- LevincentNiveau 9
C'est le sujet sur lequel je travaille en ce moment pour une dissertation en cours de rédaction.
Je lance donc un sujet sur ce thème afin de faire s'agiter les neurones des membres du forum.
Ce qui sera développé ici n'influencera pas mon travail, puisque j'ai déjà écrit mon plan détaillé, et il ne me reste plus qu'à terminer la rédaction, qui est accomplie à un peu moins de 50 %. Fidèle à mon habitude, je posterai mon travail ici-même lorsque la discussion aura pris. Pour l'instant, je dirai seulement que j'ai envisagé la transparence selon trois aspects, qui constituent chacun un moment de ma réflexion : du point de vue moral, du point de vue de la théorie de la connaissance, et du point de vue de l'herméneutique. Ces parties sont censées répondre au problème selon lequel la transparence, en annulant l'obstacle que constitue un objet par rapport à la lumière sans annuler l'objet lui-même, donne une impression de simplicité, de facilité et d'immédiateté, mais que pourtant elle est extrêmement difficile à obtenir.
Je lance donc un sujet sur ce thème afin de faire s'agiter les neurones des membres du forum.
Ce qui sera développé ici n'influencera pas mon travail, puisque j'ai déjà écrit mon plan détaillé, et il ne me reste plus qu'à terminer la rédaction, qui est accomplie à un peu moins de 50 %. Fidèle à mon habitude, je posterai mon travail ici-même lorsque la discussion aura pris. Pour l'instant, je dirai seulement que j'ai envisagé la transparence selon trois aspects, qui constituent chacun un moment de ma réflexion : du point de vue moral, du point de vue de la théorie de la connaissance, et du point de vue de l'herméneutique. Ces parties sont censées répondre au problème selon lequel la transparence, en annulant l'obstacle que constitue un objet par rapport à la lumière sans annuler l'objet lui-même, donne une impression de simplicité, de facilité et d'immédiateté, mais que pourtant elle est extrêmement difficile à obtenir.
- AspasieNiveau 10
"La transparence" est le sujet qui inaugure la série de sujets traités par Bernard Baas dans ses Problématiques philosophiques (H&K, 2012). Et c'est très très riche...
- LevincentNiveau 9
Aspasie a écrit:"La transparence" est le sujet qui inaugure la série de sujets traités par Bernard Baas dans ses Problématiques philosophiques (H&K, 2012). Et c'est très très riche...
C'est justement pour cette raison que je travaille sur ce sujet. J'ai acheté ce livre afin d'avoir des sujets de dissertation à travailler, et pour pouvoir consulter ensuite une sorte de "corrigé", ou tout du moins une dissertation-exemple. Je ne consulte pas le livre tant que je n'ai pas écrit le point final de mon travail.
- ParménideNeoprof expérimenté
Mon dieu cette peur, un instant j'ai cru qu'il s'agissait d'un des sujets de bac!
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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https://www.babelio.com/monprofil.php
- AspasieNiveau 10
Impossible. Il y a un programme pour les sujets du bac et la notion concernée doit pouvoir être identifiable. Connaître les consignes t'éviterait des peurs inutiles...Parménide a écrit:Mon dieu cette peur, un instant j'ai cru qu'il s'agissait d'un des sujets de bac!
- philopoussinNiveau 8
"En annulant l’obstacle"... pas de transparence originelle à la Jean-Jacques?
Difficile de dire quoi ce que ce soit avec un résumé ainsi formulé. Le sujet est beau, j’ai hâte de te lire!
Difficile de dire quoi ce que ce soit avec un résumé ainsi formulé. Le sujet est beau, j’ai hâte de te lire!
- LevincentNiveau 9
philopoussin a écrit:"En annulant l’obstacle"... pas de transparence originelle à la Jean-Jacques?
Difficile de dire quoi ce que ce soit avec un résumé ainsi formulé. Le sujet est beau, j’ai hâte de te lire!
Effectivement je parle de la rusticité chère à Rousseau, par opposition à la politesse qui est pour lui une forme d'hypocrisie qui masque nos vraies pensées.
- InvitéPPPNiveau 8
Pardon de casser l'ambiance mais le plan avec la succession de trois points de vues, de trois domaines d'analyse différents, est en général très très mal vu des jurys. Et pour cause, elle rend très très difficile une véritable réflexion unitaire autour d'une même notion, d'un même concept.
- PanturleNiveau 8
On pourrait s'essayer à une critique de la transparence : l'adoucissement des mœurs sous toutes ses formes n'est-il pas une entreprise pouvant rendre "transparentes" les hétérogénéités et opacités sociales/politiques ? (C'est-à-dire, pouvant nous rendre incapables de les saisir : "y a pu d'lutte des classes" ; transparence comme estompement ?) Je pense aux analyses d'Elias sur la société de cour, et aux appels publics incessants à "la transparence" (transparence des comptes, par exemple, qui devrait nous rassurer ; transparence comme translucidité ?).
Qu'est-ce qu'une société transparente ? Qu'est-ce qu'un acteur social transparent ? (Je pense à l'indifférence, à la souffrance sociale de ceux qu'on ne voit pas ou plus.) Il faudrait étudier la différence entre transparence, translucidité, estompement... C'est un bien beau sujet
Qu'est-ce qu'une société transparente ? Qu'est-ce qu'un acteur social transparent ? (Je pense à l'indifférence, à la souffrance sociale de ceux qu'on ne voit pas ou plus.) Il faudrait étudier la différence entre transparence, translucidité, estompement... C'est un bien beau sujet
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Multaque res subita et paupertas horrida suasit.
- PanturleNiveau 8
philophilophilo a écrit:Pardon de casser l'ambiance mais le plan avec la succession de trois points de vues, de trois domaines d'analyse différents, est en général très très mal vu des jurys. Et pour cause, elle rend très très difficile une véritable réflexion unitaire autour d'une même notion, d'un même concept.
Effectivement. Il faut que l'enchaînement soit motivé par le traitement du problème et pas simplement thématique.
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Multaque res subita et paupertas horrida suasit.
- LevincentNiveau 9
philophilophilo a écrit:Pardon de casser l'ambiance mais le plan avec la succession de trois points de vues, de trois domaines d'analyse différents, est en général très très mal vu des jurys. Et pour cause, elle rend très très difficile une véritable réflexion unitaire autour d'une même notion, d'un même concept.
Oui, mais il y a une raison pour passer d'un point de vue à un autre.
- InvitéPPPNiveau 8
Possible, mais je reste sceptique. A voir selon différents sujets ainsi traités.
- LevincentNiveau 9
Voici la dissertation :
- Introduction:
- La transparence est la propriété d’un matériau qui laisse passer la lumière. Nous voyons à travers une vitre transparente aussi bien que si elle était absente, et pourtant sa présence reste perceptible. La transparence se distingue donc de l’invisibilité. Mais un matériau transparent est tangible : nous ne pouvons pas traverser une plaque de verre avec la main, et nous pouvons sentir la résistance qu’un fluide transparent, comme l’air, oppose au mouvement. La transparence est donc une qualité qui se rapporte à la vue.
Mais nous parlons également de transparence dans les affaires ou en politique. Une entreprise transparente rend par exemple publique l’identité de ses clients et de ses fournisseurs. La transparence, prise dans ce sens, est une qualité d’ordre éthique, qui évoque l’honnêteté par la mise en évidence d’absence de secret, de duplicité, d’intentions masquées. Une entreprise menant une politique de transparence est comparable à un matériau transparent dans la mesure où l’une comme l’autre ne laissent percevoir aucun obstacle à qui désirerait les observer. Puisque l’absence d’obstacle implique une absence d’effort, la transparence donne une impression de simplicité qui se rapproche de l’immédiateté. En effet, si ce qui est transparent demeure médiat par rapport à l’observateur et à ce qui est observé, il s’efface cependant si bien qu’observer à-travers ce qui est transparent est quasiment identique à observer en l’absence de ce qui est transparent. Toutefois, cette impression de simplicité pour celui qui observe ne va pas de soi du point de vue de l’objet transparent. Les matériaux transparents sont en effet difficiles à réaliser, et ont commencé à être fabriqué bien plus récemment que les matériaux ordinaires et opaques, et une politique de transparence n’est pas aisée à mettre en œuvre. Toute transparence artificielle, qui tendrait à imiter la transparence des éléments transparents naturels tels que l’eau ou l’air, demande donc des efforts, bien que ceux-ci n’y soient plus perceptibles. Comment donc un tel travail peut-il devenir invisible une fois accompli ? Pour répondre à cette question, nous étudierons la nature de l’effort que la transparence suppose, d’abord dans un sens moral, du point de vue de la politique et de l’éthique individuelle, ensuite dans le contexte d’une théorie de la connaissance, et enfin dans le domaine de l’interprétation.
- Partie 1:
- 1. La transparence comme qualité morale
1.1 En politique
Si la transparence implique une absence de duplicité, de volonté de tromperie ou d’intention cachée, il est légitime d’associer cette qualité à l’honnêteté, à la probité. Quiconque est transparent semble honnête, puisqu’il ne masque aucune information le concernant, pas plus qu’il ne déguise les motifs véritables de ses actions. Or, si l’Etat peut exiger de la part des citoyens une certaine honnêteté qui soit garante du bon fonctionnement de la vie en communauté, doit-on assimiler cet impératif d’honnêteté à un impératif de transparence ?
1.1.a Transparence des citoyens
D’un certain point de vue, tout citoyen est transparent pour l’Etat. En effet, celui-ci est légitimement fondé à exiger de celui-là des informations concernant ses revenus, sa profession, son état civil ou son patrimoine. Un individu qui refuserait de communiquer à l’Etat sur ces sujets serait en effet dans une situation où il profiterait des avantages prodigués par l’Etat tout en s’abstrayant des contraintes que celui-ci impose. En effet, ne pas déclarer combien l’on gagne, ou minimiser son patrimoine réel dans le but de s’affranchir de l’impôt revient à refuser de participer au fonctionnement d’un Etat fondé sur l’idée du Contrat Social, c’est-à-dire censé « défendre et protéger de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé », tout en garantissant la conservation de la liberté naturelle individuelle, comme Rousseau l’explique au chapitre VI du livre I du Contrat Social. Il semble donc qu’une transparence minimale des citoyens envers l’Etat soit exigible afin d’assurer la fonction pour laquelle il a été institué, et que celle-ci soit une condition de la réciprocité entre l’individu et l’Etat qui se trouve au fondement de l’idée même de contrat social.
Cependant, il ne saurait s’agir d’une transparence totale du citoyen par rapport à l’Etat, car la notion de liberté individuelle limite le champ de cette exigence, et implique également la préservation pour chacun d’un quant-à-soi, d’une intimité inviolable dans laquelle l’Etat ne peut s’immiscer. Les relations familiales, amicales, la vie professionnelle ou amoureuse, les opinions religieuses, ne regardent aucunement l’Etat tant que ces éléments se maintiennent dans le cadre fixé par la loi. Hannah Arendt, dans Les Origines du totalitarisme, fait en effet du contrôle par l’Etat de la vie privée des citoyens une caractéristique propre aux totalitarismes. Un Etat totalitaire, qui régenterait les moindres détails de la vie privée des citoyens, et qui de ce fait exigerait d’eux une transparence totale, détruirait en réalité le tissu social en niant l’individualité des citoyens, et réduirait ainsi la communauté politique à l’état de masse. Ce faisant, c’est le principe même de la politique, qui consiste à faire vivre de manière harmonieuse une communauté d’individus divers, qui est nié. Le roman 1984 de George Orwell décrit un exemple achevé d’Etat totalitaire dont l’un des traits marquants est la surveillance généralisée et constante qui s’applique sur les individus. C’est à une transparence totale que sont réduits les personnages de 1984, si bien que même les pensées les plus intimes sont traquées. Quiconque peut en effet être inquiété pour un mot qu’il aurait laissé échapper pendant son sommeil ; les enfants, au sein du cercle familial surveillent leurs parents et les dénoncent si ceux-ci commettent des « crimes de pensée ». Cet exemple illustre donc bien la déliquescence du lien social occasionné par une transparence totale du citoyen envers l’Etat, puisque l’Etat s’immisce même dans les familles et y instaure un sentiment de défiance et de surveillance.
Il semble par conséquent qu’un certain équilibre soit à trouver dans la transparence que l’Etat peut exiger de la part des citoyens. Si celle-ci est nécessaire au bon fonctionnement des institutions, elle ne peut s’appliquer à la vie privée. Mais, si l’établissement du lien politique s’exerce sous forme de contrat et, de ce fait, implique une réciprocité entre les citoyens et l’Etat, qu’en est-il de la transparence de l’Etat vis-à-vis des citoyens ?
1.1.b Transparence de l’Etat
Il est courant, dans l’actualité, d’entendre parler d’affaires mettant en scène des personnalités politiques suspectées de malversations, de fraude, de détournements ou d’abus de pouvoir. L’opinion publique, scandalisée à cet égard, exprime alors le souhait que les affaires de l’Etat et des personnes tenant de hautes responsabilités soient plus transparentes. Il s’agirait de faire en sorte que les transactions financières se fassent en pleine lumière, que chaque action des dirigeants soit connue du public, et que le secret soit aboli.
Cependant, même si ce souhait part d’une intention légitime, il convient de se demander s’il est réalisable. Machiavel n’a de cesse, dans Le Prince, de démontrer que l’exercice du pouvoir a toujours à voir avec la tromperie, la dissimulation, et la manipulation. Ainsi, dans le chapitre 18 du Prince, il soutient que la vertu n’est pas nécessaire au prince, mais seulement son apparence. Machiavel considère donc que la transparence est inconciliable avec la politique, dans la mesure où un prince qui ne mettrait pas en œuvre des moyens retors pour conserver son pouvoir le céderait de fait à moins scrupuleux que lui. Il est en effet notoire que la lutte pour l’accession au pouvoir se produit dans les coulisses et à l’abri du regard du public. On pourrait cependant objecter que Machiavel écrivait au XVIème siècle, et ignorait la démocratie telle qu’elle se pratique aujourd’hui dans le monde occidental.
La démocratie, pourrait-on en effet penser, se peut concevoir comme un mode de fonctionnement politique transparent, dans la mesure où, le peuple étant reconnu souverain et chargé de désigner ses dirigeants, la tromperie de l’opinion publique est intolérable. Ce n’est pourtant pas l’avis d’Edward Bernays, qui, dans Propaganda, émet l’idée que le peuple, étant incapable de prendre les bonnes décisions par lui-même, doit être manipulé par un groupe de gens influents chargés des public relations. Cette oligarchie invisible aurait en effet pour mission d’orienter l’opinion publique dans le sens de son propre intérêt, vers lequel il serait autrement incapable de se diriger. C’est le rôle de la publicité et du spectacle d’assurer cette prestation, de manière à ce que toute transparence ne soit qu’apparente, les motivations réelles de ceux qui orchestrent la propagande demeurant secrètes, quand bien même elles coïncideraient avec le bien commun.
La transparence ne serait donc peut-être pas une caractéristique inhérente aux différentes formes de démocraties, mais uniquement à celles où le peuple est non seulement souverain, mais aussi décisionnaire. Nous n’avons en effet évoqué ici que les démocraties représentatives, où les citoyens choisissent leurs représentants, mais ne participent pas directement aux délibérations. Dans ce cas, la transparence est manifeste, puisqu’il y a identité entre les décisionnaires et les gouvernés. Une démocratie d’un tel type s’est déjà trouvée dans l’Athènes antique, mais elle était fondée sur une disparité entre les hommes libres d’une part, les esclaves et les métèques d’autre part. Compte tenu de la conception actuelle de la dignité humaine, basée sur les droits de l’Homme, qui répugne à l’esclavage, il semble difficile d’envisager une démocratie de cette sorte, d’autant plus que la dimension des nations actuelles excède de beaucoup celle de la cité grecque antique, et qu’il est problématique de faire participer plusieurs millions de personnes dans une même agora. L’idée d’une démocratie directe, et donc transparente, constitue donc un défi pour l’avenir et amène avec elle un lot de difficultés considérables.
Nous voyons donc que la transparence en politique est problématique. La transparence apparaît comme un critère qui détermine un certain niveau d’évolution politique. La transparence du citoyen vis-à-vis de l’Etat est l’objet d’un dosage juste qui détermine à la fois le respect du contrat social et du sens de la politique ; la transparence d’un Etat vis-à-vis de ses citoyens serait quant à elle l’apanage d’une forme idéale de démocratie où le peuple participerait activement au gouvernement et dont le rôle ne se limiterait pas au choix des représentants. Quoi qu’il en soit, la transparence ne saurait se décréter ou s’imposer. Nous nous demanderons donc si la transparence n’est pas une qualité morale individuelle qui, telle le courage ou la bonté, est appréciable, mais ne saurait être exigée pour n’importe qui.
1.2 La transparence comme qualité morale individuelle
1.2.a. Par rapport aux autres
La vie en société impose aux individus un certain nombre de règles et de normes qui permettent de minimiser les frictions dues à la coexistence d’êtres de caractères divers et de volontés divergentes. La politesse joue ce rôle, en masquant par des apparences policées les pensées hostiles que l’on peut nourrir à l’encontre d’une personne. Ainsi, en société, nous jouons un rôle, nous nous construisons un personnage social qui agit et parle parfois contre ce qu’il ressent et pense en son for intérieur. Nous feignons par exemple la joie lorsque nous croisons dans la rue une connaissance, même si celle-ci suscite notre ennui le plus profond. Jean-Jacques Rousseau dénonçait ce manque de transparence comme une hypocrisie et une trahison faite à l’égard de notre nature, et affirmait sa préférence pour les mœurs rustiques des gens de la campagne. Cependant, on peut penser que ce que Rousseau loue chez les campagnards, constitue moins une transparence réelle qu’un contraste avec l’excès de duplicité dans les rapports humains et les règles implicites qui sont « des pièges que la politesse tend à la bonne foi rustique » (La Nouvelle Héloïse), que Rousseau a dû observer dans la haute société. En effet, une transparence sans faille semble incompatible avec la vie sociale, car chacun dirait aux autres les mauvaises pensées qu’ils lui inspirent, et laisserait s’exprimer sans retenue des émotions telles que la colère ou la jalousie. La transparence, comprise dans ce sens-là, ne constitue donc nullement une vertu, et ressemble plutôt à un comportement infantile. Mais est-ce que la transparence ne peut pas se concevoir autrement que par cette forme d’impulsivité ? Est-ce que de tels mouvements ne sont pas motivés par des pensées intimes, un jardin secret qu’on essaie de préserver avec toute la maladresse possible ? La transparence, plutôt qu’un libre-cours laissé à nos émotions et à nos impulsions, consisterait plutôt en un geste d’ouverture de son propre jardin secret, ce qui équivaudrait à son anéantissement, puisque de la sorte il perd son caractère confidentiel. Mais le quant-à-soi, l’intimité dans laquelle nous aimons nous recueillir, est l’élément par lequel nous sentons que notre vie a un caractère personnel, il est le refuge à partir duquel nous voyons notre vie non pas comme une vie parmi les autres, mais une vie très particulière car elle est seule à être la nôtre. Par conséquent, un être transparent est un être sans intimité, il ne vit pas pour soi-même. Or, un être ainsi dépris de soi-même suit un programme comparable à l’Imitation de Jésus-Christ, telle que décrite par, pense-t-on, Thomas a Kempis. En effet, nous trouvons dans cette œuvre, au chapitre II du livre II, la recommandation suivante : « il est très utile, pour nous retenir dans une plus grande humilité, que les autres soient instruits de nos défauts et qu’ils nous les reprochent ». Nous voyons donc que la transparence peut être atteinte, ou du moins visée, dans une démarche d’humilité qui tend à supprimer le moi. Le précepte principal de cette voie mystique est en effet de ne plus vivre sa vie pour soi-même, mais de vivre pour le Christ et dans le Christ. La transparence ne consiste donc pas, dans ce cas, à exprimer directement ses mauvais penchants par des actions impulsives, mais il s’agit plutôt d’une transparence réflexive, qui consiste à se dévoiler aux yeux des autres en avouant publiquement ses propres péchés.
1.2.b Par rapport à soi-même
Mais ce n’est pas seulement par rapport aux autres que nous manquons de transparence : même à nous, les motivations réelles de nos actions demeurent parfois obscures. Il nous arrive parfois de nous demander pourquoi nous avons agi de telle manière alors que la raison, ou notre intérêt personnel auraient commandé autre chose. Il apparaît que notre conscience n’est pas le seul pilote de nos actes, mais que nous sommes aussi constitué d’une part inconsciente qui nous rend opaques à nous-mêmes. Chacun de nous est sujet à des peurs, des obsessions, des désirs dont nous ne parvenons pas à identifier clairement la source, et qui pourtant gouvernent notre comportement. La psychanalyse se présente comme une méthode d’investigation de l’inconscient censée, en rendant le patient transparent à lui-même, guérir celui-ci de ses comportements névrotiques et obsessionnels. La transparence est donc indiquée ici comme revêtant un intérêt thérapeutique, et c’est parce que nous serions malades, névrosés, que nous en aurions besoin. Mais n’est-il pas possible de rechercher la transparence par simple aspiration naturelle, par pur désir de renouer avec des instincts vitaux que la morale sociale aurait étouffés ? C’est l’opinion que Nietzsche exprime au chapitre 17 de la Généalogie de la morale. Dans ce passage, il affirme en effet que l’homme, sorti de l’état sauvage, et se trouvant « définitivement enchaîné dans le carcan de la société et de la paix », a vu tous ses « instincts avilis et rendus inutiles ». L’être social se créé alors des résistances à sa propre volonté de puissance. La transparence, sous ce point de vue, revient à une expression pleine et entière de la volonté de puissance et à une réhabilitation des instincts. Faut-il comprendre qu’il faudrait ravaler l’homme au rang de la bête, et lui laisser licence d’exprimer ses instincts parmi les plus primaires ? Ce n’est pas le propos de Nietzsche, qui entend la nécessité d’une hiérarchie des instincts : ceux qui affaiblissent la force vitale de l’homme, comme l’instinct grégaire ou l’instinct de pitié, sont méprisés, tandis que ceux qui procurent la joie sont exaltés, y compris ceux considérés comme les plus immoraux, tels ceux qui nous poussent à faire du mal aux autres pour en jouir. L’homme qui suit cette voie parvient à la transparence par la dissipation de la mauvaise conscience. C’est en effet, pour Nietzsche, cette dernière qui limite le déploiement de la force vitale et qui résulte du refoulement des instincts par les interdits moraux. Alors que l’homme naturel, indompté, est transparent à lui-même et en accord avec ses instincts, l’homme civilisé invente une « âme » qui lui permet d’occulter la perte qu’il a subie en se conformant aux normes sociales. C’est pour cela que Nietzsche rejette toute forme de nihilisme, c’est-à-dire d’espérance vers un au-delà de l’existence, dans la mesure où c’est une attitude qui, en s’attachant à l’âme, traduit une résignation devant ce renversement des instincts, et la renonciation à la jouissance de la vie pour ce qu’elle est en elle-même. En ce sens, le retour à la transparence est, en plus d’une exigence de hiérarchie des instincts, un processus de destruction des vieilles idoles. L’aboutissement de cette démarche est donc une entière et sereine connaissance de soi-même, ce qui constitue l’accomplissement du précepte gravé à l’entrée du temple de Delphes : « connais-toi toi-même ».
Nous voyons donc que, du point de vue individuel, la transparence implique un effort sur soi. Dans la perspective chrétienne de l’imitation de Jésus-Christ, la transparence est un moyen de se rapprocher du Christ par la voie de l’humilité, tandis que la pensée de Nietzsche évoque une restauration des forces vitales par une hiérarchie des instincts et une destruction, ou un retournement, des valeurs morales et religieuses communément admises. Cette dernière démarche a cependant une portée gnoséologique, puisque celui qui l’accomplit parvient la connaissance de soi. La transparence, qui se manifeste lorsque les résistances à la volonté de puissance tombent, intervient donc aussi dans le champ de la connaissance, comme si se dissipaient en même temps les éléments qui font obstacle à cette dernière. C’est donc à l’étude du rapport entre transparence et connaissance que nous allons consacrer la suite de notre réflexion.
- Partie 2:
- 2. Transparence et connaissance
2.1 Analogie vision/connaissance
La vue est le sens le plus développé chez l’humain. Il atteint chez lui un degré de raffinement et de précision tel qu’il peut embrasser d’un seul regard une quantité de nuances, de formes, de couleurs, de mouvements. La vue permet également de percevoir simultanément plusieurs objets, qu’ils soient proches ou éloignés, petits ou grands, immobiles ou en mouvement. C’est pour cela qu’Aristote, au livre A, chapitre 1 de la Métaphysique, écrit : « La vue est, de tous nos sens, celui qui nous fait acquérir le plus de connaissances, et nous découvre une foule de différences ». Nous comprenons donc pourquoi la vue est le sens par excellence qui est associé à la connaissance. Le langage courant ne manque en effet pas d’expressions impliquant une analogie entre connaissance et vision. « Je ne vois pas » peut signifier « je ne sais pas », une idée peut être qualifiée de « lumineuse », un individu doué dans une discipline intellectuelle est dit « brillant », un exposé intelligible est qualifié de « clair », etc. La transparence étant une propriété en rapport avec la vue, l’existence d’un rapport entre transparence et connaissance semble s’imposer.
Au livre II de La République de Platon, Socrate, l’acteur principal du dialogue, expose une théorie de la connaissance sous la forme d’une allégorie. Il met en scène des prisonniers enchaînés dans une caverne, contraints par leurs entraves de se tourner vers un mur sur lequel on projette des ombres d’objets réels. Ces hommes, n’ayant jamais rien vu d’autre de leur vie, prennent ces ombres pour la seule réalité existante. Mais Socrate imagine que l’un deux parvienne à s’extraire de ses liens et à regagner l’air libre. Celui-là contemple alors les choses sous la lumière naturelle du soleil, sans intermédiaire, contrairement à sa situation précédente. Ce que Socrate essaie de faire comprendre par cette fable, c’est que les prisonniers de la caverne figurent les hommes ordinaires, qui ne voient que l’apparence sensible des choses, tandis que l’évadé est semblable au philosophie, qui perçoit non plus le sensible, mais contemple désormais l’intelligible. Il est remarquable que l‘apparence sensible soit ici figurée par un mur sur lequel se forment des images. Si Platon avait été notre contemporain, il aurait certainement parlé d’écran. L’écran est à la fois un lieu de manifestation, puisqu’il sert à faire apparaître des images, mais c’est également un élément opaque, qui cache, qui occulte, comme cela se voit dans l’expression « faire écran ». Chez Platon, donc, le caractère du sensible est donc associé au contraire de la transparence, alors que la connaissance philosophique consiste justement à percevoir ce qu’il y a au-delà du sensible, autrement dit à le rendre transparent. De la même manière, la vision en plein jour est l’illustration même de la transparence, la lumière solaire étant ici transmise directement à travers l’air. Il convient donc de se demander comment celui qui recherche la connaissance peut employer la transparence pour poursuivre son but.
2.2 Comment la transparence intervient dans la connaissance
Nicolas de Cues, dans le Traité du béryl, énonce son objectif : il s’agit d’ « adapter un béryl à son intellect ». Le béryl est une pierre blanche, brillante et transparente qui servait autrefois à fabriquer des verres de lunettes. Pour Nicolas de Cues, le problème réside dans le fait de parvenir à la connaissance de Dieu, identifié comme le maximum en soi, tout en sachant qu’une telle connaissance est incommensurable avec la connaissance des choses ordinaires. Il explique en effet, au chapitre II de La Docte ignorance, que toute connaissance se fait au moyen de la similitude avec les choses connues, mais que ce moyen est inefficace pour parvenir à une connaissance vraie du maximum. L’image employée pour illustrer cette thèse est celle du polygone inscrit dans le cercle : quand bien même on augmenterait à l’infini le nombre de côtés, le polygone ne deviendrait pas un cercle. De la même manière, même en affinant au maximum ses connaissances intellectuelles, on ne parvient pas à la connaissance de Dieu. Celle-ci existe sur un mode qui est au-delà de toute figure et de tout concept (La Docte Ignorance, chapitre X), un mode inconnaissable appelé « docte ignorance », grâce auquel nous comprenons que les contraires se rejoignent, et que les oppositions perçues ne sont en fait que des expressions différentes de la même réalité.
Nicolas de Cues parle ici de lunettes à « adapter à son intellect ». Ce qui permet d’accéder à la docte ignorance n’est cependant pas à imaginer comme un élément extérieur à nous-mêmes, comme les lunettes sont extérieures aux yeux, mais plutôt à un travail à effectuer sur l’intellect lui-même pour le rendre apte à percevoir le principe unique et indivisible de toute chose. Il est à noter que les lunettes, en tant qu’instrument d’optique, utilisent une propriété intrinsèque des matériaux transparents, qui est la réfraction. Un milieu transparent ne fait pas que laisser passer les rayons lumineux, mais il les dévie légèrement en fonction de sa courbure et de son indice de réfraction. Une lentille de lunette est fabriquée de manière à dévier la lumière pour que des rayons parallèles convergent vers un même point, si la lentille est convergente, ou divergent à partir d’un même point, si la lentille est divergente. En se servant judicieusement de ces propriétés, et en positionnant différentes lentilles sur un banc d’optique, on peut former une image à un endroit déterminé, qui apparaîtra si on y place un écran. Le principe des lunettes est le même, puisqu’il s’agit de faire apparaître sur la rétine une image que la concavité de l’œil ne parvient pas à former nettement. Par conséquent, nous voyons que l’usage de la transparence dans la connaissance, par analogie avec la science de l’optique, nécessite que celui qui cherche la connaissance se positionne au bon endroit pour que lui apparaisse la vérité, que nous comprenons ici comme concept adéquat de l’intellect avec la chose pensée. A l’instar de l’optique, qui nécessite de préparer les lentilles de manière correcte, de les polir, la recherche de la connaissance passe par un travail sur l’intellect. Notons au passage qu’il n’est sans doute pas anodin que Spinoza ait exercé la profession de polisseur de lentilles.
Mais une remarque s’impose : l’image, pour se former, si elle a besoin de la transparence des lentilles dont la courbure a été utilisée à bon escient, nécessite en dernière instance la présence d’un écran opaque pour apparaître. De la même manière, pour voir, nous avons besoin de la transparence de l’œil, mais aussi de l’opacité de la rétine. Dans le domaine de la connaissance, tout savoir fait donc intervenir conjointement la transparence et l’opacité. Ces deux qualités prises isolément rendraient impossible tout savoir. C’est donc ce qui permet de connaître qui, paradoxalement, constitue par son existence même un obstacle à la connaissance, mais s’il ne présentait pas cet obstacle, toute connaissance serait impossible. Jankélévitch a formé, à partir d’une notion de Bergson, le concept d’ « organe-obstacle » pour désigner cet état de fait. En optique, c’est une image qui est la notion rendue visible par l’instrumentation adéquate ; dans le domaine de la connaissance, c’est un concept qui se forme dans l’entendement. Que signifie, dans ce cas, la démarche de Nicolas de Cues et de son béryl ? Ce qui est recherché, nous l’avons dit, c’est une connaissance adéquate du vrai qui soit au-delà de toute image, représentation, ou concept. Il s’agit par conséquent, si nous nous reportons encore une fois à l’analogie optique, de faire en sorte que les rayons lumineux issus du béryl soient parallèles, de manière à ce que l’image, qui se forme là où les rayons se croisent, soit repoussée à l’infini. Ainsi, l’écran, ou ce qui fait obstacle au sein de l’organe-obstacle disparaît en étant repoussé infiniment loin dans cette démarche que Nicolas de Cues qualifie de « transsomptive ». La transparence est alors totalement réalisée, mais la connaissance passe alors par un autre mode : alors qu’elle se fait de manière positive et sur le mode de la similitude pour les choses ordinaires, elle devient négative et sur le mode de l’inconnaissable quand elle concerne Dieu.
Nous concluons donc, à l’instar de l’optique, la transparence ne suffit pas pour accéder à la connaissance, mais qu’il faut encore un travail d’affinage et de polissage pour rendre cette connaissance nette. Pour Nicolas de Cues, en outre, la connaissance de Dieu est également possible par une telle méthode, mais alors le sujet, conçu en tant que réceptacle des concepts, est comme dissous dans l’opération. Cependant, nous pouvons remarquer que la connaissance dont il s’agit concerne les objets extérieurs, et pas le sujet lui-même. Nos considérations ne nous permettent pas de comprendre comment un sujet peut se comprendre lui-même, voir même comprendre un autre sujet. C’est donc par l’étude de la compréhension subjective que va se terminer notre enquête.
- Partie 3:
- 3. Transparence et herméneutique
3.1 Relations intersubjectives
Les relations interindividuelles nous mettent en face de deux difficultés majeures : comprendre l’autre et être compris par lui. Le problème de la compréhension d’autrui gagne en acuité à mesure que celui-ci est plus étranger à moi. Je peux en effet plus facilement comprendre un membre de ma famille, avec qui existe une communauté d’habitudes, que mon voisin. De même, en règle générale, j’ai plus de chance de pouvoir comprendre une personne de même culture et de même langue que moi qu’un parfait étranger, de langue, de culture, et de traditions différentes des miennes. Les représentations de l’étranger s’organisent en effet selon un mode radicalement différent du mien, ce qui opacifie le rapport entre ce qui est signifié par chacun et ce qui est compris par l’autre. Ce genre de situation rend visible la nécessité de l’interprétation au sein des relations interpersonnelles. La compréhension ne revient en effet pas seulement à la saisie du sens des propositions énoncées, mais à un dévoilement de l’intention significative qui les produit. Le sens, qui est l’objet de la compréhension, se trouve donc au-delà de ce qui est seulement exprimé par le langage formel, mais se révèle également dans les éléments non-verbaux de la communication, tels que l’intonation de la voix, les attitudes du corps, le contexte, les sous-entendus.
L’interprétation, en tant que recherche du sens à travers les éléments contingents de la communication, apparaît donc comme une science de la transparence. L’interprétation juste serait en effet une interprétation qui traverserait ces éléments pour dégager l’intention signifiante en elle-même. Mais la volonté de comprendre l’autre, le désir de le rendre transparent, ne consiste-t-elle pas, en ramenant ce qui est étranger à notre propre référentiel, à supprimer ce qui justement fait la spécificité de l’étranger que j’essaie de comprendre ? Peut-on postuler une universalité préexistante de la possibilité de compréhension, ou bien comprendre l’autre revient-il seulement à ramener sous des conceptions qui nous sont propres un ensemble de conceptions qui par essence sont autres, et par-là à en dénaturer l’étrangeté ? C’est là l’enjeu mis en évidence lors de la rencontre entre Gadamer et Derrida de 1981 au Goethe Institut. Alors que Gadamer exprimait la possibilité d’une compréhension, Derrida lui posa la question suivante : est-ce que la compréhension de l’autre ne revient pas à une volonté de domination ? Cette opposition entre l’optimisme herméneutique de Gadamer et le scepticisme de Derrida aurait tendance à nous faire penser que deux alternatives existent : ou bien je peux comprendre l’autre, et abolir les facteurs d’incompréhension, ou bien nous sommes tous condamnés à regarder l’autre à travers une vitrine infranchissable, spectateurs d’une étrangeté à jamais inaccessible, comme on pouvait en avoir un exemple dans les zoos humains qui existaient à la fin du XIXème siècle dans les pays européens. Tenter de faire sortir l’autre de son étrangeté, en le comprenant, c’est le forcer à devenir comme moi-même, à moins que ce ne soit moi qui m’extraie de mon référentiel pour adopter celui de l’autre. C’est ce que Derrida, face à Gadamer, désignait comme « l’ouverture à l’autre ». La compréhension transparente nécessite ainsi de comprendre pourquoi notre propre système de représentations nous empêche d’accéder à celui de l’autre. Il s’agit donc, non pas de détruire notre référentiel, mais de la déconstruire, dans le sens où la démarche opérée suit les étapes de la construction mais en sens inverse. Finalement, la compréhension de l’autre nécessite d’abord la compréhension de soi.
3.2 Relation à soi-même
Comme nous avons vu, la compréhension est une saisie du sens. La compréhension de soi est donc saisie du sens de sa propre existence. Pour Heidegger, le caractère fondamental de l’existence humaine réside dans la « facticité », c’est-à-dire que l’existence se présente comme une aventure dans laquelle nous sommes projetés et à laquelle nous pouvons nous éveiller. L’être humain, du point de vue de Heidegger, est non seulement capable d’interprétation, mais est aussi en attente et en besoin d’interprétation. Cependant, il convient de détruire les interprétations qui maintiennent l’existence dans l’assoupissement, afin de recouvrer l’authenticité de l’existence, c’est-à-dire sa transparence par rapport à l’être. La démarche herméneutique heideggerienne est donc un processus d’éclaircissement de la compréhension, de progression vers la transparence. Mais comment s’effectue cet éclaircissement ? Toute interprétation se fait à partir d’un « cercle de compréhension » : il ne peut y avoir d’interprétation objective et neutre, puisque toute compréhension se déploie au sein d’une structure composée par une intention de compréhension (pré-vision), une conceptualité qui anticipe sur ce qu’il y a à comprendre (pré-saisie), et un horizon à partir duquel la compréhension se fait (pré-acquis). Sortir du cercle reviendrait à avoir une compréhension coupée de l’existence, il faut par conséquent « entrer dans le cercle de manière convenable ». La progression vers la transparence se traduit donc, dans cette optique, par un accroissement du cercle de compréhension, qui a pour effet d’élucider la pré-compréhension afin de déterminer si elle relève d’une saisie authentique ou non. Cependant, il nous reste à nous demander quelle est la cause de l’inauthenticité de l’existence.
Jean-Paul Sartre, dans l’Être et le Néant, considère que nous sommes libres par nature, mais que nous adoptons des postures pour nous persuader que nous ne le sommes pas. C’est ce qu’il nomme la « mauvaise foi », qui occulte à nous-mêmes notre propre liberté. La transparence à nous-mêmes, que nous manquons à cause de notre mauvaise foi, correspond à une coïncidence de la conscience avec elle-même. Mais ce qui nous fait manquer cette coïncidence, c’est le désir d’être un être en-soi, c’est-à-dire dans le sens d’être ici « comme on dit « cette boîte d’allumettes est sur la table » », au lieu d’être un être pour-soi. En d’autres termes, être de mauvaise foi, c’est se prendre soi-même pour un objet, se réifier pour échapper à sa propre liberté. La thèse qui sous-tend cette analyse est donc que nous cherchons à faire comme si nous étions des êtres, alors que nous sommes le néant. La transparence, l’accord avec ce que l’on est, est donc le fait d’assumer le néant de notre existence. Cependant, lier transparence et néant pose problème, car le néant n’est à vrai dire pas transparent. Le néant étant l’absence d’être, on ne peut lui assigner de propriété. Nous préférerons donc dire que notre existence est placée non pas sous le signe du néant, mais du vide. Le vide n’est en effet pas, comme le néant, négativité absolue et absence d’existence, mais il est absence d’existants ; le vide peut être présent quelque part tandis que le néant n’existe même pas ; il laisse une possibilité d’existence que le néant interdit. Le vide, en tant qu’absence d’obstacle, est donc la transparence absolue.
- Conclusion:
- Au terme de cette réflexion, nous voyons donc que la transparence prend plusieurs formes, selon qu’elle concerne le domaine politique, moral, épistémologique ou herméneutique. Toujours elle demande un effort, mais de nature différente selon les cas. Dans le domaine politique, la transparence peut servir de mesure au niveau d’évolution de la conception de la politique : le totalitarisme, qui est négation du sens de la politique, exige une transparence trop importante de la part des citoyens, bien qu’une transparence minimale de celui-ci soit requise pour assurer la bonne application du contrat social. Pour un gouvernement, une transparence totale serait le signe d’une démocratie pleinement réalisée. Au niveau individuel, la transparence peut se concevoir soit comme une pratique de l’humilité et de déprise de soi, soit comme un réinvestissement des instincts refoulés, ce qui implique un effort de hiérarchisation. La connaissance humaine, quant à elle, n’a jamais lieu par transparence parfaite, car ce qui est connu l’est par l’intervention d’un organe-obstacle, à moins d’accéder à un mode de connaissance qui est paradoxalement ignorance. Enfin, dans le domaine de l’interprétation, nous avons vu que les relations interindividuelles ne peuvent être transparentes qu’au prix d’une déconstruction, et que la compréhension du sens de notre propre existence passe par l’acceptation du vide qui constitue notre existence. En ce qui concerne la question que nous posions à propos de l’effort mis en œuvre en vue de la transparence, nous pouvons répondre à partir de cela que la transparence correspond à un retour à l’authenticité, à une nature originelle. L’origine dans ce sens n’est pas forcément chronologique, mais peut être ontologique ou spirituelle. Elle est un rétablissement de ce que nous devrions être mais que nous ne sommes pas par suite d’une faute, que ce soit par l’institution en société, le péché, ou la fuite de sa propre liberté.
- JPhMMDemi-dieu
Le vide est-il transparent ?
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- AspasieNiveau 10
Bravo pour le travail. Je me lance dans quelques remarques, en vrac... (et rapidement, vu que j'ai tout de même des copies du bac à corriger !!!)
Au final, je dirais qu'il y a presque trop de choses dans ton travail. Tu peux travailler à l'épure, et surtout, tu peux (tu dois ?) travailler le plan, ciseler ton problème et t'en servir comme du seul guide valable dans le cheminement de ta réflexion.
Je suppose que tu as lu le texte de Baas. Qu'en as-tu pensé ?
- Introduction:
*Question tout bête, de forme : pourquoi deux paragraphes ? Ton intro ne fait-elle pas un tout ? (à moins que ce ne soit juste un problème d'affichage, ce qui est possible)
*Ton point de départ est bon, mais je trouve que tu en gommes l'intérêt en ramenant simplement ton analyse à celle du domaine : domaine de la vue. Tu ne soulignes pas le paradoxe du matériau tangible qui se fait oublier à la vue, c'est-à-dire le problème du statut ontologique en gros... Tu l'approches pourtant à nouveau en fin d'intro, mais à nouveau, tu le gommes pour l'amener simplement du côté d'une question de "simplicité".
*Ton idée du "travail" de transparence est intéressante. Cela pourrait donner un bon problème, mais il me semble qu'il serait intéressant de tenter de formuler clairement et de manière plus organisée les questions qui se posent sur cette base.
*Enfin, ton annonce de plan me semble maladroite, parce qu'elle propose un recensement de domaines et fait catalogue au lieu de faire développement d'une réflexion. A la fin de l'intro, je me dis que tu as une bonne idée, une approche originale et intéressante, mais un plan simpliste et maladroit...
- Partie 1:
Attention à ne pas te laisser abuser par l'énoncé du plan. Si tu gommes les titres des parties et sous-parties, tu vas te rendre compte qu'on ne sait pas pourquoi on commence par ceci plutôt que par cela...
Il me semble qu'il y a quelque chose d'étrange à partir sur un sens figuré du terme, alors que le sens propre n'a pas été repris et creusé, ne serait-ce que pour justifier qu'on puisse l'appliquer au domaine moral. Bien sûr, cela a été abordé en intro. Mais alors cela signifie que l'intro a joué le rôle d'un début de développement et qu'il y a donc une sorte de confusion des rôles, non ?
"Or, si l’Etat peut exiger de la part des citoyens une certaine honnêteté qui soit garante du bon fonctionnement de la vie en communauté" Hypothèse prématurée que tu justifies ensuite, mais qui ne peut prendre place d'emblée...
Lorsqu'ensuite tu évoques le contrat, on se demande si on parle bien de "transparence" -tu as toi-même évoqué l'honnêteté... dommage que tu n'aies pas ouvert sur la réponse à ta question d'ailleurs-.
Ton évocation de la dérive totalitaire est intéressante mais je trouve que tu n'en tires pas assez de choses. Cela devrait te conduite à approfondir l'analyse, à évoquer une utopie, un mythe de la transparence, à chercher, a contrario quel terme proche de celui de "transparence" pourrait être plus approprié. (A ce moment-là d'ailleurs, ton analyse m'a fait pensé au panoptique vu par Foucault).
"que toute transparence ne soit qu’apparente" : voilà une belle et riche formule. Quel dommage que tu ne l'aies pas prise et creusée pour elle-même ! Elle est presque à elle seule une clé !
"Dans ce cas, la transparence est manifeste, puisqu’il y a identité entre les décisionnaires et les gouvernés. " revois la construction ; il me semble qu'il manque la mention de la démocratie directe... Mais ceci dit, que la démocratie directe soit un exemple de transparence me pose question... l'identité fait-elle la transparence ? Les conditions mêmes de possibilité de la transparence supposent une médiation, non ?
" L’idée d’une démocratie directe, et donc transparente, constitue donc un défi pour l’avenir " Je crois qu'il faut éviter ces formules. Ca a un côté lyrique qui n'est pas de bon ton au concours... enfin, je crois.
Au terme de ton premier moment, on aboutit donc à la formule suivante : "Nous voyons donc que la transparence en politique est problématique. "? J'ai envie de dire : "c'est tout ?" Il y a quelque chose de maladroit à choisir de partir d'un point de départ, si cela sert simplement à dire que, bon, là, ça ne marche pas trop. Ton passage par le politique n'a de sens que s'il peut te conduire à spécifier la nature de la notion en jeu. Tu dois donc en avoir tiré quelque chose quant à la définition.
Par ailleurs, je note une contradiction par rapport à ce qui a structuré ton intro : tu dis là que la transparence ne se "décrète" par, qu'elle doit être "naturelle" en quelque sorte. Or ton intro a justement insisté sur le travail, la construction, le matériau transparent. Tout se passe comme si tu oubliais cela... c'est vraiment dommage.
" Par conséquent, un être transparent est un être sans intimité, il ne vit pas pour soi-même. " Tu as ici un bon moyen de revenir aux conditions de possibilité de la transparence... Tout ce passage est très intéressant mais demande à être thématisé pour lui-même.
"Mais ce n’est pas seulement par rapport aux autres que nous manquons de transparence ", je trouve ce "déplacement" du focus très maladroit... les autres... mais soi aussi... c'est de la juxtaposition. Or tu viens justement de dire, et de manière très intéressante, que ce n'est pas par rapport à soi, de manière réflexive, que cela se joue. Il y a faut un médium.
Je m'arrête un instant sur ta transition :
"Nous voyons donc que, du point de vue individuel, la transparence implique un effort sur soi. Dans la perspective chrétienne de l’imitation de Jésus-Christ, la transparence est un moyen de se rapprocher du Christ par la voie de l’humilité, tandis que la pensée de Nietzsche évoque une restauration des forces vitales par une hiérarchie des instincts et une destruction, ou un retournement, des valeurs morales et religieuses communément admises. Cette dernière démarche a cependant une portée gnoséologique, puisque celui qui l’accomplit parvient la connaissance de soi. La transparence, qui se manifeste lorsque les résistances à la volonté de puissance tombent, intervient donc aussi dans le champ de la connaissance, comme si se dissipaient en même temps les éléments qui font obstacle à cette dernière. C’est donc à l’étude du rapport entre transparence et connaissance que nous allons consacrer la suite de notre réflexion."
Elle me semble contenir un défaut à corriger : elle procède par glissement. Tu restes trop prisonnier de ta dernière référence et ton dernier développement semble un prétexte pour aborder le domaine suivant. C'est flagrant si l'on est attentif au fait qu'au fond, tout tient dans le "aussi" que j'ai mis en gras. Il faut articuler davantage je crois. Et il faut faire davantage le point. Que sait-on, au terme de ton I, de la transparence ? Qu'est-ce qui pose encore problème ? Faute de cela, je n'ai pas, pour ma part en tout cas, le sentiment d'une progression de la réflexion.
Question générale sur ce I : as-tu compté le nombre de références qu'il contient ? Quelle réflexion cela t'inspire-t-il ?
- Partie 2:
Ton 2.1 me semble très bien. Pour être honnête, je me suis même dit "ah ben voilà, c'est par là qu'il fallait commencer !"... Je trouve même que ta question finale devrait être plus tranchée : la connaissance est-elle transparence ?
Intéressante référence à Nicolas de Cues.
Formule maladroite je crois "Notons au passage qu’il n’est sans doute pas anodin que Spinoza ait exercé la profession de polisseur de lentilles." car qu'en tires-tu à par la simple mention du fait que tu le sais ... ?
"Mais une remarque s’impose : l’image, pour se former, si elle a besoin de la transparence des lentilles dont la courbure a été utilisée à bon escient, nécessite en dernière instance la présence d’un écran opaque pour apparaître. De la même manière, pour voir, nous avons besoin de la transparence de l’œil, mais aussi de l’opacité de la rétine. "
Voilà, là tu vois, on est dans une analyse des conditions de possibilité. Et ça donne du relief, même à ce qui précède sur la politique. Tu aurais pu, après avoir développé cela, montrer que ces dualité était nécessaire y compris au sens figuré, et là, ton évocation du totalitarisme, d'Orwell, prenait sens et valeur.
"Nos considérations ne nous permettent pas de comprendre comment un sujet peut se comprendre lui-même, voir même comprendre un autre sujet. C’est donc par l’étude de la compréhension subjective que va se terminer notre enquête."
Là, ça va beaucoup trop vite. Tu donnes l'impression de vouloir finir. Il aurait mieux valu passer moins de temps sur le début, mais soigner la transition (règle générale : ne jamais bâcler les transitions ; elles sont des moments de reprise et de clarification ; elles doivent rendre ta démarche limpide (pour ne pas dire transparente )
Ta deuxième partie est nettement meilleure que ta première : plus directe aussi. Compare le nombre de références d'ailleurs.
Tu papillones moins, tu exploites vraiment ta référence. Et tu en tires beaucoup plus de choses. C'est vraiment beaucoup mieux.
- Partie 3:
"Les relations interindividuelles nous mettent en face de deux difficultés majeures : comprendre l’autre et être compris par lui."
Vraiment, après ton II, j'ai du mal à comprendre pourquoi on passe à ça, et en quoi c'est nécessaire pour la notion de transparence...
Ce que tu évoques de Gadamer et Derrida me semble intéressant mais... comment dire... mal "placé" dans l'économie de ta réflexion. Un peu comme ce que tu disais plus haut du totalitarisme (d'ailleurs, la question du pouvoir revenant, il y avait sans doute à lien à travailler).
"Le vide, en tant qu’absence d’obstacle, est donc la transparence absolue." Le vide est-il transparent... je comprends mieux la question qui t'a été posée :lol: . Plus sérieusement, il y a là un oubli, que l'on a trouvé presque tout au long de ton travail, celui que pour qu'il y ait transparence, il faut qu'il y ait un medium...
Cette troisième partie me semble inaboutie, un peu maladroite, farfouillant ça et là sans parvenir vraiment à extraire des références ce que tu veux en extraire parce que certains fondamentaux ne sont pas clairs pour toi.
- Conclusion:
"Au terme de cette réflexion, nous voyons donc que la transparence prend plusieurs formes, selon qu’elle concerne le domaine politique, moral, épistémologique ou herméneutique."
Bon. Ca, c'est le genre de formule que je n'aime pas (mais c'est peut-être moi hein). J'ai le sentiment qu'elle n'apporte rien. Tu pourrais la rayer, et ça ne changerait rien à ta conclusion.
Le rappel des acquis des 3 parties est maladroit, parce qu'il fait "résumé"... en fait, on ne veut pas relire ce qu'on a lu ; on voudrait savoir où on arrive à la fin.
"En ce qui concerne la question que nous posions à propos de l’effort mis en œuvre en vue de la transparence" Tu vois, là, tu donnes le sentiment de ramer. Ou plus exactement, tu es contraint à ramener artificielle ta question essentielle, parce que rien de ce qui précède n'amène naturellement à ce qu'on y réponde. C'est le signe que ton plan est maladroit et n'a pas servi ta problématique.
"nous pouvons répondre à partir de cela que la transparence correspond à un retour à l’authenticité, à une nature originelle. L’origine dans ce sens n’est pas forcément chronologique, mais peut être ontologique ou spirituelle. Elle est un rétablissement de ce que nous devrions être mais que nous ne sommes pas par suite d’une faute, que ce soit par l’institution en société, le péché, ou la fuite de sa propre liberté."
Quid de l'opacité évoquée en II ? On a perdu en fait tout le bénéfice du II. La dimension d'horizon, de rêve de "transparence" n'apparaît plus, et pire, l'opacité devient moralement évaluée. D'ailleurs, tu noteras que tu évoques le I et le III "société, péché, fuite de sa propre liberté", mais pas du tout le II...
Donc, conclusion trop longue, que tu peux épurer, et qui, par ailleurs, révèle ce qui me semble être les défauts (et surtout LE défaut) de ton travail.
Au final, je dirais qu'il y a presque trop de choses dans ton travail. Tu peux travailler à l'épure, et surtout, tu peux (tu dois ?) travailler le plan, ciseler ton problème et t'en servir comme du seul guide valable dans le cheminement de ta réflexion.
Je suppose que tu as lu le texte de Baas. Qu'en as-tu pensé ?
- LevincentNiveau 9
Bon, je m'attendais à certaines de ces critiques. C'est fou comme cet exercice demande une maîtrise et une surveillance constante de ce qu'on fait. J'avais pourtant l'impression, pendant la phase de préparation et de construction du plan, que je mettais les rails pour quelque chose de vraiment chouette, et puis pendant la rédaction je me suis un peu trop laissé aller, j'ai fait des modifications en cours de route et j'ai négligé de mettre en avant la progression de la pensée. Il est vrai que j'ai "ramé", comme tu dis, surtout sur la troisième partie, que je trouve complètement ratée. Mais parvenir jusque là m'a demandé une telle énergie que j'ai préféré finir coûte que coûte plutôt que réorganiser l'ensemble de la dissertation. En lisant la dissertation de Baas, je découvre en effet que j'aurais gagné à adopter une structure "croisée", avec des aller-retours entre les parties (i.e. entre les thèmes d'investigation) pour approfondir la réflexion sur plusieurs fronts en même temps. J'essaierai d'y penser la prochaine fois.
Par ailleurs, je vois qu'une étude de l'étymologie m'aurait donné des éléments utiles. J'ignorais par exemple que "perspective" avait le sens de "voir à-travers", sans quoi j'aurais pu exploiter, comme Baas, le filon de la peinture. Cependant, la grosse différence consiste dans la construction et la progression du travail, et il va falloir que je relise de plus près pour en prendre de la graine. Mais je me permets quand même d'exprimer une critique : Baas énonce deux problèmes dans son introduction, dont l'un me paraît faux. Voir un paradoxe entre le côté tangible, donc matériel, du matériau transparent, et la matière, qui est par définition impénétrable, me paraît être une pétition de principe, puisque l'impénétrabilité concerne le toucher, c'est-à-dire le contact d'un corps avec un autre. Mais alors présumer que cette impénétrabilité devrait concerner aussi la lumière, c'est déjà faire une supposition sur cette dernière. Après, ce n'est pas trop grave, puisque c'est surtout au deuxième problème qu'il s'attaque par la suite. Ensuite, et cela me permettra de répondre à la question sur le vide : pour moi le vide est bien transparent, puisqu'entre un point A et un point B séparés par le vide il y a bien une distance, qui joue le rôle de médium. Mais ce médium n'occasionnant aucune perturbation de la lumière, on peut dire qu'il est parfaitement transparent (il est vrai que j'aurais pu développer une telle argumentation dans mon travail).
Je vois quand même que ce n'est pas gagné en ce qui me concerne : j'ai l'impression de progresser, mais pas assez vite. Dire que vers avril prochain, je suis censé pouvoir faire quelque chose de valable en seulement 7 heures...Sans compter toutes les lectures qui me manquent et après lesquelles je cours. Je me demande si je ne vise pas un peu haut en tentant l'agreg dès le premier coup...Mais allez, faut garder la foi, même si c'est pas toujours facile !
Sinon merci de t'être donné la peine de rédiger un commentaire aussi complet. J'ai également envoyé ce travail au professeur retraité qui m'a inspiré mon projet. Bonne nouvelle : il va m'aider dans ma préparation
Par ailleurs, je vois qu'une étude de l'étymologie m'aurait donné des éléments utiles. J'ignorais par exemple que "perspective" avait le sens de "voir à-travers", sans quoi j'aurais pu exploiter, comme Baas, le filon de la peinture. Cependant, la grosse différence consiste dans la construction et la progression du travail, et il va falloir que je relise de plus près pour en prendre de la graine. Mais je me permets quand même d'exprimer une critique : Baas énonce deux problèmes dans son introduction, dont l'un me paraît faux. Voir un paradoxe entre le côté tangible, donc matériel, du matériau transparent, et la matière, qui est par définition impénétrable, me paraît être une pétition de principe, puisque l'impénétrabilité concerne le toucher, c'est-à-dire le contact d'un corps avec un autre. Mais alors présumer que cette impénétrabilité devrait concerner aussi la lumière, c'est déjà faire une supposition sur cette dernière. Après, ce n'est pas trop grave, puisque c'est surtout au deuxième problème qu'il s'attaque par la suite. Ensuite, et cela me permettra de répondre à la question sur le vide : pour moi le vide est bien transparent, puisqu'entre un point A et un point B séparés par le vide il y a bien une distance, qui joue le rôle de médium. Mais ce médium n'occasionnant aucune perturbation de la lumière, on peut dire qu'il est parfaitement transparent (il est vrai que j'aurais pu développer une telle argumentation dans mon travail).
Je vois quand même que ce n'est pas gagné en ce qui me concerne : j'ai l'impression de progresser, mais pas assez vite. Dire que vers avril prochain, je suis censé pouvoir faire quelque chose de valable en seulement 7 heures...Sans compter toutes les lectures qui me manquent et après lesquelles je cours. Je me demande si je ne vise pas un peu haut en tentant l'agreg dès le premier coup...Mais allez, faut garder la foi, même si c'est pas toujours facile !
Sinon merci de t'être donné la peine de rédiger un commentaire aussi complet. J'ai également envoyé ce travail au professeur retraité qui m'a inspiré mon projet. Bonne nouvelle : il va m'aider dans ma préparation
- JPhMMDemi-dieu
Quelques questions sur le vide, très naïves, et sans doute pas du tout philosophiques pardon.
Dès lors que la lumière traverse le vide, ce vide n'est plus vide, puisqu'il y a de la lumière. Le vide est-il bien transparent ? (Le photon se déplace toujours dans du vide — dans le vide de la matière essentiellement lacunaire — sinon il est arrêté ou dévié.)
Dans le vide théorique, il n'y a rien, parler de transparence n'est-ce pas ici donner une caractéristique à un rien ?
Je songe qu'il doit exister des "vides" totalement opaques, mais la question demande vérification par un physicien. La lumière ne peut pas traverser l'horizon des événements d'un trou noir, cette sphère-là constituée de vide (mais pas que) n'est donc pas transparente. Non ? L'espace vide peut lui-même créer des perturbations du mouvement de la lumière, car il peut être courbé, et même courbé jusqu'à la singularité.
Vue d'artiste :
Pardon, je m'éloigne du sujet sans doute.
De façon plus générale, il y a aussi des objets qui laissent donc traverser la lumière mais qui ne permettent pas de voir à travers. Un diamant taillé, par exemple. Car la lumière, en changeant de milieu (air/diamant puis diamant/air), est déviée. Sont-ils encore transparents ? La transparence demandée au monde politique est-elle de cet ordre, entre le milieu "sphère publique" et le milieu "sphère privée" ? Et mon esprit se perd à aller penser au panoptique de Bentham. Voir (tout) sans être vu.
Dès lors que la lumière traverse le vide, ce vide n'est plus vide, puisqu'il y a de la lumière. Le vide est-il bien transparent ? (Le photon se déplace toujours dans du vide — dans le vide de la matière essentiellement lacunaire — sinon il est arrêté ou dévié.)
Dans le vide théorique, il n'y a rien, parler de transparence n'est-ce pas ici donner une caractéristique à un rien ?
Je songe qu'il doit exister des "vides" totalement opaques, mais la question demande vérification par un physicien. La lumière ne peut pas traverser l'horizon des événements d'un trou noir, cette sphère-là constituée de vide (mais pas que) n'est donc pas transparente. Non ? L'espace vide peut lui-même créer des perturbations du mouvement de la lumière, car il peut être courbé, et même courbé jusqu'à la singularité.
Vue d'artiste :
Pardon, je m'éloigne du sujet sans doute.
De façon plus générale, il y a aussi des objets qui laissent donc traverser la lumière mais qui ne permettent pas de voir à travers. Un diamant taillé, par exemple. Car la lumière, en changeant de milieu (air/diamant puis diamant/air), est déviée. Sont-ils encore transparents ? La transparence demandée au monde politique est-elle de cet ordre, entre le milieu "sphère publique" et le milieu "sphère privée" ? Et mon esprit se perd à aller penser au panoptique de Bentham. Voir (tout) sans être vu.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- AspasieNiveau 10
Au contraire, très riche en reflexion et pistes de reflexion. Je n'aurais pas su mieux formuler les questions qu'impliquent l'opacité du vide ou l'idée de matière lacunaire, ou la courbure dans le vide, parce que derrière l'intuition, il m'aurait manqué la "matière". Merci d'avoir ainsi, et c'est très égoïste pour le coup, clarifié les choses.JPhMM a écrit:Quelques questions sur le vide, très naïves, et sans doute pas du tout philosophiques pardon.
- AspasieNiveau 10
Baas précise : "la matière est réputée impénétrable au regard". Il circonstancie donc 1) la réputation 2) la limite du regard (une matière qu'on pénètre du regard est précisément une matière transparente... la transparence fait donc exception dans la catégorie de la matière. Ce n'est pas tellement une pétition de principe, plutôt une analyse des présupposés et des sens entendus, non ?)Levincent a écrit:Mais je me permets quand même d'exprimer une critique : Baas énonce deux problèmes dans son introduction, dont l'un me paraît faux. Voir un paradoxe entre le côté tangible, donc matériel, du matériau transparent, et la matière, qui est par définition impénétrable, me paraît être une pétition de principe, puisque l'impénétrabilité concerne le toucher, c'est-à-dire le contact d'un corps avec un autre. Mais alors présumer que cette impénétrabilité devrait concerner aussi la lumière, c'est déjà faire une supposition sur cette dernière.
Que l'impénétrabilité concerne le toucher, c'est la prendre en un sens limité. On dit bien "pénétrer une pensée" ou "un regard pénétrant", non ? Ce n'est pas plus aberrant que de partir de l'idée d'une politique transparente...
Ceci étant, tu auras noté qu'il énonce un paradoxe, qu'il renforce par un autre paradoxe. C'est ce que j'appelle creuser le sujet. Et c'est essentiel pour donner du relief au questionnement, et partant, au traitement.
Je te laisse reprendre ceci à partir de la réponse de JphMM, mais pour le développerment dans ton travail, oh que oui ! Et cela aurait été très intéressant !! Forcément, cela t'aurait conduit à rassembler sur d'autres choses, mais que de "focus" gagné !pour moi le vide est bien transparent, puisqu'entre un point A et un point B séparés par le vide il y a bien une distance, qui joue le rôle de médium. Mais ce médium n'occasionnant aucune perturbation de la lumière, on peut dire qu'il est parfaitement transparent (il est vrai que j'aurais pu développer une telle argumentation dans mon travail).
Tss tss... ma position est plus facile que la tienne : tu t'y colles, et moi, je critique... non non, ne minimise pas ton travail.Je vois quand même que ce n'est pas gagné en ce qui me concerne : j'ai l'impression de progresser, mais pas assez vite. Dire que vers avril prochain, je suis censé pouvoir faire quelque chose de valable en seulement 7 heures...Sans compter toutes les lectures qui me manquent et après lesquelles je cours. Je me demande si je ne vise pas un peu haut en tentant l'agreg dès le premier coup...Mais allez, faut garder la foi, même si c'est pas toujours facile !
En revanche, d'ici avril prochain, astreint-toi progressivement à un travail en temps limité. On n'y perd pas forcément d'ailleurs, forcé qu'on est d'aller plus au coeur des concepts eux-mêmes.
Cool ça ! Rien de tel qu'un suivi personnalisé.J'ai également envoyé ce travail au professeur retraité qui m'a inspiré mon projet. Bonne nouvelle : il va m'aider dans ma préparation
En tout cas, bonne suite dans ce travail.
- LevincentNiveau 9
JPhMM a écrit:Quelques questions sur le vide, très naïves, et sans doute pas du tout philosophiques pardon.
Dès lors que la lumière traverse le vide, ce vide n'est plus vide, puisqu'il y a de la lumière. Le vide est-il bien transparent ? (Le photon se déplace toujours dans du vide — dans le vide de la matière essentiellement lacunaire — sinon il est arrêté ou dévié.)
Dans le vide théorique, il n'y a rien, parler de transparence n'est-ce pas ici donner une caractéristique à un rien ?
Je songe qu'il doit exister des "vides" totalement opaques [...]
Question intéressante. Lorsqu'on définit le vide comme un milieu transparent (c'est ce que je soutiens), doit-on le dire vide à l'exclusion de ce qui le traverse, ou faut-il inclure les rayons lumineux dans le milieu, et donc affirmer qu'il ne s'agit plus du vide ? J'aurais tendance à privilégier la première option, cependant, si on prend en compte la seconde, on doit tirer la conclusion que le vide est opaque, car, tant qu'il reste vide, et vide de lumière, on ne peut rien voir à travers.
A mon avis, la résolution de ce problème peut passer par les notions de puissance et d'acte d'Aristote : le vide-vide de lumière est transparent en puissance, car pour que sa transparence soit activée et effective, il faut qu'un rayon de lumière le traverse. Il est alors transparent en acte. Le vide sans lumière est transparent en puissance, et donc opaque.
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