- InvitéInvité
J'ai étudié avec mes 5e un poème de La Boétie (voyage prochain en Dordogne) et je le leur fais apprendre. Je ne les oblige pas à restituer la prononciation fidèle, mais juste pour moi, j'aurais voulu avoir un éclaircissement, même deux, en fait :
- Prononce-t-on "ma Dordouigne" [Dordouéigne] ou "vergoigne" [vergouégne], "moy" [moué] ?
- Les lettres étymologiques se prononcent-elles ? Dois-je prononcer le s dans "monstrer" ou dans "esté", "desjà", "à costé" ou encore le c de "faict" ? Je pensais que non, mais ma collègue a dit à ses élèves que toutes les lettres se prononçaient.
Mes leçons d'ancien et moyen français sont bien loin maintenant !
- Prononce-t-on "ma Dordouigne" [Dordouéigne] ou "vergoigne" [vergouégne], "moy" [moué] ?
- Les lettres étymologiques se prononcent-elles ? Dois-je prononcer le s dans "monstrer" ou dans "esté", "desjà", "à costé" ou encore le c de "faict" ? Je pensais que non, mais ma collègue a dit à ses élèves que toutes les lettres se prononçaient.
Mes leçons d'ancien et moyen français sont bien loin maintenant !
- AbraxasDoyen
Le i n'est là que pour marquer la mouillure du gn. Il est purement diacritique. Donc, vergogne — comme aujourd'hui. Donc, ognon (malgré la graphie oignon). Donc, Champagne (et on disait : Philippe de Champagne, malgré la graphie Champaigne). J'ai eu un prof de fac qui disait ostensiblement "pognard" : c'est postérieurement au XVIème qu'il y a eu incertitude, puis quelques prononciations aberrantes.
Le s étymologique s'était amui dès la fin du XIème — il n'en restait qu'un allongement de la voyelle, que nous avons perdu aujourd'hui (mais qui explique les tentatives — avortées — de Baïf pour faire de la métrique latine en français). Mais les sur-corrections étymologiques du XVIème font régner quelque temps l'incertitude. Quoi qu'il en soit, le XVIIème le conserve uniquement dans la graphie — l'accent circonflexe (inventé au XVIème mais dans une autre finalité) dans ce cas s'impose au XVIIIème.
Quant à la graphie en oi des imparfaits, elle ne s'est prononcée "ouai" que jusqu'à la fin du XVIIème (du moins en français "parisien" — la province a du retard sur le "bon usage" de la cour, comme disait Vaugelas). Le XVIIIème siècle dit "ai" — et Voltaire se moque de Rousseau qui persiste, en bon lecteur de l'Astrée, à écrire "oi".
Tout cela écrit très vite : sais-je clair ?
Le s étymologique s'était amui dès la fin du XIème — il n'en restait qu'un allongement de la voyelle, que nous avons perdu aujourd'hui (mais qui explique les tentatives — avortées — de Baïf pour faire de la métrique latine en français). Mais les sur-corrections étymologiques du XVIème font régner quelque temps l'incertitude. Quoi qu'il en soit, le XVIIème le conserve uniquement dans la graphie — l'accent circonflexe (inventé au XVIème mais dans une autre finalité) dans ce cas s'impose au XVIIIème.
Quant à la graphie en oi des imparfaits, elle ne s'est prononcée "ouai" que jusqu'à la fin du XVIIème (du moins en français "parisien" — la province a du retard sur le "bon usage" de la cour, comme disait Vaugelas). Le XVIIIème siècle dit "ai" — et Voltaire se moque de Rousseau qui persiste, en bon lecteur de l'Astrée, à écrire "oi".
Tout cela écrit très vite : sais-je clair ?
- InvitéInvité
Oui, merci, c'est très clair. Est-ce que le "ouai", c'est seulement pour les imparfaits ? Le "roi" ou "moi" se prononcerait normalement, alors ? Je pense à la fameuse phrase "le Rouai c'est mouai" qu'on nous donnait comme exemple à la fac...
Ca me donne envie de me replonger dans le Bourciez : j'adorais la phonétique quand j'ai passé le CAPES, mais j'ai tout oublié. Finalement, la mémoire est un muscle qui doit s'entretenir !
Ca me donne envie de me replonger dans le Bourciez : j'adorais la phonétique quand j'ai passé le CAPES, mais j'ai tout oublié. Finalement, la mémoire est un muscle qui doit s'entretenir !
- InvitéInvité
Et d'ailleurs, est-ce que le Bourciez est le must pour la phonétique de l'ancien français ?
- AbraxasDoyen
Tous les oi étaient ouai.
Si vous ajoutez à ça que les r se roulaient (on n'arrive au r parisien — c'est son nom, si vous vous rappelez — qu'au début du XIXème siècle…
Un prof remarquable, à l'ENS (Robert-Léon Wagner, celui de la grammaire Wagner-Pinchon) nous avait expliqué que nous errions dans nos appréciations du phonétisme des poèmes — et il avait pris l'exemple de Ronsard, qui parlait avec à peu près l'actuel accent canadien (les hommes de Jacques Cartier ont fait une niche phonétique qui s'est perpétuée puisqu'elle n'entrait pas en concurrence avec quoi que ce soit — et certainement pas l'iroquois). Essayez donc avec "Mignonne", c'est irrésistible pour les élèves…
Si vous ajoutez à ça que les r se roulaient (on n'arrive au r parisien — c'est son nom, si vous vous rappelez — qu'au début du XIXème siècle…
Un prof remarquable, à l'ENS (Robert-Léon Wagner, celui de la grammaire Wagner-Pinchon) nous avait expliqué que nous errions dans nos appréciations du phonétisme des poèmes — et il avait pris l'exemple de Ronsard, qui parlait avec à peu près l'actuel accent canadien (les hommes de Jacques Cartier ont fait une niche phonétique qui s'est perpétuée puisqu'elle n'entrait pas en concurrence avec quoi que ce soit — et certainement pas l'iroquois). Essayez donc avec "Mignonne", c'est irrésistible pour les élèves…
- InvitéInvité
Il faudra que j'essaie effectivement en roulant les r.
C'est amusant : un élève m'a dit justement : "finalement, c'est comme l'accent canadien" !
C'est amusant : un élève m'a dit justement : "finalement, c'est comme l'accent canadien" !
- InvitéInvité
Très intéressant, tout ça, Abraxas.
Merci pour ce topic très instructif, Lulamae. La question de la prononciation se pose systématiquement quand j'étudie le Moyen Age.v
Merci pour ce topic très instructif, Lulamae. La question de la prononciation se pose systématiquement quand j'étudie le Moyen Age.v
- InvitéInvité
C'est une chose à tenter : cela a beaucoup intéressé mes élèves, et ils avaient envie d'essayer la prononciation.
- InvitéInvité
Je ne sais pas s'il existe des enregistrements de textes médiévaux par des comédiens par exemple.
- InvitéInvité
J'ai entendu Fabrice Lucchini dire dans son spectacle que Rohmer avait adapté lui-même Perceval le Gallois et avait repris tout le texte ; mais justement, c'est une adaptation. Le passage où Lucchini dit le texte et parle du film est quand même un grand moment !
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