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Lilipomme
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Quelle lecture philosophique de Proust ? Empty Quelle lecture philosophique de Proust ?

par Lilipomme Lun 15 Sep 2014 - 22:52
Bonjour,

J'ai presque achévé ma lecture de A la recherche du temps perdu de Proust. J'ai apprécié particulièrement La prisonnière et La fugitive, avec le thème de l'amour. Il a une vision reconnue comme plutôt pessimiste. Pour ceux qui connaissent, quelles conclusions philosophiques en tireriez-vous sur l'amour ? A propos d'un livre, j'aime bien établir une/des conclusion(s), des vérités, des messages par rapport à ce qui a été écrit et si possible, une conclusion positive, qui puisse nous faire avancer. Dans La recherche, l'amour est-il forcément aporétique (on revit, par exemple, ce qu'on a déjà vécu) ou la réflexion sur l'amour peut-elle favoriser un amour plus vrai ? Ca me fait penser au mécanisme des affects chez Spinoza : la connaissance doit me permettre de favoriser des désirs qui vont m'être bénéfiques. Est-ce qu'on pourrait dire que chez Proust l'écriture littéraire de l'amour permet d'en prendre connaissance pour y être moins aliéné (il parle de dégager des lois générales) ? Peut-on n'en rester qu'au constat de ce mécanisme ? Peut-on le "maîtriser" ? Qu'en pensez-vous ?

Au moins un "message", une "déduction" : il prévient contre les dangers de l'habitude, de la possession : la distance peut être bénéfique, elle entretient le désir, nous recherchons aussi la nouveauté etc..
Contre l'idéalisation, je ne sais pas si à partir de l'oeuvre qqchse pourrait être suggéré...

Votre lecture, vos remarques m'intéresseront...

Prune
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Lilipomme
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par Lilipomme Ven 19 Sep 2014 - 12:58
Personne pour faire des remarques ? PauvreYorick, Ruthven ?
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Pedro Cordoba
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par Pedro Cordoba Ven 19 Sep 2014 - 13:38
La lecture philosophique la plus intéressante que je connaisse de Proust est celle de Deleuze. Peut-être contestable pour les spécialistes de Proust mais la plus originale et la plus belle pour les philosophes. Et puisque tu cites Spinoza, raison de plus...
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Lilipomme
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par Lilipomme Ven 19 Sep 2014 - 13:42
Tu pourrais préciser en quelques mots pourquoi elle a été contestée...
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Pedro Cordoba
Niveau 7

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par Pedro Cordoba Ven 19 Sep 2014 - 17:10
J'avais lu le livre de Deleuze à sa sortie, il y a bien longtemps. Mes souvenirs des critiques sont donc très vagues. Mais cela devait tourner autour du temps, du souvenir tout ça, que Deleuze aurait négligé. Avec sa théorie des signes, Deleuze aurait eu une approche beaucoup trop partielle et partiale, trop "orientée" sur des problèmes non centraux de l’œuvre.
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InvitéC8
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Quelle lecture philosophique de Proust ? Empty Re: Quelle lecture philosophique de Proust ?

par InvitéC8 Ven 19 Sep 2014 - 17:22
Je me souviens aussi de ma lecture de Proust & les signes, et effectivement c'est une lecture hyper orientée. Tout Proust passe au travers du prisme choisi par Deleuze, du coup ça éclaire pour une part, mais ça obscurcit (beaucoup) le reste, qui n'étant pas lisible par la théorie deleuzienne, est occulté.
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User17706
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par User17706 Sam 20 Sep 2014 - 12:43
La question est, disons, intimidante ! Very Happy
Ruthven
Ruthven
Guide spirituel

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par Ruthven Sam 20 Sep 2014 - 12:52
Ignorance totale de ma part sur le sujet.

Il y a un hors-série de Philo Magazine sur Proust - l'anthologie proposée doit être stimulante (je ne l'ai pas consultée, mais les autres sont assez bien vus).
Chocolat
Chocolat
Guide spirituel

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par Chocolat Sam 20 Sep 2014 - 13:08

http://www.fabula.org/acta/document7592.php

http://www.fabula.org/acta/sommaire7516.php

http://www.fabula.org/actualites/proust-carte-blanche_62782.php

http://www.fabula.org/actualites/la-nouvelle-revue-francaise-n-603-mars-2013-d-apres-proust-ph-forest-dir_55799.php


J'éviterai de développer mon avis personnel ici, compte tenu du fait que je suis arrivée à la conclusion que la seule lecture que l'on puisse faire de Proust est psychanalytique.
Bref, le charme est définitivement rompu.

_________________
Quelle lecture philosophique de Proust ? Art1111
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User17706
Bon génie

Quelle lecture philosophique de Proust ? Empty Re: Quelle lecture philosophique de Proust ?

par User17706 Sam 20 Sep 2014 - 13:31
Si l'on se demande par où chercher des philosophes qui parlent de Proust, en revanche, c'est beaucoup plus simple de répondre : plutôt que Deleuze je conseillerais Vincent Descombes, Proust. Philosophie du roman (chez Minuit) ; il y a aussi de très fréquents développements sur Proust dans le livre de Jacques Bouveresse La Connaissance de l'écrivain (chez Agone).

Les chapitres 10 & 11 de Love's Knowledge de Martha Nussbaum (OUP, 1990) devraient t'intéresser. (EDIT: je viens de voir qu'il a été traduit aux éditions du cerf, sous le titre La Connaissance de l'amour, mais ce n'est pas donné : 68€...)

Mais bon, ce ne sont que trois références dans un véritable océan. Par exemple Macherey a récemment publié sur Proust un livre que je n'ai pas lu.
supersoso
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par supersoso Sam 20 Sep 2014 - 20:49
Prune, ma lecture de Proust est déjà très lointaine et je risque de dire des bêtises, mais il me semble difficile, concernant l'amour, de trouver une dimension positive dans la Recherche. Ce que j'en ai retenu c'est que l'amour serait une quasi-construction dû au manque et la dimension profondément possessive de l'amour. De fait, pour Proust, l'amour est là quand la jalousie apparaît - et vice versa.
Je ne le vois pas comme un message visant à prévenir mais comme un constat. Pour Proust, dans la Recherche , l'amour est d'autant plus dévastateur que son objet n'est finalement même pas véritablement un objet désiré, il est bien plutôt une illusion induite par le manque. Après, vague souvenir qu'il y avait des choses intéressantes du côté des amours inverties et de Charlus, mais je ne sais plus trop quoi.
Peut-être y aurait-il des choses plus positives du côté de l'amitié, une fois passé le carcan des inévitables conventions sociales.

Enfin, il y a des choses intéressantes sur le rapport au temps dans le Temps retrouvé. Les jeux entre la temporalité intérieure, la temporalité sociale, le rapport à la mémoire, le masque que le temps imprime sur les gens, etc... Là une exploitation philosophique me semble particulièrement intéressante (et si j'avais le temps, tu me donnes vraiment envie de m'y replonger... )

Mais je le répète, ma lecture est vraiment tellement lointaine, mes souvenirs parcellaires, que je risque d'avoir dit n'importe quoi 😢 . Du coup j'ai un peu honte d'écrire des trucs qui sont peut-être complètement à côté de la plaque.
John
John
Médiateur

Quelle lecture philosophique de Proust ? Empty Re: Quelle lecture philosophique de Proust ?

par John Sam 20 Sep 2014 - 22:13
A propos d'un livre, j'aime bien établir une/des conclusion(s), des vérités, des messages
Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment possible à partir de Proust. Proust est plutôt, dès avant l'heure, l'initiateur de la déconstruction de ces règles et pseudo-vérités sur l'amour. Il n'y a rien de plus changeant chez Proust que les personnages, les sentiments, les règles... Proust n'est pas relativiste, mais déconstruit tout cela. Ainsi, il me semble que Proust introduit beaucoup plus qu'il ne conclut.
Ce lien vers un article du formidable Vincent Ferré devrait t'intéresser :
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/78/39/83/PDF/Proust_FerrA_-_Proust_l_A_tranger_CRIN.pdf

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Quelle lecture philosophique de Proust ? Empty Re: Quelle lecture philosophique de Proust ?

par henriette Sam 20 Sep 2014 - 23:41
Pour ma part (mais ce n'est pas de la philo), j'avais adoré L'espace proustien de Poulet, dont la lecture m'avait vraiment éclairé l'oeuvre.
Robin
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par Robin Ven 3 Oct 2014 - 11:23
René Girard a écrit de belles analyses sur Proust et la question d'autrui dans Vérité romanesque et Mensonge romantique. Il explique, en gros, que les philosophes (et les psychologues) ont beaucoup à apprendre des écrivains, que Proust en sait plus long sur l'homme que Freud (cf. le passage sur les jeunes filles (jeunes garçons ?) de Balbec).

Il est vrai que Girard n'est pas considéré (et ne se considère pas lui-même) comme un "philosophe", mais plutôt comme un anthropologue. Sur la question du rapport de la conscience humaine au temps, il y a bien sûr Bergson, mais c'est Proust qui a lu Bergson et pas l'inverse.

Les grandes œuvres montrent la nécessité d'abattre les murs entre les disciplines, notamment entre la philosophie, la critique littéraire et l'anthropologie.
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Pedro Cordoba
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par Pedro Cordoba Ven 3 Oct 2014 - 11:38
Je ne considère pas du tout Girard comme anthropologue. Il n'a jamais fait de travail de terrain que je sache et toutes ses références sont de deuxième ou de troisième main. Un philosophe à la rigueur. Plutôt un essayiste (brillant) et un intellectuel catholique (que je trouve théologiquement confus et très proche du protestantisme malgré son papisme revendiqué, mais c'est un autre problème)
Robin
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Fidèle du forum

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par Robin Ven 3 Oct 2014 - 14:50
Pedro Cordoba a écrit:Je ne considère pas du tout Girard comme anthropologue. Il n'a jamais fait de travail de terrain que je sache et toutes ses références sont de deuxième ou de troisième main. Un philosophe à la rigueur. Plutôt un essayiste (brillant) et un intellectuel catholique (que je trouve théologiquement confus et très proche du protestantisme malgré son papisme revendiqué, mais c'est un autre problème)

C'est Girard lui-même qui se dit "anthropologue du religieux et de la violence "ou critique littéraire" et qui refuse l'étiquette de "philosophe". Je pense qu'il est plus qu'un essayiste. Il a inventé de nouveaux concepts (le concept de mimesis) et risqué une hypothèse générale (que l'on peut admettre ou non) sur l'origine du religieux (réputée insoluble après le structuralisme) qui refuse la coupure métaphysique entre l'homme et l'animal, sans pour autant confondre indûment les deux, une continuité évolutionniste.

Son hypothèse tient compte des avancées de l’éthologie, mais s'applique aussi aux relations intersubjectives (qu'il appelle "interdividuelles").

En ce qui concerne son christianisme, il n'est pas préalable à sa réflexion anthropologique qui reste strictement immanente et "objective", mais rejoint, effectivement les enseignement évangéliques (notamment sur la nature non-violente du Logos chrétien).

Protestant, peut-être. Je sais qu'il est attaqué par certains théologiens catholiques, bien qu'il prétende rejoindre la ligne de Vatican II. Il a aussi ses défenseurs chez les catholiques : R. Schwager qui lui reprochait au départ sa conception négative et limitée de la notion de "sacrifice", mais il a évolué sur ce point.

Claude Lévi-Strauss, vers la fin de sa vie, l'a condamné sans l'avoir lu et je trouve que c'est dommage, mais c'était inévitable dans la mesure où Girard introduit une dimension diachronique étrangère au structuralisme et entend ramener les rituels, les mythes et les interdits au même dénominateur et surtout entend s'attaquer à la question "tabou" : l'origine du sacré.

Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il n'est pas un "anthropologue de terrain", mais est-ce absolument nécessaire de l'être ?

On peut admettre ou non sa théorie, sans pour autant adhérer au christianisme qui est, je le répète, un aboutissement pour lui et non un point de départ. Il se réfère essentiellement à des écrivains et non à des théologiens : Cervantès, Shakespeare, Proust, Dostoïevski, etc.
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