« Soumission », la fiction de Houellebecq qui met l’islam au pouvoir

Oh bah, de rien. Et j'ajoute d'ailleurs que je suis très consciente de pouvoir être dans l'erreur de jugement, étant donné que certains - dont le jugement m'importe - aiment Houellebecq. Mais c'est ce que j'ai ressenti en le lisant.

Drôle et glaçant, totalement surréaliste mais laissant planer un soupçon de doute, avec toujours ce refus du style si frustrant. Les scènes de cul sont toujours aussi ennuyeuse mais certaines pages apocalyptiques m'ont rappelé Ravage de Barjavel. Bref, une sorte de dystopie orwellienne où le religieux prendrait de façon surprenante la place de la science.

La misogynie dont on taxe l'auteur (à cause de la fascination du personnage principal, repoussoir, pour la polygamie) me semble à côté de la plaque. Au contraire, la place de la femme est terrifiante à la fin du roman. Avec ce constat assez amusant que ce qui rapproche les "identitaires" des islamistes est plus important qui ce qui les sépare. Enfin les hommes, en tout cas. :lol:

Un article du Figaro qui se penche sur le parti UDMF (Union des Démocrates Musulmans de France) fondé en 2010 qui présente ses candidats aux départementales de mars; article qui joue, bien sûr, avec le sujet du livre de Houellebecq (même le président du parti SIEL proche du FN s'en 'amuse') :
http://www.lefigaro.fr/politique/2015/02/12/01002-20150212ARTFIG00436-la-creation-du-parti-musulman-agite-la-classe-politique.php

"Pour justifier l'existence de l'UDMF et de sa dimension religieuse, son président, Emir Megharbi compare son parti à ceux de la CDU (Union Démocratique Chrétienne) allemande d'Angela Merkel et du PCD français (Parti Chrétien Démocrate) de Christine Boutin. «Dans la diversité sociale et culturelle qui compose notre Nation, l'islam, deuxième religion du pays, en était jusqu'alors exclus à cause de toutes une série de clichés que nous comptons bien balayer» ajoute-t-il. Huit listes seront présentées aux départementales à Strasbourg, Avion, Bagneux, Nice, Lyon, Marseille, Bagneaux et aux Mureaux."

Voilà ce que ça donne, d'avoir autorisé des partis démocrates dits chrétiens, autorisés par la conception de la laïcité loi 1905.

J'adore vraiment la réaction du parti Siel, proche du FN : personne ne connaît le poids politique réel de l'UDMF mais lui les voit déjà présider la nation. Tremblez, peuple, devant la soumission à venir...

Bon, finalement l'UDMF ne présentera qu'un candidat : Tremblez un peu moins, peuple laïc.
C'est peut-être pas pour 2022 la prophétie Houellebecq, n'en déplaise au SIEL.
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/02/18/31001-20150218ARTFIG00271-pourquoi-le-parti-musulman-n-est-pas-comparable-au-parti-chretien-democrate.php

J'ai terminé le roman hier soir, j'ai adoré tout ce qui concernait la politique mais j'ai eu du mal avec le personnage, ses histoires de c** dont on se moque. Je dois manquer de recul mais je n'ai pas trouvé le bouquin transcendant.

Un petit coucou en passant...
http://leblogdelapresidente.over-blog.com/2015/02/cinquante-nuances-de-houellebecq.html

Clap clap !

Je m'associe au clap. C'est probablement ce que j'ai lu de plus juste sur le bouquin en question.

On entend enfin parler de littérature.

Vive les vacances, je l'ai lu d'une traite hier. C'est l'histoire d'un type qui boit une bouteille entière de Meursault et qui, au lieu d'aller tuer un Arabe, va se convertir à l'islam qui permet à son cynisme d'envisager de le détourner du suicide, suivant en cela l'itinéraire de son auteur de prédilection, Huysmans, dont il a enfin fait le tour. Un contrepoint aux Choses in fine : au lieu de s'achever sur l'insipide, Soumission se termine sur une promesse de bonheur. Une méchanceté jouissive contre Bayrou. Une belle réflexion sur la démocratie, l'opportunisme, la culture, l'autoritarisme. Je ne comprends pas les vomissures lues sur ce livre lors de sa parution.

Cripure, je vous embrasse: je commençais à douter de ma capacité à lire: mais  heureusement il y a Thrasybule, Palombella et vous qui me réconfortez: d'autant que vous n'êtes pas les pires  du forum
edit: et Luigi j'avions point vu

La trop grande lucidité de Houellebecq fait peur, c'est tout.

J'ai trouvé son style meilleur, plus fluide, plus épuré qu'à ses débuts comme "extension du domaine de la lutte" par exemple. Mais surtout, il touche juste quand il pointe l'absence totale de valeurs communes dans lesquelles se projeter dans notre société individualiste et consumériste. C'est pour cela que l'Islam triomphe dans son roman, car cette religion apporte aux gens un cadre rassurant...

La polémique et ce  topic m'ont donné envie de lire ce livre. Au moment où j'ai tendu la main pour le prendre sur le rayonnage, j'ai entendu un homme à mes côtés demander à un autre s'il comptait le lire. Ce à quoi le second a répondu "Jamais de la vie, ce type est une ordure, ce roman est à vomir". Ça m'a confortée dans mon intention.

Je viens de le finir. J'ai préféré le début à la fin, j'ai trouvé que c'était un bon livre. Et je partage en tous points la critique que Palombella Rossa a dressée.
Je ne comprends pas ce qu'on reproche aux scènes de cul. Je les trouve très bien, en parfaite cohésion avec le personnage. Évidemment qu'elles ne font pas fantasmer. Ses relations sociales non plus.

Son personnage encore moins.

J'ai vraiment l'impression que l'islam a été mis là comme déclencheur volontaire d'une polémique recherchée avec ceux qui ne lisent pas et que le fond du livre est le décalque de l'itinéraire de Huysmans, pour dire vite la célébration de la soumission sur la proclamation de la liberté et de la libre conscience qui n'est, finalement, pas grand-chose pour le personnage que François est au début.

Ah, le "Parti Egalité Justice" fera mieux que l'UDMF et présentera 10 candidats dans des cantons de l'est de la France. Ce parti 'laïc qui défend les valeurs familiales et traditionnelles des musulmans et des minorités' demande l'abrogation de la loi sur le voile, un jour férié national (l'Aïd-el-kébir) et des menus hallal, que des choses ultra-laïques en somme.
Je cite aussi ceci :
"Pour Fatih Karakaya, un candidat à Schiltigheim (Bas-Rhin) cité par l'hebdomadaire, «il n'y a pas de différence entre Manuel Valls et le FN» quant à leur prétendue islamophobie".
Source : http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2015/03/09/25001-20150309ARTFIG00250-departementales-un-parti-cree-pour-defendre-les-valeurs-des-musulmans.php
Le manifeste : http://justice-egalite.fr/wp-content/uploads/2015/02/PEJ-Manifeste-Fr.pdf

On est d'accord tout de même que ce livre est très mal écrit? C'est bourré de répétitions, de phrases mal construites, de facilités de langage. Je l'ai malheureusement lu sur liseuse et n'ai pu donc souligné tous les passages que je trouvais grossier. Mais, à la réflexion, je me demande si ce "non-style" n'est pas voulu et finalement travaillé (quand on lit La Carte et le Territoire et qu'on mesure la différence, cela devient évident). Comment mieux traduire le dégoût de lui-même de cet universitaire spécialiste de la littérature et qui ne prend même pas la peine de soigner la langue qu'il utilise?
Je partage vos analyses sur le reste et dirais que ce livre est diablement efficace.

C'est un vrai débat : Michel Houellebecq a-t-il du style ? Attention : il y a de quoi s'écharper.

Il a un sens de la formule percutante indéniable.

"Houellebecq?
- Dans l'écharpe. "


Navré. Need dodo. Je suis déjà dehors.

Palombella Rossa a écrit:Un petit coucou en passant...
http://leblogdelapresidente.over-blog.com/2015/02/cinquante-nuances-de-houellebecq.html

Je n'avais pas vu/lu cet article.
Je suis d'accord en tout avec cette analyse.

Dominique Noguez a montré que Houellebecq possède un style très riche et très varié :

1) phrases courtes et plates, litotes et euphémismes pour décrire l'horizon culturel et sexuel des cadres moyens ;
2) sarcasmes, ironie mordante, méchanceté, voire injures, pour moquer l'imbécile qui prolifère (du guide du routard à l'universitaire installé en passant par la féministe et l'artiste contemporain) ;
3) métalangage (des « moments de pause où le texte réfléchit sur lui-même »), usage de l'italique, de la fable ou de formes scientifiques vulgarisées pour théoriser et mettre tout ça à distance.

C'est ce mélange si particulier de mélancolie et de férocité que ses lecteurs apprécient chez lui, je pense. S'il n'avait aucun style, on ne le lirait pas !