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- NestyaEsprit sacré
C'est bien vrai!Leclochard a écrit:L'énergie démentielle dépensée pour rien... C'est bien ce dont je parle mais en donnant une cause (bordélisation). l'impression de ne servir à rien correspondent à mon idée "ne pas trouver satisfaction". L'hostilité ou la résignation des familles participent à ce sentiment de découragement. Tout ça, ce n'est pas l'argent qui peut le compenser complètement.Nestya a écrit:Même pas! En 5 ans, je me suis fait injurier 2 fois. Je n'ai jamais craint de réprésailles ni d'agressions physiques même s'il y a 2-3 élèves dont je me méfiais. Je tenais plutôt bien mes classes. Bref, j'avais plutôt bonne réputation auprès de ma direction.Leclochard a écrit:
Tu sais, si on se fait injurier régulièrement, qu'on se fait bordéliser 15 sur 18 heures, qu'on ne peut punir sans craindre des représailles, je crois que personne ne tient même en doublant le traitement car c'est simplement une question de survie psychologique. La prime, ça ne vaut le coup que si on est encore capable d'enseigner et de trouver des satisfactions dans son job, malgré les difficultés.
D'un point de vue extérieur, mes années ZEP n'avaient rien du cauchemar qu'on peut s'imaginer. Parmi les raisons qui font que j'ai voulu partir, la violence n'est pas la principale loin de là. Ce serait plutôt:
-une énergie démentielle dépensée pour un résultat quasi-nul
-une misère difficilement imaginable et une résignation terrifiante des familles
-aucune reconnaissance des familles
-un mépris voire une haine de ces familles envers l'école
-des tas et des tas de réunions (pas toujours payées) avec tous les acteurs sociaux possibles
-la multiplication de dispositifs horriblement chronophages pour remédier aux difficultés des élèves.
-l'impression de ne servir à rien (que faire quand les 3/4 des élèves arrivent en 6ème sans savoir lire ni écrire?)
- e-WandererGrand sage
Pour ma part, j'ai eu la chance d'obtenir un poste en fac tout de suite après mon monitorat. Mais il est évident que j'aurais démissionné et fait complètement autre chose si on m'avait envoyé en ZEP. J'aurais peut-être fait un an, pour voir, mais certainement pas plus. J'admire les collègues qui enseignent dans ces conditions, tiennent le coup dans les classes pénibles et acceptent de faire de la bouillie au lieu de faire vraiment de la littérature. Un de mes amis montait sa boîte dans l'organisation de concerts classiques, je pense que je l'aurais rejoint sans le moindre regret !
Hier, j'étais dans le train, et un petit crétin de quinze ans a commencé le trajet en téléphonant, en parlant à tue-tête et en racontant qu'il devait aller pointer le lendemain au commissariat. Encore un qui avait un bel arriéré de paires de claques... Un voyageur est allé gentiment lui demander d'aller sur la plate-forme, et le gamin a été hyper agressif : "Je sais pas t'es qui, ***, tu veux jouer ?". Je suis allé lui prêter main forte (après 20 ans de rugby, ce n'est pas une crevette de 50 kg qui va m'impressionner), et un autre voyageur aussi. Mais il a fallu qu'on s'y mette à trois pour le raisonner (enfin, simplement pour le réduire au silence), en lui montrant qu'on n'avait pas peur d'en venir aux mains, c'était le seul langage qu'il comprenait. C'est effarant. Le gamin a quinze ans, et on sait déjà comment ça va finir pour lui, que sa vie est foutue : rien dans la tête, un langage de racaille caricatural, une violence omniprésente, déjà des ennuis avec la justice... J'ai tout de suite eu une pensée pour ses professeurs, ce sont des héros. Je n'accepterais pas de faire leur métier pour 10000 euros. Vivre en permanence dans un climat de tension, voir massacrer les choses que j'aime, non...
Je crois que si Peillon veut utiliser utilement les quelques sous à sa disposition, le plus intelligent serait de recruter une armée de super-Nannies.
Hier, j'étais dans le train, et un petit crétin de quinze ans a commencé le trajet en téléphonant, en parlant à tue-tête et en racontant qu'il devait aller pointer le lendemain au commissariat. Encore un qui avait un bel arriéré de paires de claques... Un voyageur est allé gentiment lui demander d'aller sur la plate-forme, et le gamin a été hyper agressif : "Je sais pas t'es qui, ***, tu veux jouer ?". Je suis allé lui prêter main forte (après 20 ans de rugby, ce n'est pas une crevette de 50 kg qui va m'impressionner), et un autre voyageur aussi. Mais il a fallu qu'on s'y mette à trois pour le raisonner (enfin, simplement pour le réduire au silence), en lui montrant qu'on n'avait pas peur d'en venir aux mains, c'était le seul langage qu'il comprenait. C'est effarant. Le gamin a quinze ans, et on sait déjà comment ça va finir pour lui, que sa vie est foutue : rien dans la tête, un langage de racaille caricatural, une violence omniprésente, déjà des ennuis avec la justice... J'ai tout de suite eu une pensée pour ses professeurs, ce sont des héros. Je n'accepterais pas de faire leur métier pour 10000 euros. Vivre en permanence dans un climat de tension, voir massacrer les choses que j'aime, non...
Je crois que si Peillon veut utiliser utilement les quelques sous à sa disposition, le plus intelligent serait de recruter une armée de super-Nannies.
- MarieLNeoprof expérimenté
e-Wanderer a écrit:Pour ma part, j'ai eu la chance d'obtenir un poste en fac tout de suite après mon monitorat. Mais il est évident que j'aurais démissionné et fait complètement autre chose si on m'avait envoyé en ZEP. J'aurais peut-être fait un an, pour voir, mais certainement pas plus. J'admire les collègues qui enseignent dans ces conditions, tiennent le coup dans les classes pénibles et acceptent de faire de la bouillie au lieu de faire vraiment de la littérature. Un de mes amis montait sa boîte dans l'organisation de concerts classiques, je pense que je l'aurais rejoint sans le moindre regret !
Hier, j'étais dans le train, et un petit crétin de quinze ans a commencé le trajet en téléphonant, en parlant à tue-tête et en racontant qu'il devait aller pointer le lendemain au commissariat. Encore un qui avait un bel arriéré de paires de claques... Un voyageur est allé gentiment lui demander d'aller sur la plate-forme, et le gamin a été hyper agressif : "Je sais pas t'es qui, ***, tu veux jouer ?". Je suis allé lui prêter main forte (après 20 ans de rugby, ce n'est pas une crevette de 50 kg qui va m'impressionner), et un autre voyageur aussi. Mais il a fallu qu'on s'y mette à trois pour le raisonner (enfin, simplement pour le réduire au silence), en lui montrant qu'on n'avait pas peur d'en venir aux mains, c'était le seul langage qu'il comprenait. C'est effarant. Le gamin a quinze ans, et on sait déjà comment ça va finir pour lui, que sa vie est foutue : rien dans la tête, un langage de racaille caricatural, une violence omniprésente, déjà des ennuis avec la justice... J'ai tout de suite eu une pensée pour ses professeurs, ce sont des héros. Je n'accepterais pas de faire leur métier pour 10000 euros. Vivre en permanence dans un climat de tension, voir massacrer les choses que j'aime, non...
Je crois que si Peillon veut utiliser utilement les quelques sous à sa disposition, le plus intelligent serait de recruter une armée de super-Nannies.
J'avais oublié cet aspect des choses... Pendant des années, j'ai évité d'étudier mes auteurs favoris, un comble quand j'y pense !
Mais je garde l'espoir pour les "gamins de quinze ans", même quand ils se comportent en "petit crétin de quinze ans", même quand ils ont eu affaire à la justice et s'en vantent. Sinon, effectivement ce serait impossible de tenir.
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Je suis ce que je suis et je suis l'être même, je suis ma volonté en moi-même exaucée - A. Kalda
- Marie LaetitiaBon génie
e-Wanderer a écrit:Pour ma part, j'ai eu la chance d'obtenir un poste en fac tout de suite après mon monitorat. Mais il est évident que j'aurais démissionné et fait complètement autre chose si on m'avait envoyé en ZEP. J'aurais peut-être fait un an, pour voir, mais certainement pas plus. J'admire les collègues qui enseignent dans ces conditions, tiennent le coup dans les classes pénibles et acceptent de faire de la bouillie au lieu de faire vraiment de la littérature. Un de mes amis montait sa boîte dans l'organisation de concerts classiques, je pense que je l'aurais rejoint sans le moindre regret !
Hier, j'étais dans le train, et un petit crétin de quinze ans a commencé le trajet en téléphonant, en parlant à tue-tête et en racontant qu'il devait aller pointer le lendemain au commissariat. Encore un qui avait un bel arriéré de paires de claques... Un voyageur est allé gentiment lui demander d'aller sur la plate-forme, et le gamin a été hyper agressif : "Je sais pas t'es qui, ***, tu veux jouer ?". Je suis allé lui prêter main forte (après 20 ans de rugby, ce n'est pas une crevette de 50 kg qui va m'impressionner), et un autre voyageur aussi. Mais il a fallu qu'on s'y mette à trois pour le raisonner (enfin, simplement pour le réduire au silence), en lui montrant qu'on n'avait pas peur d'en venir aux mains, c'était le seul langage qu'il comprenait. C'est effarant. Le gamin a quinze ans, et on sait déjà comment ça va finir pour lui, que sa vie est foutue : rien dans la tête, un langage de racaille caricatural, une violence omniprésente, déjà des ennuis avec la justice... J'ai tout de suite eu une pensée pour ses professeurs, ce sont des héros. Je n'accepterais pas de faire leur métier pour 10000 euros. Vivre en permanence dans un climat de tension, voir massacrer les choses que j'aime, non...
Je crois que si Peillon veut utiliser utilement les quelques sous à sa disposition, le plus intelligent serait de recruter une armée de super-Nannies.
Hé oui... Heureusement parfois, on a des joies comme celle-ci https://www.neoprofs.org/t70176p400-les-joies-du-jour#2357232 ou celle-là https://www.neoprofs.org/t70567p180-pour-papoter-en-histoire-geographie-tous-ensemble#2357403 (je ne cacherai pas que ma préférée est la première). L'ennui c'est que l'on fait ce boulot non pour 10 000 mais pour moins de 2000! Il y a arnaque... Et parfois je regrette mes étudiants... Mais ça fait du bien de lire de telles gentillesses...
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- philannDoyen
Nestya a écrit:
Même pas! En 5 ans, je me suis fait injurier 2 fois. Je n'ai jamais craint de réprésailles ni d'agressions physiques même s'il y a 2-3 élèves dont je me méfiais. Je tenais plutôt bien mes classes. Bref, j'avais plutôt bonne réputation auprès de ma direction.
D'un point de vue extérieur, mes années ZEP n'avaient rien du cauchemar qu'on peut s'imaginer. Parmi les raisons qui font que j'ai voulu partir, la violence n'est pas la principale loin de là. Ce serait plutôt:
-une énergie démentielle dépensée pour un résultat quasi-nul
-une misère difficilement imaginable et une résignation terrifiante des familles
-aucune reconnaissance des familles
-un mépris voire une haine de ces familles envers l'école
-des tas et des tas de réunions (pas toujours payées) avec tous les acteurs sociaux possibles
-la multiplication de dispositifs horriblement chronophages pour remédier aux difficultés des élèves.
-l'impression de ne servir à rien (que faire quand les 3/4 des élèves arrivent en 6ème sans savoir lire ni écrire?)
je signe pour tout, sauf ce que j'ai surligné!
Dans mes deux collèges pourris de l'an dernier...on voyait très peu les parents mais ceux que l'on voyait disaient "merci"!!! étaient reconnaissants !
Aujourd'hui, je suis dans un collège bourg' où les parents d'élèves se comportent en clients et me confondent avec le précepteur de leur enfant! :censure:
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2014-2015: poste fixe dans les Hauts de Seine
2013-2014: certifiée stagiaire dans les Hauts de Seine
2011-2013: prof. contractuelle dans l'Essonne
- retraitéeDoyen
http://lemonde-educ.blog.lemonde.fr/2014/01/21/a-villeneuve-la-garenne-les-colleges-en-colere-contre-une-mauvaise-repartition-des-moyens-en-faveur-de-leducation-prioritaire/
- retraitéeDoyen
"Elèves de Guy Môquet, On tient à votre scolarité ! Nous allons perdre 84 heures de cours par semaine à la rentrée de septembre 2014. Pourtant le nombre d'élèves prévus augmente ! Luttons contre la baisse des moyens !". Signé: les enseignants mobilisés du collège Guy Môquet de Gennevilliers, dans les Hauts de Seine.
C'est le branle bas de combat dans les collèges du département, ainsi qu'au lycée Galilée de Gennevilliers. Ces derniers jours, les équipes ont découvert leurs dotations horaires globales (les DHG) pour la rentrée 2014, c'est-à-dire le nombre total d'heures d'enseignement dont chaque établissement disposera. Or, elles sont en baisse un peu partout, notamment dans les établissements Zep, les plus fragiles.
C'est la colère et surtout l'incompréhension. Le 16 janvier, le ministre de l'Education Vincent Peillon a annoncé à grand fracas un vaste plan pour relancer l'éducation prioritaire, chiffré entre 300 et 400 millions d'euros. Or, sur le terrain, c'est le contraire qui se passe...
Du coup, plusieurs collèges se sont mis en grève. Et ce jeudi 23, une manifestation a eu lieu devant le siège de l'inspection académique à Nanterre.
http://classes.blogs.liberation.fr/soule/2014/01/l-educatin-prioritaire-se-rebiffe-dans-le-92.html
C'est le branle bas de combat dans les collèges du département, ainsi qu'au lycée Galilée de Gennevilliers. Ces derniers jours, les équipes ont découvert leurs dotations horaires globales (les DHG) pour la rentrée 2014, c'est-à-dire le nombre total d'heures d'enseignement dont chaque établissement disposera. Or, elles sont en baisse un peu partout, notamment dans les établissements Zep, les plus fragiles.
C'est la colère et surtout l'incompréhension. Le 16 janvier, le ministre de l'Education Vincent Peillon a annoncé à grand fracas un vaste plan pour relancer l'éducation prioritaire, chiffré entre 300 et 400 millions d'euros. Or, sur le terrain, c'est le contraire qui se passe...
Du coup, plusieurs collèges se sont mis en grève. Et ce jeudi 23, une manifestation a eu lieu devant le siège de l'inspection académique à Nanterre.
http://classes.blogs.liberation.fr/soule/2014/01/l-educatin-prioritaire-se-rebiffe-dans-le-92.html
- Milady de WinterNiveau 5
Pendant que je suis dans le coin :
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-paul-brighelli/brighelli-zep-la-reforme-a-minima-de-peillon-21-01-2014-1782596_1886.php
"Le 15 janvier dernier, Vincent Peillon a présenté au conseil des ministres son projet pour les Zep, ces zones d'éducation prioritaire dont les statistiques, d'année en année, nous disent qu'elles sont des zones de relégation - relégation des enseignants, envoyés à leurs débuts dans ces établissements difficiles (et c'est souvent un euphémisme) et qui, souvent, n'ont pour seul souci en tête que d'en sortir au plus vite ; relégation des élèves (20 % du total des petits Français scolarisés), qui peinent de plus en plus à assimiler les connaissances de base, sans parler de rattraper leurs petits camarades scolarisés dans des quartiers moins sensibles.
Que propose le ministre ? Un doublement de la prime (aujourd'hui, 96 euros mensuels) destinée à compenser l'épuisement physique et nerveux induit par un milieu scolaire à faible teneur d'octane, si l'on peut dire - ce qui entraîne, précisons-le à l'intention des lecteurs qui ne sont ni chimistes, ni conducteurs, ni profs, une tendance malheureuse à la détonation incontrôlée. Et deux heures de "décharge" de cours - deux heures destinées explicitement à ce fameux "travail d'équipe" qui est la recette miracle de la pédagogie moderne - comme si les enseignants ne passaient pas leur temps à communiquer, à confronter leurs résultats, à se demander comment marche le petit Kevin Dugenou, le caïd de la cinquième B, à s'épauler ou à s'engueuler, parfois, ce qui revient un peu au même : on se parle beaucoup plus en Zep que dans les lycées "classiques" de centre-ville, on se serre les coudes face au présent et clair danger.
Aumône méprisante
Propositions a minima, c'est le moins que l'on puisse dire. Rien sur le nombre d'élèves par classe (répétons-le jusqu'à extinction de clavier : au-delà de 15 élèves difficiles, on ne fait plus classe sereinement). Rien sur l'évolution de carrière (la Zep, et après ? Rester cinq ans dans un tel climat devrait valoir dix ans d'ancienneté, comme autrefois la coopération, tant on se fait de cheveux blancs dans ces ambiances inflammables) ; le système aberrant des mutations mis en place par Claude Allègre est à revoir complètement, et le volontariat en Zep devrait être la garantie d'une mutation à terme dans une zone souhaitée par l'enseignant. Rien non plus sur les causes du retard pris par les élèves à leur entrée en sixième - ne peut-on vraiment pas imposer à l'école primaire les méthodes qui marchent ? Et qui marchent particulièrement avec les élèves les plus défavorisés culturellement ? En fait de promotion, le ministre promet que "quant au déroulement de carrière, le fait d'avoir exercé en éducation prioritaire constituera un critère d'éligibilité au grade à accès fonctionnel en cours de définition". Traduction en cours...
Quel prof marchera pour 96 euros de plus par mois et deux heures de parlote ? Pas un. Cette prime, qui comme toutes les autres, n'est pas du salaire et ne sera donc pas prise en compte pour la retraite, est une aumône méprisante pour des enseignants qui s'investissent à fond dans le rattrapage des enfants perdus de Zep. J'ai été l'un d'entre eux, dix ans durant, à Corbeil-Essonnes, quartier des Tarterêts. Il y avait là - et c'est le cas dans la plupart de ces établissements difficiles - un noyau dur de 40 % d'enseignants qui restaient fermes au poste, avec une mentalité de missionnaires, et 60 % de nouveaux nommés qui ne pensaient qu'à s'éloigner de cette zone de tous les dangers et de toutes les déceptions : ce que les enseignants de Zep remarquent le plus souvent, c'est l'énergie démentielle dépensée pour un résultat quasi nul, le plus souvent, et la difficulté à faire cours quand une majorité d'élèves arrivent en sixième sans réellement maîtriser lecture et écriture. Je n'y ai pas été inspecté durant toute cette période, les IPR-IG (inspecteur pédagogique régional, NDLR) ayant d'autres chats à fouetter que de se rendre dans un quartier où toute voiture étrangère était soigneusement vandalisée - et où la police intervenait d'ailleurs rarement, laissant la délinquance contrôler la délinquance.
Misère intellectuelle
Le Nouvel Obs, qui brille d'idées originales, proposait récemment de nommer là les profs les plus expérimentés. Mais à moins de les y obliger, quelle vraisemblance que de vieux routiers déjà passés par ces classes consentent à s'y rendre à nouveau sans une incitation sérieuse ? Le ministre croit-il qu'on attrape les mouches avec du vinaigre ? "Comme à Shanghaï", dit benoîtement l'hebdo. Et de rappeler les résultats Pisa des zones asiatiques : L'Obs, qui préconise sans cesse les pédagogies les plus douces afin de rendre les écoliers heureux, souhaiterait-il soudain que l'on traite les petits Français comme sont traités leurs homologues chinois ? À chaque pays ses solutions et son génie propre.
Dernière proposition du ministre, la construction (quand ? avec quels crédits ?) d'internats dans les "quartiers" : ma foi, il a démantelé les "internats d'excellence" inventés par le gouvernement précédent (une vitrine qui sauvait quelques poignées d'élèves, mais c'était déjà ça), et, s'il est louable d'inciter ces enfants déshérités (au sens bourdieusien du terme) à s'éloigner un temps de leurs familles et de leurs quartiers, j'ai trop vu de trop près combien nombre d'entre eux étaient des soutiens de famille sans cesse sollicités par des mères débordées (et souvent célibataires) pour ne pas savoir que ce sera bien difficile de généraliser une telle mesure. La misère intellectuelle commence avec la misère tout court.
Amour du travail bien fait
Alors, oui, les Zep (qui ne sont pas forcément à la porte des grandes villes : il y a des Zep rurales, ou semi-rurales, qui ne sont pas des cadeaux) ont un besoin urgent de réformes. Oui, les enseignants qui y travaillent, dos au mur, doivent y trouver leur compte et être payés en fonction de leur investissement et de leur épuisement. Oui, les postes en Zep devraient être, comme les prépas, des "postes à profil", affectés sur la base d'un volontariat adroitement sollicité. Oui, les élèves de Zep ont droit au même enseignement et à la même culture (la même, pas je ne sais quelle culture alternative) que les autres petits Français - encore faudrait-il cesser de s'illusionner sur les pédagogies alternatives, le tout-informatique (la dernière tarte à la crème de l'Éducation nationale) ou les réunions chronophages avec les "acteurs sociaux" du coin - et doivent impérativement être redistribués dans des classes à petits effectifs.
Oui, sans doute le meilleur moyen d'amender certaines Zep serait-il de les détruire et de les reconstruire ailleurs - un ailleurs aussi loin que possible des quartiers difficiles. Oui, nous sommes nombreux à savoir tout cela. Mais nous ne sommes pas dans les petits papiers de la Rue de Grenelle. Tant pis pour ces centaines de milliers d'enfants et d'adolescents laissés en jachère, malgré tous les soins d'une poignée d'enseignants qui continuent à se battre pour leurs élèves - et pas même pour la gloire : rien que par amour du travail bien fait, quand bien même on ne peut pas décemment le faire dans ces conditions-là."
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-paul-brighelli/brighelli-zep-la-reforme-a-minima-de-peillon-21-01-2014-1782596_1886.php
"Le 15 janvier dernier, Vincent Peillon a présenté au conseil des ministres son projet pour les Zep, ces zones d'éducation prioritaire dont les statistiques, d'année en année, nous disent qu'elles sont des zones de relégation - relégation des enseignants, envoyés à leurs débuts dans ces établissements difficiles (et c'est souvent un euphémisme) et qui, souvent, n'ont pour seul souci en tête que d'en sortir au plus vite ; relégation des élèves (20 % du total des petits Français scolarisés), qui peinent de plus en plus à assimiler les connaissances de base, sans parler de rattraper leurs petits camarades scolarisés dans des quartiers moins sensibles.
Que propose le ministre ? Un doublement de la prime (aujourd'hui, 96 euros mensuels) destinée à compenser l'épuisement physique et nerveux induit par un milieu scolaire à faible teneur d'octane, si l'on peut dire - ce qui entraîne, précisons-le à l'intention des lecteurs qui ne sont ni chimistes, ni conducteurs, ni profs, une tendance malheureuse à la détonation incontrôlée. Et deux heures de "décharge" de cours - deux heures destinées explicitement à ce fameux "travail d'équipe" qui est la recette miracle de la pédagogie moderne - comme si les enseignants ne passaient pas leur temps à communiquer, à confronter leurs résultats, à se demander comment marche le petit Kevin Dugenou, le caïd de la cinquième B, à s'épauler ou à s'engueuler, parfois, ce qui revient un peu au même : on se parle beaucoup plus en Zep que dans les lycées "classiques" de centre-ville, on se serre les coudes face au présent et clair danger.
Aumône méprisante
Propositions a minima, c'est le moins que l'on puisse dire. Rien sur le nombre d'élèves par classe (répétons-le jusqu'à extinction de clavier : au-delà de 15 élèves difficiles, on ne fait plus classe sereinement). Rien sur l'évolution de carrière (la Zep, et après ? Rester cinq ans dans un tel climat devrait valoir dix ans d'ancienneté, comme autrefois la coopération, tant on se fait de cheveux blancs dans ces ambiances inflammables) ; le système aberrant des mutations mis en place par Claude Allègre est à revoir complètement, et le volontariat en Zep devrait être la garantie d'une mutation à terme dans une zone souhaitée par l'enseignant. Rien non plus sur les causes du retard pris par les élèves à leur entrée en sixième - ne peut-on vraiment pas imposer à l'école primaire les méthodes qui marchent ? Et qui marchent particulièrement avec les élèves les plus défavorisés culturellement ? En fait de promotion, le ministre promet que "quant au déroulement de carrière, le fait d'avoir exercé en éducation prioritaire constituera un critère d'éligibilité au grade à accès fonctionnel en cours de définition". Traduction en cours...
Quel prof marchera pour 96 euros de plus par mois et deux heures de parlote ? Pas un. Cette prime, qui comme toutes les autres, n'est pas du salaire et ne sera donc pas prise en compte pour la retraite, est une aumône méprisante pour des enseignants qui s'investissent à fond dans le rattrapage des enfants perdus de Zep. J'ai été l'un d'entre eux, dix ans durant, à Corbeil-Essonnes, quartier des Tarterêts. Il y avait là - et c'est le cas dans la plupart de ces établissements difficiles - un noyau dur de 40 % d'enseignants qui restaient fermes au poste, avec une mentalité de missionnaires, et 60 % de nouveaux nommés qui ne pensaient qu'à s'éloigner de cette zone de tous les dangers et de toutes les déceptions : ce que les enseignants de Zep remarquent le plus souvent, c'est l'énergie démentielle dépensée pour un résultat quasi nul, le plus souvent, et la difficulté à faire cours quand une majorité d'élèves arrivent en sixième sans réellement maîtriser lecture et écriture. Je n'y ai pas été inspecté durant toute cette période, les IPR-IG (inspecteur pédagogique régional, NDLR) ayant d'autres chats à fouetter que de se rendre dans un quartier où toute voiture étrangère était soigneusement vandalisée - et où la police intervenait d'ailleurs rarement, laissant la délinquance contrôler la délinquance.
Misère intellectuelle
Le Nouvel Obs, qui brille d'idées originales, proposait récemment de nommer là les profs les plus expérimentés. Mais à moins de les y obliger, quelle vraisemblance que de vieux routiers déjà passés par ces classes consentent à s'y rendre à nouveau sans une incitation sérieuse ? Le ministre croit-il qu'on attrape les mouches avec du vinaigre ? "Comme à Shanghaï", dit benoîtement l'hebdo. Et de rappeler les résultats Pisa des zones asiatiques : L'Obs, qui préconise sans cesse les pédagogies les plus douces afin de rendre les écoliers heureux, souhaiterait-il soudain que l'on traite les petits Français comme sont traités leurs homologues chinois ? À chaque pays ses solutions et son génie propre.
Dernière proposition du ministre, la construction (quand ? avec quels crédits ?) d'internats dans les "quartiers" : ma foi, il a démantelé les "internats d'excellence" inventés par le gouvernement précédent (une vitrine qui sauvait quelques poignées d'élèves, mais c'était déjà ça), et, s'il est louable d'inciter ces enfants déshérités (au sens bourdieusien du terme) à s'éloigner un temps de leurs familles et de leurs quartiers, j'ai trop vu de trop près combien nombre d'entre eux étaient des soutiens de famille sans cesse sollicités par des mères débordées (et souvent célibataires) pour ne pas savoir que ce sera bien difficile de généraliser une telle mesure. La misère intellectuelle commence avec la misère tout court.
Amour du travail bien fait
Alors, oui, les Zep (qui ne sont pas forcément à la porte des grandes villes : il y a des Zep rurales, ou semi-rurales, qui ne sont pas des cadeaux) ont un besoin urgent de réformes. Oui, les enseignants qui y travaillent, dos au mur, doivent y trouver leur compte et être payés en fonction de leur investissement et de leur épuisement. Oui, les postes en Zep devraient être, comme les prépas, des "postes à profil", affectés sur la base d'un volontariat adroitement sollicité. Oui, les élèves de Zep ont droit au même enseignement et à la même culture (la même, pas je ne sais quelle culture alternative) que les autres petits Français - encore faudrait-il cesser de s'illusionner sur les pédagogies alternatives, le tout-informatique (la dernière tarte à la crème de l'Éducation nationale) ou les réunions chronophages avec les "acteurs sociaux" du coin - et doivent impérativement être redistribués dans des classes à petits effectifs.
Oui, sans doute le meilleur moyen d'amender certaines Zep serait-il de les détruire et de les reconstruire ailleurs - un ailleurs aussi loin que possible des quartiers difficiles. Oui, nous sommes nombreux à savoir tout cela. Mais nous ne sommes pas dans les petits papiers de la Rue de Grenelle. Tant pis pour ces centaines de milliers d'enfants et d'adolescents laissés en jachère, malgré tous les soins d'une poignée d'enseignants qui continuent à se battre pour leurs élèves - et pas même pour la gloire : rien que par amour du travail bien fait, quand bien même on ne peut pas décemment le faire dans ces conditions-là."
- yogiSage
philann a écrit:Nestya a écrit:
Même pas! En 5 ans, je me suis fait injurier 2 fois. Je n'ai jamais craint de réprésailles ni d'agressions physiques même s'il y a 2-3 élèves dont je me méfiais. Je tenais plutôt bien mes classes. Bref, j'avais plutôt bonne réputation auprès de ma direction.
D'un point de vue extérieur, mes années ZEP n'avaient rien du cauchemar qu'on peut s'imaginer. Parmi les raisons qui font que j'ai voulu partir, la violence n'est pas la principale loin de là. Ce serait plutôt:
-une énergie démentielle dépensée pour un résultat quasi-nul
-une misère difficilement imaginable et une résignation terrifiante des familles
-aucune reconnaissance des familles
-un mépris voire une haine de ces familles envers l'école
-des tas et des tas de réunions (pas toujours payées) avec tous les acteurs sociaux possibles
-la multiplication de dispositifs horriblement chronophages pour remédier aux difficultés des élèves.
-l'impression de ne servir à rien (que faire quand les 3/4 des élèves arrivent en 6ème sans savoir lire ni écrire?)
je signe pour tout, sauf ce que j'ai surligné!
Dans mes deux collèges pourris de l'an dernier...on voyait très peu les parents mais ceux que l'on voyait disaient "merci"!!! étaient reconnaissants !
Aujourd'hui, je suis dans un collège bourg' où les parents d'élèves se comportent en clients et me confondent avec le précepteur de leur enfant! :censure:
Idem je me reconnais dans tout sauf que j'ai toujours eu de bons contacts avec les familles.
Pour le reste,oui suis épuisée...
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"Jboirai du lait le jour où les vaches mangeront du raisin!"
- retraitéeDoyen
http://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/les-professeurs-du-92-poursuivent-la-greve-28-01-2014-3536457.php
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- Enseigner ailleurs... Postes au BO. Dossiers à remplir avant le 24 avril 2009 pour enseigner un an à l'étranger
- Emmanuel Davidenkoff (L'Express) : "Enseigner aux plus riches et aux meilleurs est nettement mieux récompensé par la République qu'enseigner aux plus fragiles".
- Marion Sigaut (Debout la République) : "L'école n'est plus là pour enseigner, elle sert à enseigner le sexe et la perversion".
- François Dubet sur la réforme du collège : "Il faut avouer que cette réforme est bonne".
- Vanves : des enseignants vont en formation sur la réforme... avec une banderole contre la réforme !
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