- mikNiveau 3
Je rencontre un problème d'interprétation sur un poème de Théophile de Viau :
Heureux, tandis qu'il est vivant,
Celui qui va toujours suivant
Le grand maître de la nature
Dont il se croit la créature.
Il n'envia jamais autrui,
Quand tous les plus heureux que lui
Se moqueraient de sa misère,
Le rire est toute sa colère.
Celui-là ne s'éveille point
Aussitôt que l'Aurore point
Pour venir, des soucis du monde,
Importuner la terre et l'onde.
Il est toujours plein de loisir,
La justice est tout son plaisir,
Et, permettant en son envie
Les douceurs d'une sainte vie,
Il borne son contentement
Par la raison tant seulement.
L'espoir du gain ne l'importune,
En son esprit est sa fortune ;
L'éclat des cabinets dorés,
Où les princes sont adorés,
Lui plaît moins que la face nue
De la campagne ou de la nue.
La sottise d'un courtisan,
La fatigue d'un artisan,
La peine qu'un amant soupire,
Lui donne également à rire.
Il n'a jamais trop affecté
Ni les biens ni la pauvreté ;
Il n'est ni serviteur ni maître,
Il n'est rien que ce qu'il veut être.
Jésus-Christ est sa seule foi.
Tels seront mes amis et moi.
Pour moi, ce poème est fait l'éloge de la vie marginal et libertine des poète par opposition à une vie plus conformiste. J'ai du mal avec les vers "le grand maître de la nature" et "Jésus-Christ est sa seule foi". Viau semble sous entendre que la religion peut le rendre heureux, or il était athée et la croyance ne parait pas forcément compatible avec une vie basée sur les plaisirs.
Qu'en pensez-vous ?
Merci d'avance
Heureux, tandis qu'il est vivant,
Celui qui va toujours suivant
Le grand maître de la nature
Dont il se croit la créature.
Il n'envia jamais autrui,
Quand tous les plus heureux que lui
Se moqueraient de sa misère,
Le rire est toute sa colère.
Celui-là ne s'éveille point
Aussitôt que l'Aurore point
Pour venir, des soucis du monde,
Importuner la terre et l'onde.
Il est toujours plein de loisir,
La justice est tout son plaisir,
Et, permettant en son envie
Les douceurs d'une sainte vie,
Il borne son contentement
Par la raison tant seulement.
L'espoir du gain ne l'importune,
En son esprit est sa fortune ;
L'éclat des cabinets dorés,
Où les princes sont adorés,
Lui plaît moins que la face nue
De la campagne ou de la nue.
La sottise d'un courtisan,
La fatigue d'un artisan,
La peine qu'un amant soupire,
Lui donne également à rire.
Il n'a jamais trop affecté
Ni les biens ni la pauvreté ;
Il n'est ni serviteur ni maître,
Il n'est rien que ce qu'il veut être.
Jésus-Christ est sa seule foi.
Tels seront mes amis et moi.
Pour moi, ce poème est fait l'éloge de la vie marginal et libertine des poète par opposition à une vie plus conformiste. J'ai du mal avec les vers "le grand maître de la nature" et "Jésus-Christ est sa seule foi". Viau semble sous entendre que la religion peut le rendre heureux, or il était athée et la croyance ne parait pas forcément compatible avec une vie basée sur les plaisirs.
Qu'en pensez-vous ?
Merci d'avance
- NLM76Grand Maître
Le seul problème c'est le caractère péremptoire de "il était athée". Enfin il y en a un autre : le présupposé qu'un être humain doive être parfaitement cohérent, et plus encore que les écrits d'un poète soit parfaitement cohérent avec sa vie. Mais je n'ai pas pris le temps de relire les vers en question.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- IphigénieProphète
Moi je n'ai jamais étudié de près Théophile de Viau mais je me dis que dans l'expression "le grand maître de la nature " "de la nature "n'est pas forcément complément de nom mais peut-être apposition (la ville de Paris) et que la référence à JC c'est peut-être une référence à l'homme-dieu, justement, qui prend le pas sur Dieu. Mais sous toute réserve et le contrôle de ceux qui s'y connaissent vraiment sur cet auteur.
- JohnMédiateur
Pour moi :
1) Le libertin du 17e n'est pas forcément athée.
2) On peut avoir Jésus Christ comme seule foi et ne pas bouder les plaisirs.
Ce n'est pas que la religion le rende heureux, mais il rend hommage au catholicisme, un peu comme Molière dans le Tartuffe s'en prend à ceux qui prêchent faussement la religion, mais pour rendre hommage - du moins le dit-il - à ceux qui sont vraiment dévôts.
1) Le libertin du 17e n'est pas forcément athée.
2) On peut avoir Jésus Christ comme seule foi et ne pas bouder les plaisirs.
Ce n'est pas que la religion le rende heureux, mais il rend hommage au catholicisme, un peu comme Molière dans le Tartuffe s'en prend à ceux qui prêchent faussement la religion, mais pour rendre hommage - du moins le dit-il - à ceux qui sont vraiment dévôts.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- JohnMédiateur
Je cite un extrait de discussion sur WK :
Pour ce qui est de l'athéisme c'est faux encore une fois. Théophile est né dans une famille protestante et s'est converti ; on lui connait quelques retournements de veste - mais l'affirmer comme athée serait une erreur. Non seulement parce qu'il ne le dit clairement pas, et qu'en plus nous serions porté sur l'idée que c'est son atheisme et ses poèmes licencieux qui l'ont précipité en prison. Comme une résultante logique. Or : 1°) son procès est une vaste supercherie avec des faux à foison pour le charger (cf l'ouvrage de Jean Rohou ou le "dictionnaire encyclopédique de la littérature française" d'Alain Rey). Au final il n'a jamais été prouvé qu'il était athée, ni que les poèmes incriminés étaient de lui. 2°) être athée déclaré signifiait l'arrêt de mort. Théophile, comme leader presque naturel des jeunes libertains, devait plus que quiconque se proteger de telles aléguations. Je cite d'ailleurs la fin d'une de ses odes : Il n'a jamais trop affecté Ni les biens ni la pauvreté ; Il n'est ni serviteur ni maitre, Il n'est rien que ce qu'il veut être. Jésus-Christ est sa seule foi. Tels serront mes amis et moi.
Pour un athée... on trouverait meilleure déclaration. J'ajoute que rien ne nous permet d'affirmer que cette conversion est de l'opportunisme. Voilà pourquoi je propose la modification de l'introduction sur Théophile.
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- User17706Bon génie
Effectivement, il faut biffer «Théophile était athée». Il ne l'était pas, en tout cas pas au sens où nous employons ce terme. Au XVIIe, on utilise fréquemment le mot «athée» ou «athéiste» pour qualifier à peu près tous ceux qui prennent des libertés avec la religion, ou dont les croyances ne suivent pas exactement un dogme donné. On emploie d'ailleurs souvent, à cette même époque, «libertin» à propos des mêmes exactement.
«Dont il se croit la créature» est typiquement libertin. C'est largement suffisant pour déclencher une apoplexie.
«Dont il se croit la créature» est typiquement libertin. C'est largement suffisant pour déclencher une apoplexie.
- JohnMédiateur
Idem pour "Jésus-Christ est sa seule foi".
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- User17706Bon génie
Oui, le boss a raison, idem pour l'avant-dernier vers
- User5899Demi-dieu
Je ne suis pas du tout spécialiste de ces questions, mais, d'après ce texte, il n'est pas athée au sens contemporain. Pour moi, sa croyance et sa foi en la figure du Christ, "sa seule foi", est un problème par rapport au dogme catholique (la trinité), et fait référence à une lecture de cette figure du Christ comme marginale par rapport aux valeurs de l'Eglise du XVIIe. Ca me fait penser en souriant aux débats due Eco prête aux moines médiévaux, aux schismes de tous ordres sur des interprétations de détail. Le Christ est un marginal :il défend la femme adultère, il poursuit les marchands du temple... Dommage, pour Leonarda, silence complet du Livremik a écrit:Je rencontre un problème d'interprétation sur un poème de Théophile de Viau :
Heureux, tandis qu'il est vivant,
Celui qui va toujours suivant
Le grand maître de la nature
Dont il se croit la créature.
Il n'envia jamais autrui,
Quand tous les plus heureux que lui
Se moqueraient de sa misère,
Le rire est toute sa colère.
Celui-là ne s'éveille point
Aussitôt que l'Aurore point
Pour venir, des soucis du monde,
Importuner la terre et l'onde.
Il est toujours plein de loisir,
La justice est tout son plaisir,
Et, permettant en son envie
Les douceurs d'une sainte vie,
Il borne son contentement
Par la raison tant seulement.
L'espoir du gain ne l'importune,
En son esprit est sa fortune ;
L'éclat des cabinets dorés,
Où les princes sont adorés,
Lui plaît moins que la face nue
De la campagne ou de la nue.
La sottise d'un courtisan,
La fatigue d'un artisan,
La peine qu'un amant soupire,
Lui donne également à rire.
Il n'a jamais trop affecté
Ni les biens ni la pauvreté ;
Il n'est ni serviteur ni maître,
Il n'est rien que ce qu'il veut être.
Jésus-Christ est sa seule foi.
Tels seront mes amis et moi.
Pour moi, ce poème est fait l'éloge de la vie marginal et libertine des poète par opposition à une vie plus conformiste. J'ai du mal avec les vers "le grand maître de la nature" et "Jésus-Christ est sa seule foi". Viau semble sous entendre que la religion peut le rendre heureux, or il était athée et la croyance ne parait pas forcément compatible avec une vie basée sur les plaisirs.
Qu'en pensez-vous ?
Merci d'avance
Juste un détail de méthode :expliquer un texte en se fondant sur un détail biographique, si juste fût-il, je crois que c'est périlleux.
- mikNiveau 3
Merci pour vos réponses. J'en conclue :
-Athée signifie s'éloigner un tant soi peu des dogmes de l'église, ce qui suffit à choquer.
-La référence à JC n'est pas incompatible avec un mode de vie libertin puisque JC était marginal aux yeux de l'église du XVII° siècle
-Athée signifie s'éloigner un tant soi peu des dogmes de l'église, ce qui suffit à choquer.
-La référence à JC n'est pas incompatible avec un mode de vie libertin puisque JC était marginal aux yeux de l'église du XVII° siècle
- JohnMédiateur
Mais qui a dit que Viau était athée
Et JC n'était pas "marginal aux yeux de l'Eglise du XVII" : tu résumes trop vite ce qu'a dit Cripure.
Et JC n'était pas "marginal aux yeux de l'Eglise du XVII" : tu résumes trop vite ce qu'a dit Cripure.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- User17706Bon génie
Heu non. Enfin, je tiens à dire que je dégage totalement ma responsabilité de tout ce qui se trouve derrière les tirets.mik a écrit:Merci pour vos réponses. J'en conclue :
-Athée signifie s'éloigner un tant soi peu des dogmes de l'église, ce qui suffit à choquer.
-La référence à JC n'est pas incompatible avec un mode de vie libertin puisque JC était marginal aux yeux de l'église du XVII° siècle
- mikNiveau 3
D'accord j'ai du mal !!!
J'ai fait un mix des réponses et interprété à ma façon !
J'ai fait un mix des réponses et interprété à ma façon !
- User17706Bon génie
La référence à JC seul peut être interprétée comme problématique du point de vue du dogme trinitaire. C'est déjà suffisant pour être suspect. Mais l'Église n'a jamais vu dans JC un «marginal»
Sinon, le sens d'athée est effectivement très distendu au XVIIe. Bon, c'est vrai qu'on est allés un peu vite, mais «les dogmes de l'Église» (laquelle, d'abord?) est un raccourci. C'est surtout la grammaire du premier point qui me faisait bondir.
Sinon, le sens d'athée est effectivement très distendu au XVIIe. Bon, c'est vrai qu'on est allés un peu vite, mais «les dogmes de l'Église» (laquelle, d'abord?) est un raccourci. C'est surtout la grammaire du premier point qui me faisait bondir.
- User5899Demi-dieu
Remarquez, entre les valeurs des gens d'église et celle du Christ selon les Evangiles, il existe quelques petites différences...
- User5899Demi-dieu
Certes pas l'Eglise comme institution. Mais vous pensez vraiment que la Manif pour tous lui donnerait un euro à la quête ?PauvreYorick a écrit: l'Église n'a jamais vu dans JC un «marginal»
- User17706Bon génie
J'espère bien que non! À ce pouilleux?
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