- JohnMédiateur
http://www.se-unsa.org/spip.php?article7416L’école est actuellement secouée par des tensions autour du genre (ABCD de l’égalité, JRE, Vigigender). On retrouve souvent à leur origine les mêmes militants que ceux de la "manif pour tous". Quels sont leurs liens avec l’extrême droite et/ou le FN ? Comment analysez-vous ce phénomène ?
L’ABCD de l’égalité a focalisé contre lui des groupements dont les motivations, les militants et les actions se croisent et s’entrecroisent avec des appellations diverses. Ils ont pourtant une convergence de méthodes d’attaque : l’accusation de perversité sexuelle. Ils font jouer à fond la fibre de cette perversion proclamée car ils savent très bien que cela touche la personne dans ce qu’elle a de plus profond : l’intimité, l’innocence, la pudeur, l’amour. Farida Belghoul accuse l’Education nationale de promouvoir l’homosexualité, la bisexualité et la transsexualité à l’école. Sur son site, La Fédération autonome de Parents Engagés et Courageux, on trouve de longs articles très argumentés de la part de ses militants pour déclarer que « Débauche masturbatoire et endoctrinement des masses » serait l’objectif final d’un « Nouvel Ordre Sexuel Mondial ». Vigigender parle de « sexe polymorphe » et de « monde androgyne » comme finalité concoctée par l’Education nationale. Sa coordinatrice Esther Rivet explique que des expositions à l’école, financées par l’Etat, apprennent aux femmes à « détester la maternité ». A Strasbourg, une soirée s’est terminée avec l’évocation de relations sexuelles entre personnes de même sexe et de sodomie dans une école Haut-Rhin. La Manif pour tous dit s’opposer à « tout ce qui déconstruit l’identité sexuelle des enfants ».
Les plus-values fermement escomptées de ces réquisitoires sont celles de la peur, de l’indignation, de la panique, de la colère, de la révolte et du… retrait des enfants de l’école par leurs parents.
Mais pour aussi violents et diffamatoires qu’ils soient, ces accusations et ces faux procès ne sont pas nouveaux. Ils font même partie intégrante de l’histoire scolaire et sociétale. Au 19e siècle la création de l’enseignement secondaire féminin faisaient dire aux conservateurs de l’époque que les jeunes filles déboussolées par leur savoirs allaient « se donner en premier venu » et que la « prostitution » et le « suicide » en seraient la rançon. On reprochait que la création du baccalauréat en 1924 fasse sortir les femmes de leur « tradition séculaire » qui était celle du foyer et des enfants. Dans les années 60, ceux qui s’opposaient à la mixité filles-garçons dans les établissements scolaires affirmaient avec horreur que lycées allaient devenir des « bordels ». Sans oublier que les femmes qui voulaient se maquiller, porter le pantalon ou prendre la pilule se faisaient traiter de « putes », de « garces » et de « salopes ». Et les garçons qui se laissaient pousser les cheveux longs à la mode des Beatles se faisaient traiter de « gonzesses ». Actuellement, certains parlent de « féminisation du monde ».
Quant au Front national, il a toujours été un champion des accusations de « décadence » sexuelle à l’école : un véritable athlète dans ce domaine. Par exemple, à la fin des années 90, dans le contexte des affaires de pédophilie en Belgique et en France, Bruno Gollnisch profitait de cette actualité pour accuser les gouvernants de « laxisme », avec leurs « lois tordues » qui n’empêchaient pas les « détraqués sexuels » de venir rôder autour des écoles avant d’avoir purgé leur peine. Cette pédophilie était devenue un « mal français » qui s’était abattu sur notre pays, disait-il. Au moment de l’accès de la « pilule du lendemain » dans les établissements scolaires, il était question dans Français d’abord ! d’une école où l’on y apprenait désormais la « débauche ». D’autres numéros parlaient d’une école dans laquelle on faisait lire sciemment aux élèves des textes pornographiques. Prostitution/pornographie/pédophilie a été l’éternel triptyque que l’extrême droite a toujours mis en avant pour mieux insulter et dramatiser les changements scolaires qu’elle refusait. L’esprit de 1968 était derrière toutes ces horreurs, et cette extrême droite le dit encore aujourd’hui.
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