- FabienneNiveau 9
Bonjour,
Je pars demain sur Les Misérables de Victor Hugo.
J'ai fait commander la série dans mon collège, mais apparemment, la date de livraison a été décalée à la fin de la semaine de la rentrée...
Je cherche donc un "plan B", et je me dis que j'aurais volontiers travaillé sur la vie de Victor Hugo, à partir d'un documentaire.
Est-ce que quelqu'un en aurait un à me conseiller, qui soit adapté à des 4èmes? Des pistes d'exploitation éventuellement?
D'autres suggestions pour "meubler" deux heures avant d'entrer dans le vif du sujet?
Merci d'avance.
Je pars demain sur Les Misérables de Victor Hugo.
J'ai fait commander la série dans mon collège, mais apparemment, la date de livraison a été décalée à la fin de la semaine de la rentrée...
Je cherche donc un "plan B", et je me dis que j'aurais volontiers travaillé sur la vie de Victor Hugo, à partir d'un documentaire.
Est-ce que quelqu'un en aurait un à me conseiller, qui soit adapté à des 4èmes? Des pistes d'exploitation éventuellement?
D'autres suggestions pour "meubler" deux heures avant d'entrer dans le vif du sujet?
Merci d'avance.
- IphigénieProphète
Il y avait eu une émission de S. Bern l'an dernier qui n'était pas mal foutue et qui montrait tous les lieux de vie de Hugo: ça n'apprenait rien aux spécialistes (encore que la visite de Houseville n'est pas mal), mais pour des 4e c'est bien.
Par contre je ne sais pas si elle est encore trouvable.
Par contre je ne sais pas si elle est encore trouvable.
- cannelle21Grand Maître
Pourquoi ne pas travailler à partir du poème Melancholia de Victor Hugo. J'ai quelque chose si tu veux ; par contre il faudra adapter.
_________________
Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- IphigénieProphète
si c'est un texte que tu cherches il y a aussi celui dans Choses vues qui anticipe bien sur les Misérables: ça commence par "hier, 22 février, j'ai vu venir rue Tournon"..;On doit le trouver sur internet.
- Fleurette73Niveau 9
Hypothèses de lecture à partir de différentes 1ères de couverture, du titre?
- IphigénieProphète
sur deux heures il lui faudra de l'imagination :lol: :lol: Et puis, quel intérêt de passer deux heures sur le titre ou la couverture
- FabienneNiveau 9
Merci merci pour vos suggestions, mais j'ai toruvé de quoi faire.
Par chance la salle multimedia était libre, donc je pars sur une découverte de Victor Hugo par un parcours internet.
Par chance la salle multimedia était libre, donc je pars sur une découverte de Victor Hugo par un parcours internet.
- cliohistHabitué du forum
Hasard ? France 3 diffuse dans le cinéma de minuit la version de 1933 avec Harry Baur (1/3)
Sur Victor Hugo, la BNF avait fait une excellente exposition (en 2002 ?)
http://expositions.bnf.fr/hugo/expo.htm
http://clioweb.free.fr/dossiers/ecrivains/victorhugo.htm
- Fleurette73Niveau 9
iphigénie a écrit:sur deux heures il lui faudra de l'imagination :lol: :lol:
Pas deux heures, 30 ou 45 minutes si le documentaire ou l'activité ne couvre pas les deux heures...
- retraitéeDoyen
Tiens, voici des textes que tu pourras exploiter.
Texte du Docteur VILLERMÉ
TABLEAU DE L’ÉTAT PHYSIQUE ET MORAL DES OUVRIERS EMPLOYÉS DANS LES MANUFACTURES DE COTON, DE LAINE ET DE SOIE. 1840. LILLE
Je viens de mentionner la rue des Étaques et ses cours : voici comment les ouvriers y sont logés.
Les plus pauvres habitent les caves et les greniers. Ces caves n’ont aucune communication avec l’intérieur des maisons ; elles s’ouvrent sur des rues ou sur des cours, et l’on y descend par un escalier, qui en est très souvent à la fois la porte et la fenêtre. Elles sont en pierre ou en brique voûtées, pavées ou carrelées et toutes ont une cheminée, ce qui prouve qu’elles ont été construites pour servir d’habitation. Communément leur hauteur est de 6 pieds à 6 pieds et demi, prise au milieu de la voûte, et elles ont de 10 à 14 pieds de côté.
C’est dans ces sombres et tristes demeures que mangent, couchent et même travaillent un grand nombre d’ouvriers. le jour arrive pour eux une heure plus tard que pour les autres, et la nuit une heure plus tôt.
Leur mobilier ordinaire se compose, avec les objets de leur profession, d’une sorte d’armoire ou d’une planche pour déposer les aliments, d’une poêle, d’un réchaud en terre cuite, de quelques poteries, d’une petite table, de deux ou trois mauvaises divans, et d’un sale grabat dont les seules pièces sont une paillasse et des lambeaux de couverture. Je voudrais ne pas ajouter à ce détail des choses hideuses qui révèlent, au premier coup d’œil, la profonde misère des malheureux habitants ; mais je dois dire que, dans plusieurs des lits dont je viens de parler, j’ai vu reposer ensemble des individus des deux sexes et d’âges très différents, la plupart sans chemise et d’une saleté repoussante. Père, mère, vieillards, enfants, adultes, s’y pressent, s’y entassent. Je m’arrête… le lecteur achèvera le tableau, mais je préviens que s’il tient à l’avoir fidèle, son imagination ne doit reculer devant aucun des mystères dégoûtants qui s’accomplissent sur ces couches impures, au sein de l’obscurité et de l’ivresse.
Eh bien ! les caves ne sont pas les plus mauvais logements : elles ne sont pas, à beaucoup près, aussi humides qu’on le prétend. Chaque fois qu’on y allume le réchaud, qui se place alors dans la cheminée, on détermine un courant d’air qui les sèche et les assainit. Les pires logements sont les greniers, où rien ne garantit des extrêmes de température, car les locataires, tout aussi misérables que ceux des caves, manquent des moyens d’y entretenir du feu pour se chauffer l’hiver
Textes de Victor HUGO.
Repères chronologiques sommaires :
1848 : 24 février. Le Gouvernement provisoire proclame la République.- 4 juin : Élection de Hugo à l’Assemblée Constituante. Élu de droite, Hugo votera souvent avec la gauche. - 10 décembre : élection de Louis Napoléon Bonaparte comme Président de la République.
1849 : Hugo est élu, à droite, à l’Assemblée législative.
1850 : Hugo rompt avec la droite, et combat des lois sur l’enseignement et sur la presse.
1851 : 20 février : Hugo visite les caves de Lille. - 17 juillet : il s’oppose au projet de révision de la Constitution et dénonce les manœuvres de L.N. Bonaparte. - 2 décembre : Coup d’État. - 11 décembre : Hugo part pour Bruxelles.
1852 : 9 janvier : Décret expulsant 66 députés, dont Hugo. Son exil ne prendra fin qu’à la chute du régime.
22 octobre : Hugo commence Les Châtiments. L’œuvre sera publiée le 21 novembre 1853 à Bruxelles.
2 décembre : Proclamation du Second Empire.
Texte 1 : Après être allé visiter les caves de Lille, Victor Hugo écrit le discours qui suit. En raison du Coup d’État, ce discours ne sera pas prononcé.
VICTOR HUGO : DISCOURS A L’ASSEMBLÉE
[…]
Figurez-vous ces caves dont rien de ce que je vous ai dit ne peut vous donner l’idée ; figurez-vous ces cours qu’ils appellent des courettes, resserrées entre de hautes masures, sombres, humides, glaciales, méphitiques, pleines de miasmes stagnants, encombrées d’immondices, les fosses d’aisance à côté des puits !
Hé mon Dieu ! ce n’est pas le moment de chercher des délicatesses de langage !
Figurez-vous ces maisons, ces masures habitées du haut en bas, jusque sous terre, les eaux croupissantes filtrant à travers les pavés dans ces tanières où il y a des créatures humaines. Quelquefois jusqu’à dix familles dans une masure, jusqu’à dix personnes dans une chambre, jusqu’à cinq ou six dans un lit, les âges et les sexes mêlés, les greniers aussi hideux que les caves, des galetas où il entre assez de froid pour grelotter et pas assez d’air pour respirer !
[…]
Figurez-vous la population maladive et étiolée, des spectres au seuil des portes, la virilité retardée, la décrépitude précoce, des adolescents qu’on prend pour des enfants, de jeunes mères qu’on prend pour de vieilles femmes, les scrofules, le rachis, l’ophtalmie, l’idiotisme, une indigence inouïe, des haillons partout ; on m’a montré comme une curiosité une femme qui avait des boucles d’oreilles d’argent !
Et au milieu de tout cela le travail sans relâche, le travail acharné, pas assez d’heures de sommeil, le travail de l’homme, le travail de la femme, le travail de l’âge mûr, le travail de la vieillesse, le travail de l’enfance, le travail de l’infirme, et souvent pas de pain, et souvent pas de feu, et cette femme aveugle, entre ses deux enfants, dont l’un est mort et l’autre va mourir, et ce filetier phtisique agonisant, et cette mère épileptique qui a trois enfants et qui gagne trois sous par jour ! Figurez-vous tout cela, et si vous vous récriez, et si vous doutez, et si vous niez…
Ah ! vous niez ! Eh bien, dérangez-vous quelques heures, venez avec nous, incrédules, et nous vous ferons voir de vos yeux, toucher de vos mains les plaies, les plaies saignantes de ce Christ qu’on appelle le peuple !
Ah ! messieurs ! je ne fais injure au cœur de personne, si ceux qui s’irritent à mes paroles en ce moment avaient vu ce que j’ai vu, s’ils avaient vu comme moi de malheureux enfants vêtus de guenilles mouillées qui ne sèchent pas de tout l’hiver, d’autres qui ont toujours envie de dormir parce que, pour gagner leurs trois ou quatre misérables sous par jour, on les arrache de trop bonne heure à leur sommeil, d’autres qui ont toujours faim et qui, s’ils trouvent dans la rue, dans la boue, des feuilles vertes, les essuient et les mangent, s’ils avaient vu les pères et les mères de ces pauvres petits êtres, qui souffrent bien plus encore, car ils souffrent dans eux-mêmes et dans leurs enfants, s’ils avaient vu cela comme moi, ils auraient le cœur serré comme je l’ai en ce moment, et, j’en suis sûr, et je leur fais cet honneur d’en être sûr, loin de m’interrompre, ils me soutiendraient, et ils me crieraient : courage ! parlez pour les pauvres !
Car, eh mon Dieu ! pourquoi vous méprenez-vous ? Parler pour les pauvres, ce n’est pas parler contre les riches ! A quelque opinion qu’on appartienne, est-ce que ce n’est pas votre avis à tous ? On n’a plus de passions politiques en présence de ceux qui souffrent ! et on ne se sent plus au fond de soi qu’un cœur qui souffre avec eux et une âme qui prie pour eux !
Notes
méphitique : qui a une odeur répugnante ou toxique.
miasmes : émanations provenant de substances animales ou végétales en décomposition.
galetas : réduit misérable, souvent situé dans les combles.
étiolé : chétif, malingre, affaibli.
scrofule : syn. d’écrouelles. Abcès d’origine tuberculeuse, atteignant souvent les ganglions lymphatiques du cou.
rachis : ici, synonyme de rachitisme. Maladie de la croissance et de l’ossification, liée à un déficit en calcium et en phosphore, ainsi qu’en vitamine D.
ophtalmie : inflammation de l’œil.
indigence : grande pauvreté, misère.
phtisique : atteint de tuberculose pulmonaire.
Texte 2 : Les Châtiments, Livre III , IX ( II )
JOYEUSE VIE
Millions ! millions ! châteaux ! liste civile!
Un jour je descendis dans les caves de Lille ;
Je vis ce morne enfer.
Des fantômes sont là sous terre dans des chambres,
Blêmes, courbés, ployés ; le rachis tord leurs membres
Dans son poignet de fer.
Sous ces voûtes on souffre, et l’air semble un toxique ;
L’aveugle en tâtonnant donne à boire au phtisique ;
L’eau coule à longs ruisseaux ;
Presque enfant à vingt ans, déjà vieillard à trente,
Le vivant chaque jour sent la mort pénétrante
S’infiltrer dans ses os.
Jamais de feu ; la pluie inonde la lucarne ;
L’œil en ces souterrains où le malheur s’acharne
Sur vous, ô travailleurs,
Près du rouet qui tourne et du fil qu’on dévide,
Voit des larves errer dans la lueur livide
Du soupirail en pleurs.
Misère ! l’homme songe en regardant la femme.
Le père, autour de lui sentant l’angoisse infâme
Étreindre la vertu,
Voit sa fille rentrer sinistre sous la porte,
Et n’ose, l’œil fixé sur le pain qu’elle apporte,
Lui dire : D’où viens-tu ?
Là dort le désespoir sur son haillon sordide ;
Là, l’avril de la vie, ailleurs tiède et splendide,
Ressemble au sombre hiver ;
La vierge, rose au jour, dans l’ombre est violette ;
Là, rampent dans l’horreur la maigreur du squelette,
La nudité du ver ;
Là frissonnent plus bas que les égouts des rues,
Familles de la vie et du jour disparues,
Des groupes grelottants ;
Là, quand j’entrai, farouche, aux méduses pareille,
Une petite fille à figure de vieille
Me dit : J’ai dix-huit ans !
Là, n’ayant pas de lit, la mère malheureuse
Met ses petits enfants dans un trou qu’elle creuse,
Tremblants comme l’oiseau ;
Hélas ! ces innocents aux regards de colombe
Trouvent en arrivant sur la terre une tombe
En place d’un berceau !
Caves de Lille ! on meurt sous vos plafonds de pierre !
J’ai vu, vu de ces yeux pleurant sous ma paupière,
Râler l’aïeul flétri,
La fille aux yeux hagards de ses cheveux vêtue,
Et l’enfant spectre au sein de sa mère statue !
O Dante Alighieri !
C’est de ces douleurs-là que sortent vos richesses,
Princes ! ces dénûments nourrissent vos largesses
O vainqueurs ! conquérants !
Votre budget ruisselle et suinte à larges gouttes
Des murs de ces caveaux, des pierres de ces voûtes,
Du cœur de ces mourants. […]
Texte 3 : Extrait du roman L’Homme qui rit. 1868
A Londres, au début du XVIIIe siècle, la Chambre des Lords est appelée à voter l'augmentation du budget accordé au prince Georges de Danemark, mari de la Reine. L'un des Lords s’y oppose et explique ses raisons.
Silence, pairs d'Angleterre ! juges, écoutez la plaidoirie. Oh ! je vous en conjure, ayez pitié ! Pitié pour qui ? Pitié pour vous. Qui est en danger ? C'est vous. Est-ce que vous ne voyez pas que vous êtes dans une balance et qu'il y a dans un plateau votre puissance et dans l'autre votre responsabilité ? Dieu vous pèse. Oh ! ne riez pas. Méditez. Cette oscillation de la balance de Dieu, c'est le tremblement de la conscience. Vous n'êtes pas méchants. Vous êtes des hommes comme les autres, ni meilleurs, ni pires. Vous vous croyez des dieux, soyez malades demain, et regardez frissonner dans la fièvre votre divinité. Nous nous valons tous. Je m'adresse aux esprits honnêtes, il y en a ici ; je m'adresse aux intelligences élevées, il y en a ; je m'adresse aux âmes généreuses, il y en a. Vous êtes pères, fils et frères, donc vous êtes souvent attendris. Celui de vous qui a regardé ce matin le réveil de son petit enfant est bon. Les cœurs sont les mêmes. L'humanité n'est pas autre chose qu'un cœur. Entre ceux qui oppriment et ceux qui sont opprimés, il n'y a de différence que l'endroit où ils sont situés. Vos pieds marchent sur des têtes, ce n'est pas votre faute. C'est la faute de la Babel (1) sociale. Construction manquée, toute en surplombs. Un étage accable l'autre. Écoutez-moi, je vais vous dire. Oh ! puisque vous êtes puissants, soyez fraternels, puisque vous êtes grands, soyez doux.
Si vous saviez ce que j'ai vu ! Hélas ! en bas, quel tourment ! Le genre humain est au cachot. Que de damnés, qui sont des innocents ! Le jour manque, I'air. manque, la vertu manque ; on n'espère pas; et, ce qui est redoutable, on attend. Rendez-vous compte de ces détresses. Il y a des êtres qui vivent dans la mort. Il y a des petites filles qui commencent à huit ans par la prostitution et qui finissent à vingt ans par la vieillesse. Quant aux sévérités pénales, elles sont épouvantables. Je parle un peu au hasard, et je ne choisis pas. Je dis ce qui me vient à l'esprit. Pas plus tard qu'hier, moi qui suis ici, j'ai vu un homme enchaîné et nu, avec des pierres sur le ventre, expirer dans la torture. Savez-vous cela ? non. Si vous saviez ce qui se passe, aucun de vous n'oserait être heureux. Qui est-ce qui est allé à Newcastle-onTyne ? Il y a dans les mines des hommes qui mâchent du charbon pour s'emplir l'estomac et tromper la faim. Tenez, dans le comté de Lancastre, Ribblechester, à force d'indigence, de ville est devenue village. Je ne trouve pas que le prince Georges de Danemark ait besoin de cent mille guinées de plus. J'aimerais mieux recevoir à l'hôpital l'indigent malade sans lui faire payer d'avance son enterrement. En Caërnarvon, à Traith-maur comme à Traith-bichan, I'épuisement des pauvres est horrible. A Strafford, on ne peut dessécher le marais, faute d'argent. Les fabriques de draperie sont fermées dans tout le Lancashire. Chômage partout. Savez-vous que les pêcheurs de hareng de Harlech mangent de l'herbe quand la pêche manque ? Savez-vous qu'à Burton-Lazers il y a encore des lépreux traqués, et auxquels on tire des coups de fusil s'ils sortent de leurs tanières ? A Ailesbury, ville dont un de vous est lord, la disette est en permanence. A Penckridge en Coventry, dont vous venez de doter la cathédrale et d'enrichir l'évêque, on n'a pas de lits dans les cabanes, et l'on creuse des trous dans la terre pour y coucher les petits enfants, de sorte qu'au lieu de commencer par le berceau, ils commencent par la tombe. J'ai vu ces choses-là. Milords, les impôts que vous votez, savez-vous qui les paie ? Ceux qui expirent. Hélas ! vous vous trompez. Vous faites fausse route. Vous augmentez la pauvreté du pauvre pour augmenter la richesse du riche. C'est le contraire qu'il faudrait faire. Quoi, prendre au travailleur pour donner au repu, prendre à l'indigent pour donner au prince ! Oh ! oui, j'ai du vieux sang républicain dans les veines. J’ai horreur de cela.
Victor HUGO, L 'Homme qui rit (1868)
Texte du Docteur VILLERMÉ
TABLEAU DE L’ÉTAT PHYSIQUE ET MORAL DES OUVRIERS EMPLOYÉS DANS LES MANUFACTURES DE COTON, DE LAINE ET DE SOIE. 1840. LILLE
Je viens de mentionner la rue des Étaques et ses cours : voici comment les ouvriers y sont logés.
Les plus pauvres habitent les caves et les greniers. Ces caves n’ont aucune communication avec l’intérieur des maisons ; elles s’ouvrent sur des rues ou sur des cours, et l’on y descend par un escalier, qui en est très souvent à la fois la porte et la fenêtre. Elles sont en pierre ou en brique voûtées, pavées ou carrelées et toutes ont une cheminée, ce qui prouve qu’elles ont été construites pour servir d’habitation. Communément leur hauteur est de 6 pieds à 6 pieds et demi, prise au milieu de la voûte, et elles ont de 10 à 14 pieds de côté.
C’est dans ces sombres et tristes demeures que mangent, couchent et même travaillent un grand nombre d’ouvriers. le jour arrive pour eux une heure plus tard que pour les autres, et la nuit une heure plus tôt.
Leur mobilier ordinaire se compose, avec les objets de leur profession, d’une sorte d’armoire ou d’une planche pour déposer les aliments, d’une poêle, d’un réchaud en terre cuite, de quelques poteries, d’une petite table, de deux ou trois mauvaises divans, et d’un sale grabat dont les seules pièces sont une paillasse et des lambeaux de couverture. Je voudrais ne pas ajouter à ce détail des choses hideuses qui révèlent, au premier coup d’œil, la profonde misère des malheureux habitants ; mais je dois dire que, dans plusieurs des lits dont je viens de parler, j’ai vu reposer ensemble des individus des deux sexes et d’âges très différents, la plupart sans chemise et d’une saleté repoussante. Père, mère, vieillards, enfants, adultes, s’y pressent, s’y entassent. Je m’arrête… le lecteur achèvera le tableau, mais je préviens que s’il tient à l’avoir fidèle, son imagination ne doit reculer devant aucun des mystères dégoûtants qui s’accomplissent sur ces couches impures, au sein de l’obscurité et de l’ivresse.
Eh bien ! les caves ne sont pas les plus mauvais logements : elles ne sont pas, à beaucoup près, aussi humides qu’on le prétend. Chaque fois qu’on y allume le réchaud, qui se place alors dans la cheminée, on détermine un courant d’air qui les sèche et les assainit. Les pires logements sont les greniers, où rien ne garantit des extrêmes de température, car les locataires, tout aussi misérables que ceux des caves, manquent des moyens d’y entretenir du feu pour se chauffer l’hiver
Textes de Victor HUGO.
Repères chronologiques sommaires :
1848 : 24 février. Le Gouvernement provisoire proclame la République.- 4 juin : Élection de Hugo à l’Assemblée Constituante. Élu de droite, Hugo votera souvent avec la gauche. - 10 décembre : élection de Louis Napoléon Bonaparte comme Président de la République.
1849 : Hugo est élu, à droite, à l’Assemblée législative.
1850 : Hugo rompt avec la droite, et combat des lois sur l’enseignement et sur la presse.
1851 : 20 février : Hugo visite les caves de Lille. - 17 juillet : il s’oppose au projet de révision de la Constitution et dénonce les manœuvres de L.N. Bonaparte. - 2 décembre : Coup d’État. - 11 décembre : Hugo part pour Bruxelles.
1852 : 9 janvier : Décret expulsant 66 députés, dont Hugo. Son exil ne prendra fin qu’à la chute du régime.
22 octobre : Hugo commence Les Châtiments. L’œuvre sera publiée le 21 novembre 1853 à Bruxelles.
2 décembre : Proclamation du Second Empire.
Texte 1 : Après être allé visiter les caves de Lille, Victor Hugo écrit le discours qui suit. En raison du Coup d’État, ce discours ne sera pas prononcé.
VICTOR HUGO : DISCOURS A L’ASSEMBLÉE
[…]
Figurez-vous ces caves dont rien de ce que je vous ai dit ne peut vous donner l’idée ; figurez-vous ces cours qu’ils appellent des courettes, resserrées entre de hautes masures, sombres, humides, glaciales, méphitiques, pleines de miasmes stagnants, encombrées d’immondices, les fosses d’aisance à côté des puits !
Hé mon Dieu ! ce n’est pas le moment de chercher des délicatesses de langage !
Figurez-vous ces maisons, ces masures habitées du haut en bas, jusque sous terre, les eaux croupissantes filtrant à travers les pavés dans ces tanières où il y a des créatures humaines. Quelquefois jusqu’à dix familles dans une masure, jusqu’à dix personnes dans une chambre, jusqu’à cinq ou six dans un lit, les âges et les sexes mêlés, les greniers aussi hideux que les caves, des galetas où il entre assez de froid pour grelotter et pas assez d’air pour respirer !
[…]
Figurez-vous la population maladive et étiolée, des spectres au seuil des portes, la virilité retardée, la décrépitude précoce, des adolescents qu’on prend pour des enfants, de jeunes mères qu’on prend pour de vieilles femmes, les scrofules, le rachis, l’ophtalmie, l’idiotisme, une indigence inouïe, des haillons partout ; on m’a montré comme une curiosité une femme qui avait des boucles d’oreilles d’argent !
Et au milieu de tout cela le travail sans relâche, le travail acharné, pas assez d’heures de sommeil, le travail de l’homme, le travail de la femme, le travail de l’âge mûr, le travail de la vieillesse, le travail de l’enfance, le travail de l’infirme, et souvent pas de pain, et souvent pas de feu, et cette femme aveugle, entre ses deux enfants, dont l’un est mort et l’autre va mourir, et ce filetier phtisique agonisant, et cette mère épileptique qui a trois enfants et qui gagne trois sous par jour ! Figurez-vous tout cela, et si vous vous récriez, et si vous doutez, et si vous niez…
Ah ! vous niez ! Eh bien, dérangez-vous quelques heures, venez avec nous, incrédules, et nous vous ferons voir de vos yeux, toucher de vos mains les plaies, les plaies saignantes de ce Christ qu’on appelle le peuple !
Ah ! messieurs ! je ne fais injure au cœur de personne, si ceux qui s’irritent à mes paroles en ce moment avaient vu ce que j’ai vu, s’ils avaient vu comme moi de malheureux enfants vêtus de guenilles mouillées qui ne sèchent pas de tout l’hiver, d’autres qui ont toujours envie de dormir parce que, pour gagner leurs trois ou quatre misérables sous par jour, on les arrache de trop bonne heure à leur sommeil, d’autres qui ont toujours faim et qui, s’ils trouvent dans la rue, dans la boue, des feuilles vertes, les essuient et les mangent, s’ils avaient vu les pères et les mères de ces pauvres petits êtres, qui souffrent bien plus encore, car ils souffrent dans eux-mêmes et dans leurs enfants, s’ils avaient vu cela comme moi, ils auraient le cœur serré comme je l’ai en ce moment, et, j’en suis sûr, et je leur fais cet honneur d’en être sûr, loin de m’interrompre, ils me soutiendraient, et ils me crieraient : courage ! parlez pour les pauvres !
Car, eh mon Dieu ! pourquoi vous méprenez-vous ? Parler pour les pauvres, ce n’est pas parler contre les riches ! A quelque opinion qu’on appartienne, est-ce que ce n’est pas votre avis à tous ? On n’a plus de passions politiques en présence de ceux qui souffrent ! et on ne se sent plus au fond de soi qu’un cœur qui souffre avec eux et une âme qui prie pour eux !
Notes
méphitique : qui a une odeur répugnante ou toxique.
miasmes : émanations provenant de substances animales ou végétales en décomposition.
galetas : réduit misérable, souvent situé dans les combles.
étiolé : chétif, malingre, affaibli.
scrofule : syn. d’écrouelles. Abcès d’origine tuberculeuse, atteignant souvent les ganglions lymphatiques du cou.
rachis : ici, synonyme de rachitisme. Maladie de la croissance et de l’ossification, liée à un déficit en calcium et en phosphore, ainsi qu’en vitamine D.
ophtalmie : inflammation de l’œil.
indigence : grande pauvreté, misère.
phtisique : atteint de tuberculose pulmonaire.
Texte 2 : Les Châtiments, Livre III , IX ( II )
JOYEUSE VIE
Millions ! millions ! châteaux ! liste civile!
Un jour je descendis dans les caves de Lille ;
Je vis ce morne enfer.
Des fantômes sont là sous terre dans des chambres,
Blêmes, courbés, ployés ; le rachis tord leurs membres
Dans son poignet de fer.
Sous ces voûtes on souffre, et l’air semble un toxique ;
L’aveugle en tâtonnant donne à boire au phtisique ;
L’eau coule à longs ruisseaux ;
Presque enfant à vingt ans, déjà vieillard à trente,
Le vivant chaque jour sent la mort pénétrante
S’infiltrer dans ses os.
Jamais de feu ; la pluie inonde la lucarne ;
L’œil en ces souterrains où le malheur s’acharne
Sur vous, ô travailleurs,
Près du rouet qui tourne et du fil qu’on dévide,
Voit des larves errer dans la lueur livide
Du soupirail en pleurs.
Misère ! l’homme songe en regardant la femme.
Le père, autour de lui sentant l’angoisse infâme
Étreindre la vertu,
Voit sa fille rentrer sinistre sous la porte,
Et n’ose, l’œil fixé sur le pain qu’elle apporte,
Lui dire : D’où viens-tu ?
Là dort le désespoir sur son haillon sordide ;
Là, l’avril de la vie, ailleurs tiède et splendide,
Ressemble au sombre hiver ;
La vierge, rose au jour, dans l’ombre est violette ;
Là, rampent dans l’horreur la maigreur du squelette,
La nudité du ver ;
Là frissonnent plus bas que les égouts des rues,
Familles de la vie et du jour disparues,
Des groupes grelottants ;
Là, quand j’entrai, farouche, aux méduses pareille,
Une petite fille à figure de vieille
Me dit : J’ai dix-huit ans !
Là, n’ayant pas de lit, la mère malheureuse
Met ses petits enfants dans un trou qu’elle creuse,
Tremblants comme l’oiseau ;
Hélas ! ces innocents aux regards de colombe
Trouvent en arrivant sur la terre une tombe
En place d’un berceau !
Caves de Lille ! on meurt sous vos plafonds de pierre !
J’ai vu, vu de ces yeux pleurant sous ma paupière,
Râler l’aïeul flétri,
La fille aux yeux hagards de ses cheveux vêtue,
Et l’enfant spectre au sein de sa mère statue !
O Dante Alighieri !
C’est de ces douleurs-là que sortent vos richesses,
Princes ! ces dénûments nourrissent vos largesses
O vainqueurs ! conquérants !
Votre budget ruisselle et suinte à larges gouttes
Des murs de ces caveaux, des pierres de ces voûtes,
Du cœur de ces mourants. […]
Texte 3 : Extrait du roman L’Homme qui rit. 1868
A Londres, au début du XVIIIe siècle, la Chambre des Lords est appelée à voter l'augmentation du budget accordé au prince Georges de Danemark, mari de la Reine. L'un des Lords s’y oppose et explique ses raisons.
Silence, pairs d'Angleterre ! juges, écoutez la plaidoirie. Oh ! je vous en conjure, ayez pitié ! Pitié pour qui ? Pitié pour vous. Qui est en danger ? C'est vous. Est-ce que vous ne voyez pas que vous êtes dans une balance et qu'il y a dans un plateau votre puissance et dans l'autre votre responsabilité ? Dieu vous pèse. Oh ! ne riez pas. Méditez. Cette oscillation de la balance de Dieu, c'est le tremblement de la conscience. Vous n'êtes pas méchants. Vous êtes des hommes comme les autres, ni meilleurs, ni pires. Vous vous croyez des dieux, soyez malades demain, et regardez frissonner dans la fièvre votre divinité. Nous nous valons tous. Je m'adresse aux esprits honnêtes, il y en a ici ; je m'adresse aux intelligences élevées, il y en a ; je m'adresse aux âmes généreuses, il y en a. Vous êtes pères, fils et frères, donc vous êtes souvent attendris. Celui de vous qui a regardé ce matin le réveil de son petit enfant est bon. Les cœurs sont les mêmes. L'humanité n'est pas autre chose qu'un cœur. Entre ceux qui oppriment et ceux qui sont opprimés, il n'y a de différence que l'endroit où ils sont situés. Vos pieds marchent sur des têtes, ce n'est pas votre faute. C'est la faute de la Babel (1) sociale. Construction manquée, toute en surplombs. Un étage accable l'autre. Écoutez-moi, je vais vous dire. Oh ! puisque vous êtes puissants, soyez fraternels, puisque vous êtes grands, soyez doux.
Si vous saviez ce que j'ai vu ! Hélas ! en bas, quel tourment ! Le genre humain est au cachot. Que de damnés, qui sont des innocents ! Le jour manque, I'air. manque, la vertu manque ; on n'espère pas; et, ce qui est redoutable, on attend. Rendez-vous compte de ces détresses. Il y a des êtres qui vivent dans la mort. Il y a des petites filles qui commencent à huit ans par la prostitution et qui finissent à vingt ans par la vieillesse. Quant aux sévérités pénales, elles sont épouvantables. Je parle un peu au hasard, et je ne choisis pas. Je dis ce qui me vient à l'esprit. Pas plus tard qu'hier, moi qui suis ici, j'ai vu un homme enchaîné et nu, avec des pierres sur le ventre, expirer dans la torture. Savez-vous cela ? non. Si vous saviez ce qui se passe, aucun de vous n'oserait être heureux. Qui est-ce qui est allé à Newcastle-onTyne ? Il y a dans les mines des hommes qui mâchent du charbon pour s'emplir l'estomac et tromper la faim. Tenez, dans le comté de Lancastre, Ribblechester, à force d'indigence, de ville est devenue village. Je ne trouve pas que le prince Georges de Danemark ait besoin de cent mille guinées de plus. J'aimerais mieux recevoir à l'hôpital l'indigent malade sans lui faire payer d'avance son enterrement. En Caërnarvon, à Traith-maur comme à Traith-bichan, I'épuisement des pauvres est horrible. A Strafford, on ne peut dessécher le marais, faute d'argent. Les fabriques de draperie sont fermées dans tout le Lancashire. Chômage partout. Savez-vous que les pêcheurs de hareng de Harlech mangent de l'herbe quand la pêche manque ? Savez-vous qu'à Burton-Lazers il y a encore des lépreux traqués, et auxquels on tire des coups de fusil s'ils sortent de leurs tanières ? A Ailesbury, ville dont un de vous est lord, la disette est en permanence. A Penckridge en Coventry, dont vous venez de doter la cathédrale et d'enrichir l'évêque, on n'a pas de lits dans les cabanes, et l'on creuse des trous dans la terre pour y coucher les petits enfants, de sorte qu'au lieu de commencer par le berceau, ils commencent par la tombe. J'ai vu ces choses-là. Milords, les impôts que vous votez, savez-vous qui les paie ? Ceux qui expirent. Hélas ! vous vous trompez. Vous faites fausse route. Vous augmentez la pauvreté du pauvre pour augmenter la richesse du riche. C'est le contraire qu'il faudrait faire. Quoi, prendre au travailleur pour donner au repu, prendre à l'indigent pour donner au prince ! Oh ! oui, j'ai du vieux sang républicain dans les veines. J’ai horreur de cela.
Victor HUGO, L 'Homme qui rit (1868)
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum