- LilipommeNiveau 8
Chez Rousseau, le bonheur ne réside pas hors de soi, à l’extérieur (d’accord) mais dans la jouissance de l’existence. Le bonheur, c’est le sentiment d’exister. Comment comprenez-vous cela (que dire de ce sentiment ?) et comment l’expliqueriez-vous à des élèves ? Il est vrai que lorsque je suis seule à regarder un magnifique paysage, je peux, par exemple, éprouver avec bonheur le sentiment de mon existence. Mais d’un autre côté, cela est-il suffisant à mon bonheur ? Peut-on parler de « simplicité » à propos de cette conception ? Merci.
Prune
Prune
- Reine MargotDemi-dieu
si c'est dans les rêveries on peut rapprocher cela de l'idée que ses ennemis ont gagné, qu'il est désormais seul et que personne ne le comprend, il doit donc trouver son bonheur en lui.
Sinon le bonheur s'oppose à la joie car c'est effectivement un état d'esprit plus qu'un sentiment lié à une cause extérieure (réussite, etc). mais les philosophes t'expliqueront ça mieux que moi.
Sinon le bonheur s'oppose à la joie car c'est effectivement un état d'esprit plus qu'un sentiment lié à une cause extérieure (réussite, etc). mais les philosophes t'expliqueront ça mieux que moi.
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- RobinFidèle du forum
Le bonheur ne peut pas reposer uniquement sur le sentiment d'exister ; vous le dites d'ailleurs quand vous parlez de "contempler un magnifique paysage". Le bonheur pour Rousseau réside dans l'accord entre mes aspirations, mes désirs et l'ordre du monde, l'ordre des choses et l'ordre des choses le plus susceptible de susciter le bonheur est la nature.
Le bonheur réside donc dans l'accord entre le moi et la nature, le sentiment d'exister au sein de la nature (et non dans la société).
Pour Rousseau, la nature est le fantasme de la "transparence" (cf. Starobinski, Rousseau, La transparence et l'obstacle), elle est ce qui fait le moins d'obstacle au désir, alors que dans la société le désir se heurte constamment au désir des autres.
Je suis d'accord avec Reine Margot qui a posté un peu avant moi. Rousseau souffre d'une forme de paranoïa et voit des ennemis partout. Il redoute autrui et cherche le bonheur (l'accord entre ses désirs et le monde) ailleurs que dans la société, mais pas "en lui", parce que personne ne peut se suffire à soi-même, mais dans l'autre fantasmé de la société, la nature (une nature idéalisée, bien entendu), mais la figure d'autrui n'en demeure pas moins omniprésente, y compris au sein de la nature. Le rêve rousseauiste par excellence, ce n'est pas la solitude au sein de la nature, mais la solitude "à deux", le cœur à cœur transparent (toujours la transparence !) avec la femme aimée (La nouvelle Héloïse)
Le bonheur réside donc dans l'accord entre le moi et la nature, le sentiment d'exister au sein de la nature (et non dans la société).
Pour Rousseau, la nature est le fantasme de la "transparence" (cf. Starobinski, Rousseau, La transparence et l'obstacle), elle est ce qui fait le moins d'obstacle au désir, alors que dans la société le désir se heurte constamment au désir des autres.
Je suis d'accord avec Reine Margot qui a posté un peu avant moi. Rousseau souffre d'une forme de paranoïa et voit des ennemis partout. Il redoute autrui et cherche le bonheur (l'accord entre ses désirs et le monde) ailleurs que dans la société, mais pas "en lui", parce que personne ne peut se suffire à soi-même, mais dans l'autre fantasmé de la société, la nature (une nature idéalisée, bien entendu), mais la figure d'autrui n'en demeure pas moins omniprésente, y compris au sein de la nature. Le rêve rousseauiste par excellence, ce n'est pas la solitude au sein de la nature, mais la solitude "à deux", le cœur à cœur transparent (toujours la transparence !) avec la femme aimée (La nouvelle Héloïse)
- PseudoDemi-dieu
Il y a une des rêveries, qui traite de ça, celle où il s'endors au bord du lac.
Et il n'y a même pas besoin d'un beau paysage pour ça à vrai dire. C'est un état intérieur, qui est tout à fait suffisant au bonheur, effectivement.
A mon avis, le bonheur, c'est à la fois extrêmement simple (comme le décrit Rousseau) et extrêmement compliqué : impossible d'en décider. Et compliqué à expliquer à quelqu'un qui ne l'a jamais ressenti. Avant, on croit savoir, après on sait qu'on sait.
Et il n'y a même pas besoin d'un beau paysage pour ça à vrai dire. C'est un état intérieur, qui est tout à fait suffisant au bonheur, effectivement.
A mon avis, le bonheur, c'est à la fois extrêmement simple (comme le décrit Rousseau) et extrêmement compliqué : impossible d'en décider. Et compliqué à expliquer à quelqu'un qui ne l'a jamais ressenti. Avant, on croit savoir, après on sait qu'on sait.
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"Il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse" Nietzsche
- LilipommeNiveau 8
Robin, pourriez-vous développer encore ? Qu'est-ce que cet accord entre mes aspirations et le monde : juste le fait que le monde (nature) ne fasse pas obstacle à mes aspirations ? Et le sentiment d'exister, qu'est-ce qu'il met là-dedans ?
- RuthvenGuide spirituel
« De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même comme Dieu. »
Je l'explique aux élèves à partir de l'expérience du bronzage sur la plage ; la plénitude d'être soi au soleil où l'on n'a ni à résister à un milieu qui nous agresse ni à agir pour se sentir bien correspond à une forme de satisfaction. C'est en fait une réinterprétation sensible de l'autarcie stoïcienne.
Je l'explique aux élèves à partir de l'expérience du bronzage sur la plage ; la plénitude d'être soi au soleil où l'on n'a ni à résister à un milieu qui nous agresse ni à agir pour se sentir bien correspond à une forme de satisfaction. C'est en fait une réinterprétation sensible de l'autarcie stoïcienne.
- RobinFidèle du forum
Oui, c'est une bonne comparaison, mais c'est plutôt le plaisir que le bonheur ! Le plaisir est la satisfaction d'un désir ou d'un besoin et réside dans la sensation (se bronzer sur une plage, déguster un demi de bière bien fraîche, écouter un morceau de musique que l'on aime...), le bonheur, c'est l'accord entre le désir et l'ordre des choses. Le bonheur est rare et difficile à atteindre (bien que parfois, il vous tombe dessus) parce que l''ordre des choses correspond rarement à nos désirs et même quand c'est le cas, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous dire : "oui, je suis heureux, "j'ai tout ce dont j'avais rêvé... mais les autres ?"... Il y a toujours quelque chose qui "laisse à désirer".Ruthven a écrit: « De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même comme Dieu. »
Je l'explique aux élèves à partir de l'expérience du bronzage sur la plage ; la plénitude d'être soi au soleil où l'on n'a ni à résister à un milieu qui nous agresse ni à agir pour se sentir bien correspond à une forme de satisfaction. C'est en fait une réinterprétation sensible de l'autarcie stoïcienne.
- RobinFidèle du forum
La nature semble ne pas faire obstacle à mes aspirations parce qu'elle est muette. Pour Rousseau, la nature est un refuge. Rousseau y trouve une forme de bonheur (le bonheur d'exister) parce qu'il ne trouve pas ce bonheur dans la société. Exister = vivre dans le présent, sans penser, au niveau des sensations et du sentiment et non des concepts (ne pas penser au passé et au futur).Prune a écrit:Robin, pourriez-vous développer encore ? Qu'est-ce que cet accord entre mes aspirations et le monde : juste le fait que le monde (nature) ne fasse pas obstacle à mes aspirations ? Et le sentiment d'exister, qu'est-ce qu'il met là-dedans ?
- InvitéP2Niveau 5
Prune a écrit:Chez Rousseau, le bonheur ne réside pas hors de soi, à l’extérieur (d’accord) mais dans la jouissance de l’existence. Le bonheur, c’est le sentiment d’exister. Comment comprenez-vous cela (que dire de ce sentiment ?) et comment l’expliqueriez-vous à des élèves ? Il est vrai que lorsque je suis seule à regarder un magnifique paysage, je peux, par exemple, éprouver avec bonheur le sentiment de mon existence. Mais d’un autre côté, cela est-il suffisant à mon bonheur ? Peut-on parler de « simplicité » à propos de cette conception ? Merci.Prune
Pour Rousseau, le couple bonheur/malheur ne peut se comprendre qu'à la lumière du couple nature/dénaturation. L'homme à l'état de nature est seul capable d'entendre la timide voix de sa conscience, celle qui lui enjoint de satisfaire l'amour de soi qu'éprouve celui dont les désirs trouvent à se réaliser (cf. Faut-il être seul pour être soi-même ?), sans excès ni sans défaut. En revanche, l'homme dénaturé, celui de l'état civil confond (historiquement mais non nécessairement) l'amour naturel de soi avec l'amour propre qui n'est autre que le sentiment de rivalité avec autrui et avec soi-même, celui qui incite à être sourd à la petite voix de sa conscience pour se jeter dans le tumulte social et, partant, oublier jusqu'au sentiment d'exister. En ce sens, la condition nécessaire et suffisante du bonheur est, en effet, pour Rousseau, le sentiment d'exister. Sur ce point, Rousseau a une position assez proche de celle de Pascal (cf. Doit-on chercher le bonheur en nous ou hors de nous ?).Nous n’existons plus où nous sommes, nous n’existons qu’où nous ne sommes point. Est-ce la peine d’avoir une si grande peur de la mort, pourvu que ce en quoi nous vivons reste ? Ô homme, resserre ton existence au dedans de toi, et tu ne seras plus misérable. Reste à la place que la nature t’assigne dans la chaîne des êtres, rien ne t’en pourra faire sortir [...]. C'est donc dans la disproportion de nos désirs et de nos facultés que consiste notre misère […] ; la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur [...] est de diminuer l’excès de désirs sur les facultés, et à mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté (Rousseau, Émile ou de l’Éducation, ii)
Tout à fait. Sauf que la nature, pour Rousseau, n'est pas un refuge (Rousseau n'est pas un romantique), sinon il y aurait contradiction (il faudrait sortir de soi pour aller dans la nature) mais un idéal régulateur au sens de Kant : c'est ce qui lui permet de penser le sens du progrès. Bref, c'est bel et bien un précurseur des Lumières.Robin a écrit:La nature semble ne pas faire obstacle à mes aspirations parce qu'elle est muette. Pour Rousseau, la nature est un refuge. Rousseau y trouve une forme de bonheur (le bonheur d'exister) parce qu'il ne trouve pas ce bonheur dans la société. Exister = vivre dans le présent, sans penser, au niveau des sensations et du sentiment et non des concepts (ne pas penser au passé et au futur).
- LilipommeNiveau 8
Merci pour les liens.
- AbraxasDoyen
Pour Rousseau,le bonheur consistait à être loin de Voltaire, de Diderot et de d'Holbach — et des autres. En fait, ça consistait à se tenir le plus loin possible de l'intelligence. Rien de nouveau là-dedans : beati pauperes spiritu, disent déjà les Evangiles…
- RobinFidèle du forum
A propos d'Hannah Arendt, la distinction entre "solitude" et "esseulement" dans La Vie de l'Esprit :
"Le philosophe, dans la mesure où il est philosophe, et non pas (ce que, bien sûr, il est aussi) "un homme comme vous et moi", se place en retrait du monde des phénomènes..." : Hannah Arendt analyse longuement ce mouvement de retrait de la pensée, notamment à partir d'une parabole de Kafka. L'homme pris entre le parallélogramme des forces du passé et du futur, prend la tangente (au sens propre et au sens figuré) dans une région qui est en dehors du temps et de l'espace, du présent, vers l'éternité, le "nunc stans". La vie de la pensée suppose donc une sorte de dédoublement (la conscience est tantôt au monde et hors du monde) qui, selon Arendt a donné naissance à la théorie des "mondes duels".
Hannah Arendt rappelle l'anecdote de Xénophon concernant Socrate. Ce dernier, se trouvant dans un camp militaire demeura pendant une journée entière, entièrement immobile, absorbé en lui-même. Mary Mc. Carthy rapporte qu'Hanna Arendt réfléchissait un peu de la même manière ; elle était couchée, les yeux fermés, et on avait l'impression qu'elle dormait, mais c'est dans ces moments-là que sa pensée était la plus active et la plus "éveillée" et il fallait absolument éviter de la déranger.
La dernière phrase de La condition de l'homme moderne, une citation de Caton, est le trait d'union avec La vie de la pensée, entre la "via activa" et la via contemplativa : "Nunquam se plus agere quam nihil cum ageret, nunquam minus solum esse quam cum solus esset" (il ne se savait jamais plus actif que lorsqu'il ne faisait rien, jamais moins seul que lorsqu'il était seul."
Hannah Arendt distingue la solitude, état fécond et bienheureux (on n'est pas seul, puisqu'on est en compagnie de soi-même et en amitié avec soi dans le dialogue silencieux de soi-même avec soi-même) de l'esseulement, état malheureux qui exclut la pensée réflexive, le "deux en un", la conscience de soi.
C'est parce qu'il a cette possibilité de se placer "hors du monde", possibilité qui est la condition même de la liberté, que l'être humain peut échapper à la pression du passé comme aux conditionnements du présent et "penser par lui-même", ce qui ne veut pas dire penser tout seul, puisqu'il se tient compagnie et que les autres sont présents en lui comme autant d'interlocuteurs (et éventuellement de contradicteurs) imaginaires.
"Le philosophe, dans la mesure où il est philosophe, et non pas (ce que, bien sûr, il est aussi) "un homme comme vous et moi", se place en retrait du monde des phénomènes..." : Hannah Arendt analyse longuement ce mouvement de retrait de la pensée, notamment à partir d'une parabole de Kafka. L'homme pris entre le parallélogramme des forces du passé et du futur, prend la tangente (au sens propre et au sens figuré) dans une région qui est en dehors du temps et de l'espace, du présent, vers l'éternité, le "nunc stans". La vie de la pensée suppose donc une sorte de dédoublement (la conscience est tantôt au monde et hors du monde) qui, selon Arendt a donné naissance à la théorie des "mondes duels".
Hannah Arendt rappelle l'anecdote de Xénophon concernant Socrate. Ce dernier, se trouvant dans un camp militaire demeura pendant une journée entière, entièrement immobile, absorbé en lui-même. Mary Mc. Carthy rapporte qu'Hanna Arendt réfléchissait un peu de la même manière ; elle était couchée, les yeux fermés, et on avait l'impression qu'elle dormait, mais c'est dans ces moments-là que sa pensée était la plus active et la plus "éveillée" et il fallait absolument éviter de la déranger.
La dernière phrase de La condition de l'homme moderne, une citation de Caton, est le trait d'union avec La vie de la pensée, entre la "via activa" et la via contemplativa : "Nunquam se plus agere quam nihil cum ageret, nunquam minus solum esse quam cum solus esset" (il ne se savait jamais plus actif que lorsqu'il ne faisait rien, jamais moins seul que lorsqu'il était seul."
Hannah Arendt distingue la solitude, état fécond et bienheureux (on n'est pas seul, puisqu'on est en compagnie de soi-même et en amitié avec soi dans le dialogue silencieux de soi-même avec soi-même) de l'esseulement, état malheureux qui exclut la pensée réflexive, le "deux en un", la conscience de soi.
C'est parce qu'il a cette possibilité de se placer "hors du monde", possibilité qui est la condition même de la liberté, que l'être humain peut échapper à la pression du passé comme aux conditionnements du présent et "penser par lui-même", ce qui ne veut pas dire penser tout seul, puisqu'il se tient compagnie et que les autres sont présents en lui comme autant d'interlocuteurs (et éventuellement de contradicteurs) imaginaires.
- RobinFidèle du forum
Sur le bonheur :
http://www.lechatsurmonepaule.com/article-rediger-une-fiche-philosophie-107451733.html
N'y-a-t-il de bonheur que dans l'instant ?
http://www.lechatsurmonepaule.com/article-n-y-a-t-il-de-bonheur-que-dans-l-instant-107023348.html
Sur Rousseau, l'ouvrage incontournable de Jean Starobinski, professeur de Littérature et psychiatre : J.J. Rousseau, la transparence et l'obstacle
http://www.lechatsurmonepaule.com/article-jean-starobinski-jean-jacques-rousseau-la-transparence-et-l-obstacle-110445241.html
"Cette étude néanmoins, est davantage qu'une "analyse intérieure". Car il est évident qu'on ne peut interpréter l'oeuvre de Rousseau sans tenir compte du monde auquel elle s'oppose. C'est par le conflit avec une société inacceptable que l'expérience intime acquiert sa fonction privilégiée. On verra même que le domaine propre de la vie intérieure ne se délimite que par l'échec de toute relation satisfaisante avec la réalité externe. Rousseau désire la communication et la transparence des coeurs ; mais il accepte - et suscite - l'obstacle, qui lui permet de se replier dans la résignation passive et dans la certitude de son innocence." (Jean Starobinski)
http://www.lechatsurmonepaule.com/article-rediger-une-fiche-philosophie-107451733.html
N'y-a-t-il de bonheur que dans l'instant ?
http://www.lechatsurmonepaule.com/article-n-y-a-t-il-de-bonheur-que-dans-l-instant-107023348.html
Sur Rousseau, l'ouvrage incontournable de Jean Starobinski, professeur de Littérature et psychiatre : J.J. Rousseau, la transparence et l'obstacle
http://www.lechatsurmonepaule.com/article-jean-starobinski-jean-jacques-rousseau-la-transparence-et-l-obstacle-110445241.html
"Cette étude néanmoins, est davantage qu'une "analyse intérieure". Car il est évident qu'on ne peut interpréter l'oeuvre de Rousseau sans tenir compte du monde auquel elle s'oppose. C'est par le conflit avec une société inacceptable que l'expérience intime acquiert sa fonction privilégiée. On verra même que le domaine propre de la vie intérieure ne se délimite que par l'échec de toute relation satisfaisante avec la réalité externe. Rousseau désire la communication et la transparence des coeurs ; mais il accepte - et suscite - l'obstacle, qui lui permet de se replier dans la résignation passive et dans la certitude de son innocence." (Jean Starobinski)
- LilipommeNiveau 8
Je poursuis ma réflexion sur le bonheur…chez Ricoeur : « totalité de contentement que nous cherchons sous le nom de bonheur, mais filtré en quelque sorte par l’exigence de totalité de sens qui est la raison » (L’homme faillible ). Je crois qu’il parle aussi de promesse de bonheur. Est-ce que c’est l’idée que le bonheur, c’est le plaisir lié au fait de savoir mais que comme on ne sait jamais vraiment, on n’est jamais non plus vraiment heureux ou par éclair, par intermittence lorsque nous appréhendons (plus de manière intuitive) une totalité de sens ?
- InvitéP2Niveau 5
Le rapprochement de Ricoeur et de Rousseau sur le thème du bonheur est des plus pertinents puisquePrune a écrit:Je poursuis ma réflexion sur le bonheur…chez Ricoeur : « totalité de contentement que nous cherchons sous le nom de bonheur, mais filtré en quelque sorte par l’exigence de totalité de sens qui est la raison » (L’homme faillible ). Je crois qu’il parle aussi de promesse de bonheur. Est-ce que c’est l’idée que le bonheur, c’est le plaisir lié au fait de savoir mais que comme on ne sait jamais vraiment, on n’est jamais non plus vraiment heureux ou par éclair, par intermittence lorsque nous appréhendons (plus de manière intuitive) une totalité de sens ?
- d'une part, pour Ricoeur, contrairement à Rousseau, le bonheur ne saurait consister dans une sorte de paresse contemplative intériorisée mais, à l'instar d'Aristote ou de Merleau-Ponty, dans l'agir ou, plus exactement, un peu comme chez Wittgenstein, dans le vouloir agir ; en ce sens le bonheur ne saurait être une somme plus ou moins finie de petits plaisirs, mais d'emblée une totalité a priori qui n'est jamais donnée dans l'empirie mais réside dans la promesse éthique (rappelons que, pour Ricoeur, la promesse est la dimension éthique par excellence, puisqu'elle constitue ce qu'il appelle l'ipséité, c'est-à-dire ce qu'on a à être dans notre identité, cf. Soi-même comme un Autre)
- d'autre part, à la fois pour Ricoeur et pour Rousseau, le problème du bonheur est indissociable de celui de la nature de la Cité : si pour Rousseau le passage de l'état de nature à l'état civil est l'obstacle à surmonter pour parvenir au bonheur comme sentiment de soi, d'où la question de savoir quelles sont les meilleures institutions possibles susceptibles de rapprocher le citoyen de l'état de nature (pensé comme idéal et non pas comme paradis perdu !), de même, pour Ricoeur, une organisation politique défaillante (celle, par exemple, qui promeut le confort petit-bourgeois et qui assimile le bonheur au plaisir, ou bien celle qui entend faire le bonheur des citoyens malgré eux par la confusion du vouloir et du pouvoir) est le plus sûr moyen d'engendrer ce qu'il appelle une pathologie de l'espérance (cf. la Liberté selon l'Espérance).
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