- Eléanore DuboisJe viens de m'inscrire !
Bonjour à tous,
Je prépare ma prochaine et dernière séquence en 1ère. Nous travaillerons sur la figure du monstre dans la littérature. Voici la problématique de séquence : En quoi la figure de la monstruosité permet-elle à l’homme de se questionner sur son humanité ?
Nous travaillerons sur 3 lectures analytiques pour l'oral :
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, chapitre 5, 1831.
Charles Baudelaire, Les Epaves, Pièces condamnées, « Les Métamorphoses du vampire », 1866.
Eugène Ionesco, Rhinocéros, acte II, tableau 2, 1959.
L'extrait de Hugo se situe au début du roman, moment de la première apparition de Quasimodo, lors de l'élection du pape des fous. Je vous mets l'extrait :
C’était une merveilleuse grimace, en effet que celle qui rayonnait en ce moment au trou de la rosace. Après toutes les figures pentagones, hexagones et hétéroclites qui s’étaient succédé à cette lucarne sans réaliser cet idéal du grotesque qui s’était construit dans les imaginations exaltées par l’orgie, il ne fallait rien moins, pour enlever les suffrages, que la grimace sublime qui venait d’éblouir l’assemblée. Maître Coppenole lui-même applaudit ; et ClopinTrouillefou, qui avait concouru, et Dieu sait quelle intensité de laideur son visage pouvait atteindre, s’avoua vaincu. Nous ferons de même. Nous n’essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre , de cette bouche en fer à cheval, de ce petit œil gauche obstrué d’un sourcil roux en broussailles tandis que l’œil droit disparaissait entièrement sous une énorme verrue, de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme les créneaux d’une forteresse, de cette lèvre calleuse sur laquelle une de ces dents empiétait comme la défense d’un éléphant, de ce menton fourchu, et surtout de la physionomie répandue sur tout cela, de ce mélange de malice, d’étonnement et de tristesse. Qu’on rêve, s’il l’on peut, cet ensemble.
L’acclamation fut unanime ; on se précipita vers la chapelle. On en fit sortir en triomphe le bienheureux pape des fous. Mais c’est alors que la surprise et l’admiration furent à leur comble. La grimace était son visage.
Ou plutôt toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules une bosse énorme dont le contrecoup se faisait sentir par devant ; un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et, vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucille qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et, avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l’harmonie. Tel était le pape que les fous venaient de se donner.
On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.
Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et presque aussi large que haut, carré par la base, comme dit un grand homme ; à son surtout mi-parti rouge et violet, semé de campaniles d'argent, et surtout à la perfection de sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ, et s'écria d'une voix :
- C'est Quasimodo, le sonneur de cloches ! c'est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancal ! Noël ! Noël !
On voit que le pauvre diable avait des surnoms à choisir.
- Gare les femmes grosses ! criaient les écoliers.
- Ou qui ont envie de l'être, reprenait Joannes.
Les femmes en effet se cachaient le visage.
- Oh ! le vilain singe, disait l'une.
- Aussi méchant que laid, reprenait une autre.
-C'est le diable, ajoutait une troisième.
Le passage illustre vraiment le sublime et le grotesque. Je ne développe pas mais il y a de quoi faire un commentaire riche.
J'ai une note dans mon bouquin au sujet de ce grand homme qui assiste à la scène : il s'agirait de Napoléon mais je n'ai aucune autre information. D'après vous, qu'est ce qui permet de justifier et de valider cette note ??? Il est certain que s'il s'agit bien d'un Napoléon c'est le 1er et non celui attaqué dans le pamphlet de Hugo. Néanmoins le rapprochement me semble audacieux : il n'y a absolument pas d'autres références à Napoléon dans le texte et cela me semble être un gros anachronisme. Qu'en pensez-vous ?
Eléanore
Je prépare ma prochaine et dernière séquence en 1ère. Nous travaillerons sur la figure du monstre dans la littérature. Voici la problématique de séquence : En quoi la figure de la monstruosité permet-elle à l’homme de se questionner sur son humanité ?
Nous travaillerons sur 3 lectures analytiques pour l'oral :
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre premier, chapitre 5, 1831.
Charles Baudelaire, Les Epaves, Pièces condamnées, « Les Métamorphoses du vampire », 1866.
Eugène Ionesco, Rhinocéros, acte II, tableau 2, 1959.
L'extrait de Hugo se situe au début du roman, moment de la première apparition de Quasimodo, lors de l'élection du pape des fous. Je vous mets l'extrait :
C’était une merveilleuse grimace, en effet que celle qui rayonnait en ce moment au trou de la rosace. Après toutes les figures pentagones, hexagones et hétéroclites qui s’étaient succédé à cette lucarne sans réaliser cet idéal du grotesque qui s’était construit dans les imaginations exaltées par l’orgie, il ne fallait rien moins, pour enlever les suffrages, que la grimace sublime qui venait d’éblouir l’assemblée. Maître Coppenole lui-même applaudit ; et ClopinTrouillefou, qui avait concouru, et Dieu sait quelle intensité de laideur son visage pouvait atteindre, s’avoua vaincu. Nous ferons de même. Nous n’essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre , de cette bouche en fer à cheval, de ce petit œil gauche obstrué d’un sourcil roux en broussailles tandis que l’œil droit disparaissait entièrement sous une énorme verrue, de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme les créneaux d’une forteresse, de cette lèvre calleuse sur laquelle une de ces dents empiétait comme la défense d’un éléphant, de ce menton fourchu, et surtout de la physionomie répandue sur tout cela, de ce mélange de malice, d’étonnement et de tristesse. Qu’on rêve, s’il l’on peut, cet ensemble.
L’acclamation fut unanime ; on se précipita vers la chapelle. On en fit sortir en triomphe le bienheureux pape des fous. Mais c’est alors que la surprise et l’admiration furent à leur comble. La grimace était son visage.
Ou plutôt toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules une bosse énorme dont le contrecoup se faisait sentir par devant ; un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et, vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucille qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et, avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l’harmonie. Tel était le pape que les fous venaient de se donner.
On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.
Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et presque aussi large que haut, carré par la base, comme dit un grand homme ; à son surtout mi-parti rouge et violet, semé de campaniles d'argent, et surtout à la perfection de sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ, et s'écria d'une voix :
- C'est Quasimodo, le sonneur de cloches ! c'est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancal ! Noël ! Noël !
On voit que le pauvre diable avait des surnoms à choisir.
- Gare les femmes grosses ! criaient les écoliers.
- Ou qui ont envie de l'être, reprenait Joannes.
Les femmes en effet se cachaient le visage.
- Oh ! le vilain singe, disait l'une.
- Aussi méchant que laid, reprenait une autre.
-C'est le diable, ajoutait une troisième.
Le passage illustre vraiment le sublime et le grotesque. Je ne développe pas mais il y a de quoi faire un commentaire riche.
J'ai une note dans mon bouquin au sujet de ce grand homme qui assiste à la scène : il s'agirait de Napoléon mais je n'ai aucune autre information. D'après vous, qu'est ce qui permet de justifier et de valider cette note ??? Il est certain que s'il s'agit bien d'un Napoléon c'est le 1er et non celui attaqué dans le pamphlet de Hugo. Néanmoins le rapprochement me semble audacieux : il n'y a absolument pas d'autres références à Napoléon dans le texte et cela me semble être un gros anachronisme. Qu'en pensez-vous ?
Eléanore
- OudemiaBon génie
Anachronisme si tu veux, dans la mesure où le commentaire du narrateur ramène à notre époque (enfin, à celle de l'écriture), avec cette allusion à un propos de Napoléon, cité aussi par Balzac dans la Cousine Bette : "un homme, selon le mot de Napoléon, carré de base comme de hauteur dans son avarice".
et j'ajoute l'article du TLFi, à carré
5. Ce qui était le plus désirable et tirait aussitôt quelqu'un hors de ligne, c'est que chez lui l'esprit ou le talent fût en équilibre avec le caractère ou le courage : c'est ce qu'il [Napoléon] appelait être carré autant de base que de hauteur. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 238.
et j'ajoute l'article du TLFi, à carré
5. Ce qui était le plus désirable et tirait aussitôt quelqu'un hors de ligne, c'est que chez lui l'esprit ou le talent fût en équilibre avec le caractère ou le courage : c'est ce qu'il [Napoléon] appelait être carré autant de base que de hauteur. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 238.
- RosanetteEsprit éclairé
Hmmmm... Tu trouves ta réponse sur une simple recherche :
. Ce qui était le plus désirable et tirait aussitôt quelqu'un hors de ligne, c'est que chez lui l'esprit ou le talent fût en équilibre avec le caractère ou le courage : c'est ce qu'il [Napoléon] appelait être carré autant de base que de hauteur. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 238.
Le narrateur renvoie bien évidemment au propos de Napoléon en temps que narrateur contemporain à l'époque de Hugo (le narrateur se confond souvent explicitement avec l'auteur en plus, voir la Préface), mais il n'est bien sûr pas question que Napoléon y aille de son petit commentaire sur notre Quasi national.
. Ce qui était le plus désirable et tirait aussitôt quelqu'un hors de ligne, c'est que chez lui l'esprit ou le talent fût en équilibre avec le caractère ou le courage : c'est ce qu'il [Napoléon] appelait être carré autant de base que de hauteur. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 238.
Le narrateur renvoie bien évidemment au propos de Napoléon en temps que narrateur contemporain à l'époque de Hugo (le narrateur se confond souvent explicitement avec l'auteur en plus, voir la Préface), mais il n'est bien sûr pas question que Napoléon y aille de son petit commentaire sur notre Quasi national.
- RosanetteEsprit éclairé
Haha, en effet (bon bah ça y est, j'ai envie de le relire )
- User5899Demi-dieu
NDDP datant de 1831, ça me semble en effet incontestableEléanore Dubois a écrit:Il est certain que s'il s'agit bien d'un Napoléon c'est le 1er et non celui attaqué dans le pamphlet de Hugo.
- ysabelDevin
Cripure a écrit:NDDP datant de 1831, ça me semble en effet incontestableEléanore Dubois a écrit:Il est certain que s'il s'agit bien d'un Napoléon c'est le 1er et non celui attaqué dans le pamphlet de Hugo.
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- Eléanore DuboisJe viens de m'inscrire !
Merci pour vos lumières !
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