Lettre 175 des Liaisons Dangereuses (sens)

Bjr:
Pourriez vous me confirmer que Mme de Volanges, si j'interprête bien sa phrase à Mme de Rosemonde(mentionnant "le silence (...) gardé") ,ignore tout de la grossesse de Cécile/sa propre fille? d'avance merci!

Je viens de la relire (mais il est tard, et je ne garantis pas mon interprétation), et je crois qu'on peut avoir ce sentiment, car quelques lignes plus bas, elle dit encore : "Mon amie !… ma fille est donc bien coupable ?… Vous pardonnerez sans doute à une mère de ne céder que difficilement à cette affreuse certitude." Il semble donc qu'elle a de gros doutes, mais qu'elle n'en a pas la confirmation. C'est le point d'interrogation après "coupable" qui me donne cette impression.

Primo, se rappeler que cette lettre a valu à Laclos des reproches (amicaux) de gens éclairés qui lui ont dit qu'il faisait une fin type Tartuffe — la petite vérole apparaissant comme un bien singulier châtiment divin sous la plume d'un écrivain largement incroyant.
Quant à ce qui concerne Cécile, se rappeler qu'elle a fait une fausse couche probablement — sa mère est forcément au courant. Et que ce qu'elle pose là, l'air de rien, c'est la question même de la culpabilité — celle de sa fille, et en général. Là aussi le châtiment est complètement hors de proportion (et ramène aussi au divin). Entrer au couvent parce qu'on a eu une liaison (dangereuse ou non, le titre du roman apparaît in fine) est une idée imbécile, dit Laclos mezza voce, et elle est présentée comme telle, l'air de rien — justement, dans ce point d'interrogation, qui transforme la phrase en affirmation indirecte (elle n'est pas coupable). C'est Mme de Volanges qui est punie — dois-je rappeler que c'était le projet de Valmont, dépité de ce qu'elle ait prévenue Tourvel contre lui ? La meilleure preuve de tout ce que j'avance étant dans la conclusion amorale de la dernière phrase : il n'y a pas de rétribution divine, nus sommes dans un monde d'hommes (et de femmes), pas dans un projet divin. Laclos était vaguement déiste — il était franc-maçon, et croyait sans doute au Grand Architecte, mais pas plus.
Voilà…

Merci pour vos réponses. Cela dit, je ne ne parviens tjrs pas à trancher, et c'est donc sûrement voulu..!

Elle se doute de ce qu'il se passe sans (vouloir) le savoir vraiment...

je fais remonter ce post car une phrase m'interpelle :

" La famille doit s’assembler demain pour voir à prendre des arrangements avec les créanciers. Quoique parente bien éloignée, j’ai offert d’y concourir ; mais je ne me trouverai pas à cette assemblée, devant assister à une cérémonie plus triste encore. Ma fille prend demain l’habit de postulante. J’espère que vous n’oubliez pas, ma chère amie, que dans ce grand sacrifice que je fais, je n’ai d’autre motif, pour m’y croire obligée, que le silence que vous avez gardé vis-à-vis de moi."

le grand sacrifice renvoie-t-il au fait que Mme de Volange a payé les dettes de la Marquise ou au fait que Cécile rentre au couvent ? de quel "silence" parle-t-elle précisément ?

merci !

Pour moi, le sacrifice est de laisser Cécile entrer au couvent (alors qu'elle aurait pu faire un mariage avantageux) et le silence est celui de Mme de Rosemonde sur les agissements de Cécile: Mme de V ne peut prendre le risque de forcer sa fille à se marier sans savoir la vérité, sans savoir à quel point sa fille est déshonorée - je comprends aussi que selon le degré de "déshonneur", elle aurait pu la marier quand même avec un parti moins bon que Gercourt.

merci, je l'avais aussi compris comme cela mais un élève m'a fait remarquer que le sacrifice pouvait porter sur la dette payée, ce qui ne manque pas d’intérêt, non? mais dans ce cas là le "silence" pose problème...

Non, ça n'est pas possible: elle fait un sacrifice à cause de ce silence et le silence de Mme de R. n'a rien à voir avec Merteuil.
Et "prendre des arrangements avec les créanciers", est-ce vraiment payer les dettes de M? En plus cela supposerait que Mme de V. soit un peu pingre de voir dans ce paiement un "sacrifice" ; le mot utilisé est trop fort pour qu'il s'agisse d'argent. Le mariage de Cécile est au moins autant une alliance sociale que financière; et d'ailleurs, elle se moque que sa fille fasse un mariage d'argent puisqu'elle est prête à la marier à Danceny.

PS: ça fait beaucoup d'idées à la suite, sans organisation, on dirait la copie d'un de mes élèves...

non non c'est clair, ça va :lol:

je viens de relire la lettre 172 (de rosemonde) et je pense que c'est bien cela, le silence au sujet de toute l'affaire....

Merci à toi de me conforter dans mon idée

Impossible que ce soient les dettes, qui à l'époque était expressément nominales. Merteuil s'en va avec sa dette impayée, voilà tout.
Sinon, Rosemonde n'a rien dit de la fausse couche de Cécile — en sus du reste.
Le sacrifice, c'est celui de l'union avec un homme puissant — et avec sa famille.

Abraxas a écrit:Impossible que ce soient les dettes, qui à l'époque était expressément nominales. Merteuil s'en va avec sa dette impayée, voilà tout.
Sinon, Rosemonde n'a rien dit de la fausse couche de Cécile — en sus du reste.
Le sacrifice, c'est celui de l'union avec un homme puissant — et avec sa famille.

merci Abraxas (je me demandais justement si vous étiez dans le coin ) votre ouvrage m'a été bien utile et je suis impatiente de refaire cette œuvre l'année prochaine...

au sujet de Merteuil, on a pourtant "La famille doit s’assembler demain pour voir à prendre des arrangements avec les créanciers. Quoique parente bien éloignée, j’ai offert d’y concourir"
Alors ?