- SérénaNeoprof expérimenté
Bonsoir,
Tout est dans le titre: je viens de compter, il me reste 8h ( ) en 4e (à cause des jours fériés, de l'HDA et des révisions des 3e). Je ne finirai bien entendu jamais le programme en langue.
Durant l'année, je leur ai fait étudier Les Misérables, L'Avare, un recueil de nouvelles réalistes, et le Horla en OI, et j'ai été bien inspirée de commencer l'année avec la poésie lyrique, puis l'épistolaire. J'avais prévu, pour terminer l'année, d'étudier Cyrano, mais ce sera impossible, je vais devoir revoir mes ambitions à la baisse.
Je me creuse la tête pour trouver une œuvre à leur faire étudier en 4h (une nouvelle, de préférence: tant qu'à faire, je préfère qu'ils lisent un texte entier, et faire étudier un texte court, quitte à y passer de temps). Auriez-vous des idées de nouvelles du XIXe siècle qui "fonctionnent" bien auprès d'élèves moyennement motivés? Je prends toutes vos bonnes idées.
Tout est dans le titre: je viens de compter, il me reste 8h ( ) en 4e (à cause des jours fériés, de l'HDA et des révisions des 3e). Je ne finirai bien entendu jamais le programme en langue.
Durant l'année, je leur ai fait étudier Les Misérables, L'Avare, un recueil de nouvelles réalistes, et le Horla en OI, et j'ai été bien inspirée de commencer l'année avec la poésie lyrique, puis l'épistolaire. J'avais prévu, pour terminer l'année, d'étudier Cyrano, mais ce sera impossible, je vais devoir revoir mes ambitions à la baisse.
Je me creuse la tête pour trouver une œuvre à leur faire étudier en 4h (une nouvelle, de préférence: tant qu'à faire, je préfère qu'ils lisent un texte entier, et faire étudier un texte court, quitte à y passer de temps). Auriez-vous des idées de nouvelles du XIXe siècle qui "fonctionnent" bien auprès d'élèves moyennement motivés? Je prends toutes vos bonnes idées.
- dorémyExpert spécialisé
Je vais faire le fantastique mais j'ai pas encore vraiment arrêté mon choix de textes...Maupassant, Gautier,..?
- SérénaNeoprof expérimenté
Le fantastique, j'y ai déjà passé pas mal de temps (Le Horla + Apparition de Maupassant). Donc je ne pense pas. (En revanche j'ai une tonne de sujets de rédaction sur le fantastique, si ça t'intéresse!)
- SérénaNeoprof expérimenté
La Vénus d'Ille m'aurait bien tentée sinon, mais c'est beaucoup trop long pour les 4 ou 5h qui vont rester.
- dorémyExpert spécialisé
Tess. a écrit:Le fantastique, j'y ai déjà passé pas mal de temps (Le Horla + Apparition de Maupassant). Donc je ne pense pas. (En revanche j'ai une tonne de sujets de rédaction sur le fantastique, si ça t'intéresse!)
Bien sûr que ça m'intéresse !
Je t'envoie mon adresse en mp...
- LarssonNiveau 8
Humulus le muet - disponible dans Jardin des Lettres 4ème.
- SérénaNeoprof expérimenté
Mp envoyé!
Si quelqu'un a une idée de nouvelle (ou de très court texte), je suis preneuse!
Si quelqu'un a une idée de nouvelle (ou de très court texte), je suis preneuse!
- SérénaNeoprof expérimenté
Larsson a écrit:Humulus le muet - disponible dans Jardin des Lettres 4ème.
Je vais regarder, je ne connais pas.
- LarssonNiveau 8
Moi je ne connaissais pas aussi, mais je l'ai fait en 1 semaine avec un travail d'écriture, lorsque mes élèves étaient partis en voyage pour moitié.
- alma_materNiveau 5
Tu peux leur proposer "La parure" ou "Boule de suif" de Maupassant.
- SérénaNeoprof expérimenté
Je viens de lire Humulus, c'est pas mal! Puis je peux reprendre l'étude du JDL pour éviter d'y passer mon week-end. Tu avais fait quel travail d'écriture Larsson?
Alma-Mater, je viens de finir La parure avec eux en fait; Boule de Suif, je n'y avais pas pensé... Je vais le relire et y réfléchir!
Merci!
Alma-Mater, je viens de finir La parure avec eux en fait; Boule de Suif, je n'y avais pas pensé... Je vais le relire et y réfléchir!
Merci!
- LarssonNiveau 8
Après la lecture de la scène 1 : Imaginez un dialogue entre Hector et la Duchesse sur ce qui vient d'arriver, une fois qu'ils auront quitté la scène.
Après la lecture de la pièce en entier : Ecrivez une 5ème scène dans laquelle le gouverneur tentera d'expliquer à Hélène qu'Humulus est amoureux d'elle.
Et un petit sujet "ludique" si vraiment il reste du temps : Comme le Gouverneur, essayez, vous aussi, d'écrire une déclaration de 30 mots qu'Humulus dira à Hélène.
Après la lecture de la pièce en entier : Ecrivez une 5ème scène dans laquelle le gouverneur tentera d'expliquer à Hélène qu'Humulus est amoureux d'elle.
Et un petit sujet "ludique" si vraiment il reste du temps : Comme le Gouverneur, essayez, vous aussi, d'écrire une déclaration de 30 mots qu'Humulus dira à Hélène.
- vivi1982Niveau 10
Moi c'est la cata: dans une des classes il me reste Les Misérables (pas le temps et ma collègue a les livres), dans l'autre le théâtre et l'épistolaire. Désespérant n'est-ce pas? Dans une des classes on va finir l'épistolaire, dans l'autre on va juste le survoler.
Je crois que je n'ai jamais aussi peu avancé en littérature que cette année, mais j'ai fait aussi beaucoup plus de langue. Et le niveau de mes classes était ... (non je préfère ne pas le dire!)
Je crois que je n'ai jamais aussi peu avancé en littérature que cette année, mais j'ai fait aussi beaucoup plus de langue. Et le niveau de mes classes était ... (non je préfère ne pas le dire!)
- dorémyExpert spécialisé
Merci !
Tu as aussi "Cocotte" de Maupassant et "Coco", le sadisme humain sur les animaux ça fait mouche à tous les coups !
COCO
Tu as aussi "Cocotte" de Maupassant et "Coco", le sadisme humain sur les animaux ça fait mouche à tous les coups !
COCO
- Coco:
- Dans tout le pays environnant on appelait la ferme des Lucas « la Métairie ». On n’aurait su dire pourquoi. Les paysans, sans doute, attachaient à ce mot « métairie » une idée de richesse et de grandeur, car cette ferme était assurément la plus vaste, la plus opulente et la plus ordonnée de la contrée.
La cour, immense, entourée de cinq rangs d’arbres magnifiques pour abriter contre le vent violent de la plaine les pommiers trapus et délicats, enfermait de longs bâtiments couverts en tuiles pour conserver les fourrages et les grains, de belles étables bâties en silex, des écuries pour trente chevaux, et une maison d’habitation en brique rouge, qui ressemblait à un petit château.
Les fumiers étaient bien tenus ; les chiens de garde habitaient en des niches, un peuple de volailles circulait dans l’herbe haute.
Chaque midi, quinze personnes, maîtres, valets et servantes, prenaient place autour de la longue table de cuisine où fumait la soupe dans un vase de faïence à fleurs bleues.
Les bêtes, chevaux, vaches, porcs et moutons, étaient grasses, soignées et propres ; et maître Lucas, un grand homme qui prenait du ventre, faisait sa ronde trois fois par jour, veillant sur tout et pensant à tout.
On conservait, par charité, dans le fond de l’écurie, un très vieux cheval blanc que la maîtresse voulait nourrir jusqu’à sa mort naturelle, parce qu’elle l’avait élevé, gardé toujours, et qu’il lui rappelait des souvenirs.
Un goujat de quinze ans, nommé Isidore Duval, et appelé plus simplement Zidore, prenait soin de cet invalide, lui donnait, pendant l’hiver, sa mesure d’avoine et son fourrage, et devait aller, quatre fois par jour, en été, le déplacer dans la côte où on l’attachait, afin qu’il eût en abondance de l’herbe fraîche.
L’animal, presque perclus, levait avec peine ses jambes lourdes, grosses des genoux et enflées au-dessus des sabots. Ses poils, qu’on n’étrillait plus jamais, avaient l’air de cheveux blancs, et des cils très longs donnaient à ses yeux un air triste.
Quand Zidore le menait à l’herbe, il lui fallait tirer sur la corde, tant la bête allait lentement ; et le gars, courbé, haletant, jurait contre elle, s’exaspérant d’avoir à soigner cette vieille rosse.
Les gens de la ferme, voyant cette colère du goujat contre Coco, s’en amusaient, parlaient sans cesse du cheval à Zidore, pour exaspérer le gamin. Ses camarades le plaisantaient. On l’appelait dans le village Coco-Zidore.
Le gars rageait, sentant naître en lui le désir de se venger du cheval. C’était un maigre enfant haut sur jambes, très sale, coiffé de cheveux épais, durs et hérissés. Il semblait stupide, parlait en bégayant, avec une peine infinie, comme si les idées n’eussent pu se former dans son âme épaisse de brute.
Depuis longtemps déjà, il s’étonnait qu’on gardât Coco, s’indignant de voir perdre du bien pour cette bête inutile. Du moment qu’elle ne travaillait plus, il lui semblait injuste de la nourrir, il lui semblait révoltant de gaspiller de l’avoine, de l’avoine qui coûtait si cher, pour ce bidet paralysé. Et souvent même, malgré les ordres de maître Lucas, il économisait sur la nourriture du cheval, ne lui versant qu’une demi-mesure, ménageant sa litière et son foin. Et une haine grandissait en son esprit confus d’enfant, une haine de paysan rapace, de paysan sournois, féroce, brutal et lâche.
⁂
Lorsque revint l’été, il lui fallut aller remuer la bête dans sa côte. C’était loin. Le goujat, plus furieux chaque matin, partait de son pas lourd à travers les blés. Les hommes qui travaillaient dans les terres lui criaient, par plaisanterie :
— Hé Zidore, tu f’ras mes compliments à Coco.
Il ne répondait point ; mais il cassait, en passant, une baguette dans une haie et, dès qu’il avait déplacé l’attache du vieux cheval, il le laissait se remettre à brouter ; puis approchant traîtreusement, il lui cinglait les jarrets. L’animal essayait de fuir, de ruer, d’échapper aux coups, et il tournait au bout de sa corde comme s’il eût été enfermé dans une piste. Et le gars le frappait avec rage, courant derrière, acharné, les dents serrées par la colère.
Puis il s’en allait lentement, sans se retourner, tandis que le cheval le regardait partir de son œil de vieux, les côtes saillantes, essoufflé d’avoir trotté. Et il ne rebaissait vers l’herbe sa tête osseuse et blanche qu’après avoir vu disparaître au loin la blouse bleue du jeune paysan.
Comme les nuits étaient chaudes, on laissait maintenant Coco coucher dehors, là-bas, au bord de la ravine, derrière le bois. Zidore seul allait le voir.
L’enfant s’amusait encore à lui jeter des pierres. Il s’asseyait à dix pas de lui, sur un talus, et il restait là une demi-heure, lançant de temps en temps un caillou tranchant au bidet, qui demeurait debout, enchaîné devant son ennemi, et le regardant sans cesse, sans oser paître avant qu’il fût reparti.
Mais toujours cette pensée restait plantée dans l’esprit du goujat : « Pourquoi nourrir ce cheval qui ne faisait plus rien ? » Il lui semblait que cette misérable rosse volait le manger des autres, volait l’avoir des hommes, le bien du bon Dieu, le volait même aussi, lui Zidore, qui travaillait.
Alors, peu à peu, chaque jour, le gars diminua la bande de pâturage qu’il lui donnait en avançant le piquet de bois où était fixée la corde.
La bête jeûnait, maigrissait, dépérissait. Trop faible pour casser son attache, elle tendait la tête vers la grande herbe verte et luisante, si proche, et dont l’odeur lui venait sans qu’elle y pût toucher.
Mais, un matin, Zidore eut une idée : c’était de ne plus remuer Coco. Il en avait assez d’aller si loin pour cette carcasse.
Il vint cependant, pour savourer sa vengeance. La bête inquiète le regardait. Il ne la battit pas ce jour-là. Il tournait autour, les mains dans les poches. Même il fit mine de la changer de place, mais il enfonça le piquet juste dans le même trou, et il s’en alla, enchanté de son invention.
Le cheval, le voyant partir, hennit pour le rappeler ; mais le goujat se mit à courir, le laissant seul, tout seul, dans son vallon, bien attaché, et sans un brin d’herbe à portée de la mâchoire.
Affamé, il essaya d’atteindre la grasse verdure qu’il touchait du bout de ses naseaux. Il se mit sur les genoux, tendant le cou, allongeant ses grandes lèvres baveuses. Ce fut en vain. Tout le jour, elle s’épuisa, la vieille bête, en efforts inutiles, en efforts terribles. La faim la dévorait, rendue plus affreuse par la vue de toute la verte nourriture qui s’étendait sur l’horizon.
Le goujat ne revint point ce jour-là. Il vagabonda par les bois pour chercher des nids.
Il reparut le lendemain. Coco, exténué, s’était couché. Il se leva en apercevant l’enfant, attendant enfin, d’être changé de place.
Mais le petit paysan ne toucha même pas au maillet jeté dans l’herbe. Il s’approcha, regarda l’animal, lui lança dans le nez une motte de terre qui s’écrasa sur le poil blanc, et il repartit en sifflant.
Le cheval resta debout tant qu’il put l’apercevoir encore ; puis sentant bien que ses tentatives pour atteindre l’herbe voisine seraient inutiles, il s’étendit de nouveau sur le flanc et ferma les yeux.
Le lendemain, Zidore ne vint pas.
Quand il approcha, le jour suivant, de Coco toujours étendu, il s’aperçut qu’il était mort.
Alors il demeura debout, le regardant, content de son œuvre, étonné en même temps que ce fût déjà fini. Il le toucha du pied, leva une de ses jambes, puis la laissa retomber, s’assit dessus, et resta là, les yeux dans l’herbe et sans penser à rien.
Il revint à la ferme, mais il ne dit pas l’accident, car il voulait vagabonder encore aux heures où, d’ordinaire, il allait changer de place le cheval.
Il alla le voir le lendemain. Des corbeaux s’envolèrent à son approche. Des mouches innombrables se promenaient sur le cadavre et bourdonnaient à l’entour.
En rentrant il annonça la chose. La bête était si vieille que personne ne s’étonna. Le maître dit à deux valets :
Prenez vos pelles, vous f’rez un trou là ous qu’il est.
Et les hommes enfouirent le cheval juste à la place où il était mort de faim.
Et l’herbe poussa drue, verdoyante, vigoureuse, nourrie par le pauvre corps.
- Mademoiselle Cocotte:
- MADEMOISELLE COCOTTE
Nous allions sortir de l’Asile quand j’aperçus dans un coin de la cour un grand homme maigre qui faisait obstinément le simulacre d’appeler un chien imaginaire. Il criait, d’une voix douce, d’une voix tendre : « Cocotte, ma petite Cocotte, viens ici, Cocotte, viens ici, ma belle », en tapant sur sa cuisse comme on fait pour attirer les bêtes. Je demandai au médecin : — Qu’est-ce que celui-là ? Il me répondit : — Oh ! celui-là n’est pas intéressant. C’est un cocher, nommé François, devenu fou après avoir noyé son chien.
J’insistai : — Dites-moi donc son histoire. Les choses les plus simples, les plus humbles, sont parfois celles qui nous mordent le plus au cœur.
Et voici l’aventure de cet homme qu’on avait sue tout entière par un palefrenier, son camarade.
Dans la banlieue de Paris vivait une famille de bourgeois riches. Ils habitaient une élégante villa au milieu d’un parc, au bord de la Seine. Le cocher était ce François, gars de campagne, un peu lourdaud, bon cœur, niais, facile à duper.
Comme il rentrait un soir chez ses maîtres, un chien se mit à le suivre. Il n’y prit point garde d’abord ; mais l’obstination de la bête à marcher sur ses talons le fit bientôt se retourner. Il regarda s’il connaissait ce chien. — Non, il ne l’avait jamais vu.
C’était une chienne d’une maigreur affreuse, avec de grandes mamelles pendantes. Elle trottinait derrière l’homme d’un air lamentable et affamé, la queue entre les pattes, les oreilles collées contre la tête, et s’arrêtait quand il s’arrêtait, repartant quand il repartait.
Il voulait chasser ce squelette de bête et cria : « Va-t’en. Veux-tu bien te sauver. — Hou ! hou ! » Elle s’éloigna de quelques pas et se planta sur son derrière, attendant ; puis, dès que le cocher se remit en marche, elle repartit derrière lui.
Il fit semblant de ramasser des pierres. L’animal s’enfuit un peu plus loin avec un grand ballottement de ses mamelles flasques ; mais il revint aussitôt que l’homme eut tourné le dos.
Alors le cocher François, pris de pitié, l’appela. La chienne s’approcha timidement, l’échine pliée en cercle, et toutes les côtes soulevant la peau. L’homme caressa ces os saillants, et, tout ému par cette misère de bête : « Allons, viens » dit-il. Aussitôt elle remua la queue, se sentant accueillie, adoptée, et, au lieu de rester dans les mollets de son nouveau maître, elle se mit à courir devant lui.
Il l’installa sur la paille dans son écurie ; puis il courut à la cuisine chercher du pain. Quand elle eut mangé tout son soûl, elle s’endormit, couchée en rond.
Le lendemain, les maîtres, avertis par leur cocher, permirent qu’il gardât l’animal. C’était une bonne bête, caressante et fidèle, intelligente et douce.
Mais, bientôt, on lui reconnut un défaut terrible. Elle était enflammée d’amour d’un bout à l’autre de l’année. Elle eut fait, en quelque temps, la connaissance de tous les chiens de la contrée qui se mirent à rôder autour d’elle jour et nuit. Elle leur partageait ses faveurs avec une indifférence de fille, semblait au mieux avec tous, traînait derrière elle une vraie meute composée des modèles les plus différents de la race aboyante, les uns gros comme le poing, les autres grands comme des ânes. Elle les promenait par les routes en des courses interminables, et quand elle s’arrêtait pour se reposer sur l’herbe ils faisaient cercle autour d’elle, et la contemplaient la langue tirée.
Les gens du pays la considéraient comme un phénomène ; jamais on n’avait vu pareille chose. Le vétérinaire n’y comprenait rien.
Quand elle était rentrée, le soir, en son écurie, la foule des chiens faisait le siège de la propriété. Ils se faufilaient par toutes les issues de la haie vive qui clôturait le parc, dévastaient les plates-bandes, arrachaient les fleurs, creusaient des trous dans les corbeilles, exaspérant le jardinier. Et ils hurlaient des nuits entières autour du bâtiment où logeait leur amie, sans que rien les décidât à s’en aller.
Dans le jour, ils pénétraient jusque dans la maison. C’était une invasion, une plaie, un désastre. Les maîtres rencontraient à tout moment dans l’escalier et jusque dans les chambres des petits roquets jaunes à queue empanachée, des chiens de chasse, des bouledogues, des loups-loups rôdeurs à poil sale, vagabonds sans feu ni lieu, des terre-neuve énormes qui faisaient fuir les enfants.
On vit alors dans le pays des chiens inconnus à dix lieues à la ronde, venus on ne sait d’où, vivant on ne sait comment, et qui disparaissaient ensuite.
Cependant François adorait Cocotte. Il l’avait nommée Cocotte, sans malice, bien qu’elle méritât son nom ; et il répétait sans cesse : « Cette bête-là, c’est une personne. Il ne lui manque que la parole. »
Il lui avait fait confectionner un collier magnifique en cuir rouge qui portait ces mots gravés sur une plaque de cuivre : « Mademoiselle Cocotte, au cocher François. »
Elle était devenue énorme. Autant elle avait été maigre, autant elle était obèse, avec un ventre gonflé sous lequel pendillaient toujours ses longues mamelles ballottantes. Elle avait engraissé tout d’un coup et elle marchait maintenant avec peine, les pattes écartées à la façon des gens trop gros, la gueule ouverte pour souffler, exténuée aussitôt qu’elle avait essayé de courir.
Elle se montrait d’ailleurs d’une fécondité phénoménale, toujours pleine presque aussitôt que délivrée, donnant le jour quatre fois l’an à un chapelet de petits animaux appartenant à toutes les variétés de la race canine. François, après avoir choisi celui qu’il lui laissait pour « passer son lait », ramassait les autres dans son tablier d’écurie et allait, sans apitoiement, les jeter à la rivière.
Mais bientôt la cuisinière joignit ses plaintes à celles du jardinier. Elle trouvait des chiens jusque sous son fourneau, dans le buffet, dans la soupente au charbon, et ils volaient tout ce qu’ils rencontraient.
Le maître, impatienté, ordonna à François de se débarrasser de Cocotte. L’homme désolé chercha à la placer. Personne n’en voulut. Alors il se résolut à la perdre, et il la confia à un voiturier qui devait l’abandonner dans la campagne de l’autre côté de Paris, auprès de Joinville-le-Pont.
Le soir même, Cocotte était revenue.
Il fallait prendre un grand parti. On la livra, moyennant cinq francs, à un chef de train allant au Havre. Il devait la lâcher à l’arrivée.
Au bout de trois jours, elle rentrait dans son écurie, harassée, efflanquée, écorchée, n’en pouvant plus.
Le maître, apitoyé, n’insista pas.
Mais les chiens revinrent bientôt plus nombreux et plus acharnés que jamais. Et comme on donnait, un soir, un grand dîner, une poularde truffée fut emportée par un dogue, au nez de la cuisinière qui n’osa pas la lui disputer.
Le maître, cette fois, se fâcha tout à fait, et, ayant appelé François, il lui dit avec colère : « Si vous ne me flanquez pas cette bête à l’eau avant demain matin, je vous fiche à la porte, entendez-vous ? »
L’homme fut atterré, et il remonta dans sa chambre pour faire sa malle, préférant quitter sa place. Puis il réfléchit qu’il ne pourrait entrer nulle part tant qu’il traînerait derrière lui cette bête incommode ; il songea qu’il était dans une bonne maison, bien payé, bien nourri ; il se dit que vraiment un chien ne valait pas ça ; il s’excita au nom de ses propres intérêts ; et il finit par prendre résolûment le parti de se débarrasser de Cocotte au point du jour.
Il dormit mal, cependant. Dès l’aube, il fut debout et, s’emparant d’une forte corde, il alla chercher la chienne. Elle se leva lentement, se secoua, étira ses membres et vint fêter son maître.
Alors le courage lui manqua, et il se mit à l’embrasser avec tendresse, flattant ses longues oreilles, la baisant sur le museau, lui prodiguant tous les noms tendres qu’il savait.
Mais une horloge voisine sonna six heures. Il ne fallait plus hésiter. Il ouvrit la porte : « Viens », dit-il. La bête remua la queue, comprenant qu’on allait sortir.
Ils gagnèrent la berge, et il choisit une place où l’eau semblait profonde. Alors il noua un bout de la corde au beau collier de cuir, et ramassant une grosse pierre, il l’attacha à l’autre bout. Puis il saisit Cocotte dans ses bras et la baisa furieusement comme une personne qu’on va quitter. Il la tenait serrée sur sa poitrine, la berçait, l’appelait « ma belle Cocotte, ma petite Cocotte », et elle se laissait faire en grognant de plaisir.
Dix fois il la voulut jeter, et toujours le cœur lui manquait.
Mais brusquement il se décida, et de toute sa force il la lança le plus loin possible. Elle essaya d’abord de nager, comme elle faisait lorsqu’on la baignait, mais sa tête, entraînée par la pierre, plongeait coup sur coup ; et elle jetait à son maître des regards éperdus, des regards humains, en se débattant comme une personne qui se noie. Puis tout l’avant du corps s’enfonça, tandis que les pattes de derrière s’agitaient follement hors de l’eau ; puis elles disparurent aussi.
Alors, pendant cinq minutes, des bulles d’air vinrent crever à la surface comme si le fleuve se fût mis à bouillonner ; et François, hagard, affolé, le cœur palpitant, croyait voir Cocotte se tordant dans la vase ; et il se disait, dans sa simplicité de paysan : « Qu’est-ce qu’elle pense de moi, à c’t’heure, c’te bête ? »
Il faillit devenir idiot ; il fut malade pendant un mois ; et, chaque nuit, il rêvait de sa chienne ; il la sentait qui léchait ses mains ; il l’entendait aboyer. Il fallut appeler un médecin. Enfin il alla mieux ; et ses maîtres, vers la fin de juin, l’emmenèrent dans leur propriété de Biessard, près de Rouen.
Là encore il était au bord de la Seine. Il se mit à prendre des bains. Il descendait chaque matin avec le palefrenier, et ils traversaient le fleuve à la nage.
Or, un jour, comme ils s’amusaient à batifoler dans l’eau, François cria soudain à son camarade :
— Regarde celle-là qui s’amène. Je vas t’en faire goûter une côtelette.
C’était une charogne énorme, gonflée, pelée, qui s’en venait, les pattes en l’air en suivant le courant.
François s’en approcha en faisant des brasses ; et, continuant ses plaisanteries :
— Cristi ! elle n’est pas fraîche. Quelle prise ! mon vieux. Elle n’est pas maigre non plus.
Et il tournait autour, se maintenant à distance de l’énorme bête en putréfaction.
Puis, soudain, il se tut et il la regarda avec une attention singulière ; puis il s’approcha encore comme pour la toucher, cette fois. Il examinait fixement le collier ; puis il avança le bras, saisit le cou, fit pivoter la charogne, l’attira tout près de lui, et lut sur le cuivre verdi qui restait adhérent au cuir décoloré : « Mademoiselle Cocotte, au cocher François. »
La chienne morte avait retrouvé son maître à soixante lieues de leur maison !
Il poussa un cri épouvantable et il se mit à nager de toute sa force vers la berge, en continuant à hurler ; et, dès qu’il eut atteint la terre, il se sauva éperdument, tout nu, par la campagne. Il était fou !
- dorémyExpert spécialisé
Mais tu ne veux peut-être pas rebosser Guy Guy, comme ils auront déjà vu le Horla....
- ProvenceEnchanteur
Et pourquoi ne te concentrerais-tu pas sur le programme de grammaire durant ces huit heures?
- SérénaNeoprof expérimenté
Provence a écrit:Et pourquoi ne te concentrerais-tu pas sur le programme de grammaire durant ces huit heures?
Je vais en effet faire surtout de la grammaire et de l'orthographe.
Mais comme c'est une classe un peu pénible, que je n'ai que par bloc de 2h et en fin de journée, il me faudrait aussi faire un peu de lecture (au moins 2h). Lire les calme énormément en général, et je pense aussi à me préserver pour la fin de l'année...
- SérénaNeoprof expérimenté
dorémy a écrit:Mais tu ne veux peut-être pas rebosser Guy Guy, comme ils auront déjà vu le Horla....
C'est vrai, je pensais plus à Zola. Mais je n'ai rien trouvé d'assez court. Je vais suivre l'idée de Larsson, je pense.
- SérénaNeoprof expérimenté
Larsson a écrit:Après la lecture de la scène 1 : Imaginez un dialogue entre Hector et la Duchesse sur ce qui vient d'arriver, une fois qu'ils auront quitté la scène.
Après la lecture de la pièce en entier : Ecrivez une 5ème scène dans laquelle le gouverneur tentera d'expliquer à Hélène qu'Humulus est amoureux d'elle.
Et un petit sujet "ludique" si vraiment il reste du temps : Comme le Gouverneur, essayez, vous aussi, d'écrire une déclaration de 30 mots qu'Humulus dira à Hélène.
Merci!
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