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Robin
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Aristote, Ethique de Nicomaque, Livre Premier, Le bien et le bonheur (notes de lecture) Empty Aristote, Ethique de Nicomaque, Livre Premier, Le bien et le bonheur (notes de lecture)

par Robin Sam 18 Oct 2014 - 10:40
"Tout art et toute recherche, de même que toute action et toute délibération réfléchie, tendent, semble-t-il, vers quelque bien. Aussi a-t-on eu parfaitement raison de définir le bien : ce à quoi on tend en toutes circonstances." On ignore, remarque Jean Volquin, de qui est cette définition. Elle est essentielle dans la philosophie d'Aristote.

II y a des fins multiples :  

La santé est la fin de la médecine
le navire est la fin de la construction navale
la victoire est la fin de la stratégie
la richesse est la fin de la science économique
Les fins de toutes les sciences architectoniques sont plus importantes que celles des sciences subordonnées.

Par exemple :

La science de l'équitation est subordonnée à l'art de la guerre (science architectonique), la science la fabrication des mors et celle qui concerne l'équipement du cavalier est subordonnée à l'art de la guerre, la science de l'équitation est subordonnée à la science de la fabrication des mors et à celle de l'équipement du cavalier.

Les fins de la science architectonique sont plus importantes que celles des sciences subordonnées.

La fin dernière est le bien.  Aristote se propose de préciser la nature de ce bien et de dire de quelle science et de quel moyen d'action il relève.

Selon lui :

Le bien dépend de la science politique. La science politique détermine quelles sont les sciences indispensables dans les Etats et fixe celles que le citoyen doit apprendre et dans quelle mesure.

Le bien de l'individu s'identifie avec celui de l'Etat. "Le bien est désirable quand il intéresse un individu pris à part ; mais son caractère est plus beau et plus divin quand il s'applique à un peuple et à des Etats entiers."

l'Ethique de Nicomaque est donc aussi bien un traité de morale qu'un traité de politique. L'idée que le bien de l'individu s'identifie avec celui de l'Etat nous semble contestable aujourd'hui. On retrouve cette idée chez Hegel.  

Le but de la politique et le souverain bien de l'activité humaine est la bonheur.

Qu'est-ce que le bonheur ?

Pour les uns, le bonheur est un bien évident et visible TEL que le plaisir, la richesse, les honneurs.

Pour le malade, le bonheur, c'est la santé, pour la pauvre, la richesse, etc. Pour quelques uns, le bonheur est un bien qui existe par lui-même et qui est la cause de tous les autres.

Pour établir la nature du souverain bien (du bonheur), il faut partir du connu et non pas des archétypes, comme le fait Platon.

Il y a trois genres de vie

celui qui a pour objet le plaisir
celui qui a pour objet la vie politique active, les honneurs
celui qui a pour objet la vie contemplative
Le troisième genre de vie est le meilleur car il est individuel et impossible à enlever à son possesseur.

En quoi consiste le bien ?

Le bien est exprimé dans son essence (Dieu, l'intelligence), dans sa qualité (les vertus), dans sa quantité (la juste mesure), dans sa relation (l'utile), dans l'espace (les différentes mœurs) et dans le temps (l'occasion).

Dans la mesure où il y plusieurs sortes de biens et non un bien unique, il y a plusieurs sciences du bien :

La science de l'occasion dans la guerre : la stratégie. La science de la maladie : la médecine. La science de la mesure en ce qui concerne l'alimentation : la diététique. La science des exercices du corps : la gymnastique.

On peut distinguer deux sortes de biens :

les biens en soi
les biens relativement aux biens en soi
Si le bien était un et commun à tout, ou qu'il existait séparé et subsistant par lui-même (comme l'affirme Platon), il serait irréalisable pour l'homme et impossible à acquérir. "On est bien embarrassé de préciser l'utilité que retirerait un tisserand ou un charpentier de la connaissance du bien en soi ou dans quelle mesure la contemplation de cette idée faciliterait la pratique de la médecine ou de la stratégie. Le médecin ne traite pas "l'homme en général", mais des individus.

Le souverain bien varie donc selon les activités et selon les arts.  Le bien de chacun est celui en vue duquel on fait tout le reste.

Pour la médecine : la santé, pour la stratégie : la victoire, pour l'architecture : la maison, etc.

Toutes les fins ne sont pas parfaites sauf le bien suprême car ce que que nous recherchons pour soi est plus parfait que ce qui est recherché pour une autre fin, contrairement aux honneurs et au plaisir que nous recherchons non pour eux-mêmes, mais en vue du bonheur. Le bonheur ne s'applique pas à un individu solitaire car, par nature, l'homme est un être sociable, idée familière à Aristote qui domine toute sa morale et sa Politique (cf. Politique, I) (Voilquin)

Ce qui se suffit à soi-même, ce qui par soi rend la vie souhaitable et complète, c'est le bonheur.

Le souverain bien est donc le bonheur.

Quel est le propre de l'homme ? L'homme a en commun avec les plantes la nutrition et la croisance (une "vie végétative"), avec les animaux les sensations (une "vie sensitive"). Ce qui lui est propre, est une "vie rationnelle".

L'âme rationnelle possède deux parties :

l'une obéissant à la raison
l'autre possédant la raison et s'employant à penser
Le propre de l'homme est donc l'activité de l'âme, en accord complet ou partiel avec la raison et cette fonction est propre à la nature de l'homme vertueux.

Ce dernier est comparable, selon Aristote, au joueur de cithare, médiocre citharède, bon citharède ou citharède accompli, selon que son âme est en accord plus ou moins grand avec la raison.

"Une hirondelle ne fait pas le printemps, non plus qu'une seule journée de soleil ; de même ce n'est ni un seul jour ni un court intervalle de temps qui font le bonheur."

Aristote compare l'éthique au progrès des techniques : le temps et l'habitude accroissent et fortifient la vertu.

Les bien se répartissent en trois classes :

les biens extérieurs
les biens de l'âme
les biens du corps
Les biens les plus précieux sont les biens de l'âme car c'est dans l'âme que réside l'activité créatrice et les actes.

Les avis divergent concernant le souverain bien :

la vérité
la pensée pure
une certaine sorte de sagesse
tous ces avantages ou une partie d'entre eux accompagnés du plaisir
l'abondance des biens extérieurs
La raison interdit de penser que les uns et les autres se trompent entièrement. Le bonheur réside dans une vie bonne et réussie. Il est l'activité de l'âme dirigée vers la vertu.

"La simple disposition ne donne pas l'occasion d'accomplir le bien. De même qu'aux Jeux Olympiques, ce ne sont pas les plus forts et les plus beaux qui obtiennent la couronne, mais ceux-là seuls qui prennent part aux compétitions, de même ce sont ceux qui agissent comme il faut qui deviennent dans la vie possesseurs du Bien et du Beau."

Quelques-uns (Aristote est de ceux-là, même si elle n'est pas, pour lui, une condition suffisante) mettent la prospérité (des amis, de l'argent, un certain pouvoir politique, une bonne naissance, une heureuse descendance, la beauté, etc.). au même rang que le bonheur. Cette conception  réaliste de l'éthique sera reprise (sous une forme atténuée) par Thomas d'Aquin dans la Somme (on a du mal à prier le ventre vide) et on en trouve également un écho chez Simone Weil (dans La Pesanteur et la Grâce, S. Weil note que la souffrance morale et surtout physique a tendance à rendre méchants même les meilleurs), mais elle était vouée à faire problème au sein du christianisme.

Le bonheur peut-il s'enseigner (cf. Platon, Protagoras), l'obtient-on par la vertu, l'étude ou l'exercice ? Oui, dans une certaine mesure et il vaut mieux, selon Aristote, être heureux de cette manière que par l'effet du hasard.

Aristote rappelle que la fin la plus élevée de l'éthique est la vie politique. On ne peut donc pas attribuer le bonheur aux animaux et aux enfants.

Il rappelle les deux conditions du bonheur :

   Une vertu parfaite
   Une existence accomplie

​Pour déclarer un homme heureux, il faut attendre la fin de son existence. En effet, le bonheur est un état stable, alors que la vie humaine est tissée de vicissitudes.

Seule l'activité conforme à la vertu est stable. L'homme vraiment vertueux fait bonne figure aux coups du sort, les supporte en toutes circonstances et tire le meilleur parti des événements.

On doit donc déclarer heureux l'homme qui agit selon une vertu parfaite et pourvu suffisamment de biens extérieurs pendant le temps qu'il a vécu.

On peut comparer à cet égard la conception d'Aristote à la conception stoïcienne. Les stoïciens distinguent "ce qui dépend de nous" : l'usage de notre raison, de "ce qui ne dépend pas de nous" : les circonstances extérieures. Aristote privilégie, lui aussi, la vertu, l'usage de la raison, mais ne minimise pas pour autant l'importance des biens extérieurs.

Par ailleurs, à la différence des stoïciens qui prennent acte de la fin de la cité grecque, de l'hégémonie athénienne et de la démocratie telle que la concevait Périclès, l'éthique, pour Aristote, est inséparable de la politique. Il y a là un paradoxe que l'on n'a pas manqué de relever. Aristote fait l'éloge de la "belle harmonie" entre le citoyen et la cité, lors même que cette harmonie a disparu avec la montée en puissance de l'empire macédonien.

Aristote se demande si les morts sont affectés par les coups du sort, ce qui, selon certains, prouve qu'il croyait à l'immortalité de l'âme. Mais il se contente de poser la question et d'y répondre sous forme dubitative : "Il semble que si les succès et les revers affectent en quelque mesure les défunts, ce ne peut être que dans une trop faible mesure pour les rendre moins heureux les heureux ou pour rien changer à leur sort.

Nous attribuons aux dieux la félicité et le bonheur parfait, comme nous reconnaissons la félicité aux hommes qui se rapprochent le plus de la divinité. Le bonheur étant un principe, c'est pour l'atteindre que nous accomplissons tous les autres actes. Principe et cause des autres biens, le bonheur possède une nature divine.

L'homme véritablement apte à diriger la cité consacre ses efforts à faire régner la vertu. Or, la vertu étant l'épanouissement de l'activité de l'âme, il faut qu'il connaisse ce qui la concerne.

L'âme comporte deux parties :

   une partie privée de raison
   une partie douée de raison
   La partie dépourvue de raison comporte une partie qui appartient à tous les êtres vivants et même aux plantes (le principe de nutrition et de développement)

Il existe également un instinct qui répugne à la raison, la combat et lui tient tête, la concupiscence. La partie privée de raison peut, dans une certaine mesure, obéir à la raison par l'éducation.

La partie intellectuelle douée de raison est double : l'une qui ordonne et l'autre qui obéit.

Il y a différentes sortes de vertus :

   les vertus intellectuelles (la sagesse et la prudence réfléchie)
   les vertus morales (la générosité et la tempérance)
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