La romancière Doris Lessing est décédée.

Les médias annoncent la mort de Doris Lessing, qui avait obtenu le prix Nobel de littérature pour ses romans.

  

Quelle triste nouvelle... Une grande romancière qui disparaît...  

Je suis en train de transcrire un court propos radiophonique entendu aux actualités de France-Culture le 18/11/2013.
Le voici :
Doris Lessing
(Cliquer sur la flèche blanche puis à nouveau dans la seconde fenêtre ; la romancière parle à partir de 42.20.)

« Tout ce qui dans ma vie semblait permanent, tout ce qui paraissait devoir durer a disparu. Les gens ont disparu, et c’est pour ça que je dis aux jeunes quand ils viennent me voir : ne vous affolez pas autour de ce qui vous fait peur car ce qui vous effraie ne durera pas. Moi, tout ce que j’ai connu a disparu. Ce qui a disparu ? d’abord Hitler : lui, il pensait que son régime durerait des centaines d’années, tout comme Mussolini ; et puis l’Union soviétique aussi, qui s’est effondrée à la face du monde ; ou bien encore l’Empire britannique dont personne ne pensait qu’il pouvait disparaître. Tous les pays européens avaient des empires, y compris la France ; puis-je d’ailleurs vous rappeler qu’en ce temps-là vous en avez perdu un, d’une manière plutôt déplaisante en Algérie ? Plus rien de tout cela n’existe, donc il ne faut pas croire à la permanence des choses. »

Malheureusement, je ne suis pas sûr que la dernière phrase soit traduite car ce n'est pas la voix de la traductrice qui clôt l'entretien mais celle du présentateur qui dit : « Rien ne dure, sinon les textes. »
Un angliciste aurait-il l'amabilité de réécouter cet entretien de moins de trois minutes et de tendre l'oreille afin de capter cette dernière phrase (c'est très peu audible !) ?
Merci.

Le lien n'est pas le bon

MrBrightside a écrit:Le lien n'est pas le bon

Pourtant ça marche chez moi : je clique devant le titre, sur la flèche blanche entourée de rouge (au-dessus de la tête du maire) et une seconde fenêtre s'ouvre qui permet d'écouter la totalité de l'émission ; Doris Lessing parle à partir de 42.20.
Doris Lessing
En tout cas, merci d'avoir essayé !

Mais ton lien renvoie à une émission sur les maires et les municipales

J'ai écouté, la dernière phrase est "bien" traduite par l’interprète, de manière anticipée:

You don't have to believe in permanence. → Il ne faut pas croire à la permanence des choses.

(Perso, j'aurais plutôt traduit le "don't have" (absence d'obligation) par "Rien ne vous oblige/force à croire à la permanence des choses", mais ce n'est qu'un avis perso :p )

MrBrightside a écrit:
(Perso, j'aurais plutôt traduit le "don't have" (absence d'obligation) par "Rien ne vous oblige/force à croire à la permanence des choses", mais ce n'est qu'un avis perso :p )

Ça me plaît ! et je choisis "force" plutôt que "oblige".
Voici donc la traduction complète (la ponctuation est de moi, n'hésitez pas à l'améliorer, j'hésite pour le point d'interrogation après "Algérie") :

« Tout ce qui dans ma vie semblait permanent, tout ce qui paraissait devoir durer a disparu. Les gens ont disparu, et c’est pour ça que je dis aux jeunes quand ils viennent me voir : ne vous affolez pas autour de ce qui vous fait peur car ce qui vous effraie ne durera pas. Moi, tout ce que j’ai connu a disparu. Ce qui a disparu ? d’abord Hitler : lui, il pensait que son régime durerait des centaines d’années, tout comme Mussolini ; et puis l’Union soviétique aussi, qui s’est effondrée à la face du monde ; ou bien encore l’Empire britannique dont personne ne pensait qu’il pouvait disparaître. Tous les pays européens avaient des empires, y compris la France, puis-je d’ailleurs vous rappeler qu’en ce temps-là vous en avez perdu un, d’une manière plutôt déplaisante en Algérie ? Plus rien de tout cela n’existe, donc rien ne vous force à croire à la permanence des choses. »
Doris Lessing

Encore merci !

Doris Lessing a publié en 2010 un tout petit livre : "C'est ainsi qu'un jeune noir du Zimbabwe a volé un manuel de physique supérieure".
Elle y relate l'histoire des populations très pauvres qui ont soif de lecture, d'instruction, et qui réussissent à obtenir quelques dons de livres de la part d'Européens.
Ils les classent soigneusement dans des huttes ou cabanes pompeusement appelées bibliothèques. Si les livres sont beaux et neufs (en particulier les livres de classes !) ils sont prêtés au compte-goutte ou pas du tout, par le "bibliothécaire" qui a parfois suivi quelques années de classe.
D'une école du Zimbabwe où les enfants la suppliaient de leur envoyer des livres, elle passe le lendemain dans une école fort chère londonnienne; elle essaye de leur faire sentir le désir brûlant de ces enfants qui font des kilomètres à pied, aller et retour, âgés de cinq ou six ans, pour ce grand rêve, l'instruction, qui les emmènera loin de leur brousse.
Les jeunes Anglais réagissent peu à cet exposé : leur bibliothèque est très peu fournie, peu fréquentée, il n'y a jamais assez d'argent pour les livres, toujours d'autres priorités, les ordinateurs, par exemple...
"On faisait pourtant des efforts pour développer la lecture, avant la phénomène Harry Potter.
La question est devenue : lisent-ils quoique ce soit d'autre ? Auront-ils le temps de s'attaquer à des nourritures plus consistantes ?
Aujourd'hui, pas une, mais deux générations, n'ont jamais trouvé le temps de lire Goethe, Stendhal, Tolstoï, Tchekov.
Le grand auteur indien Chauduri a dit, peu avant sa mort, " Quand j'ai vu écrit dans The Times "Goethe, l'écrivain allemand", j'ai su qu'une époque était révolue. Il fut un temps où pas un enfant anglais n'aurait eu besoin q'on lui précise qui était Goethe."

Aujourd'hui, les gens qui n'ont rien lu sont légions. Au cours d'une soirée passée avec un tel individu, vous vous retrouvez restreignant votre vocabulaire, refermant votre esprit pour vous adapter à ce à quoi vous êtes confronté.
[...] Les effets d'un excès de télévision et de jeux vidéos se manifestent chez des enfants qui sont tout juste capables de lire ou d'écrire, ne savent pas épeler, ni aligner leurs phrases.
[...] Nous sommes en train de vivre la fin d'une culture, une rupture avec le passé aussi radicale qu'à l'époque où la révolution de l'imprimerie mit des livres dans les mains de personnes qui, auparavant, avaient su que les maisons instruites, religieuses possédaient des bibliothèques.
Toutes sortes de traditions ont disparu. On raconte qu'à Cuba les ouvriers du tabac revendiquèrent qu'on leur fasse la lecture pendant qu'ils travaillaient. Ils écrivirent à Alexandre Dumas pour lui demander s'il accepterait de donner le nom de Comte de Monte-Cristo à un de leurs cigares. "

Je trouve ce petit livre superbe, et, hélas, si proche de notre propre situation...