- AeliaNiveau 7
Bonjour,
Voici l'extrait que j'étudie avec mes élèves :
J'y vois l'emploi du point de vue externe dans cette description de l'armée française. Mais certains passages me font penser à un point de vue omniscient. Bref, je doute...
Voici l'extrait que j'étudie avec mes élèves :
Maupassant, \"Boule de Suif" a écrit:Pendant plusieurs jours de suite des lambeaux d'armée en déroute avaient traversé la ville. Ce n'était point de la troupe, mais des hordes débandées. Les hommes avaient la barbe longue et sale, des uniformes en guenilles, et ils avançaient d'une allure molle, sans drapeau, sans régiment. Tous semblaient accablés, éreintés, incapables d'une pensée ou d'une résolution, marchant seulement par habitude, et tombant de fatigue sitôt qu'ils s'arrêtaient. On voyait surtout des mobilisés, gens pacifiques, rentiers tranquilles, pliant sous le poids du fusil; des petits moblots alertes, faciles à l'épouvante et prompts à l'enthousiasme, prêts à l'attaque comme à la fuite; puis, au milieu d'eux, quelques culottes rouges, débris d'une division moulue dans une grande bataille; des artilleurs sombres alignés avec ces fantassins divers; et, parfois, le casque brillant d'un dragon au pied pesant qui suivait avec peine la marche plus légère des lignards.
Des légions de francs-tireurs aux appellations héroïques: "les Vengeurs de la défaite - les Citoyens de la tombe - les Partageurs de la mort" - passaient à leur tour, avec des airs de bandits.
Leurs chefs, anciens commerçants en drap ou en graines, ex-marchands de suif ou de savon, guerriers de circonstance, nommés officiers pour leurs écus ou la longueur de leurs moustaches, couverts d'armes, de flanelle et de galons, parlaient d'une voix retentissante, discutaient plans de campagne , et prétendaient soutenir seuls la France agonisante sur leurs épaules de fanfarons; mais ils redoutaient parfois leurs propres soldats, gens de sac et de corde, souvent braves à outrance, pillards et débauchés.
Les Prussiens allaient entrer dans Rouen, disait-on.
La Garde nationale qui, depuis deux mois, faisait des reconnaissances très prudentes dans les bois voisins, fusillant parfois ses propres sentinelles, et se préparant au combat quand un petit lapin remuait sous des broussailles, était rentrée dans ses foyers. Ses armes, ses uniformes, tout son attirail meurtrier, dont elle épouvantait naguère les bornes des routes nationales à trois lieues à la ronde, avaient subitement disparu.
Les derniers soldats français venaient enfin de traverser la Seine pour gagner Pont-Audemer par Saint-Sever et Bourg-Achard; et, marchant après tous, le général désespéré, ne pouvant rien tenter avec ces loques disparates, éperdu lui-même dans la grande débâcle d'un peuple habitué à vaincre et désastreusement battu malgré sa bravoure légendaire, s'en allait à pied, entre deux officiers d'ordonnance.
J'y vois l'emploi du point de vue externe dans cette description de l'armée française. Mais certains passages me font penser à un point de vue omniscient. Bref, je doute...
- Blan6ineÉrudit
Pour moi, cette description manque de neutralité et ne relève pas du point de vie externe : il y a une prise de position qui se remarques par l'empois de termes connotés ou évaluatifs ("lambeaux d'armée", " hordes débandées"...)
- AeliaNiveau 7
Merci Blan6ine.
Je suis d'accord avec toi, mais l'emploi de "semblaient", du pronom "on", de "disait-on" montrent qu'à certains endroits le narrateur n'en sait pas plus, ni ne voit pas plus que ses personnages. Plus je relis ce texte et plus je me dis que les deux points de vue alternent.
Je suis d'accord avec toi, mais l'emploi de "semblaient", du pronom "on", de "disait-on" montrent qu'à certains endroits le narrateur n'en sait pas plus, ni ne voit pas plus que ses personnages. Plus je relis ce texte et plus je me dis que les deux points de vue alternent.
- pmullerHabitué du forum
Est-ce que cela ne montre pas qu'on ne peut pas réduire le style d'un auteur à des procédés de dissection utilisés en analyse de texte ?
De toute manière, les naturalistes mélangent toujours différents points de vue, c'est leur conception de la neutralité.
De toute manière, les naturalistes mélangent toujours différents points de vue, c'est leur conception de la neutralité.
- retraitéeDoyen
Le point de vue externe existe-t-il ? C'est toujours le point de vue de quelqu'un, d'un témoin anonyme, qui observe ce qu'il voit et entend, et émet des hypothèses et des jugements; quand je suis dans la rue, et que j'assiste à une altercation, j'enregistre des faits, des paroles, je n'en sais pas plus, et je fais des conjectures, d'où ces "semblent, paraissent" etc
la différence avec le point de vue interne (avec 1e ou 3e personne), c'est que ce témoin n'est pas un personnage du roman;
la différence avec le point de vue interne (avec 1e ou 3e personne), c'est que ce témoin n'est pas un personnage du roman;
- pmullerHabitué du forum
Mais de mémoire, dans BDS, il y a des utilisations du pt de vue interne/et de l'omniscient aussi. Dès le début ou presque.
- ysabelDevin
Pour moi, c'est focalisation zéro : il y a bien trop de lexique évaluatif pour que ce soit externe.
Le "disait-on" c'est tout simplement du discours rapporté. On = les gens...
Et puis pour l'étude de l'extrait, est-ce important ou intéressant ?
Le "disait-on" c'est tout simplement du discours rapporté. On = les gens...
Et puis pour l'étude de l'extrait, est-ce important ou intéressant ?
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- AeliaNiveau 7
Vous ne pensez donc pas que les deux points de vue alternent ?
Je voulais vérifier leurs acquis.ysabel a écrit:Et puis pour l'étude de l'extrait, est-ce important ou intéressant ?
- clo74Niveau 9
Difficile de vérifier ce genre d'acquis, quand les profs eux-mêmes s'y perdent!
J'ai souvenir d'un moment jubilatoire , dans le défunt IUFM, d'une formatrice s'emmêlant lamentablement les pinceaux entre "énoncé coupé de la situation" ou "énoncé ancré dans la situation d'énonciation", "récit" et "discours" : je crois que la question portait sur l'incipit de L'Etranger.
Concernant la focalisation, si tu veux vérifier leurs acquis, ne peux-tu pas dans un premier temps leur donner des phrases, dans lesquelles on détermine de façon sûre le point de vue, et ensuite leur donner l'incipit de BDS, afin de leur montrer comment les points de vue alternent?
J'ai souvenir d'un moment jubilatoire , dans le défunt IUFM, d'une formatrice s'emmêlant lamentablement les pinceaux entre "énoncé coupé de la situation" ou "énoncé ancré dans la situation d'énonciation", "récit" et "discours" : je crois que la question portait sur l'incipit de L'Etranger.
Concernant la focalisation, si tu veux vérifier leurs acquis, ne peux-tu pas dans un premier temps leur donner des phrases, dans lesquelles on détermine de façon sûre le point de vue, et ensuite leur donner l'incipit de BDS, afin de leur montrer comment les points de vue alternent?
- AeliaNiveau 7
clo74 a écrit:Difficile de vérifier ce genre d'acquis, quand les profs eux-mêmes s'y perdent!
J'ai souvenir d'un moment jubilatoire , dans le défunt IUFM, d'une formatrice s'emmêlant lamentablement les pinceaux entre "énoncé coupé de la situation" ou "énoncé ancré dans la situation d'énonciation", "récit" et "discours" : je crois que la question portait sur l'incipit de L'Etranger.
Concernant la focalisation, si tu veux vérifier leurs acquis, ne peux-tu pas dans un premier temps leur donner des phrases, dans lesquelles on détermine de façon sûre le point de vue, et ensuite leur donner l'incipit de BDS, afin de leur montrer comment les points de vue alternent?
Oui clo74, tu as entièrement raison. Ce sera certainement plus simple que ce que je fais... :boulet:
- retraitéeDoyen
L'essentiel est qu'ils comprennent ce qu'ils lisent !
- grandesvacancesNeoprof expérimenté
ysabel a écrit:Pour moi, c'est focalisation zéro : il y a bien trop de lexique évaluatif pour que ce soit externe.
Le "disait-on" c'est tout simplement du discours rapporté. On = les gens...
Et puis pour l'étude de l'extrait, est-ce important ou intéressant ?
Là, je suis d'accord.
Mais on peut étudier Boule de Suif avec profit en zappant ce passage.
- NLM76Grand Maître
Pour ma part, ce genre d'étiquetage ne m'importe guère. En revanche, remarquer le plus-que-parfait initial me paraît tout à fait essentiel. D'une part (associé aux imparfaits qui suivent et au "disait-on"), il donne l'impression de voir de l'intérieur la "scène". D'autre part, le choix d'un temps composé permet d'accentuer l'impression de début in medias res.
Comment dit-on cela avec le jargon Genettien ?
Vraiment, je trouve que ces ergotages technicistes n'ont qu'un intérêt : apprendre à ne pas lire les textes.
Comment dit-on cela avec le jargon Genettien ?
Vraiment, je trouve que ces ergotages technicistes n'ont qu'un intérêt : apprendre à ne pas lire les textes.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- lisette83Érudit
En tout cas c'est le point de vue de Maupassant sur une débâcle dont il a été le témoin.
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