- JohnMédiateur
http://blogs.mediapart.fr/blog/sebastien-rome/011112/au-dela-de-la-querelle-scolaire-une-pedagogie-ordinaire
Extrait :
Le texte intégral ici :
http://blogs.mediapart.fr/blog/sebastien-rome/011112/au-dela-de-la-querelle-scolaire-une-pedagogie-ordinaire
Sébastien Rome développe sa réflexion un peu plus en détail ici :
http://blogs.mediapart.fr/blog/sebastien-rome/011112/pour-une-pedagogie-ordinaire
Extrait :
Apprendre, c’est passer d’un état où l’on agit de manière aléatoire vers un état où l’on agit selon des règles. Apprendre à marcher sur ses deux jambes implique l’apprentissage d’une coordination de toutes les parties du corps et d’un équilibre instable selon des principes réglés. Lire compter… implique de suivre des règles. Or, Wittgenstein nous dit qu’agir selon une règle, apprendre se fait par l’usage de la règle. C’est-à-dire que l’on n’apprend pas par définition, par anticipation du savoir (« tenez, voici la notice pour apprendre à marcher, parler, lire, compter, nager…avant même que vous essayiez de le faire »). On apprend simplement en agissant. On apprend à nager, en nageant dans le bassin et pas hors du bassin. Le nourrisson apprend à parler parce que son entourage lui parle normalement en faisant comme s’il comprenait déjà et sans définir tous les mots pour le bébé. Le nourrisson apprendra donc en contexte, par l’usage, parfois par essai-erreur. Le troisième principe d’une pédagogie ordinaire est donc de faire en sorte que les enfants fassent usage des savoirs et des notions, c’est-à-dire qu’ils en pratiquent les règles. Les usages peuvent varier. De la situation en contexte réel (un usage qui donne accès au sens de la notion), au travail de groupe (un usage interpersonnel de la notion), à l’exercice (un usage répété de la notion), jusqu’à l’écoute d’un maître, d’un livre (usage transmis par abstraction). L’enseignant doit veiller, selon le principe de bienveillance, que les élèves apprennent toujours ; il doit donc faire en sorte de choisir l’usage que l’élève doit faire d’une notion, selon la notion, selon l’âge des enfants, de leurs histoires et leurs capacités d’abstraction afin que l’apprentissage se perpétue indéfiniment au-delà de l’intervention de l’enseignant. L’usage peut devenir si parfait qu’il permet à l’élève de faire autre chose que ce qu’il sait. Savoir marcher peut permettre à terme de faire de l’athlétisme, savoir lire peut permettre à terme de saisir le monde autrement.
On peut donc fonder une pédagogie ordinaire et ambitieuse sans intention politique délirante commandant de sauver la Démocratie ou la Civilisation. Il faut être bienveillant, c’est-à-dire faire en sorte de proposer des situations où les élèves sont toujours en train d’apprendre et qu’ils apprendront après nous. Il faut permettre de faire continuellement un usage réglé des notions à apprendre. Tels sont les principes d’une pédagogie ordinaire.
Le texte intégral ici :
http://blogs.mediapart.fr/blog/sebastien-rome/011112/au-dela-de-la-querelle-scolaire-une-pedagogie-ordinaire
Sébastien Rome développe sa réflexion un peu plus en détail ici :
http://blogs.mediapart.fr/blog/sebastien-rome/011112/pour-une-pedagogie-ordinaire
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- User5899Demi-dieu
Mais on le trouve où, le bon filon, pour se trouver des endroits où l'on aligne deux trois idées vaguement survenues pendant la douche ou aux toilettes matutinales, et avec lesquelles on a fait son taf du jour ?
Décidément, Rome est bien dans Rome, et nous, où il n'est pas
Décidément, Rome est bien dans Rome, et nous, où il n'est pas
- CelebornEsprit sacré
Comparer l'apprentissage de la marche et celui de la lecture est un non-sens. On n'apprend pas à marcher en intégrant les principes réglés de la marche. On revanche, on n'apprend pas à lire sans intégrer les principes de la lecture.
À partir d'un point de départ aussi faux, il est évident que le raisonnement qu'on en tire se plante dans les grandes largeurs
À partir d'un point de départ aussi faux, il est évident que le raisonnement qu'on en tire se plante dans les grandes largeurs
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
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- Julie PieNiveau 6
Réponse de Rudolf Bkouche
Texte sans notes.
Pour consulter le texte avec les notes, trop lourd pour le mettre en pj ici, veuillez cliquer là
Sur le texte de Sébastien Rome "Pour une pédagogie ordinaire"
Disons d'abord que la présentation, par l'auteur, des deux tendances, pédagogues et républi-cains, est quelque peu schématique. Il lui faut définir deux camps ce qui le conduit à quelques confusions.
J'ignorais que les mathématiques modernes se trouvaient du côté pédago, mais mettons cela sur le compte de l'ignorance de l'auteur. (Il faut distinguer dans la réforme des mathématiques modernes, l'aspect mathématique qui s'appuie sur la notion de structure et l'aspect "épistémologie génétique" qui s'appuie sur ce que Piaget considère comme les structures cognitives, la rencontre entre ces deux aspects résultant de la confusion par Piaget de ces deux types de structures.) Itou pour l'opposition classique "jacobins-girondins". Cela permet de faire une classification rassurante des protagonistes.
Mais peut-on classer le GRIP dans le camp républicain ? Je ne le pense pas, à moins de n'avoir rien compris lorsque Michel Delord m'a proposé d'entrer au GRIP il y a quelques années. Même si l'auteur explique, avec raison, la façon dont le ministère Robien, pour des raisons plus politiques que pédagogiques, s'est servi du GRIP .
(Pour mettre en place des classes SLECC, le GRIP devait négocier avec le ministère, c'était une condition sine qua non pour que de telles classes puissent se développer. Cela n'implique aucune allégeance du GRIP envers le ministre de l'époque, même si ce dernier a cherché à se servir du GRIP pour sa vitrine. C'est la contradiction inhérente à tout mouvement de réforme dans l'enseignement, travailler dans l'institution tout en étant critique.)
D'accord avec l'auteur pour dire qu'il faut une réflexion sur l'acte d'enseigner. Mais qu'est-ce que peut être une telle réflexion ?
Nous noterons d'abord la volonté, dans la première partie du XXème siècle, de construire une pédagogie scientifique, volonté que l'on trouve autant en Europe qu'aux Etats-Unis, ce qui nous semble plus important que l'opposition idéologique "pédagogues vs républicains". Il faut alors noter, en Europe, le rôle de la pensée piagétienne, laquelle a sous-tendu la réforme des mathématiques modernes comme elle a sous-tendu ensuite l'activisme pédagogique de la contre-réforme. Cette conception "scientifique" a conduit à affirmer que l'élève apprend mieux si c'est lui qui construit son savoir, c'est encore cette conception "scientifique" qui a conduit une partie de la gauche française, en particulier les enseignants communistes, à s'appuyer sur le scientiste Piaget, ignorant l'apport de Vigotsky, peut-être trop marqué par le marxisme au goût des chefs de l'URSS. Cette conception scientiste de la pédagogie est toujours en vogue si l'on entend le discours des "théoriciens de l'apprentissage". A cette conception "scientifique" s'est ajoutée une lecture à contresens du courant libertaire, la critique contre l'institution scolaire devenant une critique du savoir.
Si on parle de la Grèce, il ne faut pas oublier que la démocratie athénienne est sélective ; les citoyens ne sont qu'une partie de la population. Quant à Platon, est-ce qu'il est représentatif de la pensée grecque ? En tous cas la République est à l'opposé de la démocratie, y compris sous sa forme athénienne. Elle propose une société hiérarchiquement organisée, les mathématiques, dans la pensée de Platon, apportent une légitimation à cette organisation. Il est vrai que cette conception "scientifique" de la cité est toujours présente, et cela dans les deux camps, comme s'il fallait s'appuyer sur une construction rationnelle du politique.
Si dans les deux camps, on met en avant le caractère politique de l'enseignement, c'est-à-dire la formation du citoyen avant l'instruction, chez les républicains l'instruction, c'est-à-dire la transmission des connaissances, apparaît comme une condition nécessaire de la démocratie alors que chez les pédagogues, le savoir n'est qu'un prétexte à enseignement, et doit donc se plier à des contraintes qui lui sont extérieures.
Cela dit, le caractère politique de l'enseignement est plus complexe que ce que dit Sébastien Rome. Dans les deux camps on demande aux élèves d'être de bons citoyens. Il serait alors intéressant de regarder comment chacun des protagonistes, dans chacun des camps, pense la notion de "bon citoyen". Il me semble qu'il y a des deux côtés une caricature de Condorcet.
D'accord avec l'auteur pour dire que cette vision politique de l'enseignement occulte les ques-tions de pédagogie. Mais la querelle est ancienne et on sait qu'elle était présente à l'époque de la Révolution au sens où pour certains, dont Robespierre, l'école devait contribuait à la forma-tion des "bons citoyens" alors que pour Condorcet elle avait pour objectif l'émancipation des hommes . Mais on sait que ces deux termes "bon citoyen" et "émancipation" sont susceptibles de plusieurs interprétations. Il est vrai qu'une lecture superficielle de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen laisse entendre une harmonie préétablie entre l'homme et le citoyen, harmonie que partageait peut-être Condorcet.
D'accord pour dire avec l'auteur : "La pédagogie ne se pose d’autres questions que celle de la meilleure façon d’apprendre. C’est la seule question que doit se poser celui qui enseigne. Comment dois-je m’y prendre pour que mes élèves apprennent ? Rien d’autre".
Mais alors pourquoi, une fois cela dit, l'auteur ajoute, comme pour se protéger : "Dis-je que nous devons renoncer à toute transmission de nos valeurs démocratiques, que dans l’enceinte des établissements scolaires, on ne doit pas former des citoyens ?".
D'autant que l'expression "former des citoyens" peut prendre des significations différentes, voire opposées. On peut supposer que des hommes instruits sont plus aptes à développer la démocratie, mais l'histoire du XXe siècle nous a appris que cela est faux, que des nations ins-truites peuvent se livrer à la barbarie. Il ne faut pas oublier que la tuerie de Verdun est l'œuvre des nations-phares des Lumières et que les hommes qui s'entretuaient à Verdun étaient ins-truits. Il y eut peu de personnes qui résistèrent à l'euphorie guerrière dans ces nations qui se présentaient comme les plus avancées de la civilisation.
Condorcet, comme plus tard Dewey, pensaient que l'instruction ne pouvait que favoriser la démocratie. L'histoire récente nous apprend qu'ils se sont trompés.
Cela implique-t-il qu'il faille couper l'école du politique ? La réponse à cette question dépend de la définition que l'on donne du politique, et on sait que cette réponse n'est pas unique.
Sans oublier qu'il n'y a pas une pensée enseignante mais des enseignants qui pensent diffé-remment, que ce soit sur le plan pédagogique ou que ce soit sur le plan politique.
Je ne comprends pas ce que signifie "Agis de telle sorte que l’effet de tes actions soit compa-tible avec la permanence d’un apprentissage perpétuel".
Il semble ici que l'auteur a peur de ce qu'il affirme et il ne peut que se contredire. Si la con-naissance permet à chacun de mieux penser ses choix, en particulier ses choix politiques, reste que ces choix sont divers et ne sont pas déterminés par la seule connaissance. Quant à l'ap-prentissage perpétuel, il n'est ici qu'une bien mauvaise imitation des impératifs énoncés par Kant ou Jonas. Il vaudrait mieux dire qu'un enseignement réussi est un enseignement qui donne envie d'apprendre à ceux à qui on a enseigné, et cela hors de toutes considérations mo-rales. Mais c'est bien autre chose que le précepte proclamé par Sébastien Rome.
Quant à sa notion de bienveillance; elle est ambigüe, elle ajoute un élément moral à son dis-cours, comme si l'auteur avait peur de ce qu'il disait.
A cette bienveillance ambigüe je préfère ce que dit Georges Steiner qui pose la question
"De quel droit peut-on essayer de forcer un être humain à prendre un niveau plus élevé dans ses joies et dans ses goûts ? Moi, je crois qu'être professeur c'est s'arroger ce droit. On ne peut pas être professeur sans être un despote à l'intérieur, sans dire : « Je vais te faire aimer un beau texte, une belle musique, les hautes mathématiques, l'Histoire et la philosophie. » Mais attention l'éthique de cette histoire est ambiguë."
et qui, dans un autre ouvrage, répond
"On ne négocie pas ses passions. Les choses que je vais essayer de vous présenter, je les aime plus que tout au monde. Je ne peux pas les justifier"
ou encore ce que dit Ibn Tufayl, philosophe arabe du XIIe siècle qui écrit
"Nous voulons te faire entrer dans les chemins où nous sommes entrés avant toi, te faire nager dans la mer que nous avons déjà traversée, afin que tu arrives où nous sommes nous-mêmes arrivés, que tu voies ce que nous avons vu, que tu constates par toi-même tout ce que nous avons constaté, et que tu puisses te dispenser d'asservir ta connaissance à la notre"
Après avoir expliqué la nécessaire séparation de la pédagogie et du politique, Sébastien Rome en vient à ce qu'il propose, la pédagogie ordinaire. Ici encore son discours est ambigu.
Il s'appuie sur Wittgenstein pour définir ce qu'il appelle la pédagogie ordinaire, renvoyant aux règles et usage des règles. Mais pour être complet, il faut distinguer l'aspect social et l'aspect interne de ces règles, c'est-à-dire relevant de la seule connaissance. Ces règles se définissent dans un contexte, lequel nous renvoie au social, et par conséquent au politique. Cela demande de regarder non seulement les contenus et la meilleure façon de les enseigner, ce qui relève de la pédagogie, mais aussi les enjeux de ces contenus. C'est la connaissance de ces enjeux, plus ou moins explicités, qui, permet d'accepter les contraintes de l'apprentissage, lesquelles ren-voient à l'aspect interne de ces règles, ce que l'on peut appeler les contraintes épistémolo-giques, y compris sous les formes les plus dogmatiques. La question est moins celle d'une continuité supposée entre ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas que celle des raisons qui conduisent à enseigner, et par conséquent demander aux élèves d'apprendre, un domaine de la connaissance et on sait que ces raisons se transforment au fur et à mesure que cette connais-sance augmente. D'autant que tout apprentissage implique des ruptures entre les savoirs acquis et les nouveaux savoirs, l'acquisition de nouveaux savoirs conduisant à une réorganisation de ces savoirs.
Le renvoi à Platon n'a ici aucun sens. La conception platonicienne n'est pas seulement une fable, elle oublie les raisons qui conduisent non seulement à connaître mais à vouloir connaître. Quant au Ménon, si on le regarde d'un point de vue pédagogique, il se réduit à une piteuse manipulation de l'esclave par Socrate, manipulation dont l'objectif est moins d'instruire le jeune esclave que de convaincre Ménon de la théorie de la réminiscence.
Revenant à la question des liens entre le pédagogique et le politique, il faut rappeler que le savoir enseigné a une signification sociale et c'est cette signification sociale qui en fait l'aspect politique. Cela est d'autant plus important que s'entremêlent, dans l'enseignement, aspect so-cial et formation individuelle.
Ainsi, lorsqu'on apprend à une personne, enfant ou non, à nommer des objets, c'est pour lui permettre, non seulement de les connaître mais d'en parler.
La question est quelque peu différente pour la grammaire, laquelle ne relève pas de la seule communication mais permet à celui qui l'apprend de structurer sa pensée via des règles qui ne sont pas toujours faciles à comprendre ou à expliquer, ce qui exige une certaine autorité du maître, autorité du savoir mais aussi autorité de la valeur du savoir. Cela dit, l'enseignement doit aussi conduire l'élève à comprendre les raisons de ces règles et cela s'inscrit dans le travail pédagogique. La difficulté vient de ce qu'il y a plusieurs niveaux de compréhension de ces raisons et c'est à la pédagogie de les prendre en charge.
On pourrait donner d'autres exemples, mais ce qui importe, c'est que la pédagogie se définit en fonction des contenus étudiés. Si les règles, comme le dit l'auteur s'appuyant sur Wittgenstein, sont importantes, leur mode d'action dépend des contenus enseignés.
S'il est vrai que "apprendre c'est apprendre des règles", il ne faut pas oublier l'apprentissage des raisons de ces règles. Une des difficultés de l'enseignement vient de ce que le second ap-prentissage pose de nombreux problèmes et qu'il vaut mieux avoir déjà une pratique de ces règles pour comprendre les raisons de ces règles. Mais comment demander à un élève d'ap-prendre des règles s'il ne connaît pas les raisons de ces règles . Cela demande donc un appren-tissage mêlant convenablement usage des règles et explicitation des raisons ; mais le mot qui pose problème est le mot "convenablement", lequel ne peut être défini a priori mais doit être repensé à chaque fois.
La pédagogie ordinaire, si elle existe, est en reconstruction permanente. C'est cela qui m'ame-nait à dire aux stagiaires de l'IUFM qu'ils allaient faire un métier angoissant et que la question est moins de se débarrasser de l'angoisse que de savoir l'assumer.
La conclusion me dérange. On reste toujours dans l'opposition manichéenne entre l'agir et le penser ; cela à l'avantage de la sécurité de pensée même si cela est source de nombreuses con-fusions. Mais au moins cette opposition permet de ne pas les voir.
Autre opposition tout aussi manichéenne, l'opposition concret - abstrait. Qu'est-ce qui permet de dire que le concret précède l'abstrait dans la connaissance ? Il faudrait pour cela préciser ce qu'on entend par "concret" et par "abstrait", ce qui est loin d'être aisé.
Rudolf Bkouche
Pour préciser le rapport entre l'instruction et le politique, je renvoie à un ancien article "Science, enseignement scientifique et démocratie" publié dans Repères-IREM, n°60, juillet 2006, p. 79-95. On peut trouver aussi ce texte sur les sites suivants :
- http://michel.delord.free.fr/rb/rb-sc_ens_democra.pdf
- http://www.instruire.fr
Sur la question de l'agir et du penser je renvoie encore à un ancien article "Manichéisme intel-lectuel". On peut trouver ce texte sur les sites
- http://michel.delord.free.fr/rb/rb-manicheisme.pdf
- http://www.instruire.fr
Sur la question du concret et de l'abstrait, je renvoie au texte "Abstrait vs concret, une opposi-tion ambigüe". On peut trouver ces textes sur les sites
- http://michel.delord.free.fr/rb/rb-abst ... oncret.pdf
- http://www.instruire.fr
Texte sans notes.
Pour consulter le texte avec les notes, trop lourd pour le mettre en pj ici, veuillez cliquer là
Sur le texte de Sébastien Rome "Pour une pédagogie ordinaire"
Disons d'abord que la présentation, par l'auteur, des deux tendances, pédagogues et républi-cains, est quelque peu schématique. Il lui faut définir deux camps ce qui le conduit à quelques confusions.
J'ignorais que les mathématiques modernes se trouvaient du côté pédago, mais mettons cela sur le compte de l'ignorance de l'auteur. (Il faut distinguer dans la réforme des mathématiques modernes, l'aspect mathématique qui s'appuie sur la notion de structure et l'aspect "épistémologie génétique" qui s'appuie sur ce que Piaget considère comme les structures cognitives, la rencontre entre ces deux aspects résultant de la confusion par Piaget de ces deux types de structures.) Itou pour l'opposition classique "jacobins-girondins". Cela permet de faire une classification rassurante des protagonistes.
Mais peut-on classer le GRIP dans le camp républicain ? Je ne le pense pas, à moins de n'avoir rien compris lorsque Michel Delord m'a proposé d'entrer au GRIP il y a quelques années. Même si l'auteur explique, avec raison, la façon dont le ministère Robien, pour des raisons plus politiques que pédagogiques, s'est servi du GRIP .
(Pour mettre en place des classes SLECC, le GRIP devait négocier avec le ministère, c'était une condition sine qua non pour que de telles classes puissent se développer. Cela n'implique aucune allégeance du GRIP envers le ministre de l'époque, même si ce dernier a cherché à se servir du GRIP pour sa vitrine. C'est la contradiction inhérente à tout mouvement de réforme dans l'enseignement, travailler dans l'institution tout en étant critique.)
D'accord avec l'auteur pour dire qu'il faut une réflexion sur l'acte d'enseigner. Mais qu'est-ce que peut être une telle réflexion ?
Nous noterons d'abord la volonté, dans la première partie du XXème siècle, de construire une pédagogie scientifique, volonté que l'on trouve autant en Europe qu'aux Etats-Unis, ce qui nous semble plus important que l'opposition idéologique "pédagogues vs républicains". Il faut alors noter, en Europe, le rôle de la pensée piagétienne, laquelle a sous-tendu la réforme des mathématiques modernes comme elle a sous-tendu ensuite l'activisme pédagogique de la contre-réforme. Cette conception "scientifique" a conduit à affirmer que l'élève apprend mieux si c'est lui qui construit son savoir, c'est encore cette conception "scientifique" qui a conduit une partie de la gauche française, en particulier les enseignants communistes, à s'appuyer sur le scientiste Piaget, ignorant l'apport de Vigotsky, peut-être trop marqué par le marxisme au goût des chefs de l'URSS. Cette conception scientiste de la pédagogie est toujours en vogue si l'on entend le discours des "théoriciens de l'apprentissage". A cette conception "scientifique" s'est ajoutée une lecture à contresens du courant libertaire, la critique contre l'institution scolaire devenant une critique du savoir.
Si on parle de la Grèce, il ne faut pas oublier que la démocratie athénienne est sélective ; les citoyens ne sont qu'une partie de la population. Quant à Platon, est-ce qu'il est représentatif de la pensée grecque ? En tous cas la République est à l'opposé de la démocratie, y compris sous sa forme athénienne. Elle propose une société hiérarchiquement organisée, les mathématiques, dans la pensée de Platon, apportent une légitimation à cette organisation. Il est vrai que cette conception "scientifique" de la cité est toujours présente, et cela dans les deux camps, comme s'il fallait s'appuyer sur une construction rationnelle du politique.
Si dans les deux camps, on met en avant le caractère politique de l'enseignement, c'est-à-dire la formation du citoyen avant l'instruction, chez les républicains l'instruction, c'est-à-dire la transmission des connaissances, apparaît comme une condition nécessaire de la démocratie alors que chez les pédagogues, le savoir n'est qu'un prétexte à enseignement, et doit donc se plier à des contraintes qui lui sont extérieures.
Cela dit, le caractère politique de l'enseignement est plus complexe que ce que dit Sébastien Rome. Dans les deux camps on demande aux élèves d'être de bons citoyens. Il serait alors intéressant de regarder comment chacun des protagonistes, dans chacun des camps, pense la notion de "bon citoyen". Il me semble qu'il y a des deux côtés une caricature de Condorcet.
D'accord avec l'auteur pour dire que cette vision politique de l'enseignement occulte les ques-tions de pédagogie. Mais la querelle est ancienne et on sait qu'elle était présente à l'époque de la Révolution au sens où pour certains, dont Robespierre, l'école devait contribuait à la forma-tion des "bons citoyens" alors que pour Condorcet elle avait pour objectif l'émancipation des hommes . Mais on sait que ces deux termes "bon citoyen" et "émancipation" sont susceptibles de plusieurs interprétations. Il est vrai qu'une lecture superficielle de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen laisse entendre une harmonie préétablie entre l'homme et le citoyen, harmonie que partageait peut-être Condorcet.
D'accord pour dire avec l'auteur : "La pédagogie ne se pose d’autres questions que celle de la meilleure façon d’apprendre. C’est la seule question que doit se poser celui qui enseigne. Comment dois-je m’y prendre pour que mes élèves apprennent ? Rien d’autre".
Mais alors pourquoi, une fois cela dit, l'auteur ajoute, comme pour se protéger : "Dis-je que nous devons renoncer à toute transmission de nos valeurs démocratiques, que dans l’enceinte des établissements scolaires, on ne doit pas former des citoyens ?".
D'autant que l'expression "former des citoyens" peut prendre des significations différentes, voire opposées. On peut supposer que des hommes instruits sont plus aptes à développer la démocratie, mais l'histoire du XXe siècle nous a appris que cela est faux, que des nations ins-truites peuvent se livrer à la barbarie. Il ne faut pas oublier que la tuerie de Verdun est l'œuvre des nations-phares des Lumières et que les hommes qui s'entretuaient à Verdun étaient ins-truits. Il y eut peu de personnes qui résistèrent à l'euphorie guerrière dans ces nations qui se présentaient comme les plus avancées de la civilisation.
Condorcet, comme plus tard Dewey, pensaient que l'instruction ne pouvait que favoriser la démocratie. L'histoire récente nous apprend qu'ils se sont trompés.
Cela implique-t-il qu'il faille couper l'école du politique ? La réponse à cette question dépend de la définition que l'on donne du politique, et on sait que cette réponse n'est pas unique.
Sans oublier qu'il n'y a pas une pensée enseignante mais des enseignants qui pensent diffé-remment, que ce soit sur le plan pédagogique ou que ce soit sur le plan politique.
Je ne comprends pas ce que signifie "Agis de telle sorte que l’effet de tes actions soit compa-tible avec la permanence d’un apprentissage perpétuel".
Il semble ici que l'auteur a peur de ce qu'il affirme et il ne peut que se contredire. Si la con-naissance permet à chacun de mieux penser ses choix, en particulier ses choix politiques, reste que ces choix sont divers et ne sont pas déterminés par la seule connaissance. Quant à l'ap-prentissage perpétuel, il n'est ici qu'une bien mauvaise imitation des impératifs énoncés par Kant ou Jonas. Il vaudrait mieux dire qu'un enseignement réussi est un enseignement qui donne envie d'apprendre à ceux à qui on a enseigné, et cela hors de toutes considérations mo-rales. Mais c'est bien autre chose que le précepte proclamé par Sébastien Rome.
Quant à sa notion de bienveillance; elle est ambigüe, elle ajoute un élément moral à son dis-cours, comme si l'auteur avait peur de ce qu'il disait.
A cette bienveillance ambigüe je préfère ce que dit Georges Steiner qui pose la question
"De quel droit peut-on essayer de forcer un être humain à prendre un niveau plus élevé dans ses joies et dans ses goûts ? Moi, je crois qu'être professeur c'est s'arroger ce droit. On ne peut pas être professeur sans être un despote à l'intérieur, sans dire : « Je vais te faire aimer un beau texte, une belle musique, les hautes mathématiques, l'Histoire et la philosophie. » Mais attention l'éthique de cette histoire est ambiguë."
et qui, dans un autre ouvrage, répond
"On ne négocie pas ses passions. Les choses que je vais essayer de vous présenter, je les aime plus que tout au monde. Je ne peux pas les justifier"
ou encore ce que dit Ibn Tufayl, philosophe arabe du XIIe siècle qui écrit
"Nous voulons te faire entrer dans les chemins où nous sommes entrés avant toi, te faire nager dans la mer que nous avons déjà traversée, afin que tu arrives où nous sommes nous-mêmes arrivés, que tu voies ce que nous avons vu, que tu constates par toi-même tout ce que nous avons constaté, et que tu puisses te dispenser d'asservir ta connaissance à la notre"
Après avoir expliqué la nécessaire séparation de la pédagogie et du politique, Sébastien Rome en vient à ce qu'il propose, la pédagogie ordinaire. Ici encore son discours est ambigu.
Il s'appuie sur Wittgenstein pour définir ce qu'il appelle la pédagogie ordinaire, renvoyant aux règles et usage des règles. Mais pour être complet, il faut distinguer l'aspect social et l'aspect interne de ces règles, c'est-à-dire relevant de la seule connaissance. Ces règles se définissent dans un contexte, lequel nous renvoie au social, et par conséquent au politique. Cela demande de regarder non seulement les contenus et la meilleure façon de les enseigner, ce qui relève de la pédagogie, mais aussi les enjeux de ces contenus. C'est la connaissance de ces enjeux, plus ou moins explicités, qui, permet d'accepter les contraintes de l'apprentissage, lesquelles ren-voient à l'aspect interne de ces règles, ce que l'on peut appeler les contraintes épistémolo-giques, y compris sous les formes les plus dogmatiques. La question est moins celle d'une continuité supposée entre ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas que celle des raisons qui conduisent à enseigner, et par conséquent demander aux élèves d'apprendre, un domaine de la connaissance et on sait que ces raisons se transforment au fur et à mesure que cette connais-sance augmente. D'autant que tout apprentissage implique des ruptures entre les savoirs acquis et les nouveaux savoirs, l'acquisition de nouveaux savoirs conduisant à une réorganisation de ces savoirs.
Le renvoi à Platon n'a ici aucun sens. La conception platonicienne n'est pas seulement une fable, elle oublie les raisons qui conduisent non seulement à connaître mais à vouloir connaître. Quant au Ménon, si on le regarde d'un point de vue pédagogique, il se réduit à une piteuse manipulation de l'esclave par Socrate, manipulation dont l'objectif est moins d'instruire le jeune esclave que de convaincre Ménon de la théorie de la réminiscence.
Revenant à la question des liens entre le pédagogique et le politique, il faut rappeler que le savoir enseigné a une signification sociale et c'est cette signification sociale qui en fait l'aspect politique. Cela est d'autant plus important que s'entremêlent, dans l'enseignement, aspect so-cial et formation individuelle.
Ainsi, lorsqu'on apprend à une personne, enfant ou non, à nommer des objets, c'est pour lui permettre, non seulement de les connaître mais d'en parler.
La question est quelque peu différente pour la grammaire, laquelle ne relève pas de la seule communication mais permet à celui qui l'apprend de structurer sa pensée via des règles qui ne sont pas toujours faciles à comprendre ou à expliquer, ce qui exige une certaine autorité du maître, autorité du savoir mais aussi autorité de la valeur du savoir. Cela dit, l'enseignement doit aussi conduire l'élève à comprendre les raisons de ces règles et cela s'inscrit dans le travail pédagogique. La difficulté vient de ce qu'il y a plusieurs niveaux de compréhension de ces raisons et c'est à la pédagogie de les prendre en charge.
On pourrait donner d'autres exemples, mais ce qui importe, c'est que la pédagogie se définit en fonction des contenus étudiés. Si les règles, comme le dit l'auteur s'appuyant sur Wittgenstein, sont importantes, leur mode d'action dépend des contenus enseignés.
S'il est vrai que "apprendre c'est apprendre des règles", il ne faut pas oublier l'apprentissage des raisons de ces règles. Une des difficultés de l'enseignement vient de ce que le second ap-prentissage pose de nombreux problèmes et qu'il vaut mieux avoir déjà une pratique de ces règles pour comprendre les raisons de ces règles. Mais comment demander à un élève d'ap-prendre des règles s'il ne connaît pas les raisons de ces règles . Cela demande donc un appren-tissage mêlant convenablement usage des règles et explicitation des raisons ; mais le mot qui pose problème est le mot "convenablement", lequel ne peut être défini a priori mais doit être repensé à chaque fois.
La pédagogie ordinaire, si elle existe, est en reconstruction permanente. C'est cela qui m'ame-nait à dire aux stagiaires de l'IUFM qu'ils allaient faire un métier angoissant et que la question est moins de se débarrasser de l'angoisse que de savoir l'assumer.
La conclusion me dérange. On reste toujours dans l'opposition manichéenne entre l'agir et le penser ; cela à l'avantage de la sécurité de pensée même si cela est source de nombreuses con-fusions. Mais au moins cette opposition permet de ne pas les voir.
Autre opposition tout aussi manichéenne, l'opposition concret - abstrait. Qu'est-ce qui permet de dire que le concret précède l'abstrait dans la connaissance ? Il faudrait pour cela préciser ce qu'on entend par "concret" et par "abstrait", ce qui est loin d'être aisé.
Rudolf Bkouche
Pour préciser le rapport entre l'instruction et le politique, je renvoie à un ancien article "Science, enseignement scientifique et démocratie" publié dans Repères-IREM, n°60, juillet 2006, p. 79-95. On peut trouver aussi ce texte sur les sites suivants :
- http://michel.delord.free.fr/rb/rb-sc_ens_democra.pdf
- http://www.instruire.fr
Sur la question de l'agir et du penser je renvoie encore à un ancien article "Manichéisme intel-lectuel". On peut trouver ce texte sur les sites
- http://michel.delord.free.fr/rb/rb-manicheisme.pdf
- http://www.instruire.fr
Sur la question du concret et de l'abstrait, je renvoie au texte "Abstrait vs concret, une opposi-tion ambigüe". On peut trouver ces textes sur les sites
- http://michel.delord.free.fr/rb/rb-abst ... oncret.pdf
- http://www.instruire.fr
- Prolongation congé maladie ordinaire au delà de 6 mois
- Sébastien Rome (PE) à Vincent Peillon : "Tu as agi comme un ministre qui, dès le début, ne l’était plus".
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