- JohnMédiateur
http://www.education.gouv.fr/cid68983/prevention-et-lutte-contre-la-violence-en-milieu-scolaire%A0-%A0point-d-etape.html
Dossier à télécharger : http://cache.media.education.gouv.fr/file/02_Fevrier/81/8/prevention_violences_scolaires_pointEtape_20130226_242818.pdf
Dossier à feuilleter : http://multimedia.education.gouv.fr/2013_climat_scolaire_dossier_presse
Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, et Eric Debarbieux, délégué ministériel, ont dressé un point d’étape sur les travaux de la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire le mardi 26 février. La délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, installée en novembre 2012, est une structure pérenne et opérationnelle associant la connaissance scientifique et l’action.
Travaux de la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire - Point d'étape du mardi 26 février 2013
- Agir ensemble avec détermination en faveur d’un climat scolaire apaisé et serein
- Les premières mesures résultant des travaux de la délégation ministérielle
- Bilan de la mise en place des assistants de prévention et de sécurité depuis la rentrée 2012
- Mieux former les personnels à la prévention et à la gestion des violences à l’école
- Améliorer la prévention et le traitement du harcèlement entre élèves
- Mettre en place des protocoles de gestion des menaces et des crises dans les écoles et les établissements
- Mieux accompagner les personnels en souffrance ou victimes de violences
- Revoir l’application des régimes de punitions et de sanctions pour permettre une justice réparatrice
- Évaluer la qualité du climat scolaire et mutualiser les bonnes pratiques
- Enquête de victimation et climat scolaire auprès des personnels du second degré
Dossier à télécharger : http://cache.media.education.gouv.fr/file/02_Fevrier/81/8/prevention_violences_scolaires_pointEtape_20130226_242818.pdf
Dossier à feuilleter : http://multimedia.education.gouv.fr/2013_climat_scolaire_dossier_presse
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- OlympiasProphète
Beaucoup de heu heu heu...et l'air d'enfoncer des portes ouvertes.
Allez, un peu de lecture pour nourrir leur réflexion (expérience en ZEP)
Dans une ZEP....
La violence commence avec le bruit, cette agression assourdissante qui se répète chaque matin lorsque j’arrive au collège. Des élèves frôlent l’hystérie à 8 heures du matin. Comment peuvent-ils alors envisager la perspective d’une journée calme avec la contrainte de demeurer sagement assis et concentrés ? Le bruit et l’agitation permanente constituent la première étape d’une violence plus grande.
Il est parfois impossible de commencer à travailler à 8 heures : il faut leur demander de se ranger devant la porte afin qu’ils arrivent, si possible, à se calmer avant d’entrer. Des hurlements retentissent dans les couloirs. Avec certains, c’est malheureusement à un véritable dressage qu’il faut recourir. Dompter ma horde avant d’ouvrir la porte. Ces élèves n’ont bien souvent aucunement l’impression de mal se conduire : ils crient ainsi depuis des années à l’école, hurlent au lieu de parler calmement. Le couloir est un lieu où on se défoule, sans doute. Cette attitude semble devenue normale, alors qu’elle ne l’est pas.
Une fois qu’ils sont assis (certains n’ont pas d’affinités avec les chaises !) il faut de nouveau les faire taire, vérifier que les affaires sont sorties, que le matériel est au complet. Dure tâche, qui transforme bien des cours en épreuve de force. Dans ce parcours du combattant, je ne peux pas me permettre de lâcher prise : c’est eux ou moi. Autant leur faire comprendre le plus vite possible que c’est moi qui commande. Une telle scène peut se reproduire chaque matin, durant des semaines. Un jour, miracle, une certaine autodiscipline arrive à fonctionner. Mais ce n’est jamais gagné d’avance et il faut en permanence rester vigilant.
Les journées sont épuisantes à force de se démultiplier : transmettre les connaissances, expliquer, ré-expliquer, gérer le caractériel qui risque à tout moment de perturber l’ambiance (l’alchimie de certaines classes est extrêmement fragile et il suffit d’un rien pour la faire exploser), occuper les élèves qui ont déjà terminé (et s’ennuient), d’autres n’ayant pas encore compris qu’il fallait ouvrir le cahier, passer de l’un à l’autre tout en maintenant le silence nécessaire à la tranquillité du travail... Il faut rester calme afin de conserver assez d’énergie pour tenir le coup toute la matinée.
Il ne s’agit là que des éléments les moins graves mais qui nous obligent à puiser dans nos réserves tout au long de la journée. S’y ajoutent le racket, les vols, les agressions verbales et physiques envers d’autres élèves ou certains professeurs, les bagarres, la dégradation du matériel, et les petits détails qui pourrissent la vie quotidienne : injures, crachats, coups de pied dans les portes... ).
Pour mieux comprendre le phénomène, j’ai fait circuler un questionnaire sur la violence dans les classes. Cette enquête a eu lieu durant une semaine plutôt tendue (davantage de bagarres et de conflits qu’à l’accoutumée, une agression à l’encontre d’un collègue de technologie). Les élèves devaient répondre aux questions suivantes :
1. Quelles sont les manifestations de la violence au collège ? Qu’en pensez-vous ?
2. Pour vous, qu’est-ce qu’une situation où on fait preuve de violence ?
3. Y avez-vous été confronté ? Dans quel cas ?
4. Pourquoi pouvez-vous réagir violemment ? Essayez-vous de vous maîtriser ?
Y arrivez-vous ? Sinon, pourquoi?
5. Quelles seraient, selon vous, les réponses à apporter pour qu’il y ait moins de violence ?
Les réponses, recueillies dans mes classes et celles de collègues, de manière à couvrir tous les niveaux, sont révélatrices du malaise. Comme manifestations de violence, on retrouve le racket, les bagarres (coups de pied, de poing), le bizutage (sans plus de précision), les insultes, souvent racistes (« sale bougnoul, sale arabe, sale noir, rentre dans ton pays ») ou très grossières (« Fils de ***, bâtard, ta mère en slip, Nique ta mère, Ta mère, je la baise ») : la poésie n’est pas de mise ici !!
Certains élèves ressentent mal les insultes concernant leur famille et réagissent. On notera à ce propos que les conflits de quartier ou les querelles de palier entre deux familles se règlent souvent au collège par élèves interposés. La Guerre des boutons version ZEP !
Des clans se constituent. Une barre de HLM jouxte la cour et les familles interpellent fréquemment les élèves durant la récréation. Les insultes racistes semblent être une solution de facilité, car le collège ne compte pas une multitude de nationalités ! Cette année-là, j’avais quelques élèves marocains, une Algérienne, deux Vietnamiens, un originaire du Togo et un Angolais. Les familles étrangères sont plutôt bien intégrées dans les deux quartiers HLM dépendant du collège.
Mon élève angolais, qui vivait mal sa transplantation, faisait du racisme à l’envers et venait ensuite se plaindre d’être traité de « Sale nègre ». Il avait du mal à comprendre qu’il continuerait à se faire insulter s’il ne canalisait pas rapidement son agressivité verbale en s’adressant aux autres. Un autre élève, A, utilisait le même procédé, mais avec plus de subtilité ! Insulter les autres sans que les professeurs s’en aperçoivent, et venir ensuite pleurnicher en jouant les martyrs : « Madame, y me traite de bougnoul ! » « Y me traite !! »;
Le maître mot était lâché.
Un jour, excédée, je leur expliquai que cette expression n’avait aucun sens et qu’ils feraient mieux de dire « Il m’insulte » ou « Il me traite d’imbécile ». Message reçu cinq sur cinq ! Deux minutes après, un élève ayant laissé tomber ses crayons de couleur et reçu une remarque de son voisin, m’interpellait : « Madame, il m’insulte d’imbécile ! ».
La phrase « Ça commence toujours par des insultes et ça finit par des coups » revenait fréquemment dans les réponses. Au cours du mois d’octobre, deux élèves, A et F, tous deux issus d’une famille marocaine, se sont régulièrement battus, y compris en entrant en classe. Il fallait souvent les séparer et ils ont arboré des ecchymoses sur le visage pendant au moins deux semaines. Il y avait une obscure histoire d’insultes familiales dont le mystère est demeuré intact, chaque élève présentant « sa » version de l’affaire (en étant évidemment la victime en état de légitime défense), tentant de faire admettre ses arguments aux divers professeurs de la classe.
L’agression verbale est donc considérée comme une forme de violence à part entière et elle dégénère. A la fin du mois de décembre, un élève de quatrième technologique, excédé de s’entendre traiter de « Pédé » par deux autres élèves, s’est brusquement jeté sur l’un d’eux en cours d’anglais et l’aurait assommé si le professeur ne s’était pas interposé, au risque de recevoir des coups. Malheureusement, dans cette classe à petit effectif, les élèves n’arrivaient pas à se supporter. Leurs professeurs étaient souvent contraints de prendre sur le cours le temps nécessaire au règlement de querelles qui se poursuivaient dans la cour et à l’extérieur du collège. Les antagonismes étaient permanents.
D’autres réponses : « La violence, c’est bien! Ca nous fait bouger un peu! » Je n’ai trouvé cet argument qu’une seule fois. Son auteur avait-il peur de rester figé ? Je trouvais que les élèves étaient pourtant assez remuants comme ça.
« C’est quand les profs ont peur de rentrer dans le collège. » Je n’ai pas senti cette peur chez mes collègues. Ou alors, ceux qui étaient concernés l’ont bien cachée. Rien n’est pire que d’être perçu comme un enseignant qui a peur des élèves.
« C’est quand il y a des bandes dans la cour ». Nous n’en sommes pas encore au stade des gangs !
La majeure partie des élèves critique l’ambiance, mais peu d’entre eux avouent arriver à se contenir : « Quand on m’insulte, je ne dis rien, mais quand c’est ma famille, alors là je réagis » ; «C’est impossible de se maîtriser, la puissance est trop forte ».
Ils attendaient malgré tout du changement et les solutions proposées révèlent à quel point le laxisme ambiant est mal vécu : « des colles, des renvois, des exclusions définitives, dire aux surveillants et aux professeurs quand il y a du racket (« On se tait car on a peur d’être battu »), davantage de surveillants, éviter les armes (y en aurait-il dans le collège ?). Ce sont les victimes de la violence qui jugent l’ambiance laxiste. L’administration du collège essayait du mieux qu’elle pouvait de contrôler les éléments les plus difficiles.
Beaucoup tentent de prôner le dialogue, mais cela ne fonctionne pas toujours. Ils attendent des autres davantage de calme et de courtoisie (« Moins de méchanceté, ne pas bousculer les autres, ne pas donner de coups de pied dans les cartables, tenir la porte battante du couloir »), surtout lorsque eux-mêmes ont essayé de faire des efforts. Une telle attitude se remarque surtout chez ceux qui ont commencé à mettre en pratique les conseils donnés en Education civique. Le cours sur la vie en société avait donné lieu à un réel dialogue : je sentais que bon nombre d’entre eux souffraient de l’agressivité ambiante et que d’autres étaient malheureux de se trouver entraînés dans une spirale qui les faisait réagir de plus en plus violemment. Ils avaient besoin d’être écoutés et se confiaient d’autant plus qu’ils savaient que malgré ma sévérité, ils trouvaient toujours chez moi une oreille attentive à leurs problèmes. Ils évoquaient alors le rôle des parents, regrettant l’absence de dialogue (« chez moi, je voudrais parler, mais on ne m’écoute jamais »), la difficulté du quartier, un concentré de crise économique, sociale et de début d’exclusion (« Que les gens qui se battent ne se battent plus ! En plus, on est dans un quartier chaud ! »). Un élève propose un aménagement du règlement : « Plus sévère pour la violence, moins sévère pour ce qui n’est pas grave » (sans préciser la hiérarchisation des sanctions).
Qu’en retenir ? On remarque rapidement que si l’insulte est considérée comme une forme de violence, elle ne concerne que les élèves entre eux. Seule une élève étend le phénomène aux relations élève-enseignant : « Lorsqu’on parle méchamment au professeur ». Pour la quasi-totalité des élèves, la violence verbale envers le professeur n’est pas considérée comme une forme d’agression. Or, une grande partie du malentendu découle aussi de cette erreur d’appréciation ! Certains collégiens n’acceptent pas qu’on leur fasse des remarques, mais trouvent par contre tout à fait naturel d’insulter le voisin, de faire des réflexions désagréables, voire de répondre au professeur de manière insolente. Ils ne comprennent pas qu’ils ne doivent pas répliquer à un adulte, l’interrompre et que cette attitude impolie n’est pas plus admissible vis-à-vis d’un autre élève. Leur incapacité à vivre sereinement en groupe se traduit par des conflits (souvent ridicules) au moindre prétexte.
Peut-être que si les membres de l'observatoire avaient une expérience concrète, ils avanceraient plus vite.
Allez, un peu de lecture pour nourrir leur réflexion (expérience en ZEP)
Dans une ZEP....
La violence commence avec le bruit, cette agression assourdissante qui se répète chaque matin lorsque j’arrive au collège. Des élèves frôlent l’hystérie à 8 heures du matin. Comment peuvent-ils alors envisager la perspective d’une journée calme avec la contrainte de demeurer sagement assis et concentrés ? Le bruit et l’agitation permanente constituent la première étape d’une violence plus grande.
Il est parfois impossible de commencer à travailler à 8 heures : il faut leur demander de se ranger devant la porte afin qu’ils arrivent, si possible, à se calmer avant d’entrer. Des hurlements retentissent dans les couloirs. Avec certains, c’est malheureusement à un véritable dressage qu’il faut recourir. Dompter ma horde avant d’ouvrir la porte. Ces élèves n’ont bien souvent aucunement l’impression de mal se conduire : ils crient ainsi depuis des années à l’école, hurlent au lieu de parler calmement. Le couloir est un lieu où on se défoule, sans doute. Cette attitude semble devenue normale, alors qu’elle ne l’est pas.
Une fois qu’ils sont assis (certains n’ont pas d’affinités avec les chaises !) il faut de nouveau les faire taire, vérifier que les affaires sont sorties, que le matériel est au complet. Dure tâche, qui transforme bien des cours en épreuve de force. Dans ce parcours du combattant, je ne peux pas me permettre de lâcher prise : c’est eux ou moi. Autant leur faire comprendre le plus vite possible que c’est moi qui commande. Une telle scène peut se reproduire chaque matin, durant des semaines. Un jour, miracle, une certaine autodiscipline arrive à fonctionner. Mais ce n’est jamais gagné d’avance et il faut en permanence rester vigilant.
Les journées sont épuisantes à force de se démultiplier : transmettre les connaissances, expliquer, ré-expliquer, gérer le caractériel qui risque à tout moment de perturber l’ambiance (l’alchimie de certaines classes est extrêmement fragile et il suffit d’un rien pour la faire exploser), occuper les élèves qui ont déjà terminé (et s’ennuient), d’autres n’ayant pas encore compris qu’il fallait ouvrir le cahier, passer de l’un à l’autre tout en maintenant le silence nécessaire à la tranquillité du travail... Il faut rester calme afin de conserver assez d’énergie pour tenir le coup toute la matinée.
Il ne s’agit là que des éléments les moins graves mais qui nous obligent à puiser dans nos réserves tout au long de la journée. S’y ajoutent le racket, les vols, les agressions verbales et physiques envers d’autres élèves ou certains professeurs, les bagarres, la dégradation du matériel, et les petits détails qui pourrissent la vie quotidienne : injures, crachats, coups de pied dans les portes... ).
Pour mieux comprendre le phénomène, j’ai fait circuler un questionnaire sur la violence dans les classes. Cette enquête a eu lieu durant une semaine plutôt tendue (davantage de bagarres et de conflits qu’à l’accoutumée, une agression à l’encontre d’un collègue de technologie). Les élèves devaient répondre aux questions suivantes :
1. Quelles sont les manifestations de la violence au collège ? Qu’en pensez-vous ?
2. Pour vous, qu’est-ce qu’une situation où on fait preuve de violence ?
3. Y avez-vous été confronté ? Dans quel cas ?
4. Pourquoi pouvez-vous réagir violemment ? Essayez-vous de vous maîtriser ?
Y arrivez-vous ? Sinon, pourquoi?
5. Quelles seraient, selon vous, les réponses à apporter pour qu’il y ait moins de violence ?
Les réponses, recueillies dans mes classes et celles de collègues, de manière à couvrir tous les niveaux, sont révélatrices du malaise. Comme manifestations de violence, on retrouve le racket, les bagarres (coups de pied, de poing), le bizutage (sans plus de précision), les insultes, souvent racistes (« sale bougnoul, sale arabe, sale noir, rentre dans ton pays ») ou très grossières (« Fils de ***, bâtard, ta mère en slip, Nique ta mère, Ta mère, je la baise ») : la poésie n’est pas de mise ici !!
Certains élèves ressentent mal les insultes concernant leur famille et réagissent. On notera à ce propos que les conflits de quartier ou les querelles de palier entre deux familles se règlent souvent au collège par élèves interposés. La Guerre des boutons version ZEP !
Des clans se constituent. Une barre de HLM jouxte la cour et les familles interpellent fréquemment les élèves durant la récréation. Les insultes racistes semblent être une solution de facilité, car le collège ne compte pas une multitude de nationalités ! Cette année-là, j’avais quelques élèves marocains, une Algérienne, deux Vietnamiens, un originaire du Togo et un Angolais. Les familles étrangères sont plutôt bien intégrées dans les deux quartiers HLM dépendant du collège.
Mon élève angolais, qui vivait mal sa transplantation, faisait du racisme à l’envers et venait ensuite se plaindre d’être traité de « Sale nègre ». Il avait du mal à comprendre qu’il continuerait à se faire insulter s’il ne canalisait pas rapidement son agressivité verbale en s’adressant aux autres. Un autre élève, A, utilisait le même procédé, mais avec plus de subtilité ! Insulter les autres sans que les professeurs s’en aperçoivent, et venir ensuite pleurnicher en jouant les martyrs : « Madame, y me traite de bougnoul ! » « Y me traite !! »;
Le maître mot était lâché.
Un jour, excédée, je leur expliquai que cette expression n’avait aucun sens et qu’ils feraient mieux de dire « Il m’insulte » ou « Il me traite d’imbécile ». Message reçu cinq sur cinq ! Deux minutes après, un élève ayant laissé tomber ses crayons de couleur et reçu une remarque de son voisin, m’interpellait : « Madame, il m’insulte d’imbécile ! ».
La phrase « Ça commence toujours par des insultes et ça finit par des coups » revenait fréquemment dans les réponses. Au cours du mois d’octobre, deux élèves, A et F, tous deux issus d’une famille marocaine, se sont régulièrement battus, y compris en entrant en classe. Il fallait souvent les séparer et ils ont arboré des ecchymoses sur le visage pendant au moins deux semaines. Il y avait une obscure histoire d’insultes familiales dont le mystère est demeuré intact, chaque élève présentant « sa » version de l’affaire (en étant évidemment la victime en état de légitime défense), tentant de faire admettre ses arguments aux divers professeurs de la classe.
L’agression verbale est donc considérée comme une forme de violence à part entière et elle dégénère. A la fin du mois de décembre, un élève de quatrième technologique, excédé de s’entendre traiter de « Pédé » par deux autres élèves, s’est brusquement jeté sur l’un d’eux en cours d’anglais et l’aurait assommé si le professeur ne s’était pas interposé, au risque de recevoir des coups. Malheureusement, dans cette classe à petit effectif, les élèves n’arrivaient pas à se supporter. Leurs professeurs étaient souvent contraints de prendre sur le cours le temps nécessaire au règlement de querelles qui se poursuivaient dans la cour et à l’extérieur du collège. Les antagonismes étaient permanents.
D’autres réponses : « La violence, c’est bien! Ca nous fait bouger un peu! » Je n’ai trouvé cet argument qu’une seule fois. Son auteur avait-il peur de rester figé ? Je trouvais que les élèves étaient pourtant assez remuants comme ça.
« C’est quand les profs ont peur de rentrer dans le collège. » Je n’ai pas senti cette peur chez mes collègues. Ou alors, ceux qui étaient concernés l’ont bien cachée. Rien n’est pire que d’être perçu comme un enseignant qui a peur des élèves.
« C’est quand il y a des bandes dans la cour ». Nous n’en sommes pas encore au stade des gangs !
La majeure partie des élèves critique l’ambiance, mais peu d’entre eux avouent arriver à se contenir : « Quand on m’insulte, je ne dis rien, mais quand c’est ma famille, alors là je réagis » ; «C’est impossible de se maîtriser, la puissance est trop forte ».
Ils attendaient malgré tout du changement et les solutions proposées révèlent à quel point le laxisme ambiant est mal vécu : « des colles, des renvois, des exclusions définitives, dire aux surveillants et aux professeurs quand il y a du racket (« On se tait car on a peur d’être battu »), davantage de surveillants, éviter les armes (y en aurait-il dans le collège ?). Ce sont les victimes de la violence qui jugent l’ambiance laxiste. L’administration du collège essayait du mieux qu’elle pouvait de contrôler les éléments les plus difficiles.
Beaucoup tentent de prôner le dialogue, mais cela ne fonctionne pas toujours. Ils attendent des autres davantage de calme et de courtoisie (« Moins de méchanceté, ne pas bousculer les autres, ne pas donner de coups de pied dans les cartables, tenir la porte battante du couloir »), surtout lorsque eux-mêmes ont essayé de faire des efforts. Une telle attitude se remarque surtout chez ceux qui ont commencé à mettre en pratique les conseils donnés en Education civique. Le cours sur la vie en société avait donné lieu à un réel dialogue : je sentais que bon nombre d’entre eux souffraient de l’agressivité ambiante et que d’autres étaient malheureux de se trouver entraînés dans une spirale qui les faisait réagir de plus en plus violemment. Ils avaient besoin d’être écoutés et se confiaient d’autant plus qu’ils savaient que malgré ma sévérité, ils trouvaient toujours chez moi une oreille attentive à leurs problèmes. Ils évoquaient alors le rôle des parents, regrettant l’absence de dialogue (« chez moi, je voudrais parler, mais on ne m’écoute jamais »), la difficulté du quartier, un concentré de crise économique, sociale et de début d’exclusion (« Que les gens qui se battent ne se battent plus ! En plus, on est dans un quartier chaud ! »). Un élève propose un aménagement du règlement : « Plus sévère pour la violence, moins sévère pour ce qui n’est pas grave » (sans préciser la hiérarchisation des sanctions).
Qu’en retenir ? On remarque rapidement que si l’insulte est considérée comme une forme de violence, elle ne concerne que les élèves entre eux. Seule une élève étend le phénomène aux relations élève-enseignant : « Lorsqu’on parle méchamment au professeur ». Pour la quasi-totalité des élèves, la violence verbale envers le professeur n’est pas considérée comme une forme d’agression. Or, une grande partie du malentendu découle aussi de cette erreur d’appréciation ! Certains collégiens n’acceptent pas qu’on leur fasse des remarques, mais trouvent par contre tout à fait naturel d’insulter le voisin, de faire des réflexions désagréables, voire de répondre au professeur de manière insolente. Ils ne comprennent pas qu’ils ne doivent pas répliquer à un adulte, l’interrompre et que cette attitude impolie n’est pas plus admissible vis-à-vis d’un autre élève. Leur incapacité à vivre sereinement en groupe se traduit par des conflits (souvent ridicules) au moindre prétexte.
Peut-être que si les membres de l'observatoire avaient une expérience concrète, ils avanceraient plus vite.
- CelebornEsprit sacré
Communiqué du SNALC sur le sujet :
Violences scolaires : il faut agir !
Le SNALC-FGAF a pris connaissance de l'enquête de victimisation et climat scolaire auprès des personnels du second degré, ainsi que du point d'étape sur les travaux de la délégation ministérielle chargée de la question de la violence scolaire. Les chiffres sont alarmants : un élève sur 20 -c'est-à-dire plus d'un élève par classe -se dit « harcelé de manière sévère ou très sévère ». Du côté des personnels du second degré, 37.2% sont insatisfaits du climat scolaire de leur établissement, 21.4% perçoivent les relations entre les enseignants et les élèves comme mauvaises et 30.7% déclarent qu'il y a de la violence « plutôt souvent » ou « très souvent » dans leur établissement. Ce chiffre monte à 62.4% ans l'éducation prioritaire !
Le SNALC-FGAF demande donc à ce que la question de la violence scolaire, dont plus personne ne peut dire qu'elle est de peu d'importance, soit traitée avec sérieux et sans parti-pris idéologique. Nous voyons déjà resurgir les vieilles recettes : mesures de responsabilisation impossibles à mettre en oeuvre, stigmatisation des exclusions (les victimes apprécieront), association des élèves à l'élaboration des règlements intérieurs (quelle démagogie!). Pourtant, l'introduction réussie de 500 assistants de prévention et de sécurité montre bien que les questions centrales sont d'une part celle de la cohésion des équipes (les enseignants doivent être soutenus par leur hiérarchie!) et, d'autre part, celle de la présence en nombre suffisant d'adultes formés et respectés. À ce sujet, l'enquête révèle de manière incontestable la catastrophe qu'a constituée la formation des professeurs depuis 20 ans, quelle qu'en ait été la forme. Au moment où les ESPE vont ouvrir leur porte, cette enquête doit permettre au moins de comprendre ce qu'il ne faut surtout plus faire en manière de formation.
Le SNALC-FGAF invite donc le ministre, à l'occasion des discussions qui s'ouvrent sur l'éducation prioritaire, le collège et le décrochage scolaire, à prendre ses responsabilités pour que les élèves et les personnels puissent travailler dans un climat serein et dans des conditions permettant la transmission des savoirs. Cela passe par des solutions adaptées hors établissement pour la gestion des cas les plus sérieux et par un soutien sans faille aux personnels agressés sur leur lieu de travail. Si l'on veut la réussite de tous, on ne peut se contenter de bons sentiments : il faut agir intelligemment et avec fermeté.
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- OlympiasProphète
Bravo.
- User5899Demi-dieu
Avec détermination.
Car nous sommes déterminés.
Houla, voui.
Dé-ter-mi-nés.
Car nous sommes déterminés.
Houla, voui.
Dé-ter-mi-nés.
- Spoiler:
- Par qui, on ne saura pas. Le ministre ne disait rien; et Eric disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.
- MarcassinHabitué du forum
V. Peillon a écrit:Il y a dans toutes ces affaires [de violence scolaire] beaucoup d'instrumentalisation de l'insécurité à des fins politiques. Je ne le souhaite pas. [...] Ce n'est pas la bonne façon de faire. Il y a de l'émotion lorsqu'il y a des drames, il faut de l'empathie, mais il faut aussi traiter ces sujets en faisant confiance à la raison, à l'analyse objective des causes. Il faut être capable aussi de sortir des réponses immédiates, qui relèvent plus souvent de la communication que de l'action.
http://www.vousnousils.fr/2013/02/27/il-y-a-dans-toutes-ces-affaires-de-violence-scolaire-beaucoup-dinstrumentalisation-de-linsecurite-a-des-fins-politiques-je-ne-le-souhaite-pas-v-peillon-543301
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"Je regarde la grammaire comme la première partie de l'art de penser." (Condillac)
- OlympiasProphète
Il n'empêche que ce n'est pas lui qui a la violence à gérer. Donc, halte au blabla. Cette semaine, Peillon serait-il devenu adepte de ce nous reprochons à certains élèves ? Le délayage et le remplissage ??
- Bilan social du ministère 2012-2013 : le point sur les ressources humaines, effectifs, carrières et conditions de travail des personnels d'enseignement scolaire.
- Violence scolaire : "Un bilan très positif de la délégation" d'Eric Debarbieux.
- Novembre 2013 - février 2014 : Les dates des groupes de travail sur les "chantiers métiers".
- "Refonder l'aide aux élèves en grande difficulté scolaire" : note du think tank Terra Nova du 11 février 2013.
- Eric Debarbieux : un livre réaliste sur le système scolaire ?
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