire d'un comté, sans que cela lui confère pour autant le titre correspondant. D'ailleurs le statut noble ou roturier des terres ou des droits seigneuriaux n'était pas déterminé par celui de son propriétaire mais par son origine.
Enfin, il faut tenir compte des usages sociaux qui conféraient, sans le moindre fondement juridique, des dénominations de politesse ou de déférence, les plus élevés étant les célèbres "titres de courtoisie". Il me semble que le nom de "Monsieur de la Dandinière" renvoie plutôt à ce type de configuration. On peut le lire au premier degré comme une manifestation de vanité usurpatrice et/ou de reconnaissance sociale, et au second degré comme une illustration du modèle social de référence constitué par la noblesse, et du mécanisme qui faisait aspirer ceux qui grimpaient l'échelle sociale à s'y conformer par divers voies et moyens.
C'est le cas général. Après on entre dans des configurations plus complexes.
Il existait diverses formes possibles d'anoblissement effectif, notamment par charges ou par lettres patentes.
Par ailleurs, une fille noble pouvait apporter en mariage des héritages personnels incluant des terres et des seigneuries. Ces biens pouvaient aussi être vendus. Un roturier pouvait ainsi parfaitement être le détenteur d'une baronnie, voire d'un comté, sans que cela lui confère pour autant le titre correspondant. D'ailleurs le statut noble ou roturier des terres ou des droits seigneuriaux n'était pas déterminé par celui de son propriétaire mais par son origine.
Enfin, il faut tenir compte des usages sociaux qui conféraient, sans le moindre fondement juridique, des dénominations de politesse ou de déférence, les plus élevés étant les célèbres "titres de courtoisie". Il me semble que le nom de "Monsieur de la Dandinière" renvoie plutôt à ce type de configuration. On peut le lire au premier degré comme une manifestation de vanité usurpatrice et/ou de reconnaissance sociale, et au second degré comme une illustration du modèle social de référence constitué par la noblesse, et du mécanisme qui faisait aspirer ceux qui grimpaient l'échelle sociale à s'y conformer par divers voies et moyens.
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«Quand tout le monde pense la même chose, c'est que plus personne ne pense» (Walter Lippman)
- sansaraModérateur
D'accord, c'est beaucoup plus clair, merci !
- ElyasEsprit sacré
On sait qu'à partir d'un certain moment, la riche bourgeoisie et la noblesse d'épée ont trouvé des points d'achoppement : le bourgeois cherche le titre, le noble l'argent. Des mariages étaient donc effectués, surtout si la fille était l'unique héritière. L'hériter du mariage recevait le titre, je crois (à vérifier).
Ensuite, il y a toute la question des offices anoblissants. En achetant une charge au roi, on pouvait devenir noble, c'est ce qu'on a souvent appelé la noblesse de robe.
Dans ton histoire, il est à remarquer trois points :
- le titre ressemble au nom de famille du riche paysan mais est en même temps cocasse, effet comique voulu ?
- peut-être a-t-il acheté un office ou un titre.
- il ne porte pas le nom de sa femme, Est-ce une coquetterie de sa part qui fait qu'il a "anobli" son nom (qui devient alors ridicule par effet sémantique) sans être lui-même noble ?
Voilà, les modernistes du forum sauront mieux t'aider que moi. Mes souvenirs de la noblesse et du fait de déroger sont lointains. Je leur ai toujours préféré les monastères médiévaux et les temples antiques
Ensuite, il y a toute la question des offices anoblissants. En achetant une charge au roi, on pouvait devenir noble, c'est ce qu'on a souvent appelé la noblesse de robe.
Dans ton histoire, il est à remarquer trois points :
- le titre ressemble au nom de famille du riche paysan mais est en même temps cocasse, effet comique voulu ?
- peut-être a-t-il acheté un office ou un titre.
- il ne porte pas le nom de sa femme, Est-ce une coquetterie de sa part qui fait qu'il a "anobli" son nom (qui devient alors ridicule par effet sémantique) sans être lui-même noble ?
Voilà, les modernistes du forum sauront mieux t'aider que moi. Mes souvenirs de la noblesse et du fait de déroger sont lointains. Je leur ai toujours préféré les monastères médiévaux et les temples antiques
- sansaraModérateur
Je pense que le titre cocasse est un effet comique voulu par Molière et en même temps un "choix" de la famille, qui tout au long de la pièce ne cesse de faire comprendre à George Dandin qu'ils ne sont pas du même monde. J'ai l'impression qu'on lui a justement imposé ce titre ridicule, même s'il s'en satisfait. Je ne crois pas qu'il ait acheté d'office ou de titre, en tout cas, il n'en est pas fait mention dans la pièce.
- CroustibaptNiveau 7
La charge anoblissante, ou la fameuse "savonette à vilain"
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Discipline & Bonté
- amalricuNeoprof expérimenté
Quand le noble désargenté épousait la bourgeoise, il redorait son blason...
- arabeskankyloseNiveau 6
Pour trouver une réponse précise, claire et argumentée à la question que tu poses, tu peux lire l'article de Roger Chartier : "George Dandin ou le social en représentation", qui est disponible sur le site Persée.fr
- TecamacNiveau 6
Il y a aussi le fait qu'une personne, un homme, pouvait se dire "seigneur de" suivi du nom de sa terre mais n'était pas noble pour autant. Pour les papiers d'époque c'est le nom suivi de la mention "noble homme" qui indiquait l'état.
Ainsi Montaigne je crois se faisait appeler de Montaigne alors qu'il n'avait pas encore obtenu la charge conférant la noblesse à Bordeaux. Pour les Montpelliérains, pareil pour le Docteur Salomon dit d'Assas
Ainsi Montaigne je crois se faisait appeler de Montaigne alors qu'il n'avait pas encore obtenu la charge conférant la noblesse à Bordeaux. Pour les Montpelliérains, pareil pour le Docteur Salomon dit d'Assas
- sansaraModérateur
Merci, arabeskankylose (marrant, ton pseudo ! ).
- VoltigeurHabitué du forum
Tecamac a écrit:Il y a aussi le fait qu'une personne, un homme, pouvait se dire "seigneur de" suivi du nom de sa terre mais n'était pas noble pour autant. Pour les papiers d'époque c'est le nom suivi de la mention "noble homme" qui indiquait l'état.
Non. La dénomination "noble homme" est une simple formule qui est généralement attribuée à des bourgeois à l'époque moderne.
Par ailleurs effectivement, la possession d'une seigneurie ou d'une sieurie n'est pas un critère de noblesse, et on peut en être le détenteur sans être noble pour autant. De même qu'être noble sans en être propriétaire. La référence qui permet d'identifier la qualité noble dans les acte de l'époque moderne est la mention soit d'un titre, soit de la qualité d'écuyer, qualité généralement indiquée avant la seigneurie/sieurie. Sauf que, si ce critère est simple il n'est pas absolument fiable : il y avait parfois des imposteurs pour usurper ces éléments dans les actes. leurs contemporains n'en étaient pas dupes, mais sur la durée cette falsification documentaire permettait de fabriquer des lignées de "noblesse taisible" après 2 ou 3 générations.
En tout état de cause, on mésestime trop la fluidité sociale de la classe nobiliaire dont le renouvellement, certes limité, n'était pas moins constant en dépit des verrous juridiques imposés par l'État monarchique.
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«Quand tout le monde pense la même chose, c'est que plus personne ne pense» (Walter Lippman)
- Reine MargotDemi-dieu
Beaumarchais a acheté son titre je crois.
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La famille Bélier
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