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Laurent Bouvet (Le Monde) : Reconduire G. Fioraso à l'enseignement supérieur est "une erreur politique" et "une faute lourde". Empty Laurent Bouvet (Le Monde) : Reconduire G. Fioraso à l'enseignement supérieur est "une erreur politique" et "une faute lourde".

par John Jeu 1 Mai - 11:02
Avoir nommé à nouveau madame Geneviève Fioraso à l'enseignement supérieur et à la recherche n'est pas seulement une erreur, politique, de la part du président de la République, c'est aussi une faute, lourde, profonde et durable qu'il commet à l'égard de l'ensemble de la communauté universitaire et de la recherche française.

Entendons-nous bien : il n'y a là rien de personnel envers madame Fioraso, même si elle s'est montrée très souvent maladroite dans sa communication et condescendante envers « ses agents » depuis deux ans. Elle n'est en fait qu'un symbole, de plus, du manque de considération voire du mépris de toute une partie de la classe politique vis-à-vis de l'université ; et aujourd'hui, c'est un symbole de trop.

Alors que le rejet massif de la politique menée dans ce domaine sous le quinquennat précédent avait suscité espoir et adhésion en faveur de la candidature de François Hollande au sein du monde de l'enseignement supérieur et de la recherche, la déception est au rendez-vous. Une déception qui se transforme en colère face à la reconduite de madame Fioraso dans ses fonctions. Près de 8 000 collègues ont signé en quelques jours une pétition pour dire leur exaspération.

Refuser de les entendre, et les provoquer même, alors qu'un tel mouvement n'est ni corporatiste ni entre les mains d'un groupe d'intérêt ou d'un syndicat, c'est refuser de voir la réalité. Celle-là même qui vient pourtant de se rappeler bruyamment au président de la République et à la majorité à l'occasion des élections municipales.

Aucune considération tactique ni aucun calcul politicien ne saurait prévaloir face à l'épuisement de tout un corps social. Oublier ce fait politique, brut, massif, est la meilleure manière non seulement de perdre une mais plusieurs élections.[...]

Par Laurent Bouvet (Professeur des universités)
http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/04/30/universite-la-goutte-d-eau-qui-met-le-feu-aux-poudres_4409627_3232.html

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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
Philomèle
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par Philomèle Jeu 1 Mai - 12:06
En même temps, les universitaires mécontents sont dans une attitude passive-agressive qui ne peut qu'aboutir à l'inertie présente.

Serviteurs de l'État trop loyaux pour ne pas appliquer les consignes, ou trop soucieux de ne pas faire de vagues pour ménager leur carrière, ou inquiets de ne pas abîmer plus encore l'image de l'université et accélérer la fuite des étudiants ayant le choix, sans relais syndical bien enthousiasmant, ça grommelle in peto et ça s'arrête là.

Passifs-agressifs, dis-je, qui ne suscitent pas non plus la sympathie de l'opinion publique.
Condorcet
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par Condorcet Jeu 1 Mai - 12:13
Philomèle, je partage entièrement ton avis et suis heureux qu'une universitaire le dise plutôt qu'un candidat souvent éconduit des concours de l'ESR.
philann
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par philann Jeu 1 Mai - 12:15
Philomèle a écrit:En même temps, les universitaires mécontents sont dans une attitude passive-agressive qui ne peut qu'aboutir à l'inertie présente.

Serviteurs de l'État trop loyaux pour ne pas appliquer les consignes, ou trop soucieux de ne pas faire de vagues pour ménager leur carrière, ou inquiets de ne pas abîmer plus encore l'image de l'université et accélérer la fuite des étudiants ayant le choix, sans relais syndical bien enthousiasmant, ça grommelle in peto et ça s'arrête là.

Passifs-agressifs, dis-je, qui ne suscitent pas non plus la sympathie de l'opinion publique.

Je ne peux hélas...que te donner mille fois raison! Les EC ont creusé eux-mêmes leur propre tombe!! Et cela ne date pas de Fioraso!
Sa nomination, une seconde fois, montre juste que le fruit est aujourd'hui tellement pourri, qu'il n'y a plus qu'à attendre qu'il tombe!
C'est d'une tristesse...

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2011-2013: prof. contractuelle dans l'Essonne
Philomèle
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par Philomèle Jeu 1 Mai - 12:23
Deux nuances cependant :

- les universitaires peinent à s'entendre sur des positions communes, parce que les intérêts de droit, de médecine, des sciences "dures" sont très différents de ceux des Lettres et sciences humaines, par exemple.

- je crois aussi que beaucoup peinent à encaisser l'échec du mouvement de 2009 et cuvent leur déprime en se repliant sur leur intérêt personnel, en faisant comme si de rien n'était. Je ne blâme pas, d'ailleurs, je suis probablement parmi les zélés qui tentent de faire tourner la boutique, en dépit de l'obstruction administrative, de la guerre de tous contre tous pour obtenir un reliquat de finances, etc.
John
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par John Mar 1 Juil - 23:09
Une réflexion de Laurent Bouvet sur le refus hypocrite de la sélection à l'entrée de l'université :

La question de la sélection des étudiants à l'université revient régulièrement dans le débat public. Ainsi, par exemple, les ministres Benoit Hamon et Geneviève Fioraso ont-ils tenu à réaffirmer récemment, dans un communiqué, leur opposition à la sélection des étudiants à l'entrée en master[...] Mme Fioraso expliquait récemment, avec le sens aigu de la nuance qui la caractérise ; que vouloir «régler le problème de l'échec à l'université par la sélection est rétrograde».

On pourrait comprendre et même approuver les propos ministériels s'ils n'étaient pas à la fois éloignés des réalités universitaires actuelles et, qui plus est, totalement hypocrites.

D'abord, la sélection à l'université existe. Hors dispositions spécifiques, comme les bi-licences par exemple, la sélection dans les cursus de licence se fait en cours de scolarité, pendant la première et, dans une moindre mesure, pendant la deuxième année. [...] six étudiants sur dix de première année ne passent pas en deuxième année. La moitié d'entre eux redoublent ou se réorientent, tandis que les autres abandonnent. Et à peine un tiers des étudiants de L1 réussissent à boucler le cursus en trois ans. Ces résultats varient bien évidemment d'une filière à l'autre mais c'est un fait massif. [...]

De deux choses l'une donc: ou bien Madame Fioraso ne connaît pas l'université, ou bien elle ment... Il y a aujourd'hui à l'université française à la fois une forte sélection et un fort échec, et tout cela pour un coût élevé, pour tout le monde.[...]

Un deuxième élément rend plus hypocrite encore le propos ministériel: les universités françaises sont en compétition, en France, pour attirer les étudiants avec des établissements qui eux ont le droit de sélectionner leurs étudiants tant après le bac qu'après la licence [...] Elles sont également de plus en plus en compétition avec leurs homologues étrangères qui sélectionnent elles aussi leurs étudiants à l'entrée de leurs cursus et non pendant ceux-ci.

Bref, l'hypocrisie est générale, chacun s'accommodant d'un système profondément inégalitaire et vicié, au sein duquel on fait concourir dans les mêmes classements internationaux et sous couvert des mêmes indicateurs de performance, des établissements supérieurs dont les moyens, les objectifs et les contraintes ne sont absolument pas les mêmes. Ne pas vouloir reconnaître ce fait, au regard tant de la situation française que des comparaisons internationales, est une aberration coûteuse et mortifère pour le système d'enseignement supérieur français dans son ensemble.[...]

Troisième élément, décisif, aujourd'hui: la situation financière dégradée des universités. La question de la sélection à l'entrée de l'université, en première (L1) comme en quatrième année (M1) est en effet étroitement liée au contexte dans lequel elle se pose. Ce n'est pas une simple question théorique ou de principe, et cela devrait encore moins être une question idéologique. La sélection n'est pas bonne ou mauvaise en soi, elle est adaptée ou non à une situation et à des conditions précises.[...]

Ainsi, dans un système universitaire public correctement financé par l'argent lui aussi public, et articulé à un système d'enseignement secondaire efficace et performant [...] on pourrait donc défendre nous aussi, comme la ministre, l'interdiction de toute sélection à l'entrée de l'université.

Le problème aujourd'hui tient à ce que les universités n'ont plus absolument plus les moyens de se permettre un tel luxe. Elles traversent en effet une grave crise de financement, due en particulier aux conséquences de la loi dite de l'autonomie (la loi «LRU» ou Pécresse de 2007). D'une part parce que le transfert de compétences de gestion (des personnels notamment) du ministère aux établissements a entraîné des coûts nouveaux importants ; de l'autre parce que l'Etat, soumis aux contraintes budgétaires de la réduction des dépenses publiques, n'a pas accompagné financièrement cette «autonomie» et les dotations générales destinées au fonctionnement régulier de l'université [...] sont insuffisantes [...]

L'hypocrisie est donc, on le voit, générale puisque le ministère continue d'imposer sa politique à des établissements pourtant dits «autonomes» à la fois par la baisse des dotations aux universités [...] et par des normes générales rigides (interdiction de la sélection, interdiction de la différenciation locale des droits d'inscription en fonction des ressources des étudiants…).

L'autonomie dont disposent les universités n'est en fait qu'un trompe-l'œil. Elles sont prises en étau entre, d'un côté, un contrôle bureaucratique central et financier du ministère et de ses représentants - encore renforcé avec les regroupements qui s'annoncent - et, de l'autre, des injonctions permanentes à l'ouverture et à la compétition avec d'autres établissements sur lesquels ne pèsent pas du tout les mêmes contraintes.[...]

A cette hypocrisie en forme d'aveuglement des responsables politiques, droite et gauche confondues, depuis des années, s'ajoute, étrangement, celle d'une partie des syndicats et des représentants des étudiants et des personnels, qui continuent de tenir un discours ancré dans une réalité pourtant disparue. Ainsi, continuer de demander davantage de moyens publics alors que les politiques de réduction des dépenses sont défendues et mises en œuvre par l'ensemble des gouvernements est-il tout aussi inefficace qu'illusoire [...]

Si l'on continue ainsi, c'est le système universitaire public lui-même qui est menacé, au profit de logiques privées ou, sous couvert «d'excellence» par exemple, d'établissements publics à statut dérogatoire. C'est pourquoi il est urgent d'ouvrir, sans tabou, le débat sur les moyens dont peuvent aujourd'hui se saisir les universités, dans les conditions actuelles, pour continuer d'assurer leurs missions.[...]

Laurent Bouvet
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/07/01/31003-20140701ARTFIG00234-master-pour-tous-les-solutions-hypocrites-de-fioraso-pour-l-universite.php

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Olympias
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par Olympias Mar 1 Juil - 23:37
Fioraso est toujours là... Suspect 
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