- IphigénieProphète
Mais ce travail a été fait, voyons, il y a belle lurette! Il n'y a qu'à voir d'ailleurs sa conséquence dans l'enseignement de la grammaire, qui a fait sa révolution copernicienne en se coupant de l'empreinte de la grammaire issue du latin: on voit le résultat.le rapport construit, en France, avec leur enseignement et leur utilisation dans le passé (voie royale, élitisme… église, à ne pas mésestimer) et les empreintes profondes, "négatives", qu'il a laissées dans l’opinion… ainsi qu’une certaine nostalgie dans la tête des profs qui ont fait des études pour les enseigner. Il y a un travail critique, politique, idéologique, à faire, indispensable pour tourner une page qui, plus ou moins consciemment, ne l’est pas encore dans les approches du problème.
et de plus ce travail de distanciation étant fait, si on raye, on efface, ce qui l'a motivé, on raye tout simplement un pan considérable de notre langue, de notre histoire et de notre culture.
Un petit exemple de détail: plus personne n'étudie le trop catho Bossuet, l'Aigle de Meaux aujourd'hui c'est Coppé :lol: . Du coup le Père Paneloux de Camus n'a plus grand sens pour nos élèves: tournons la page, rayons aussi Camus?
Pour le dire autrement, on se saborde, tout simplement.
- HypermnestreÉrudit
Deux remarques :Lefteris a écrit:Ils ne dédoubleront pas, ils mettront tout simplement en pratique l'hypothèse avancée lors de la conférence de presse à la Sorbonne : ils formeront des classes de latinistes , en joignant à l'EPI l'enseignement complémentaire, et ils auront leurs trois heures (ce que feront aussi les établissements publics "selects", du moins tant qu'il y aura des enseignants de LC).hypermnestre a écrit: Si le privé continue à proposer l'option, grand bien lui fasse, quoi que je considère la chose comme fort ardue (l'EPI ne pourra être un enseignement de la langue, et l'enseignement de complément doit être pris sur les heures de dédoublement... je connais beaucoup d'établissements privés installés dans des bâtiments très anciens, aux salles exiguës, et je ne vois pas comment ils pourront ne pas dédoubler les cours sur paillasse par exemple). Mais enfin, encore une fois, nos problèmes et nos combats sont ailleurs !
Dans les bons établissements privés, très demandés, ils feront ce qu'ils font actuellement avec d'autres lubies (informatique à gogo, projets...) : ils feront comme si cela existait, mais cela n'existera pas dans les faits. Ca continuera à être classe à 30, tables en bois et tableau noir, cours denses, DST commun hebdomadaire, convocation pour insuffisance de résultats ou de travail... j'y ai de la famille (très très) proche, tous mes collègues ont leurs enfants dans le privé, on voit bien comment ça se passe. Ici, le privé tient la dragée haute, car il est minoritaire , et se trouve en position de force.Il draine surtout la classe moyenne, et beaucoup d'enseignants du public, qui subissent déjà la trahison de l'école publique et ne veulent pas l'imposer à leurs enfants.
Et la religion n'a strictement aucun rôle, elle est juste proposée à certains, pour les autres, c'est exactement comme s'ils étaient dans le public.
- sur quelles heures prendront-ils les heures nécessaires à l'enseignement de complément ?
- s'ils trouvent ces heures, et si globalement le privé sort gagnant de la réforme, c'est encore un argument de plus pour le public mais, encore une fois, est-ce le problème majeur ? Ne devons-nous pas nous concentrer sur l'essentiel ?
- MaieuHabitué du forum
nlm76 a écrit:Oui, et tout cela se fera en particulier avec la réhabilitation du thème et de la version littéraires, dont l'intérêt principal réside dans l'apprentissage du français.Maieu a écrit:Il y a
1° les langues anciennes en tant que génératrices principales de notre langue : une donnée historique objective.
2° le rapport construit, en France, avec leur enseignement et leur utilisation dans le passé (voie royale, élitisme… église, à ne pas mésestimer) et les empreintes profondes, "négatives", qu'il a laissées dans l’opinion… ainsi qu’une certaine nostalgie dans la tête des profs qui ont fait des études pour les enseigner. Il y a un travail critique, politique, idéologique, à faire, indispensable pour tourner une page qui, plus ou moins consciemment, ne l’est pas encore dans les approches du problème.
3° Ce qui implique, si nous voulons maintenir, élargir leur apprentissage, un réexamen de l’optique d’enseignement des LA essentiellement comme moyen d’améliorer la connaissance du français et la maîtrise de la langue. Bref, ne plus considérer les LA pour elles-mêmes, comme leur propre fin. Je ne suis pas certain que cela aille de soi pour tout le monde. En tout cas, l’amélioration de la maîtrise du français au collège (et au lycée) est un problème réel (voir les rapports sur les carences en la matière) auquel l’opinion publique peut être sensible... A condition de réussir à (se) persuader qu’apprendre le latin et le grec aujourd’hui n’a plus à voir avec l’apprentissage tel qu’il était conçu dans un passé relativement peu éloigné.
Qui fait encore faire du thème littéraire à ses élèves ? Personne. Donc faire du thème littéraire aujourd'hui, c'est moderne et innovant.
Même si c'est de l'humour, je ne suis pas tout à fait persuadé qu'il faille le faire figurer dans la pétition.
- LefterisEsprit sacré
Ils le proposeront en plus s'il le faut, comme ils le font déjà pour certaines activités. A terme de toute manière ils se heurteront au problème majeur : où trouver des professeurs de latin ? Cette réforme va avoir des effets irrémédiables sur le recrutement, déjà mal en point. La transmission va tout simplement cesser dans un délai assez court : plus de candidats, disparition des concours, gens en place priés de faire autre chose que leur métier d'origine, ou de se reconvertir.hypermnestre a écrit:Deux remarques :Lefteris a écrit:Ils ne dédoubleront pas, ils mettront tout simplement en pratique l'hypothèse avancée lors de la conférence de presse à la Sorbonne : ils formeront des classes de latinistes , en joignant à l'EPI l'enseignement complémentaire, et ils auront leurs trois heures (ce que feront aussi les établissements publics "selects", du moins tant qu'il y aura des enseignants de LC).hypermnestre a écrit: Si le privé continue à proposer l'option, grand bien lui fasse, quoi que je considère la chose comme fort ardue (l'EPI ne pourra être un enseignement de la langue, et l'enseignement de complément doit être pris sur les heures de dédoublement... je connais beaucoup d'établissements privés installés dans des bâtiments très anciens, aux salles exiguës, et je ne vois pas comment ils pourront ne pas dédoubler les cours sur paillasse par exemple). Mais enfin, encore une fois, nos problèmes et nos combats sont ailleurs !
Dans les bons établissements privés, très demandés, ils feront ce qu'ils font actuellement avec d'autres lubies (informatique à gogo, projets...) : ils feront comme si cela existait, mais cela n'existera pas dans les faits. Ca continuera à être classe à 30, tables en bois et tableau noir, cours denses, DST commun hebdomadaire, convocation pour insuffisance de résultats ou de travail... j'y ai de la famille (très très) proche, tous mes collègues ont leurs enfants dans le privé, on voit bien comment ça se passe. Ici, le privé tient la dragée haute, car il est minoritaire , et se trouve en position de force.Il draine surtout la classe moyenne, et beaucoup d'enseignants du public, qui subissent déjà la trahison de l'école publique et ne veulent pas l'imposer à leurs enfants.
Et la religion n'a strictement aucun rôle, elle est juste proposée à certains, pour les autres, c'est exactement comme s'ils étaient dans le public.
- sur quelles heures prendront-ils les heures nécessaires à l'enseignement de complément ?
- s'ils trouvent ces heures, et si globalement le privé sort gagnant de la réforme, c'est encore un argument de plus pour le public mais, encore une fois, est-ce le problème majeur ? Ne devons-nous pas nous concentrer sur l'essentiel ?
Il faut bien comprendre que cette réforme n'est pas une simple erreur, un programme mal ficelé. Il y a la volonté farouche de faire table rase d'une culture honnie d'un côté, et une "philosophie" utilitariste jusqu'au-boutiste de l'autre, qui ne jure que par l'employabilité, les écrans, les coûts. Il n'y aura donc plus moyen de lutter si la réforme passe : ou bien elle ne passe pas, ou bien il faut se chercher un autre métier si l'on en a la possibilité.
_________________
"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- CeladonDemi-dieu
"Il y a la volonté farouche de faire table rase d'une culture honnie"
Ca me rappelle quelque chose, mais quoi ?
Pas besoin d'aller démolir le Colisée ou le Parthénon à coups de pioche...
Ca me rappelle quelque chose, mais quoi ?
Pas besoin d'aller démolir le Colisée ou le Parthénon à coups de pioche...
- MaieuHabitué du forum
Lefteris a écrit: Il y a la volonté farouche de faire table rase d'une culture honnie d'un côté, et une "philosophie" utilitariste jusqu'au-boutiste de l'autre, qui ne jure que par l'employabilité, les écrans, les coûts. Il n'y aura donc plus moyen de lutter si la réforme passe : ou bien elle ne passe pas, ou bien il faut se chercher un autre métier si l'on en a la possibilité.
Vous prêtez aux socialistes une qualité dont je ne suis même pas sûr qu'ils savent qu'elle existe. Bon, "volonté", passe encore, il y a bonne volonté... Mais "farouche" ! Là, vous exagérez ! Alors, "volonté farouche" ! Quant à "table rase"... C'est de la provocation !
C'est beaucoup plus simple et triste que ça : ils sont des gestionnaires, seulement des gestionnaires.
Si vous trouvez chez eux l'ébauche d'une pensée... Là, c'est moi qui exagère... Encore que, si la pensée est bien une construction, si elle s'appuie sur une structure... Bon, disons, si vous distinguez l'ébauche d'une colonne vertébrale, faites-le moi savoir.
- Luigi_BGrand Maître
Il y a bien une idéologie farouchement anti-latin dans les cercles pédagogistes. Il suffit de lire, encore récemment, Du changement dans l'école d'Antoine Prost pour s'en convaincre.
_________________
LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- LefterisEsprit sacré
Disons que je suis l'actualité pédagogole, et ça transpire la haine, ou le mépris, c'est selon. C'est aussi comme ça que le voit Marc Fumaroli, je me trompe peut-être en bonne compagnie.Maieu a écrit:Lefteris a écrit: Il y a la volonté farouche de faire table rase d'une culture honnie d'un côté, et une "philosophie" utilitariste jusqu'au-boutiste de l'autre, qui ne jure que par l'employabilité, les écrans, les coûts. Il n'y aura donc plus moyen de lutter si la réforme passe : ou bien elle ne passe pas, ou bien il faut se chercher un autre métier si l'on en a la possibilité.
Vous prêtez aux socialistes une qualité dont je ne suis même pas sûr qu'ils savent qu'elle existe. Bon, "volonté", passe encore, il y a bonne volonté... Mais "farouche" ! Là, vous exagérez ! Alors, "volonté farouche" ! Quant à "table rase"... C'est de la provocation !
C'est beaucoup plus simple et triste que ça : ils sont des gestionnaires, seulement des gestionnaires.
Si vous trouvez chez eux l'ébauche d'une pensée... Là, c'est moi qui exagère... Encore que, si la pensée est bien une construction, si elle s'appuie sur une structure... Bon, disons, si vous distinguez l'ébauche d'une colonne vertébrale, faites-le moi savoir.
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/03/31/31003-20150331ARTFIG00379-marc-fumaroli-le-latin-est-victime-des-fanatismes-egalitaires-et-utilitaires-12.php
Ils s'attaquent à ce qu'ils croient être un symbole, ils ont plusieurs trains de retard (on les entendrait presque crier "mort aux Boches" ou "à bas la calotte").
L'aspect gestionnaire , ainsi que l'utilitarisme forcené, joignent leurs forces à cette idéologie, ou l'exploitent, selon l'angle de vue.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- OudemiaBon génie
En ce moment, sur Europe1, Jean-Pierre Daroussin explique à Isabelle Morizet que, fils d'ouvrier, il était émerveillé par l'apprentissage du latin...
- RoninMonarque
La République n'a pas besoin de savants..
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- ProvenceEnchanteur
Le latin à la poubelle! Ovide, ordure!
Pardon...
Pardon...
- User5899Demi-dieu
Provence a écrit:Le latin à la poubelle! Ovide, ordure!
Pardon...
- Mona Lisa KlaxonEsprit éclairé
:lol: au milieu de , merci Provence!Provence a écrit:Le latin à la poubelle! Ovide, ordure!
Pardon...
- Steph1.14Niveau 5
Pour revenir au sujet : 36000 signataires ! L'autre pétition arrive à 32000, les signatures continuent, c'est bon signe.
- Mona Lisa KlaxonEsprit éclairé
Et le 36000e est un vieux pote de collège (qui a toujours détesté le Latin! mais qui n'est pas rancunier!)
- MaieuHabitué du forum
Lefteris a écrit:Disons que je suis l'actualité pédagogole, et ça transpire la haine, ou le mépris, c'est selon. C'est aussi comme ça que le voit Marc Fumaroli, je me trompe peut-être en bonne compagnie.Maieu a écrit:Lefteris a écrit: Il y a la volonté farouche de faire table rase d'une culture honnie d'un côté, et une "philosophie" utilitariste jusqu'au-boutiste de l'autre, qui ne jure que par l'employabilité, les écrans, les coûts. Il n'y aura donc plus moyen de lutter si la réforme passe : ou bien elle ne passe pas, ou bien il faut se chercher un autre métier si l'on en a la possibilité.
Vous prêtez aux socialistes une qualité dont je ne suis même pas sûr qu'ils savent qu'elle existe. Bon, "volonté", passe encore, il y a bonne volonté... Mais "farouche" ! Là, vous exagérez ! Alors, "volonté farouche" ! Quant à "table rase"... C'est de la provocation !
C'est beaucoup plus simple et triste que ça : ils sont des gestionnaires, seulement des gestionnaires.
Si vous trouvez chez eux l'ébauche d'une pensée... Là, c'est moi qui exagère... Encore que, si la pensée est bien une construction, si elle s'appuie sur une structure... Bon, disons, si vous distinguez l'ébauche d'une colonne vertébrale, faites-le moi savoir.
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/03/31/31003-20150331ARTFIG00379-marc-fumaroli-le-latin-est-victime-des-fanatismes-egalitaires-et-utilitaires-12.php
Ils s'attaquent à ce qu'ils croient être un symbole, ils ont plusieurs trains de retard (on les entendrait presque crier "mort aux Boches" ou "à bas la calotte").
L'aspect gestionnaire , ainsi que l'utilitarisme forcené, joignent leurs forces à cette idéologie, ou l'exploitent, selon l'angle de vue.
Jacqueline de Romilly n'a jamais été ma tasse de thé (même si vers la fin, avec J-P Vernant... mais lui, c'était une autre approche) et les académiciens, parfois... comment dire... ?
Non, le problème principal, dans cet échange-ci, là, maintenant, entre nous, c'est l'humour.
- CeladonDemi-dieu
TRIBUNE
Par Pascal Engel Philosophe, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)
Libération du 10 avril 2015
Il faut applaudir des deux mains le projet de suppression de l’enseignement du latin et du grec dans les lycées et collèges. Ces langues ont fait assez de mal à des générations d’enfants soumis à la férule de maîtres imbéciles. Comme disait Leibniz, Nec proinde culpandi sunt quod ista sunt prosecuti, sed quod pueros fatigarunt. Elles les ont éloignés de la vie réelle. Non vitae, sed scholae discimus. On me dira que la connaissance des humanités contribue à l’éducation des citoyens. Mais quel rapport entre le monde ancien et le nôtre ? Ne savons-nous pas que chaque culture a son monde propre, intraduisible dans un autre ? Qui, à part Paul Veyne, peut encore lire l’Enéide ? Qui de nos jours agirait comme Regulus ou les Gracques ?
Le latin et le grec ne font que renforcer les inégalités sociales et bloquent l’intégration républicaine. Ils perpétuent des aristocraties académiques indignes de la démocratie du savoir, et empêchent les collégiens d’accéder aux matières utiles à la vie comme la conduite automobile, l’éducation civique et sexuelle. Litterae non dant panem. Ces langues misogynes réduisent la femme à une harpie ou à une ancillaire. Kakon anankaoion gunè ! Et qui, sur Facebook et Twitter parle latin ? Il n’y a même pas de mot pour désigner Internet en latin. Même les catholiques n’ont plus la messe en latin. Veut-on conserver le privilège ultramontain ? Quant au grec, ses locuteurs ne vont-ils pas sortir de l’Europe, et n’ont-ils d’ailleurs pas abandonné le grec ancien il y a des siècles ? Quod periit, periit !
Quelques propositions simples permettront d’éradiquer définitivement le latin et le grec, et de faire des économies. Nervus gerendarum rerum pecunia. La plus simple consistera à supprimer les professeurs de langues anciennes du secondaire et du supérieur, mais aussi une bonne partie des archéologues. Cela ne les mettra pas au chômage, car on leur proposera, comme pour les postiers, de se reconvertir en moniteurs du permis de conduire. On demandera ensuite à l’Académie de toiletter la langue française en supprimant toutes les expressions grecques et latines, telles que statu quo, a priori ou et cetera, puis les mots à racine grecque et latine, comme abdominal, belliqueux, anonyme ou misanthrope, pour ne garder que ceux qui viennent du gaulois, de l’arabe ou de l’anglais. On supprimera des dictionnaires les pages roses, qui ne servent qu’aux pédants. On demandera à Uderzo d’enlever des albums d’Astérix toutes les allusions ridicules qu’y glissait Goscinny, telles que exegi monumentum, alea jacta est ou acta est fabula. On se passera des locutions latines en droit, auxquelles personne ne comprend rien, comme mens rea ou inter partes. Summum jus, summa injuria ! Par la même occasion, on débarrassera la médecine de ses noms antiques de maladies, comme le lupus, le tetanos ou le delirium tremens, qui nous embrouillent.
Non barbarus sum. Je ne demande pas qu’on détruise la Vénus de Milo. Mais avons-nous vraiment besoin d’appeler nos détergents «Ajax», nos slips «Athéna» et nos foulards «Hermès» ? Le pédant Guy Debord n’aurait-il pas pu traduire son titre In girum imus nocte et consumimur igni ? Je ne propose pas qu’on détruise les livres en latin et en grec, qui peuvent bien rester numérisés. Mais ne gagnerait-on pas de l’espace en expulsant de nos bibliothèques les Loeb et autres Budé qui les encombrent, et en n’imprimant plus les textes latins de Descartes, Spinoza ou Leibniz ? Ils peuvent bien être ad usum delphini. Cela les rendra moins chers et plus accessibles, et cela allègera les notes des éditions de Montaigne. Imaginez aussi le gain de place que feront les musées si les légendes latines des tableaux et sculptures disparaissaient. On supprimera aussi les chiffres romains, qui ne servent à rien, et l’alphabet grec, avec ses Ω et ses ∑ que seuls les mathématiciens utilisent. Par la même occasion, on rebaptisera le Quartier latin d’un nom plus attrayant, «Espace de loisirs rive gauche», et j’avance la modeste proposition de supprimer, également, l’alphabet latin.
On conviendra qu’il serait un peu bête de fermer les sections antiques de nos musées, ou des sites tels que le pont du Gard, le théâtre d’Orange ou la Maison carrée de Nîmes, qui rapportent à l’Etat par le nombre de touristes chinois et japonais qui s’y pressent. On ne voudrait évidemment pas les voir partir pour Pompéi ou le Parthénon. Mais on pourrait y installer les Instituts Confucius généreusement dotés, et y employer les professeurs de latin et de grec comme gardiens de musée. Vae victis. Ceux-ci sont-ils prêts à s’exclamer : Caesar non supra grammaticos ? Nous leur répondons : Ignoramus et ignorabimus.
Par Pascal Engel Philosophe, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS
Par Pascal Engel Philosophe, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)
Libération du 10 avril 2015
Il faut applaudir des deux mains le projet de suppression de l’enseignement du latin et du grec dans les lycées et collèges. Ces langues ont fait assez de mal à des générations d’enfants soumis à la férule de maîtres imbéciles. Comme disait Leibniz, Nec proinde culpandi sunt quod ista sunt prosecuti, sed quod pueros fatigarunt. Elles les ont éloignés de la vie réelle. Non vitae, sed scholae discimus. On me dira que la connaissance des humanités contribue à l’éducation des citoyens. Mais quel rapport entre le monde ancien et le nôtre ? Ne savons-nous pas que chaque culture a son monde propre, intraduisible dans un autre ? Qui, à part Paul Veyne, peut encore lire l’Enéide ? Qui de nos jours agirait comme Regulus ou les Gracques ?
Le latin et le grec ne font que renforcer les inégalités sociales et bloquent l’intégration républicaine. Ils perpétuent des aristocraties académiques indignes de la démocratie du savoir, et empêchent les collégiens d’accéder aux matières utiles à la vie comme la conduite automobile, l’éducation civique et sexuelle. Litterae non dant panem. Ces langues misogynes réduisent la femme à une harpie ou à une ancillaire. Kakon anankaoion gunè ! Et qui, sur Facebook et Twitter parle latin ? Il n’y a même pas de mot pour désigner Internet en latin. Même les catholiques n’ont plus la messe en latin. Veut-on conserver le privilège ultramontain ? Quant au grec, ses locuteurs ne vont-ils pas sortir de l’Europe, et n’ont-ils d’ailleurs pas abandonné le grec ancien il y a des siècles ? Quod periit, periit !
Quelques propositions simples permettront d’éradiquer définitivement le latin et le grec, et de faire des économies. Nervus gerendarum rerum pecunia. La plus simple consistera à supprimer les professeurs de langues anciennes du secondaire et du supérieur, mais aussi une bonne partie des archéologues. Cela ne les mettra pas au chômage, car on leur proposera, comme pour les postiers, de se reconvertir en moniteurs du permis de conduire. On demandera ensuite à l’Académie de toiletter la langue française en supprimant toutes les expressions grecques et latines, telles que statu quo, a priori ou et cetera, puis les mots à racine grecque et latine, comme abdominal, belliqueux, anonyme ou misanthrope, pour ne garder que ceux qui viennent du gaulois, de l’arabe ou de l’anglais. On supprimera des dictionnaires les pages roses, qui ne servent qu’aux pédants. On demandera à Uderzo d’enlever des albums d’Astérix toutes les allusions ridicules qu’y glissait Goscinny, telles que exegi monumentum, alea jacta est ou acta est fabula. On se passera des locutions latines en droit, auxquelles personne ne comprend rien, comme mens rea ou inter partes. Summum jus, summa injuria ! Par la même occasion, on débarrassera la médecine de ses noms antiques de maladies, comme le lupus, le tetanos ou le delirium tremens, qui nous embrouillent.
Non barbarus sum. Je ne demande pas qu’on détruise la Vénus de Milo. Mais avons-nous vraiment besoin d’appeler nos détergents «Ajax», nos slips «Athéna» et nos foulards «Hermès» ? Le pédant Guy Debord n’aurait-il pas pu traduire son titre In girum imus nocte et consumimur igni ? Je ne propose pas qu’on détruise les livres en latin et en grec, qui peuvent bien rester numérisés. Mais ne gagnerait-on pas de l’espace en expulsant de nos bibliothèques les Loeb et autres Budé qui les encombrent, et en n’imprimant plus les textes latins de Descartes, Spinoza ou Leibniz ? Ils peuvent bien être ad usum delphini. Cela les rendra moins chers et plus accessibles, et cela allègera les notes des éditions de Montaigne. Imaginez aussi le gain de place que feront les musées si les légendes latines des tableaux et sculptures disparaissaient. On supprimera aussi les chiffres romains, qui ne servent à rien, et l’alphabet grec, avec ses Ω et ses ∑ que seuls les mathématiciens utilisent. Par la même occasion, on rebaptisera le Quartier latin d’un nom plus attrayant, «Espace de loisirs rive gauche», et j’avance la modeste proposition de supprimer, également, l’alphabet latin.
On conviendra qu’il serait un peu bête de fermer les sections antiques de nos musées, ou des sites tels que le pont du Gard, le théâtre d’Orange ou la Maison carrée de Nîmes, qui rapportent à l’Etat par le nombre de touristes chinois et japonais qui s’y pressent. On ne voudrait évidemment pas les voir partir pour Pompéi ou le Parthénon. Mais on pourrait y installer les Instituts Confucius généreusement dotés, et y employer les professeurs de latin et de grec comme gardiens de musée. Vae victis. Ceux-ci sont-ils prêts à s’exclamer : Caesar non supra grammaticos ? Nous leur répondons : Ignoramus et ignorabimus.
Par Pascal Engel Philosophe, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS
- ZazkFidèle du forum
Au cas où cela pourrait servir notre cause, je me permets de vous proposer un petit texte que j'ai écrit il y a déjà bien longtemps déjà pour répondre à des élèves qui rechignaient à travailler, en disant : "Le latin, ça sert à rien". Tous les mots soulignés ont un rapport avec la langue ou la culture latine (ou parfois gréco-latine).
(Bon, j'ai essayé de modifier quelques détails qui ne sont plus d'actualité, et toutes les expressions citées ne sont pas très connues mais cela peut servir de base pour une action mieux ciblée...) Voici le texte en question :
ERRARE HUMANUM EST
Je n’ai pas envie de faire du latin : c’est un véritable pensum et cela ne sert à rien.
Quelle en est l’utilité pour mon curriculum vitae ? Les patrons savent bien que ce n’est pas le latin qui fait venir les clients. Tout ce qui m’intéresse, c’est de faire des calculs pour m’offrir un petit pécule et revenir chaque soir vers mes pénates.
La culture, je peux la trouver sur internet !
En fait, j’ai le virus du cinéma ; je voulais être engagé comme acteur pour le film « Le Titanic ». Je m’imaginais, moi, Robert Canasson, alias Bob Horse, en haut de l’affiche. Pour moi, cela aurait été le nec plus ultra : j’aurais signé des autographes sous les vivats, j’aurais été partout persona grata, j’aurais pu juger de visu de la beauté de mes vedettes préférées. Hélas, il aurait fallu être américain, c’était la condition sine qua non. Les Américains ne veulent pas que le nombre d’étrangers chez eux dépasse un certain quota. J’aurais pu demander un visa mais je suis sûr qu’ils m’auraient opposé leur veto… Quels barbares ! Bref, j’ai dû y renoncer et le début de ma carrière d’acteur est ajourné sine die. J’aurais eu besoin d’un mécène, d’un mentor, enfin d’un sponsor… Maintenant j’en suis arrivé à un modus vivendi : je me contente de voir mes vedettes sur vidéos ou grâce aux médias. Je sais, dans ces conditions, je ne risque pas l’infarctus…
Pour en revenir au latin, je considère que c’est une matière inutile, même pour les examens. Celui qui parlerait latin sur le campus de l’université serait accueilli par des quolibets. A quoi cela sert-il dans notre monde moderne, à l’heure des agendas sur ordinateurs, des mémentos électroniques en tous genres où la conversation est réduite au minimum ? D’ailleurs, si on ôtait tous les mots latins du français, qui s’en apercevrait ? Pas moi : je ne m’en sers jamais … a priori.
(Bon, j'ai essayé de modifier quelques détails qui ne sont plus d'actualité, et toutes les expressions citées ne sont pas très connues mais cela peut servir de base pour une action mieux ciblée...) Voici le texte en question :
ERRARE HUMANUM EST
Je n’ai pas envie de faire du latin : c’est un véritable pensum et cela ne sert à rien.
Quelle en est l’utilité pour mon curriculum vitae ? Les patrons savent bien que ce n’est pas le latin qui fait venir les clients. Tout ce qui m’intéresse, c’est de faire des calculs pour m’offrir un petit pécule et revenir chaque soir vers mes pénates.
La culture, je peux la trouver sur internet !
En fait, j’ai le virus du cinéma ; je voulais être engagé comme acteur pour le film « Le Titanic ». Je m’imaginais, moi, Robert Canasson, alias Bob Horse, en haut de l’affiche. Pour moi, cela aurait été le nec plus ultra : j’aurais signé des autographes sous les vivats, j’aurais été partout persona grata, j’aurais pu juger de visu de la beauté de mes vedettes préférées. Hélas, il aurait fallu être américain, c’était la condition sine qua non. Les Américains ne veulent pas que le nombre d’étrangers chez eux dépasse un certain quota. J’aurais pu demander un visa mais je suis sûr qu’ils m’auraient opposé leur veto… Quels barbares ! Bref, j’ai dû y renoncer et le début de ma carrière d’acteur est ajourné sine die. J’aurais eu besoin d’un mécène, d’un mentor, enfin d’un sponsor… Maintenant j’en suis arrivé à un modus vivendi : je me contente de voir mes vedettes sur vidéos ou grâce aux médias. Je sais, dans ces conditions, je ne risque pas l’infarctus…
Pour en revenir au latin, je considère que c’est une matière inutile, même pour les examens. Celui qui parlerait latin sur le campus de l’université serait accueilli par des quolibets. A quoi cela sert-il dans notre monde moderne, à l’heure des agendas sur ordinateurs, des mémentos électroniques en tous genres où la conversation est réduite au minimum ? D’ailleurs, si on ôtait tous les mots latins du français, qui s’en apercevrait ? Pas moi : je ne m’en sers jamais … a priori.
- doctor whoDoyen
Maieu a écrit:nlm76 a écrit:Oui, et tout cela se fera en particulier avec la réhabilitation du thème et de la version littéraires, dont l'intérêt principal réside dans l'apprentissage du français.Maieu a écrit:Il y a
1° les langues anciennes en tant que génératrices principales de notre langue : une donnée historique objective.
2° le rapport construit, en France, avec leur enseignement et leur utilisation dans le passé (voie royale, élitisme… église, à ne pas mésestimer) et les empreintes profondes, "négatives", qu'il a laissées dans l’opinion… ainsi qu’une certaine nostalgie dans la tête des profs qui ont fait des études pour les enseigner. Il y a un travail critique, politique, idéologique, à faire, indispensable pour tourner une page qui, plus ou moins consciemment, ne l’est pas encore dans les approches du problème.
3° Ce qui implique, si nous voulons maintenir, élargir leur apprentissage, un réexamen de l’optique d’enseignement des LA essentiellement comme moyen d’améliorer la connaissance du français et la maîtrise de la langue. Bref, ne plus considérer les LA pour elles-mêmes, comme leur propre fin. Je ne suis pas certain que cela aille de soi pour tout le monde. En tout cas, l’amélioration de la maîtrise du français au collège (et au lycée) est un problème réel (voir les rapports sur les carences en la matière) auquel l’opinion publique peut être sensible... A condition de réussir à (se) persuader qu’apprendre le latin et le grec aujourd’hui n’a plus à voir avec l’apprentissage tel qu’il était conçu dans un passé relativement peu éloigné.
Qui fait encore faire du thème littéraire à ses élèves ? Personne. Donc faire du thème littéraire aujourd'hui, c'est moderne et innovant.
Même si c'est de l'humour, je ne suis pas tout à fait persuadé qu'il faille le faire figurer dans la pétition.
Alors, sans humour aucun, je pense que le thème et la version sont un des piliers des langues anciennes et que ceux qui les défendent n'ont rien à gagner à les mettre honteusement de côté. C'est dur à vendre, certes, mais c'est dans l'ADN des langues dites "mortes".
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- DesolationRowEmpereur
Il n'y a qu'en faisant du thème qu'on apprend vraiment la grammaire latine et grecque.
- doctor whoDoyen
D'autant plus que thèmes et versions n'empêchent pas de faire de la civi en cours magistral, des masques de théâtre, la reconstitution d'un triomphe romain ou un journal TV en latin (à base de thème, bien sûr!) !
(Exemples réels...)
(Exemples réels...)
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- henrietteMédiateur
Et que les élèves au collège aiment en général bien faire de petites phrases de thème - bon, je ne parle pas de thème littéraire, hein, mais quand même.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- doctor whoDoyen
henriette a écrit:Et que les élèves au collège aiment en général bien faire de petites phrases de thème - bon, je ne parle pas de thème littéraire, hein, mais quand même.
Un petit côté "jeu de rôle", mêlé de mots croisés, qui plaît à beaucoup.
Et pour la version, on joue à Champollion.
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- ZazkFidèle du forum
Vous avez tout à fait raison mais nos élèves sont-ils toujours capables de s'accrocher pour parvenir à faire du thème ? Dans la mesure où on les laisse abandonner l'option selon leur bon vouloir, et que les acquisitions en grammaire françaises sont de plus en plus minimales, combien sont prêts à résister et à faire les efforts nécessaires ?
Soyons réalistes : mises à part les rares familles vraiment persuadées de la richesse de ces langues, qui aujourd'hui poussera son enfant à poursuivre l'option ?
Soyons réalistes : mises à part les rares familles vraiment persuadées de la richesse de ces langues, qui aujourd'hui poussera son enfant à poursuivre l'option ?
- ZazkFidèle du forum
Désolée, je parais pessimiste mais je suis dans un petit collège de campagne et il faut vraiment se "bagarrer" pour faire comprendre à certains parents où est l'intérêt de leur enfant.
- NLM76Grand Maître
Je répète et me précise. Vous avez raison de préciser l'intérêt pour l'apprentissage du latin et du grec des exercices de traduction. Mais j'ai l'impression que tout le monde ne voit pas l'essentiel : la version et (surtout) le thème apprennent à lire et à écrire le français. C'est une des raisons pour lesquelles il vaudrait mieux consacrer plus de temps à faire pratiquer le thème littéraire, au carrefour de l'enseignement du français, du latin, du grec et des langues vivantes.
Soyons plus clair encore : le thème littéraire est un exercice plus utile et plus intéressant encore que le commentaire de texte pour connaître la littérature française.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- Réforme : Pétition pour la défense de l'italien (mort programmée de la LV3)
- Projet de pétition pour les langues anciennes ? (récapitulatif au 6ème post de page 6)
- Pétition langues régionales - réforme du collège
- Signez la pétition : "Le CLES et le C2i2e ne doivent pas être exigés comme preuves supplémentaires de qualification pour être recruté !"
- Pétition pour la sauvegarde des langues anciennes
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