- Reine des neigesNiveau 8
Bonjour, je travaille Antigone avec mes 3e et j'ai commencé par une séance sur le mythe et la tragédie. Après réflexion, je me dis que j'ai bien eu du mal à leur donner une définition clair edu mythe. Quelqu'un en aurait une à me donner?merci!
- HamletteFidèle du forum
En tant que récit mythique archaïque : un récit situé dans un temps cyclique (donc, hors du temps humain) et à caractère sacré (donc, séparé des humains). Il a pour but de donner un sens à l'existence. Il engendre des rites, qui sont des comportements qui visent à imiter le mythe pour donner du sens aux activités humaines (travailler, manger...).
C'est grosso modo ce qu'on peut trouver chez Mircea Eliade (j'avais bossé dessus en maîtrise). Mais tu trouveras d'autres choses chez Vernant par exemple.
En outre, la définition du mythe littéraire (comme Antigone justement) est encore différente.
C'est grosso modo ce qu'on peut trouver chez Mircea Eliade (j'avais bossé dessus en maîtrise). Mais tu trouveras d'autres choses chez Vernant par exemple.
En outre, la définition du mythe littéraire (comme Antigone justement) est encore différente.
- InvitéeHrÉrudit
Mushroom (toi qui a bossé sur Eliade) je me pose une question idiote : peut-on parler de mythe pour la Bible ? j'ai lu le mythe de Babel, du Paradis Perdu, etc
- MarianneNiveau 8
Florence, je te réponds avec un peu de retard car je viens de lire ton message. J'ai également travaillé Antigone mais c'était avec des 1ères. Voici la définition du mythe que j'ai élaboré avec mes élèves :
"le mythe est un récit fondateur qui raconte une création à l'aide de personnages fabuleux (le plus souvent dotés de pouvoirs). Il apporte des réponses aux grandes interrogations humaines car il traduit les expérienes humaines fondamentales (la mort, l'origine de la vie, etc.)."
J'espère que cette définition ne paraîtra pas trop réductrice mais je l'ai voulu à la fois synthétique et exhaustive. En espérant que cela puisse t'aider... Si tu veux plus de renseignements, n'hésites pas.
"le mythe est un récit fondateur qui raconte une création à l'aide de personnages fabuleux (le plus souvent dotés de pouvoirs). Il apporte des réponses aux grandes interrogations humaines car il traduit les expérienes humaines fondamentales (la mort, l'origine de la vie, etc.)."
J'espère que cette définition ne paraîtra pas trop réductrice mais je l'ai voulu à la fois synthétique et exhaustive. En espérant que cela puisse t'aider... Si tu veux plus de renseignements, n'hésites pas.
- V.MarchaisEmpereur
heather a écrit:Mushroom (toi qui a bossé sur Eliade) je me pose une question idiote : peut-on parler de mythe pour la Bible ? j'ai lu le mythe de Babel, du Paradis Perdu, etc
Bonjour,
La Bible emprunte à des traditions préexistantes, notamment à l'épopée de Gilgamesh, mais je crois que c'est une erreur que de mettre ces récits sur le même plan. C'est une manière confortable d'évacuer la dimension sacrée qui nous embarrasse mais sur le plan épistémologique, ce n'est guère rigoureux. Car le passage au monothéisme est une véritable révolution culturelle. Le Dieu de la Bible engage avec l'homme une relation personnelle fondée sur un contrat moral (en d'autres termes les idées de Bien et de Mal), contrat qui n'existe pas dans la mythologie grecque ou romaine : depuis le partage de Prométhée, dieux et hommes ont des conditions séparées et le seul véritable crime est de ne pas rendre à chacun ce qui lui est dû.
A strictement parler, il n'est pas impropre de parler du mythe de Babel, voire d'Adam et Eve (récit étiologique où intervient Dieu). Mais il faut prendre garde que cela ne conduise pas à mettre tout ces récits sur le même plan.
Cela répond-il à votre question ?
Cordialement,
Véronique.
- JohnMédiateur
C'est une manière confortable d'évacuer la dimension sacrée qui nous embarrasse mais sur le plan épistémologique
Je confirme, et je vais même jusqu'à parler en cours de mythologie biblique. Ca m'a valu les émois de quelques élèves très croyants, mais je ne peux pas, personnellement, aller au-delà de cette expression.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- lolaNiveau 3
J'ai mis l'accent sur la mise en scène d'êtres "symbolisant des aspects de la condition humaine".
- V.MarchaisEmpereur
Bonsoir John, bonsoir à tous,
Je crois qu'il y a une autre chose qui distingue la Bible, mais aussi le Coran, des mythes grecs ou latin, c'est que ces derniers, contrairement aux premiers, n'ont jamais été des textes liturgiques. Ce qui est délicat, avec la Bible ou le Coran, c'est que nous devons étudier, de manière laïque, de textes qui sont encore, pour beaucoup, des textes religieux. Mais j'aborde les choses sans aucun complexe. Nous étudions les récits bibliques sous l'angle symbolique ou poétique : la mise en scène de Dieu, de l'homme, de leurs relations et ce que cela nous dit sur la vie humaine, son sens et son but. Le reste, ce n'est pas ma partie. Il se trouve toujours de petits mignons pour me demander : "Madame, est-ce que c'est vrai ?" Je dis que certains y croient, d'autres non, que ce n'est pas cela qui nous intéresse en classe : que l'on y croie ou non, ces textes nous font réfléchir sur la condition humaine, ce qui n'est jamais un mal. (Et puis les petits croyants, ça ne leur fait pas de mal de découvrir qu'on peut faire une autre lecture de leurs textes sacrés, notamment psychanalytique !)
Mon approche est purement littéraire et cela est suffisamment clair pour que je ne me sente pas obligée de brouiller les genres et les cultures - ni heurter qui que ce soi : John, vous parlez à vos petits musulmans de mythologie Coranique, aussi ? De mon côté, où la moitié des mamans sont voilées (triste réalité) et où un grand nombre d'enfants vont à l'école coranique après les cours, ce serait périlleux. Outre cet aspect des choses, je ne me permets tout simplement pas d'interférer avec les croyances personnelles : c'est aussi cela, le respect de la liberté de conscience.
Cordialement,
Véronique.
Je crois qu'il y a une autre chose qui distingue la Bible, mais aussi le Coran, des mythes grecs ou latin, c'est que ces derniers, contrairement aux premiers, n'ont jamais été des textes liturgiques. Ce qui est délicat, avec la Bible ou le Coran, c'est que nous devons étudier, de manière laïque, de textes qui sont encore, pour beaucoup, des textes religieux. Mais j'aborde les choses sans aucun complexe. Nous étudions les récits bibliques sous l'angle symbolique ou poétique : la mise en scène de Dieu, de l'homme, de leurs relations et ce que cela nous dit sur la vie humaine, son sens et son but. Le reste, ce n'est pas ma partie. Il se trouve toujours de petits mignons pour me demander : "Madame, est-ce que c'est vrai ?" Je dis que certains y croient, d'autres non, que ce n'est pas cela qui nous intéresse en classe : que l'on y croie ou non, ces textes nous font réfléchir sur la condition humaine, ce qui n'est jamais un mal. (Et puis les petits croyants, ça ne leur fait pas de mal de découvrir qu'on peut faire une autre lecture de leurs textes sacrés, notamment psychanalytique !)
Mon approche est purement littéraire et cela est suffisamment clair pour que je ne me sente pas obligée de brouiller les genres et les cultures - ni heurter qui que ce soi : John, vous parlez à vos petits musulmans de mythologie Coranique, aussi ? De mon côté, où la moitié des mamans sont voilées (triste réalité) et où un grand nombre d'enfants vont à l'école coranique après les cours, ce serait périlleux. Outre cet aspect des choses, je ne me permets tout simplement pas d'interférer avec les croyances personnelles : c'est aussi cela, le respect de la liberté de conscience.
Cordialement,
Véronique.
- JohnMédiateur
John, vous parlez à vos petits musulmans de mythologie Coranique, aussi ?
Je parle des "thèmes" et des "personnages" qui apparaissent dans la Bible ou dans le Coran C'est une manière de contourner la question.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- charlottofraiseNiveau 10
Il y a une chose qui me gêne dans la distinction entre les mythes gréco-romains et les textes religieux monothéistes : est-ce que les Grecs et les Romains ne croyaient pas à ces mythes justement ? Il y a peut-être une "révolution" entre le polythéisme et le monothéisme, mais de là à mettre en place une hiérarchie...
Personnellement, je présente tout sur un pied d'égalité, ce sont des récits qui expliquent la création du monde et de l'être humain, qui expliquent aussi l'ordre du monde — libre à chacun d'y croire ou non.
Personnellement, je présente tout sur un pied d'égalité, ce sont des récits qui expliquent la création du monde et de l'être humain, qui expliquent aussi l'ordre du monde — libre à chacun d'y croire ou non.
- InvitéeHrÉrudit
Merci Véronique, vos explications sont éclairantes, peut-être Ruthven qui enseigne la philo peut-il nous dire si parler du mythe du Paradis perdu est une hérésie. Mais à strictement parler le récit de la Génèse n'est pas un mythe non ? Quelle est la nature (et la fonction) de ces récits de l'Ancien Testament ?
PS Ce qui est drôle Charlotte c'est que j'ai cru voir un texte de Paul Veyne (mais je n'en suis pas sûre) qui avait pour titre Les Grecs croyaient-ils à leurs mythes ?
PS Ce qui est drôle Charlotte c'est que j'ai cru voir un texte de Paul Veyne (mais je n'en suis pas sûre) qui avait pour titre Les Grecs croyaient-ils à leurs mythes ?
- V.MarchaisEmpereur
charlottofraise a écrit:Il y a une chose qui me gêne dans la distinction entre les mythes gréco-romains et les textes religieux monothéistes : est-ce que les Grecs et les Romains ne croyaient pas à ces mythes justement ? Il y a peut-être une "révolution" entre le polythéisme et le monothéisme, mais de là à mettre en place une hiérarchie...
Personnellement, je présente tout sur un pied d'égalité, ce sont des récits qui expliquent la création du monde et de l'être humain, qui expliquent aussi l'ordre du monde — libre à chacun d'y croire ou non.
Bonjour Charlotte,
bonjour à tous,
Il ne s'agit pas d'établir une hiérarchie (fondée sur quoi ?) mais de prendre acte du fait que la pensée gréco-romaine et la pensée judéo-chrétienne renvoient à des visions du monde, de l'homme, de sa place dans le monde, du rapport aux dieux/à Dieu, au destin, au temps, à la morale, etc. complètement différentes. Je crois que, pour étudier un texte, on ne peut pas complètement faire l'économie de son contexte, qui éclaire sur ses enjeux.
Heather évoquait Paul Veyne (bonjour Heather !), voici ce qu'il en dit (enfin, il dit beaucoup plus que cela mais cet extrait me paraît assez significatif) :
« L’originalité
du christianisme n’est pas son prétendu monothéisme, mais le gigantisme de son
dieu, créateur du ciel et de la terre, gigantisme étranger aux dieux païens et
hérité du dieu biblique ; celui-ci est si grand qu’en dépit de son
anthropomorphisme (l’homme a pu être fait à son image) il a pu devenir un dieu
métaphysique : tout en conservant son caractère humain, vivant, passionné,
protecteur, le gigantisme du dieu judaïque lui permettra un jour d’assumer le
rôle de fondement et d’auteur de l’ordre cosmique et du Bien, rôle que jouait
le dieu suprême dans le pâle déisme des philosophes grecs. (…) Avec la divinité
chrétienne, l’inventivité religieuse s’est arrachée d’un coup d’aile au sol de
l’imagination narratrice, cette fabulatrice intarissable et donc
polythéiste ; elle s’est haussée à un niveau transcendant : les
figures plurielles du christianisme sont réunies en un ordre cosmique qui, lui,
est un. » (Quand notre monde est
devenu chrétien.)
Bien sûr, les Grecs croyaient, pour certains du moins, et certainement avec toutes sortes de nuances, aux dieux. Mais cela n'avait pas du tout les mêmes conséquences quant au rapport à ces dieux ou la manière de penser une morale, par exemple. Avec les grecs, nous sommes encore en-deçà de la transcendance : la Théogonie raconte l'émergence d'un ordre du monde sans expliquer celle-ci ; les mythes ne disent rien ou presque sur l'au-delà de la mort : les Champs Elysées n'ont pas grand chose à voir avec le Paradis. Ca ne l'étonne pas que ce soient les Grecs, et pas les Hébreux, qui aient inventé la philosophie : le partage de Mékoné renvoient les dieux dans leur pré carré, les hommes doivent trouver leur manière à eux de bien vivre à la place qui est la leur. Avec le judaïsme, il y a comme un changement d'axe de la pensée, la réorientation vers une transcendance. Tout est dit dans la Loi, le Vrai, le Bien et le Beau ne pouvant venir que du ressassement de celle-ci. C'est important, tout de même, dans notre manière de présenter les textes et les civilisations, de souligner cette différence.
Quand j'étudie la Bible avec mes élèves, je n'établis aucune hiérarchie par rapport aux mythes antiques. Je montre seulement que le texte, parfois à partir des mêmes sources (Gilgamesh et la plante de jouvence vs Adam et Eve ou les différentes versions du déluge) dit autre chose, renvoie à une représentation de l'homme différente. C'est intéressant de comprendre ces différences pour se situer par rapport à elles - en toute liberté de conscience, justement.
Cordialement,
Véronique.
- charlottofraiseNiveau 10
Bon, je vais m'accorder une autre journée de répit et lire tout ça à tête reposée, parce que là je ne comprends pas tout. Et il faut peut-être tenir compte d'un parti-pris personnel : pour moi, tout ça n'est que des histoires (de belles histoires ou des foutaises, selon). D'où le fait peut-être que je renvoie tout dos à dos.
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