- Asha KrakenNeoprof expérimenté
Purée, c'est vrai que ça fait plaisir de te lire PY !
- Salammb0Expert
PauvreYorick a écrit:C'est à mon avis précisément la conscience du fait que ça se situe en amont qui explique le caractère outré de l'article de départ: face aux puissants déterminismes qui jouent en amont même de l'intervention des lecteurs, la seule solution qui s'offre aux white males est le seppuku littéraireSalammb0 a écrit:On peut aussi se demander si le problème ne se situe pas bien plus en amont que ça.Tristana a écrit:
Il n'est évidemment pas question de ne plus jamais lire d'auteurs blancs, mais de s'interroger sur pourquoi les blancs sont sur-représentés en la matière. Ne serait-il pas possible de découvrir des auteurs intéressants qui sont souvent mis à l'index car pas assez blancs ou pas assez masculins ? C'est surtout ça, le vrai problème, et à mon sens il est bien réel.
Vous dites quelque chose qui me semble différent de ce que dit Tristana. Elle affirme que certains auteurs noirs sont mis à l'Index car trop noirs. Vous, vous laissez entendre que le problème se situe en amont. On peut en déduire qu'il est très probable que, globalement, les auteurs blancs soient meilleurs que les auteurs noirs aujourd'hui, non? Si ma déduction est bonne, lire ces auteurs noirs conduirait donc à lire des choses de qualité moindre, au regard de ce qui pourrait être lu, en raison d'une discrimination positive qui aurait certes des effets positifs d'un point de vue social, mais des conséquences négatives littérairement parlant. Et c'est précisément ce qui m'embête avec une telle injonction (Cessez de lire des hommes blancs). Je préfèrerais qu'on cherche à intervenir sur ces déterminismes en amont, plutôt que la littérature en pâtisse.
- DesolationRowEmpereur
Salammb0 a écrit:PauvreYorick a écrit:C'est à mon avis précisément la conscience du fait que ça se situe en amont qui explique le caractère outré de l'article de départ: face aux puissants déterminismes qui jouent en amont même de l'intervention des lecteurs, la seule solution qui s'offre aux white males est le seppuku littéraireSalammb0 a écrit:
On peut aussi se demander si le problème ne se situe pas bien plus en amont que ça.
Vous dites quelque chose qui me semble différent de ce que dit Tristana. Elle affirme que certains auteurs noirs sont mis à l'Index car trop noirs. Vous, vous laissez entendre que le problème se situe en amont. On peut en déduire qu'il est très probable que, globalement, les auteurs blancs soient meilleurs que les auteurs noirs aujourd'hui, non? Si ma déduction est bonne, lire ces auteurs noirs conduirait donc à lire des choses de qualité moindre, au regard de ce qui pourrait être lu, en raison d'une discrimination positive qui aurait certes des effets positifs d'un point de vue social, mais des conséquences négatives littérairement parlant. Et c'est précisément ce qui m'embête avec une telle injonction (Cessez de lire des hommes blancs). Je préfèrerais qu'on cherche à intervenir sur ces déterminismes en amont, plutôt que la littérature en pâtisse.
J'aimerais surtout qu'on me cite des auteurs "mis à l'index" car trop noirs ou pas assez mâles. Cela m'intéresse sincèrement.
- User17706Bon génie
Je ne sais pas si c'est vrai (à vrai dire je ne sais pas si ça a un sens précis), mais une chose est claire, c'est qu'il est en tout cas impossible de le déduire de ce que j'ai dit. Et (aussi, car après tout ce sont deux choses différentes), que je n'entendais rien dire ni même rien suggérer de tel. L'amont auquel je pensais est éditorial et social, il ne fait pas particulièrement référence à une idée de qualité littéraire mais réfère aux mécanismes habituels: (auto)censure, (auto)sélection, etc. ─ avec pour résultat non que les auteurs de telle origine soient meilleurs ou moins bons mais qu'ils soient, proportionnellement, plus ou moins lus. Je me garderais de postuler un lien direct entre qualité et succès et je me garderais de juger d'une manière autre que personnelle de la qualité.Salammb0 a écrit: Vous, vous laissez entendre que le problème se situe en amont. On peut en déduire qu'il est très probable que, globalement, les auteurs blancs soient meilleurs que les auteurs noirs aujourd'hui, non?
D'ailleurs je me référais non à l'injonction de cesser de lire certains (titre de l'article français) mais à la question du white male poet de départ: http://electricliterature.com/should-white-men-stop-writing-the-blunt-instrument-on-publishing-and-privilege/
- Salammb0Expert
Mais ce relativisme vaut collectivement mais pas individuellement. Vous, considérez-vous que certains livres sont meilleurs que d'autres, où que tout se vaut selon vous? Et si les livres que VOUS jugez meilleurs sont écrits par des blancs, seriez-vous prêts à ne plus les lire?
J'aurais donc dû rajouter "selon moi" à chaque fois que j'évaluais la qualité littéraire d'un livre, en le disant meilleur. Excusez ce manque de précision.
Alors certes, quand j'évalue la qualité littéraire d'une oeuvre, c'est toujours selon des critères personnels, mais est-ce un problème?
Nous ne pensions pas tout à fait aux mêmes déterminismes, ce qui explique ma méprise.
Pour l'amont éditorial, je veux bien croire que cela soit possible, et c'est effectivement regrettable, si cela est vrai. J'avoue que je n'en sais rien. D'une part, j'ai tendance à croire que la couleur du papier ne reflète pas la couleur de l'épiderme. D'autre part, je me dis qu'il est possible qu'un racisme (inconscient et ancré) pousse un éditeur à trouver un écrivain trop noir, et pas assez vendeur. L'article le pose comme une évidence. Pourtant, le fait que des hommes blancs soient davantage publiés que des femmes noires ne permet pas de trancher, si l'on considère comme moi que le problème intervient bien avant.
En revanche, pour l'"amont social", je vous rejoins, mais c'est précisément ce qui influe sur la qualité littéraire d'une oeuvre selon moi. J'ai dû mal à voir ce que pourrait être un "amont qui fait référence aux qualités littéraires". Je pense qu'un écrivain issu d'un milieu social favorisé aura statistiquement plus de chances d'être un bon (pour moi) écrivain qu'un écrivain issu d'un milieu social défavorisé. Pour être précise, je rejoins la distinction que fait Bourdieu entre le capital économique et le capital culturel, pensant que c'est surtout la possession du second qui engendrera les meilleurs écrivains, quoiqu'on puisse penser que le premier puisse être utile dans le milieu de l'édition. Mais bref, plus un auteur aura un capital culturel élevé, plus il est probable que son oeuvre soit meilleure à mes yeux. Meilleure car jouissant de qualités littéraires qui ne sont pas innées, qui sont le fruit d'une longue fréquentation de la littérature classique, de certains habitus, d'un enseignement de qualité, etc. Dès lors, me demander de ne plus lire des écrivains que je juge "bons" car ils sont blancs ou trop masculins me pose problème, dans la mesure où cela pourrait m'amener à lire des choses que JE juge moins bonnes. Et idem, enjoindre à des écrivains de ne plus écrire car ils sont trop blancs est vachement critiquable : on passerait peut-être à côté du Stendhal du XXIe siècle, parce qu'il se serait autocensuré car se considérant trop blanc et trop masculin. Ah non!
NB : quand je parle de capital culturel, je parle de capital culturel comme Bourdieu. Donc, culture bourgeoise. (pas street culture et cie)
NB 2 : je ne suis pas sûre qu'on puisse appréhender le problème de la sous-représentation littéraire des femmes et des noirs de la même façon comme le fait l'article. Enfin, avec mes arguments, moi je ne le peux pas. L'argument de la CSP + ou - ne vaut pas.
NB 3 : Je me garde aussi de faire le lien entre qualité et succès, et je ne crois pas l'avoir fait, si? ("meilleur" fait écho aux qualités littéraires, pas commerciales)
J'aurais donc dû rajouter "selon moi" à chaque fois que j'évaluais la qualité littéraire d'un livre, en le disant meilleur. Excusez ce manque de précision.
Alors certes, quand j'évalue la qualité littéraire d'une oeuvre, c'est toujours selon des critères personnels, mais est-ce un problème?
Nous ne pensions pas tout à fait aux mêmes déterminismes, ce qui explique ma méprise.
Pour l'amont éditorial, je veux bien croire que cela soit possible, et c'est effectivement regrettable, si cela est vrai. J'avoue que je n'en sais rien. D'une part, j'ai tendance à croire que la couleur du papier ne reflète pas la couleur de l'épiderme. D'autre part, je me dis qu'il est possible qu'un racisme (inconscient et ancré) pousse un éditeur à trouver un écrivain trop noir, et pas assez vendeur. L'article le pose comme une évidence. Pourtant, le fait que des hommes blancs soient davantage publiés que des femmes noires ne permet pas de trancher, si l'on considère comme moi que le problème intervient bien avant.
En revanche, pour l'"amont social", je vous rejoins, mais c'est précisément ce qui influe sur la qualité littéraire d'une oeuvre selon moi. J'ai dû mal à voir ce que pourrait être un "amont qui fait référence aux qualités littéraires". Je pense qu'un écrivain issu d'un milieu social favorisé aura statistiquement plus de chances d'être un bon (pour moi) écrivain qu'un écrivain issu d'un milieu social défavorisé. Pour être précise, je rejoins la distinction que fait Bourdieu entre le capital économique et le capital culturel, pensant que c'est surtout la possession du second qui engendrera les meilleurs écrivains, quoiqu'on puisse penser que le premier puisse être utile dans le milieu de l'édition. Mais bref, plus un auteur aura un capital culturel élevé, plus il est probable que son oeuvre soit meilleure à mes yeux. Meilleure car jouissant de qualités littéraires qui ne sont pas innées, qui sont le fruit d'une longue fréquentation de la littérature classique, de certains habitus, d'un enseignement de qualité, etc. Dès lors, me demander de ne plus lire des écrivains que je juge "bons" car ils sont blancs ou trop masculins me pose problème, dans la mesure où cela pourrait m'amener à lire des choses que JE juge moins bonnes. Et idem, enjoindre à des écrivains de ne plus écrire car ils sont trop blancs est vachement critiquable : on passerait peut-être à côté du Stendhal du XXIe siècle, parce qu'il se serait autocensuré car se considérant trop blanc et trop masculin. Ah non!
NB : quand je parle de capital culturel, je parle de capital culturel comme Bourdieu. Donc, culture bourgeoise. (pas street culture et cie)
NB 2 : je ne suis pas sûre qu'on puisse appréhender le problème de la sous-représentation littéraire des femmes et des noirs de la même façon comme le fait l'article. Enfin, avec mes arguments, moi je ne le peux pas. L'argument de la CSP + ou - ne vaut pas.
NB 3 : Je me garde aussi de faire le lien entre qualité et succès, et je ne crois pas l'avoir fait, si? ("meilleur" fait écho aux qualités littéraires, pas commerciales)
- User17706Bon génie
Mmh, j'ai voulu être très bref et j'ai visiblement été très peu clair. Il n'y a aucune intention relativiste dans mes propos (ni collectivement ni individuellement), je considère bien évidemment que certains livres sont meilleurs que d'autres, rien n'est plus éloigné de mes intentions que de laisser entendre que tout se vaudrait, je ne serais naturellement pas prêt à cesser de lire les livres que je trouve les meilleurs quelle que soit la couleur de peau de leurs auteurs (j'ai de toute façon indiqué que je m'intéressais plutôt à l'autre question, celle de l'anonymous), et je ne vois pas ce que ça aurait changé que vous eussiez ajouté «selon moi», ni en quoi le fait que l'évaluation soit quelque chose de personnel pourrait poser problème.
Non, ce qui me posait problème c'est le sens de la proposition «globalement les auteurs de telle couleur sont meilleurs...», parce qu'autant je ne crois pas que tout se vaille, autant j'ai du mal à admettre qu'une hiérarchie, en qualité artistique, puisse se présenter en quelque sorte item par item. Mes dessins de collège restent notablement inférieurs aux tableaux de Vermeer de Delft (ouf), mais par exemple, quant à savoir si Don Giovanni est supérieur aux Noces de Figaro... là je pense que la question n'a pas de sens du tout. (Saint Augustin est-il meilleur écrivain que Proust? pareil, je ne parviens pas à trouver un sens réel à la question.) Du coup, si une hiérarchie auteur par auteur n'est déjà pas clairement possible, une construction simili-statistique par-dessus cette première impossibilité risque de ne pas l'être vraiment non plus.
De toute façon, je pense que tout le monde est d'accord pour trouver ridicule l'injonction faite aux lecteurs de cesser de lire X ou l'injonction faite à X (par soi-même ou par un autre) de cesser d'écrire, donc bon. Plus intéressant déjà est ce que ces outrances révèlent comme malaise, ce sentiment de l'anonymous suivant lequel les voix qu'il faudrait entendre sont celles qui ne s'élèvent pas.
Ah, et pour le lien entre qualité et succès qu'il me semblait que vous faisiez implicitement, c'est parce qu'il me semble que l'article de départ parle entre autres de succès: vous, vous introduisez la notion de qualité. Or, tant qu'on reste dans une perspective strictement sociologique (il me semble que c'est vraiment le propos de départ), c'est plutôt de quantité, donc aussi de succès (si on se place côté demande), qu'il est question. Certes ce n'est pas entièrement décorrélé, et certes j'insistais quant à moi plutôt sur les mécanismes qui contraignent l'offre (mon «amont» à moi, si j'ose dire).
Non, ce qui me posait problème c'est le sens de la proposition «globalement les auteurs de telle couleur sont meilleurs...», parce qu'autant je ne crois pas que tout se vaille, autant j'ai du mal à admettre qu'une hiérarchie, en qualité artistique, puisse se présenter en quelque sorte item par item. Mes dessins de collège restent notablement inférieurs aux tableaux de Vermeer de Delft (ouf), mais par exemple, quant à savoir si Don Giovanni est supérieur aux Noces de Figaro... là je pense que la question n'a pas de sens du tout. (Saint Augustin est-il meilleur écrivain que Proust? pareil, je ne parviens pas à trouver un sens réel à la question.) Du coup, si une hiérarchie auteur par auteur n'est déjà pas clairement possible, une construction simili-statistique par-dessus cette première impossibilité risque de ne pas l'être vraiment non plus.
De toute façon, je pense que tout le monde est d'accord pour trouver ridicule l'injonction faite aux lecteurs de cesser de lire X ou l'injonction faite à X (par soi-même ou par un autre) de cesser d'écrire, donc bon. Plus intéressant déjà est ce que ces outrances révèlent comme malaise, ce sentiment de l'anonymous suivant lequel les voix qu'il faudrait entendre sont celles qui ne s'élèvent pas.
Ah, et pour le lien entre qualité et succès qu'il me semblait que vous faisiez implicitement, c'est parce qu'il me semble que l'article de départ parle entre autres de succès: vous, vous introduisez la notion de qualité. Or, tant qu'on reste dans une perspective strictement sociologique (il me semble que c'est vraiment le propos de départ), c'est plutôt de quantité, donc aussi de succès (si on se place côté demande), qu'il est question. Certes ce n'est pas entièrement décorrélé, et certes j'insistais quant à moi plutôt sur les mécanismes qui contraignent l'offre (mon «amont» à moi, si j'ose dire).
- Salammb0Expert
PauvreYorick a écrit:Mmh, j'ai voulu être très bref et j'ai visiblement été très peu clair. Il n'y a aucune intention relativiste dans mes propos (ni collectivement ni individuellement), je considère bien évidemment que certains livres sont meilleurs que d'autres, rien n'est plus éloigné de mes intentions que de laisser entendre que tout se vaudrait, je ne serais naturellement pas prêt à cesser de lire les livres que je trouve les meilleurs quelle que soit la couleur de peau de leurs auteurs (j'ai de toute façon indiqué que je m'intéressais plutôt à l'autre question, celle de l'anonymous), et je ne vois pas ce que ça aurait changé que vous eussiez ajouté «selon moi», ni en quoi le fait que l'évaluation soit quelque chose de personnel pourrait poser problème.
Il m'a paru que vous me reprochiez d'étendre aux autres des critères qualitatifs qui me fussent propres, en déclarant tel livre bon et en généralisant une telle déclaration.
PauvreYorick a écrit:Non, ce qui me posait problème c'est le sens de la proposition «globalement les auteurs de telle couleur sont meilleurs...», parce qu'autant je ne crois pas que tout se vaille, autant j'ai du mal à admettre qu'une hiérarchie, en qualité artistique, puisse se présenter en quelque sorte item par item. Mes dessins de collège restent notablement inférieurs aux tableaux de Vermeer de Delft (ouf), mais par exemple, quant à savoir si Don Giovanni est supérieur aux Noces de Figaro... là je pense que la question n'a pas de sens du tout. (Saint Augustin est-il meilleur écrivain que Proust? pareil, je ne parviens pas à trouver un sens réel à la question.) Du coup, si une hiérarchie auteur par auteur n'est déjà pas clairement possible, une construction simili-statistique par-dessus cette première impossibilité risque de ne pas l'être vraiment non plus.
Je ne suis pas sûre de comprendre. Vous procédez à une espèce de macro-hiérarchisation (car dire qu'un livre est bon, c'est le faire par rapport à un comparant), mais vous ne pensez pas qu'une micro-hiérarchisation (item par item) soit possible. C'est ça?
Par ailleurs, vous comparez des choses difficilement comparables : Saint-Augustin et Proust, Vermeer et vos dessins de collège (non pas que je sous-estime vos talents, ne le prenez pas comme un affront). Quant à la comparaison des deux opéras, perso, les Noces de Figaro, mais bon...
PauvreYorick a écrit:De toute façon, je pense que tout le monde est d'accord pour trouver ridicule l'injonction faite aux lecteurs de cesser de lire X ou l'injonction faite à X (par soi-même ou par un autre) de cesser d'écrire, donc bon. Plus intéressant déjà est ce que ces outrances révèlent comme malaise, ce sentiment de l'anonymous suivant lequel les voix qu'il faudrait entendre sont celles qui ne s'élèvent pas.
Il m'a semblé que tout le monde n'était pas d'accord pour la trouver ridicule justement. Je crois qu'on ne peut qu'être d'accord avec ce que vous dites là.
- thierryKNiveau 6
PauvreYorick a écrit:Mais encore faudrait-il que vous précisiez ce que «nous» serions tous supposés croire à tort (autrement dit, quelle est la théorie fausse à laquelle «notre» adhésion a été provoquée par cette propagande). Vous comprenez bien que si vous restez silencieux sur ce point, «nous» allons avoir du mal à nous dessiller.thierryK a écrit:Je trouve qu'il y a derrière tout ça un travail de propagande réussi, dont vous êtes victimes.
J'en ai déjà parlé.
Pour moi, certaines expérimentations (ligne Azur...) ont créé un bazar trop grand pour que quiconque veuille en endosser la responsabilité politique. Ont provoqué une levée de boucliers généralisée (je veux dire: pas limitée à "la manif pour tous"). Or responsabilité politique il y avait. Au moins au niveau de l'administration de Grenelle, qui les avait autorisées, peut être favorisées, peut-être en connaissance de cause, sans qu'il y a ait le moindre débat public. Et probablement au niveau des ministres (de Chatel à Peillon, de mémoire). On a tenté de nier ces tentatives, comme on efface certains personnages, devenus gênants, de photos officielles.
thierryK a écrit:
Et j'ai vraiment la vision inverse: à savoir que ce terme, qui ne mange pas de pain, qui n'est aucunement insultant, est subitement devenu tabou parce qu'il fallait masquer les pressions qui s'étaient exercées pour faire rentrer cette "théorie" à l'école. Plutôt que de rétropédaler publiquement, il valait mieux avoir l'air de n'avoir pas pédalé du tout. Or, "Si la théorie du genre n'existe pas, elle ne peut évidemment pas pénétrer l'école". C'est un sophisme imparable.
PauvreYorick a écrit:Je peux toujours essayer d'expliquer l'usage que pour ma part j'en ai fait, mais ça ne clarifiera pas le sens que ça a dans "théorie du genre". Tout ce que je comprends quand quelqu'un emploie l'expression, c'est que ce quelqu'un pense que la sodomie expédie directement en enfer. Mais si ça se trouve ça n'est même pas le cas de ThierryK, auquel cas tous mes repères sont brouillésJPhMM a écrit:J'avoue ne pas comprendre l'usage du mot "théorie" dans cette conversation.
Elle semble ne rendre compte du mot ni dans l'expression "théorie des probabilités", ni dans l'expression "théorie de la Terre Creuse". D'où mon désarroi.
J'ai admis déjà que le terme "théorie du genre" était peut-être inadapté. Je l'ai utilisée dans un sens non polémique, comme un raccourci pratique (il y a quand même des traits communs à la plupart des "études sur le genre" qui permettent l'emploi d'un tel raccourci. Je reste surpris par les réactions (qui sont pour moi excessives) sur l'expression et me demande "de quoi est-elle le nom ?" (le post ci-dessus de "PauvreYorick" m'a en partie répondu. Dont acte.)
Salammb0 a écrit:
En revanche, pour l'"amont social", je vous rejoins, mais c'est précisément ce qui influe sur la qualité littéraire d'une oeuvre selon moi. J'ai dû mal à voir ce que pourrait être un "amont qui fait référence aux qualités littéraires". Je pense qu'un écrivain issu d'un milieu social favorisé aura statistiquement plus de chances d'être un bon (pour moi) écrivain qu'un écrivain issu d'un milieu social défavorisé. Pour être précise, je rejoins la distinction que fait Bourdieu entre le capital économique et le capital culturel, pensant que c'est surtout la possession du second qui engendrera les meilleurs écrivains, quoiqu'on puisse penser que le premier puisse être utile dans le milieu de l'édition. Mais bref, plus un auteur aura un capital culturel élevé, plus il est probable que son oeuvre soit meilleure à mes yeux. Meilleure car jouissant de qualités littéraires qui ne sont pas innées, qui sont le fruit d'une longue fréquentation de la littérature classique, de certains habitus, d'un enseignement de qualité, etc. Dès lors, me demander de ne plus lire des écrivains que je juge "bons" car ils sont blancs ou trop masculins me pose problème, dans la mesure où cela pourrait m'amener à lire des choses que JE juge moins bonnes.
NB : quand je parle de capital culturel, je parle de capital culturel comme Bourdieu. Donc, culture bourgeoise. (pas street culture et cie)
Je vous rejoins absolument mais avec moins d'humilité car (selon moi) les "selon moi, à mes yeux, que je juge "bons"" que vous employez sont déjà du relativisme (au sens où la concession que vous faîtes à Bourdieu me paraît trop forte). Les auteurs dont vous parlez ne sont pas bons "selon vous", ils sont juste "bons". Je m'explique.
Si vous enseignez les maths ou la physique, le jugement des oeuvres scientifiques n'est en rien relatif car les théories sont prouvables ou prouvées. Ce n'est pas "selon moi" (ou selon vous) que Pythagore, Euclide, Newton sont de bons scientifiques. Votre culture scientifique (la longue fréquentation des sciences) peut certes vous faire plus ou moins apprécier leurs oeuvres, mais ce n'est pas de votre jugement que vient leur valeur. Donc, le point de vue de Bourdieu, qui consiste, pour résumer de façon caricaturale, à affirmer que le savoir n'est qu'un code que se transmettent les classes qui possèdent le capital culturel, ne peut s'appliquer aux oeuvres scientifiques. (Car à la fin, et ce n'est pas une question de capital culturel, la terre tourne bien. Celui qui le comprend est simplement à un stade plus avancé de l'humanité que celui qui ne le comprend pas. La terre ne tourne pas "selon nous").
Concernant une oeuvre littéraire, on ne peut évidemment pas en "prouver", comme en maths, la qualité littéraire. Mais le raisonnement de Bourdieu n'est pas non plus prouvé. Bourdieu nous dit, en gros, que tous les gens dits cultivés se sont auto-influencés entre eux (passé le mot inconsciemment) pour "apprécier" et "valoriser" des oeuvres a priori arbitraires (constituant le capital culturel), dans le seul but (ou du moins avec pour seul effet) de se sélectionner socialement. Si nous suivons ce raisonnement, la valeur de l'oeuvre devient effectivement relative et ce serait "selon moi" (ou selon vous) qu'il faudrait effectivement aimer Stendhal.
Mais je note que :
1. L'analyse de Bourdieu englobe tout le savoir scolaire, scientifique comme littéraire. S'il s'est trompé sur la nature du savoir scientifique, pourquoi ne se serait-il pas trompé sur la nature du savoir littéraire, artistique, etc ?
2. La partie la plus convaincante de la démonstration de Bourdieu reste pour moi l'avant propos de la Reproduction, où il montre comment, dans une civilisation primitive, la sélection sociale repose sur des rites qui la masquent. Par analogie, il en déduit que notre civilisation en fait de même. (Un peu comme Freud montre, par analogie avec les rites des faiseurs de pluie, que la religion est une illusion). L'analogie est intéressante, certes, mais n'a pas de valeur probante. Qui plus est, une seule civilisation nous est donnée en exemple (alors que Freud multiplie les exemples, ce qui rend son analogie plus "troublante" - donc convaincante).
3. L'argument de Bourdieu comme quoi "les gens ayant du capital culturel ne font finalement que se reconnaître entre eux" peut aussi se retourner de cette façon: "Ce n'est qu'à partir d'un certain niveau de savoir, d'études et d'intelligence, qu'on devient capable de juger certaines oeuvres et de les comprendre. C'est pourquoi la connaissance académique peut prendre la forme d'une cooptation. Le fait que cette cooptation - qui est une forme de reconnaissance - existe ne prouve en rien le côté arbitraire du savoir sur laquelle elle repose (a).
4. A la fin des fins, nous ne sommes pas dans le domaine du réfutable. Mais j'ai clairement la sensation que c'est la partie la plus intelligente de mon être qui me fait aimer Stendhal. La même que celle qui me fait aimer Euclide et Newton... Et donc, "Fuck Bourdieu !", je suis mon intuition sensible, que je pense être la meilleure partie de moi-même et j'affirme que Thucydide est un bien meilleur historien que Stéphane Bern, même si, surtout quand je suis très fatigué le soir, je peux préférer regarder Stéphane Bern que lire Thucydide. Je préfère le regarder, mais tout en sachant que cela a moins de valeur.
(a) Certes, cette cooptation peu avoir des défaillances. Par exemple, le fait est que la communauté scientifique, du fait qu'elle est formée d'humains, peut se tromper "massivement" ou résister à l'introduction de nouvelles théories (ex: Pasteur vs la génération spontanée). Mais il n'y a pas de raison de supposer que l'erreur et l'arbitraire en constituent "la règle générale".
- OlympiasProphète
Moi aussi. Chaque rentrée littéraire est le moment de la parution d'environ 600 à 700 romans rien qu'en France. Il faut vraiment fouiller les rayons de la librairie pour découvrir des curiosités. Je lis davantage de littérature étrangère depuis quelques années. Certains romanciers français ne m'intéressent absolument pas.Elyas a écrit:En fait, si déjà on arrêtait de publier les mauvais romans, mal écrits ou avec une histoire bancale ou des héros insupportables (alter ego fantasmé de l'auteur) pour ne laisser que les bons romans, on serait dans un vrai débat cherchant à promouvoir les bons romanciers. Quand je lis un roman, je me fiche des origines de l'auteur ou de son apparence, c'est son roman qui m'intéresse.
- User17706Bon génie
Ah non non, pas du tout.Salammb0 a écrit: Il m'a paru que vous me reprochiez d'étendre aux autres des critères qualitatifs qui me fussent propres, en déclarant tel livre bon et en généralisant une telle déclaration.
C'est à peu près ça. Je ne suis pas sûr du tout que dire qu'un livre est bon soit le faire par rapport à un comparant (autrement dit je ne suis pas certain du tout qu'on classe forcément, fût-ce implicitement, quand on apprécie), mais je suis certain en revanche que, si c'est un classement que l'on veut, il est plus facile de placer Joyce par rapport à Guy des Cars que par rapport à Musil. (Plus précisément, je me parfume de l'idée, j'emprunte à DesolationRow l'expression, que dans un cas on a une opération facile et dans l'autre une opération impossible.)Salammb0 a écrit:Je ne suis pas sûre de comprendre. Vous procédez à une espèce de macro-hiérarchisation (car dire qu'un livre est bon, c'est le faire par rapport à un comparant), mais vous ne pensez pas qu'une micro-hiérarchisation (item par item) soit possible. C'est ça?PauvreYorick a écrit:Non, ce qui me posait problème c'est le sens de la proposition «globalement les auteurs de telle couleur sont meilleurs...», parce qu'autant je ne crois pas que tout se vaille, autant j'ai du mal à admettre qu'une hiérarchie, en qualité artistique, puisse se présenter en quelque sorte item par item. Mes dessins de collège restent notablement inférieurs aux tableaux de Vermeer de Delft (ouf), mais par exemple, quant à savoir si Don Giovanni est supérieur aux Noces de Figaro... là je pense que la question n'a pas de sens du tout. (Saint Augustin est-il meilleur écrivain que Proust? pareil, je ne parviens pas à trouver un sens réel à la question.) Du coup, si une hiérarchie auteur par auteur n'est déjà pas clairement possible, une construction simili-statistique par-dessus cette première impossibilité risque de ne pas l'être vraiment non plus.
Vous voyez que vous êtes d'accordSalammb0 a écrit:Par ailleurs, vous comparez des choses difficilement comparables : Saint-Augustin et Proust, Vermeer et vos dessins de collège (non pas que je sous-estime vos talents, ne le prenez pas comme un affront).
Je crois que personne n'entendait la défendre sous sa forme littérale, en tout cas.Salammb0 a écrit:Il m'a semblé que tout le monde n'était pas d'accord pour la trouver ridicule justement.PauvreYorick a écrit:De toute façon, je pense que tout le monde est d'accord pour trouver ridicule l'injonction faite aux lecteurs de cesser de lire X ou l'injonction faite à X (par soi-même ou par un autre) de cesser d'écrire, donc bon. Plus intéressant déjà est ce que ces outrances révèlent comme malaise, ce sentiment de l'anonymous suivant lequel les voix qu'il faudrait entendre sont celles qui ne s'élèvent pas.
- User17706Bon génie
http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20140924.AFP6771/la-ligne-azur-anti-homophobie-n-aurait-pas-du-entrer-a-l-ecole-rapporteur-public-du-conseil-d-etat.htmlthierryK a écrit:J'en ai déjà parlé.PauvreYorick a écrit:Mais encore faudrait-il que vous précisiez ce que «nous» serions tous supposés croire à tort (autrement dit, quelle est la théorie fausse à laquelle «notre» adhésion a été provoquée par cette propagande). Vous comprenez bien que si vous restez silencieux sur ce point, «nous» allons avoir du mal à nous dessiller.thierryK a écrit:Je trouve qu'il y a derrière tout ça un travail de propagande réussi, dont vous êtes victimes.
Pour moi, certaines expérimentations (ligne Azur...) ont créé un bazar trop grand pour que quiconque veuille en endosser la responsabilité politique. Ont provoqué une levée de boucliers généralisée (je veux dire: pas limitée à "la manif pour tous"). Or responsabilité politique il y avait. Au moins au niveau de l'administration de Grenelle, qui les avait autorisées, peut être favorisées, peut-être en connaissance de cause, sans qu'il y a ait le moindre débat public. Et probablement au niveau des ministres (de Chatel à Peillon, de mémoire). On a tenté de nier ces tentatives, comme on efface certains personnages, devenus gênants, de photos officielles.
À mon avis, une affaire portée devant le Conseil d'État et relayée par la Presse n'est pas si bien étouffée que ça. (Il en a également été amplement question sur le forum à l'époque.)
Bon, je ne suis pas sûr d'être convaincu par la thèse de la propagande, ou plutôt, je ne suis pas sûr d'identifier avec précision le propos.
Il n'y a aucun mal à ça. Même si c'est un raccourci (comme plein de termes en effet), je pense qu'on devrait pouvoir préciser un peu ce que ça raccourcit (c'est-à-dire lister au moins quelques-uns des traits communs, ceux qu'on vise par l'emploi du terme, bref encore une fois expliciter un peu), mais bon. Il est remarquable (je l'ai souligné, probablement pas assez) que précisément l'expression «théorie du genre» a servi, ces dernières années, à ne pas expliciter son propos, c'est-à-dire à faire passer une condamnation vague en pariant que l'expression doit bien désigner quelque chose, même si en l'employant on ne sait pas bien quoi. (Le mot de «propagande» me brûle les lèvres, mais...)thierryK a écrit: J'ai admis déjà que le terme "théorie du genre" était peut-être inadapté. Je l'ai utilisée dans un sens non polémique, comme un raccourci pratique (il y a quand même des traits communs à la plupart des "études sur le genre" qui permettent l'emploi d'un tel raccourci).
Incidemment, sans être fan de Bourdieu, il me semble qu'il y a quelque caricature, mais bon, je ne me lance pas là-dedans.
- Asha KrakenNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20140924.AFP6771/la-ligne-azur-anti-homophobie-n-aurait-pas-du-entrer-a-l-ecole-rapporteur-public-du-conseil-d-etat.htmlthierryK a écrit:J'en ai déjà parlé.PauvreYorick a écrit:
Mais encore faudrait-il que vous précisiez ce que «nous» serions tous supposés croire à tort (autrement dit, quelle est la théorie fausse à laquelle «notre» adhésion a été provoquée par cette propagande). Vous comprenez bien que si vous restez silencieux sur ce point, «nous» allons avoir du mal à nous dessiller.
Pour moi, certaines expérimentations (ligne Azur...) ont créé un bazar trop grand pour que quiconque veuille en endosser la responsabilité politique. Ont provoqué une levée de boucliers généralisée (je veux dire: pas limitée à "la manif pour tous"). Or responsabilité politique il y avait. Au moins au niveau de l'administration de Grenelle, qui les avait autorisées, peut être favorisées, peut-être en connaissance de cause, sans qu'il y a ait le moindre débat public. Et probablement au niveau des ministres (de Chatel à Peillon, de mémoire). On a tenté de nier ces tentatives, comme on efface certains personnages, devenus gênants, de photos officielles.
À mon avis, une affaire portée devant le Conseil d'État et relayée par la Presse n'est pas si bien étouffée que ça. (Il en a également été amplement question sur le forum à l'époque.)
Bon, je ne suis pas sûr d'être convaincu par la thèse de la propagande, ou plutôt, je ne suis pas sûr d'identifier avec précision le propos.
Moi non plus, mais si je n'y vois goutte dans l'attitude du gouvernement, certainement le fruit d'une propagande bien ficelée ( thierryK, je ne suis pas convaincue par une argumentation cimentée à coups de peut-être) , mes soupçons à l'encontre de notre interlocuteur se précisent.
- thierryKNiveau 6
Asha Kraken a écrit:PauvreYorick a écrit:http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20140924.AFP6771/la-ligne-azur-anti-homophobie-n-aurait-pas-du-entrer-a-l-ecole-rapporteur-public-du-conseil-d-etat.htmlthierryK a écrit:
J'en ai déjà parlé.
Pour moi, certaines expérimentations (ligne Azur...) ont créé un bazar trop grand pour que quiconque veuille en endosser la responsabilité politique. Ont provoqué une levée de boucliers généralisée (je veux dire: pas limitée à "la manif pour tous"). Or responsabilité politique il y avait. Au moins au niveau de l'administration de Grenelle, qui les avait autorisées, peut être favorisées, peut-être en connaissance de cause, sans qu'il y a ait le moindre débat public. Et probablement au niveau des ministres (de Chatel à Peillon, de mémoire). On a tenté de nier ces tentatives, comme on efface certains personnages, devenus gênants, de photos officielles.
À mon avis, une affaire portée devant le Conseil d'État et relayée par la Presse n'est pas si bien étouffée que ça. (Il en a également été amplement question sur le forum à l'époque.)
Bon, je ne suis pas sûr d'être convaincu par la thèse de la propagande, ou plutôt, je ne suis pas sûr d'identifier avec précision le propos.
Moi non plus, mais si je n'y vois goutte dans l'attitude du gouvernement, certainement le fruit d'une propagande bien ficelée ( thierryK, je ne suis pas convaincue par une argumentation cimentée à coups de peut-être) , mes soupçons à l'encontre de notre interlocuteur se précisent.
Peut-être faudrait-il plus vous concentrer sur ce que j'écris, plutôt que de tenter desespérement de savoir d'où j'écris (ce qui n'a pas grand intérêt).
En l'espèce, il est prouvé que l'administration a autorisé ces "expérimentations". Il n'est pas prouvé qu'elle les ait favorisées, ni favorisées sciemment. D'où les "peut-être". Il reste que mon sentiment est que, vu le niveau de contrôle qu'exerce Grenelle, ceci ne pouvait arriver par hasard ou même par inadvertance. Et le fait qu'une affaire soit portée sur la place publique ne signifie pas qu'on ait souhaité la rendre publique.
- User17706Bon génie
Mais c'est là que vous vous abusez: à titre personnel je me fiche complètement de savoir d'où vous écrivez, en revanche je vous encourage à livrer un texte dont le sens littéral soit déchiffrable, justement. Bref, comme depuis deux pages, même pas à définir, je n'en demande pas tant, mais simplement à caractériser suffisamment ce dont vous parlez pour qu'on voie, même en très gros, ce que c'est.thierryK a écrit: Peut-être faudrait-il plus vous concentrer sur ce que j'écris, plutôt que de tenter desespérement de savoir d'où j'écris (ce qui n'a pas grand intérêt).
- Salammb0Expert
PauvreYorick a écrit:Je crois que personne n'entendait la défendre sous sa forme littérale, en tout cas.Salammb0 a écrit:Il m'a semblé que tout le monde n'était pas d'accord pour la trouver ridicule justement.PauvreYorick a écrit:De toute façon, je pense que tout le monde est d'accord pour trouver ridicule l'injonction faite aux lecteurs de cesser de lire X ou l'injonction faite à X (par soi-même ou par un autre) de cesser d'écrire, donc bon. Plus intéressant déjà est ce que ces outrances révèlent comme malaise, ce sentiment de l'anonymous suivant lequel les voix qu'il faudrait entendre sont celles qui ne s'élèvent pas.
Soit. Tant mieux alors.
thierryK a écrit:Salammb0 a écrit:
En revanche, pour l'"amont social", je vous rejoins, mais c'est précisément ce qui influe sur la qualité littéraire d'une oeuvre selon moi. J'ai dû mal à voir ce que pourrait être un "amont qui fait référence aux qualités littéraires". Je pense qu'un écrivain issu d'un milieu social favorisé aura statistiquement plus de chances d'être un bon (pour moi) écrivain qu'un écrivain issu d'un milieu social défavorisé. Pour être précise, je rejoins la distinction que fait Bourdieu entre le capital économique et le capital culturel, pensant que c'est surtout la possession du second qui engendrera les meilleurs écrivains, quoiqu'on puisse penser que le premier puisse être utile dans le milieu de l'édition. Mais bref, plus un auteur aura un capital culturel élevé, plus il est probable que son oeuvre soit meilleure à mes yeux. Meilleure car jouissant de qualités littéraires qui ne sont pas innées, qui sont le fruit d'une longue fréquentation de la littérature classique, de certains habitus, d'un enseignement de qualité, etc. Dès lors, me demander de ne plus lire des écrivains que je juge "bons" car ils sont blancs ou trop masculins me pose problème, dans la mesure où cela pourrait m'amener à lire des choses que JE juge moins bonnes.
NB : quand je parle de capital culturel, je parle de capital culturel comme Bourdieu. Donc, culture bourgeoise. (pas street culture et cie)
Je vous rejoins absolument mais avec moins d'humilité car (selon moi) les "selon moi, à mes yeux, que je juge "bons"" que vous employez sont déjà du relativisme (au sens où la concession que vous faîtes à Bourdieu me paraît trop forte). Les auteurs dont vous parlez ne sont pas bons "selon vous", ils sont juste "bons". Je m'explique.
Si vous enseignez les maths ou la physique, le jugement des oeuvres scientifiques n'est en rien relatif car les théories sont prouvables ou prouvées. Ce n'est pas "selon moi" (ou selon vous) que Pythagore, Euclide, Newton sont de bons scientifiques. Votre culture scientifique (la longue fréquentation des sciences) peut certes vous faire plus ou moins apprécier leurs oeuvres, mais ce n'est pas de votre jugement que vient leur valeur. Donc, le point de vue de Bourdieu, qui consiste, pour résumer de façon caricaturale, à affirmer que le savoir n'est qu'un code que se transmettent les classes qui possèdent le capital culturel, ne peut s'appliquer aux oeuvres scientifiques. (Car à la fin, et ce n'est pas une question de capital culturel, la terre tourne bien. Celui qui le comprend est simplement à un stade plus avancé de l'humanité que celui qui ne le comprend pas. La terre ne tourne pas "selon nous").
Concernant une oeuvre littéraire, on ne peut évidemment pas en "prouver", comme en maths, la qualité littéraire. Mais le raisonnement de Bourdieu n'est pas non plus prouvé. Bourdieu nous dit, en gros, que tous les gens dits cultivés se sont auto-influencés entre eux (passé le mot inconsciemment) pour "apprécier" et "valoriser" des oeuvres a priori arbitraires (constituant le capital culturel), dans le seul but (ou du moins avec pour seul effet) de se sélectionner socialement. Si nous suivons ce raisonnement, la valeur de l'oeuvre devient effectivement relative et ce serait "selon moi" (ou selon vous) qu'il faudrait effectivement aimer Stendhal.
Mais je note que :
1. L'analyse de Bourdieu englobe tout le savoir scolaire, scientifique comme littéraire. S'il s'est trompé sur la nature du savoir scientifique, pourquoi ne se serait-il pas trompé sur la nature du savoir littéraire, artistique, etc ?
2. La partie la plus convaincante de la démonstration de Bourdieu reste pour moi l'avant propos de la Reproduction, où il montre comment, dans une civilisation primitive, la sélection sociale repose sur des rites qui la masquent. Par analogie, il en déduit que notre civilisation en fait de même. (Un peu comme Freud montre, par analogie avec les rites des faiseurs de pluie, que la religion est une illusion). L'analogie est intéressante, certes, mais n'a pas de valeur probante. Qui plus est, une seule civilisation nous est donnée en exemple (alors que Freud multiplie les exemples, ce qui rend son analogie plus "troublante" - donc convaincante).
3. L'argument de Bourdieu comme quoi "les gens ayant du capital culturel ne font finalement que se reconnaître entre eux" peut aussi se retourner de cette façon: "Ce n'est qu'à partir d'un certain niveau de savoir, d'études et d'intelligence, qu'on devient capable de juger certaines oeuvres et de les comprendre. C'est pourquoi la connaissance académique peut prendre la forme d'une cooptation. Le fait que cette cooptation - qui est une forme de reconnaissance - existe ne prouve en rien le côté arbitraire du savoir sur laquelle elle repose (a).
4. A la fin des fins, nous ne sommes pas dans le domaine du réfutable. Mais j'ai clairement la sensation que c'est la partie la plus intelligente de mon être qui me fait aimer Stendhal. La même que celle qui me fait aimer Euclide et Newton... Et donc, "Fuck Bourdieu !", je suis mon intuition sensible, que je pense être la meilleure partie de moi-même et j'affirme que Thucydide est un bien meilleur historien que Stéphane Bern, même si, surtout quand je suis très fatigué le soir, je peux préférer regarder Stéphane Bern que lire Thucydide. Je préfère le regarder, mais tout en sachant que cela a moins de valeur.
(a) Certes, cette cooptation peu avoir des défaillances. Par exemple, le fait est que la communauté scientifique, du fait qu'elle est formée d'humains, peut se tromper "massivement" ou résister à l'introduction de nouvelles théories (ex: Pasteur vs la génération spontanée). Mais il n'y a pas de raison de supposer que l'erreur et l'arbitraire en constituent "la règle générale".
Thierry, si j'ai convoqué Bourdieu, c'était pour parler habitus et capital culturel (et économique), ce qui venait ici appuyer le phénomène de reproduction sociale que j'évoquais plus ou moins (mais pas cette histoire de relativisme)
- thierryKNiveau 6
Salammb0 a écrit:
Thierry, si j'ai convoqué Bourdieu, c'était pour parler habitus et capital culturel (et économique), ce qui venait ici appuyer le phénomène de reproduction sociale que j'évoquais plus ou moins (mais pas cette histoire de relativisme)
Oui, j'avais compris (enfin, je pense). Mais cette notion d'habitus est contestable. Personne ne peut dire qu'elle existe, qu'il y a réellement conditionnement, au sens de Bourdieu. L'habitus, ce n'est pas "la masse", "la vitesse" qu'on peut mesurer et quantifier. On ne peut que le supposer, son existence est loin d'être prouvée. Et s'il existe, son importance est loin d'être celle que lui attribue Bourdieu (1).
Mes points 1 à 4 ci-dessus s'appliquent en tous points à la notion d'habitus.
Quant au capital culturel, le terme même est inadmissible et polémique - à mon sens devrait être banni du langage car il stigmatise de fait, sans raison, tous les gens cultivés. Car si le capital économique ne peut pas se partager équitablement, le "capital culturel" peut lui se reproduire à volonté, il n'est pas "capté". Il est de nature "software": on peut le répandre sur tous les êtres humains sans faire de tort à quiconque.
Le "capital culturel" dont parle Bourdieu se crée en permanence, et il se crée tout spécialement à l'école. Admettre ces notions de Bourdieu, c'est finalement nier l'utilité de l'école et placer toute la communauté enseignante sous le joug d'une sorte de "double bind". Le professeur est là pour créer de bons élèves, mais les bons élèves ne sont que des privilégiés de classe, qui bénéficient du fameux "capital culturel". Donc l'école est un instrument d'inégalité. On en revient aux absurdités idéologiques qui fondent la réforme du collège et qui sont en train de tuer l'école.
C'est donc l'utilisation à tort et à travers du terme "capital culturel" qui, pour moi, est du domaine du conditionnement.
(1) J'attire votre attention sur le fait que la performance culturelle n'est pas forcément liée au capital culturel, au sens où l'entend Bourdieu. Le cas le plus évident est celui des maths, où vous trouvez pléthore de génies de moins de 30 ans, qui n'ont pratiquement aucune culture mathématique au départ (Newton, Galois...). En littérature, vous avez de grands romanciers qui ont très peu lu (Kundera leur a consacré des passages très intéressants dans l'Art du Roman).
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