Rôle de l'école ?

Quelle idée vous faites-vous du rôle de l'école ?
Transmissions de savoirs ? Acquisition d'une culture ? Acquisition de compétences ? Développement de l'autonomie ? Préparation à un métier ? etc.

J'avoue être horrifiée par les discours de mes élèves de terminale et de certains de mes collègues (souvent de disciplines scientifiques) et finir par me demander si ce n'est pas moi qui suis totalement inadaptée. Alors j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

J'ai cette année des élèves privilégiés, sérieux, ouverts, cultivés, qui s'intéressent, etc., et pourtant, ils tiennent à peu près les mêmes discours que mes élèves de l'année dernière : l'école sert d'abord et avant tout à avoir un métier 1) rémunérateur, 2) productif (en termes économiques) pour la société. Petit ajout hier, en réponse à la question "pourquoi vous fait-on alors étudier toutes ces matières ?" : "Pour que nous puissions faire notre choix". Le raisonnement étant qu'on leur fait longtemps étudier des matières qui leur seront probablement parfaitement inutiles pour la suite parce que comme ils ne font qu'un peu de chaque matière, il leur faut du temps pour les découvrir : leurs goûts peuvent évoluer et ils peuvent changer d'avis dans leur orientation, le rôle de l'école étant essentiellement de les aider à s'orienter.
Si on creuse un peu, pour eux, il semblerait pour ainsi dire que la vie se résume à la "réussite" professionnelle, et pire, que la valeur d'une personne soit liée à son utilité pour la société. Ils ne sont pas loin de pousser le raisonnement jusqu'à admettre que le vie d'une personne qui ne contribue pas à l'économie n'a pas de raison d'être (pour éviter de le formuler comme ça, ils essaient de trouver des moyens contournés, en disant qu'il est rare qu'une personne ne travaille pas de toute sa vie, qu'un chômeur consomme, ou encore qu'il peut avoir des enfants qui travailleront).
Cela m'étonne d'autant plus que ce sont des élèves qui s'intéressent à toutes les matières, qui font beaucoup d'histoire et de littérature, qui font des tas d'options diverses et variées et qui font par ailleurs de la musique, du sport, des arts plastiques, du théâtre et tout un tas d'autres choses encore.
Avec ma discipline inutile (à laquelle ils s'intéressent pourtant), je me sens complètement déphasée (je suis prof de philo).
Quant aux collègues, un certain nombre pensent que les scientifiques ne devraient faire que des sciences, les littéraires que des matières littéraires, etc., et que le rôle de l'école est effectivement de trouver un job à chacun de ces chers petits. Ce qu'ils s'empressent de dire à ces chers petits.

Et vous, que pensez-vous de tout ça ?

Je ne pense pas que notre métier soit de trouver un travail à ces chers petits, selon leur niveau et leur cursus il y a soit l'enseignement professionnel soit le supérieur pour cela ou l'apprentissage.
Dans le premier et second degré, je pense d'abord que nous devrions dépendre du ministère de l'Instruction Publique - bon ça fait un peu IIIème république mais tant pis - et que nous sommes là pour instruire les élèves jusqu'au maximum de leurs possibilités et ensuite les diriger vers le professionnel qui leur conviendrait le mieux.
Voilà.

Vaste débat.

Je ne vais pas répondre par une position personnelle, mais simplement en citant le préambule de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 :

Article 2
I. - Après le premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de l'éducation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République.
« Dans l'exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs. »

Entièrement d'accord avec Daphné. (comme souvent )

Moi aussi d'accord avec Daphné.

Ceci dit, je crois qu'il faut aussi que l'orientation soit vraiment bien faite: évitons d'envoyer les élèves dans des filières sans avenir.

Ce que je dis à mes collégiens :
Vous trouver un boulot ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas bosser.
Vous insérer dans la société ? On s'en fiche. Vous avez le droit de vivre comme un sauvage.
Vous rendre bons citoyens ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas aller voter et de rouler pour votre pomme.

Vous rendre plus intelligents et plus cultivés. Ca, c'est important. Ne me dites pas que vous vous fichez d'être plus intelligents.

Personne ne bronche.

doctor who a écrit:Ce que je dis à mes collégiens :
Vous trouver un boulot ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas bosser.
Vous insérer dans la société ? On s'en fiche. Vous avez le droit de vivre comme un sauvage.
Vous rendre bons citoyens ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas aller voter et de rouler pour votre pomme.

Vous rendre plus intelligents et plus cultivés. Ca, c'est important. Ne me dites pas que vous vous fichez d'être plus intelligents.

Personne ne bronche.

C'est ce que je dis aussi à mes petits.

doctor who a écrit:Ce que je dis à mes collégiens :
Vous trouver un boulot ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas bosser.
Vous insérer dans la société ? On s'en fiche. Vous avez le droit de vivre comme un sauvage.
Vous rendre bons citoyens ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas aller voter et de rouler pour votre pomme.

Vous rendre plus intelligents et plus cultivés. Ca, c'est important. Ne me dites pas que vous vous fichez d'être plus intelligents.

Personne ne bronche.

Bien joué! Je garde en réserve.
J'avais déjà rétorqué à un élève que si au moins l'école pouvait servir à le rendre un peu moins bête ce serait une petite victoire mais j'aime bien cette façon de présenter la chose.

Aussi serons-nous explicites. L’époque qui va des Lumières à la deuxième moitié du XXème siècle, et durant laquelle fut pensée, puis instituée, une école dont la mission était de fonder une République d’hommes libres en instruisant les futurs citoyens, c’est-à-dire en leur transmettant les savoirs qui leur permettraient de ne pas dépendre d’autrui dans leurs jugements, cette époque s’achève à présent. L’école ne sert plus à instituer en instruisant, elle n’a plus de lien avec la nation, n’est plus garante des valeurs de la République par l’apprentissage d’un savoir universel.

L’école (de la maternelle au baccalauréat, puisque la scolarité sera bientôt obligatoire jusqu’à 18 ans) n’est plus qu’un élément dans le dispositif de formation de l’individu tout au long de la vie, en vue de son intégration dans le système de production-consommation administré par une puissance publique neutre, chargée de garantir son bien-être.

Blog de Natacha Polony: L'école de Jules Ferry est morte... mais qui l'a tuée?

doctor who a écrit:Ce que je dis à mes collégiens :
Vous trouver un boulot ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas bosser.
Vous insérer dans la société ? On s'en fiche. Vous avez le droit de vivre comme un sauvage.
Vous rendre bons citoyens ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas aller voter et de rouler pour votre pomme.

Vous rendre plus intelligents et plus cultivés. Ca, c'est important. Ne me dites pas que vous vous fichez d'être plus intelligents.

Personne ne bronche.

Mais au collège où traiter les autres d'intellos est la pire insulte, sommes-nous sûrs que certains ne tirent pas une gloire personnelle à se faire plus bêtes qu'ils ne sont ?

doctor who a écrit:Ce que je dis à mes collégiens :
Vous trouver un boulot ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas bosser.
Vous insérer dans la société ? On s'en fiche. Vous avez le droit de vivre comme un sauvage.
Vous rendre bons citoyens ? On s'en fiche. Vous avez le droit de ne pas aller voter et de rouler pour votre pomme.

Vous rendre plus intelligents et plus cultivés. Ca, c'est important. Ne me dites pas que vous vous fichez d'être plus intelligents.

Personne ne bronche.

Entièrement d'accord avec tout ce qui est dit dans la mesure où l'individu "ne profite pas " de la société en vivant à son crochet, s'assume entièrement sur le plan financier et médical.

Précisons : vous avez le droit de ne pas bosser, si cela ne vous dérange pas de crever tout seul sous une bâche dans un bois, d'un abcès dentaire purulent.

Et, pour l'instant, aucun élève, même réfractaire, n'a osé me dire qu'il ne voulait pas être intelligent. Et je m'appuie sur cette première réaction pour répéter la leçon à toute occasion. Ca rentre.

Je ne dis pas qu'ils le disent aux profs... Mais entre eux, cela se sait vite. Si on veut changer ce qu'ils ont dans la tête, il faut s'appuyer sur la manière dont ils voient les choses.
Il est vrai que c'est aussi un mécanisme de défense.