- Reine MargotDemi-dieu
On entend parfois dire que les Français seraient moins "musiciens" que d'autres. C'est tout à fait faux. En France, la demande de musique est énorme. Mais nous sommes le seul pays au monde à proposer un parcours d'apprentissage aussi aberrant. Erigé en bête noire par des générations d'enfants, le solfège y occupe une place démesurée. Non seulement ce système verrouille et castre, mais, de surcroît, il le fait de manière erratique et incohérente.
J'aime les conservatoires. Ces maisons de la musique permettent un apprentissage où l'individuel avance de pair avec le collectif, une des manières les moins onéreuses de pratiquer un instrument auprès de bons professeurs, merveilleux privilège dont tant d'adultes ont le regret. Une faille : l'enseignement du solfège. Désormais appelée "formation musicale" (FM), cette matière mobilise les élèves pour un temps environ 3 fois supérieur à celui de leur cours d'instrument. Elle se compose de deux cycles de cours obligatoires de quatre ans chacun où des hordes d'enfants se rendent sans joie. Trop longs (jusqu'à deux heures hebdomadaires), les cours de formation musicale grèvent l'emploi du temps de l'élève.
L'ineptie des contenus est effarante. Des écoliers du primaire planchent durant des séances entières sur des partitions d'orchestre ou des qualifications d'intervalles. Or, ce type de connaissances ne correspond pas à leur évolution psychique : ce qu'un grand adolescent assimilerait en quelques séances, aucun enfant ne le comprend. Au mieux, il les apprendra par coeur. Au pire, elles le dégoûteront à jamais de la musique.
Cette intellectualisation précoce est d'autant plus pernicieuse qu'elle fait perdre de vue les paramètres élémentaires : rythme, lecture, chant. On invente alors des systèmes de soutien, censés pallier l'indispensable travail de base, non effectué en cours, qui ponctionnent encore davantage le temps de l'enfant... tout cela pour aligner deux croches noires !
Trop de cours ont des contours flous. Il en résulte un stress diffus, notamment pour les familles qui n'ont aucun moyen de suivre leur progéniture. Un épisode insolite s'est déroulé au conservatoire Frédéric-Chopin (Paris 15e). Après un temps de préparation fort bref, un enfant de 10 ans poursuit à l'oral son "parcours de lecture" en clé de sol sans prendre garde au changement de clé. Au lieu de l'interrompre pour lui signaler son erreur, le jury le laisse terminer puis divise sa note par deux comme s'il était entendu qu'il ne savait pas lire la clé de fa. Or cet élève pratique le violoncelle depuis plusieurs années (un instrument qui se lit en clé de fa). Directeur et conseiller aux études, pourtant avertis, n'y trouvent rien à redire.
Après quelques années d'un tel régime, on comprend mieux la fonte massive des élèves. En juin, le tableau d'affichage apposé dans le hall de ce même conservatoire recense 105 enfants à l'examen de fin de premier cycle et 71 reçus, soit un taux d'échec proche des 30 %. L'année suivante, ils ne sont plus que 49 candidats et, quatre ans plus tard, en fin de second cycle, il n'en reste que... 27, à peine plus du quart, dont certains ont déjà entamé leurs études supérieures !
Aucune précision quant au détail des notes et des compétences évaluées. Un mot : maintien ou passage, assorti d'une litanie hallucinante de commentaires, tous négatifs. On chercherait en vain l'ombre d'un encouragement. Dans un lieu fréquenté par la fine fleur des élèves en termes d'écoute et d'investissement, on reste pantois devant ce formidable gâchis. Files d'attente interminables ou réseaux téléphoniques saturés dès l'ouverture des inscriptions disent un fort désir de musique. Que devient le beau vivier d'amateurs qui manifeste son adhésion à travers des déplacements souvent trihebdomadaires ?
Un audit des conservatoires parisiens a eu lieu récemment. Axé sur des aspects comptables, sociologiques et organisationnels, un rapport d'avril 2010 relève qu'un professeur de FM comptabilise moins d'élèves que ses collègues et préconise... le remplissage de la classe. On oublie de préciser que la demande concerne l'apprentissage d'un instrument et non la FM. Le secret ? Celui-là même qui résume toute pédagogie de l'enfant : être exigeant sur du court. Le travail auprès des professeurs d'instrument (vingt minutes en début de cycle) en fournit un remarquable exemple.
Trois objectifs : 1. L'allégement des horaires de formation musicale : une heure hebdomadaire maximum en 1er cycle, une heure et demie hebdomadaire maximum en 2nd cycle. 2. La simplification des contenus : un cours clair et limitatif, une pratique régulière (non évaluée) du déchiffrage, des devoirs légers comportant une petite part d'écriture, la vérification du travail donné, celle des cahiers qui repartent dans les maisons. 3. Des examens axés sur la réussite de l'élève : mal conçues, certaines épreuves déstabilisent de bons élèves au lieu de leur permettre d'exprimer leur talent, créant d'inutiles souffrances. Assiduité, chant et rythmes préparés devraient garantir le passage dans la classe supérieure. La formation musicale doit soutenir et non parasiter un art qui, à l'âge des enfants, se vit avant de se penser.
Murielle Radault, professeur d'éducation musicale, mère d'élèves
J'aime les conservatoires. Ces maisons de la musique permettent un apprentissage où l'individuel avance de pair avec le collectif, une des manières les moins onéreuses de pratiquer un instrument auprès de bons professeurs, merveilleux privilège dont tant d'adultes ont le regret. Une faille : l'enseignement du solfège. Désormais appelée "formation musicale" (FM), cette matière mobilise les élèves pour un temps environ 3 fois supérieur à celui de leur cours d'instrument. Elle se compose de deux cycles de cours obligatoires de quatre ans chacun où des hordes d'enfants se rendent sans joie. Trop longs (jusqu'à deux heures hebdomadaires), les cours de formation musicale grèvent l'emploi du temps de l'élève.
L'ineptie des contenus est effarante. Des écoliers du primaire planchent durant des séances entières sur des partitions d'orchestre ou des qualifications d'intervalles. Or, ce type de connaissances ne correspond pas à leur évolution psychique : ce qu'un grand adolescent assimilerait en quelques séances, aucun enfant ne le comprend. Au mieux, il les apprendra par coeur. Au pire, elles le dégoûteront à jamais de la musique.
Cette intellectualisation précoce est d'autant plus pernicieuse qu'elle fait perdre de vue les paramètres élémentaires : rythme, lecture, chant. On invente alors des systèmes de soutien, censés pallier l'indispensable travail de base, non effectué en cours, qui ponctionnent encore davantage le temps de l'enfant... tout cela pour aligner deux croches noires !
Trop de cours ont des contours flous. Il en résulte un stress diffus, notamment pour les familles qui n'ont aucun moyen de suivre leur progéniture. Un épisode insolite s'est déroulé au conservatoire Frédéric-Chopin (Paris 15e). Après un temps de préparation fort bref, un enfant de 10 ans poursuit à l'oral son "parcours de lecture" en clé de sol sans prendre garde au changement de clé. Au lieu de l'interrompre pour lui signaler son erreur, le jury le laisse terminer puis divise sa note par deux comme s'il était entendu qu'il ne savait pas lire la clé de fa. Or cet élève pratique le violoncelle depuis plusieurs années (un instrument qui se lit en clé de fa). Directeur et conseiller aux études, pourtant avertis, n'y trouvent rien à redire.
Après quelques années d'un tel régime, on comprend mieux la fonte massive des élèves. En juin, le tableau d'affichage apposé dans le hall de ce même conservatoire recense 105 enfants à l'examen de fin de premier cycle et 71 reçus, soit un taux d'échec proche des 30 %. L'année suivante, ils ne sont plus que 49 candidats et, quatre ans plus tard, en fin de second cycle, il n'en reste que... 27, à peine plus du quart, dont certains ont déjà entamé leurs études supérieures !
Aucune précision quant au détail des notes et des compétences évaluées. Un mot : maintien ou passage, assorti d'une litanie hallucinante de commentaires, tous négatifs. On chercherait en vain l'ombre d'un encouragement. Dans un lieu fréquenté par la fine fleur des élèves en termes d'écoute et d'investissement, on reste pantois devant ce formidable gâchis. Files d'attente interminables ou réseaux téléphoniques saturés dès l'ouverture des inscriptions disent un fort désir de musique. Que devient le beau vivier d'amateurs qui manifeste son adhésion à travers des déplacements souvent trihebdomadaires ?
Un audit des conservatoires parisiens a eu lieu récemment. Axé sur des aspects comptables, sociologiques et organisationnels, un rapport d'avril 2010 relève qu'un professeur de FM comptabilise moins d'élèves que ses collègues et préconise... le remplissage de la classe. On oublie de préciser que la demande concerne l'apprentissage d'un instrument et non la FM. Le secret ? Celui-là même qui résume toute pédagogie de l'enfant : être exigeant sur du court. Le travail auprès des professeurs d'instrument (vingt minutes en début de cycle) en fournit un remarquable exemple.
Trois objectifs : 1. L'allégement des horaires de formation musicale : une heure hebdomadaire maximum en 1er cycle, une heure et demie hebdomadaire maximum en 2nd cycle. 2. La simplification des contenus : un cours clair et limitatif, une pratique régulière (non évaluée) du déchiffrage, des devoirs légers comportant une petite part d'écriture, la vérification du travail donné, celle des cahiers qui repartent dans les maisons. 3. Des examens axés sur la réussite de l'élève : mal conçues, certaines épreuves déstabilisent de bons élèves au lieu de leur permettre d'exprimer leur talent, créant d'inutiles souffrances. Assiduité, chant et rythmes préparés devraient garantir le passage dans la classe supérieure. La formation musicale doit soutenir et non parasiter un art qui, à l'âge des enfants, se vit avant de se penser.
Murielle Radault, professeur d'éducation musicale, mère d'élèves
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- UlrichNiveau 6
La réponse de Constance Clara Guibert dans Le Monde :
N'ayons pas peur du solfège
07.09.2012
Par Constance Clara Guibert
Lieu commun des adolescents qui quittent, blasés, le conservatoire, comme on cesse d'aller à la messe quand on a quatorze ans, une dénonciation des méfaits du solfège, parasite de l'enseignement musical, a été récemment publiée dans une tribune du Monde (23 août 2012)
Il est déjà réducteur de limiter au solfège l'immense problème de l'organisation des études musicales en France. Il y aurait tant à dire en effet des cours de musique sacrifiés au collège, du peu de crédit donné aux jeunes musiciens en fin de formation qui n'arrivent plus à valoriser leur niveau d'études. Pire encore, c'est une image caricaturale du solfège qui est donnée ici.
On y décrit le cauchemar d'une discipline au nom trompeur, la formation musicale, pensum de générations de bambins condamnés à apprendre la "qualification des intervalles" ou à "plancher sur des partitions d'orchestre"... Un festival de poncifs et de contresens.
Car ces partitions d'orchestre sur lesquelles les bourreaux solfégiques feraient plancher entre deux biberons leurs petites victimes sont justement l'enjeu d'une vraie familiarisation avec la musique, dans ce qu'elle a de plus achevé et de plus impressionnant. Entre deux dictées, dont ils ne comprennent certes pas toujours l'intérêt, on leur montre un objet total, fantasmatique, le Saint-Graal de la formation musicale, le "conducteur". La partition des partitions, celle qui rassemble tous les instruments que ces musiciens en herbe apprennent à identifier, celle qui réunit toutes les connaissances qu'ils vont pouvoir accumuler au fil des années. Celle qu'ils sauront peut-être, un jour, déchiffrer.
Quand le sauront-ils ? Quand ils en auront fini avec ces austères années de solfège, sans doute. Et alors ? Les choses se méritent et prennent un peu de temps. Rien donc ne justifie de dire qu'un flûtiste de huit ans n'a pas besoin d'apprendre les notes en dessous du do de la serrure ; ni de penser qu'un violoncelliste ne devrait être interrogé que sur la clef de fa et la clef d'ut 3, ni encore d'imaginer qu'un contrebassiste n'ait pas besoin d'apprendre les notes supplémentaires en clef de sol.
Autant prétendre qu'au XXIe siècle, il faut supprimer l'imparfait du subjonctif de nos manuels scolaires, ou qu'un futur chargé de com n'a pas besoin d'apprendre l'histoire, ou qu'un banquier ne doit pas apprendre autre chose que la science des chiffres. Autant dire qu'un attaché d'administration n'a pas besoin d'avoir lu La Princesse de Clèves...
La formation musicale, ainsi nommée pour rappeler aux enfants, aux parents et aux professeurs qu'elle est destinée à donner un aperçu de la science musicale dans son ensemble, doit être perçue comme un cours essentiel pour l'éducation des jeunes musiciens. Cinq, dix ans après avoir commencé la lecture de rythmes dans Musicalement Vôtre, vol.1 et après des dizaines de dictées d'intervalles indigestes mais qui leur auront formé l'oreille d'une manière sûre, ils pourront aborder de nouveaux instruments, découvrir de nouvelles disciplines, bien plus complexes, comme l'analyse, l'harmonie ou l'écriture, se lancer dans la direction d'orchestre, la composition, devenir des musiciens accomplis. Ils n'y arriveront jamais s'ils n'apprennent pas dès sept ans la qualification des intervalles, les gammes relatives, l'ordre des dièses et les mesures à 7/16 (au fur et à mesure, bien entendu).
On comprend mal comment des professeurs de solfège peuvent considérer leur discipline comme autre chose qu'un B.A.-BA, qu'un bagage indispensable que les petits musiciens doivent acquérir le plus tôt possible. Comme on apprend dès le primaire la grammaire, l'orthographe, l'ordre des nombres et les quatre opérations élémentaires. Pour savoir tout simplement écrire et compter.
D'aucuns diront que c'est ignoble, que cela trie sur le volet ceux qui sont capables de rester concentrés deux heures de suite dès 5 ans, ceux qui sont capables d'assimiler plus vite ce que d'autres ne comprennent pas. Ceux qui disent cela n'ont jamais assisté à une répétition d'orchestre. S'ils le font, ils comprendront que nos petits devraient apprendre bien vite à se concentrer en cours de musique comme ils le font en cours de calcul. Quand il s'agit de rester quatre heures assis sur sa chaise en attendant patiemment, comme le fera un trombone basse ou un cymbalier, l'accord final dans lequel il joue son unique note, il vaut mieux que le musicien se souvienne des paisibles heures de solfège pendant lesquelles il a appris à s'abstraire du caractère ludique de la musique.
Combien de fois, en effet, ne lit-on pas, dans les multiples réactions qu'a suscitées l'article, que la musique doit se vivre d'abord, que c'est un plaisir, une passion... ? C'est aussi un art. Un art rigoureux pour tous les artistes, professionnels comme amateurs. C'est passionnant, certes, mais c'est à cette rigueur que l'on doit former les élèves qui ne raffolent pas de la lecture de notes et qui ne trouvent pas la clef d'ut 4 intéressante. Ils changeront d'avis quand ils brandiront fièrement leur DEM de solfège ou leur prix d'écriture, récompense méritée d'années d'efforts.
Pour conclure, j'aimerais reprendre quelques points recensés dans la chronique de Murielle Radault:
1/ Cet enseignement "fait perdre de vue les paramètres élémentaires : rythme, lecture, chant." Ah ? Mon cursus musical m'a fait traverser sept écoles de musique dont quatre conservatoires de région. Aucune année de solfège entre l'IM1 et le CFEM n'a échappé aux trois fameux piliers lecture/dictée/chant, de rythme, de notes, d'intervalles, d'accords, au piano...
2/ Une "fonte massive des effectifs" ? La faute bien entendu à l'horrible apprentissage du solfège... Mais peut-être aussi à certains profs d'instrument sur la pédagogie desquels on pourrait se poser des questions, ou au manque de temps réservé aux activités extrascolaires, voire au choix obscurantiste imposé dans certains collèges : "À présent, il faut que tu choisisses entre la musique et l'école".
3/ Le seul exemple donné dans l'article est le conservatoire du XVème arrondissement de Paris. Dommage. Car il y a beaucoup de conservatoires en France, dont les choix diffèrent des cas de figure mis en exergue par l'auteure et limités à la capitale.
4/ "Allègement des horaires" : non. La musique ne s'apprend pas par petites doses. Et comme c'est déjà évoqué dans l'article, il faut à tout prix éviter aux enfants de venir trop souvent au conservatoire qui est parfois éloigné. Le solfège est une discipline extrêmement variée et complète, il ne faudrait surtout pas fausser sa perception en ne faisant venir les élèves que pour une heure de dictée d'intervalles.
5/ Des examens "qui ne déstabilisent pas" ? Rions, rions. Le couplet hédoniste de "la musique, c'est d'abord du plaisir, c'est d'abord un loisir"... Très bien. Les examens, une formalité. Rien à voir avec les vrais concours, qui donnent accès à un vrai métier !! Et pourquoi la musique, ne devrait-elle pas elle aussi préparer à des examens stressants qui sont aujourd'hui le lot de tout apprentissage ? On verra bien si les jeunes musiciens ne vivent que du plaisir quand ils arriveront devant un jury qui papote au fond d'un auditorium sombre et devant lequel ils devront exécuter une Mephisto Valse susceptible d'être coupée à tout moment par une cloche sèchement secouée. Rien de déstabilisant !
L'enseignement musical est-il aujourd'hui réduit à occuper des gamins le mercredi après-midi quand le cours de karaté est complet ? Bien au contraire, il n'a de sens et de prix que s'il dispense une formation cohérente et exigeante, permettant à l'enfant de s'approprier la musique, d'entrer dans son monde, de s'y repérer et d'y grandir.
Constance Clara Guibert est aussi diplômée du conservatoire régional de Toulouse (piano, solfège, analyse, orchestration, écriture)
Constance Clara Guibert, étudiante en master de management culturel à l'Ecole supérieure de commerce de Toulouse.
N'ayons pas peur du solfège
07.09.2012
Par Constance Clara Guibert
Lieu commun des adolescents qui quittent, blasés, le conservatoire, comme on cesse d'aller à la messe quand on a quatorze ans, une dénonciation des méfaits du solfège, parasite de l'enseignement musical, a été récemment publiée dans une tribune du Monde (23 août 2012)
Il est déjà réducteur de limiter au solfège l'immense problème de l'organisation des études musicales en France. Il y aurait tant à dire en effet des cours de musique sacrifiés au collège, du peu de crédit donné aux jeunes musiciens en fin de formation qui n'arrivent plus à valoriser leur niveau d'études. Pire encore, c'est une image caricaturale du solfège qui est donnée ici.
On y décrit le cauchemar d'une discipline au nom trompeur, la formation musicale, pensum de générations de bambins condamnés à apprendre la "qualification des intervalles" ou à "plancher sur des partitions d'orchestre"... Un festival de poncifs et de contresens.
Car ces partitions d'orchestre sur lesquelles les bourreaux solfégiques feraient plancher entre deux biberons leurs petites victimes sont justement l'enjeu d'une vraie familiarisation avec la musique, dans ce qu'elle a de plus achevé et de plus impressionnant. Entre deux dictées, dont ils ne comprennent certes pas toujours l'intérêt, on leur montre un objet total, fantasmatique, le Saint-Graal de la formation musicale, le "conducteur". La partition des partitions, celle qui rassemble tous les instruments que ces musiciens en herbe apprennent à identifier, celle qui réunit toutes les connaissances qu'ils vont pouvoir accumuler au fil des années. Celle qu'ils sauront peut-être, un jour, déchiffrer.
Quand le sauront-ils ? Quand ils en auront fini avec ces austères années de solfège, sans doute. Et alors ? Les choses se méritent et prennent un peu de temps. Rien donc ne justifie de dire qu'un flûtiste de huit ans n'a pas besoin d'apprendre les notes en dessous du do de la serrure ; ni de penser qu'un violoncelliste ne devrait être interrogé que sur la clef de fa et la clef d'ut 3, ni encore d'imaginer qu'un contrebassiste n'ait pas besoin d'apprendre les notes supplémentaires en clef de sol.
Autant prétendre qu'au XXIe siècle, il faut supprimer l'imparfait du subjonctif de nos manuels scolaires, ou qu'un futur chargé de com n'a pas besoin d'apprendre l'histoire, ou qu'un banquier ne doit pas apprendre autre chose que la science des chiffres. Autant dire qu'un attaché d'administration n'a pas besoin d'avoir lu La Princesse de Clèves...
La formation musicale, ainsi nommée pour rappeler aux enfants, aux parents et aux professeurs qu'elle est destinée à donner un aperçu de la science musicale dans son ensemble, doit être perçue comme un cours essentiel pour l'éducation des jeunes musiciens. Cinq, dix ans après avoir commencé la lecture de rythmes dans Musicalement Vôtre, vol.1 et après des dizaines de dictées d'intervalles indigestes mais qui leur auront formé l'oreille d'une manière sûre, ils pourront aborder de nouveaux instruments, découvrir de nouvelles disciplines, bien plus complexes, comme l'analyse, l'harmonie ou l'écriture, se lancer dans la direction d'orchestre, la composition, devenir des musiciens accomplis. Ils n'y arriveront jamais s'ils n'apprennent pas dès sept ans la qualification des intervalles, les gammes relatives, l'ordre des dièses et les mesures à 7/16 (au fur et à mesure, bien entendu).
On comprend mal comment des professeurs de solfège peuvent considérer leur discipline comme autre chose qu'un B.A.-BA, qu'un bagage indispensable que les petits musiciens doivent acquérir le plus tôt possible. Comme on apprend dès le primaire la grammaire, l'orthographe, l'ordre des nombres et les quatre opérations élémentaires. Pour savoir tout simplement écrire et compter.
D'aucuns diront que c'est ignoble, que cela trie sur le volet ceux qui sont capables de rester concentrés deux heures de suite dès 5 ans, ceux qui sont capables d'assimiler plus vite ce que d'autres ne comprennent pas. Ceux qui disent cela n'ont jamais assisté à une répétition d'orchestre. S'ils le font, ils comprendront que nos petits devraient apprendre bien vite à se concentrer en cours de musique comme ils le font en cours de calcul. Quand il s'agit de rester quatre heures assis sur sa chaise en attendant patiemment, comme le fera un trombone basse ou un cymbalier, l'accord final dans lequel il joue son unique note, il vaut mieux que le musicien se souvienne des paisibles heures de solfège pendant lesquelles il a appris à s'abstraire du caractère ludique de la musique.
Combien de fois, en effet, ne lit-on pas, dans les multiples réactions qu'a suscitées l'article, que la musique doit se vivre d'abord, que c'est un plaisir, une passion... ? C'est aussi un art. Un art rigoureux pour tous les artistes, professionnels comme amateurs. C'est passionnant, certes, mais c'est à cette rigueur que l'on doit former les élèves qui ne raffolent pas de la lecture de notes et qui ne trouvent pas la clef d'ut 4 intéressante. Ils changeront d'avis quand ils brandiront fièrement leur DEM de solfège ou leur prix d'écriture, récompense méritée d'années d'efforts.
Pour conclure, j'aimerais reprendre quelques points recensés dans la chronique de Murielle Radault:
1/ Cet enseignement "fait perdre de vue les paramètres élémentaires : rythme, lecture, chant." Ah ? Mon cursus musical m'a fait traverser sept écoles de musique dont quatre conservatoires de région. Aucune année de solfège entre l'IM1 et le CFEM n'a échappé aux trois fameux piliers lecture/dictée/chant, de rythme, de notes, d'intervalles, d'accords, au piano...
2/ Une "fonte massive des effectifs" ? La faute bien entendu à l'horrible apprentissage du solfège... Mais peut-être aussi à certains profs d'instrument sur la pédagogie desquels on pourrait se poser des questions, ou au manque de temps réservé aux activités extrascolaires, voire au choix obscurantiste imposé dans certains collèges : "À présent, il faut que tu choisisses entre la musique et l'école".
3/ Le seul exemple donné dans l'article est le conservatoire du XVème arrondissement de Paris. Dommage. Car il y a beaucoup de conservatoires en France, dont les choix diffèrent des cas de figure mis en exergue par l'auteure et limités à la capitale.
4/ "Allègement des horaires" : non. La musique ne s'apprend pas par petites doses. Et comme c'est déjà évoqué dans l'article, il faut à tout prix éviter aux enfants de venir trop souvent au conservatoire qui est parfois éloigné. Le solfège est une discipline extrêmement variée et complète, il ne faudrait surtout pas fausser sa perception en ne faisant venir les élèves que pour une heure de dictée d'intervalles.
5/ Des examens "qui ne déstabilisent pas" ? Rions, rions. Le couplet hédoniste de "la musique, c'est d'abord du plaisir, c'est d'abord un loisir"... Très bien. Les examens, une formalité. Rien à voir avec les vrais concours, qui donnent accès à un vrai métier !! Et pourquoi la musique, ne devrait-elle pas elle aussi préparer à des examens stressants qui sont aujourd'hui le lot de tout apprentissage ? On verra bien si les jeunes musiciens ne vivent que du plaisir quand ils arriveront devant un jury qui papote au fond d'un auditorium sombre et devant lequel ils devront exécuter une Mephisto Valse susceptible d'être coupée à tout moment par une cloche sèchement secouée. Rien de déstabilisant !
L'enseignement musical est-il aujourd'hui réduit à occuper des gamins le mercredi après-midi quand le cours de karaté est complet ? Bien au contraire, il n'a de sens et de prix que s'il dispense une formation cohérente et exigeante, permettant à l'enfant de s'approprier la musique, d'entrer dans son monde, de s'y repérer et d'y grandir.
Constance Clara Guibert est aussi diplômée du conservatoire régional de Toulouse (piano, solfège, analyse, orchestration, écriture)
Constance Clara Guibert, étudiante en master de management culturel à l'Ecole supérieure de commerce de Toulouse.
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Voir aussi l'article de Dania Tchalik publié par Mezetulle et signalé sur le site de Reconstruire l'Ecole
serveur1.archive-host.com/membres/up/1919747526/blogmezetulle/Telechargements_permanents/TchalikAutonomieEtablissMusiqueSept2012.pdf
- UlrichNiveau 6
- CelebornEsprit sacré
Palombella Rossa a écrit:
Voir aussi l'article de Dania Tchalik publié par Mezetulle et signalé sur le site de Reconstruire l'Ecole
serveur1.archive-host.com/membres/up/1919747526/blogmezetulle/Telechargements_permanents/TchalikAutonomieEtablissMusiqueSept2012.pdf
Lecture que l'on peut compléter par l'article que cette personne avait publié sur mon blog suite à un rapport pour le moins polémique : Lien
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- CeladonDemi-dieu
Si on ne forme plus de cadors en musique non plus, il nous reste l'avenir de femme de ménage de l'Europe, voire de l'ex Tiers Monde qui lui, continue à vouloir s'approprier les savoirs dans tous les domaines...
- retraitéeDoyen
Palombella Rossa a écrit:
Voir aussi l'article de Dania Tchalik publié par Mezetulle et signalé sur le site de Reconstruire l'Ecole
serveur1.archive-host.com/membres/up/1919747526/blogmezetulle/Telechargements_permanents/TchalikAutonomieEtablissMusiqueSept2012.pdf
j'allais le signaler, merci de m'avoir devancée;
- AevinHabitué du forum
https://www.neoprofs.org/t41876p20-tableau-bans-et-avertissements#1586223Cripure a écrit:Elle a quitté Néo, Aurore ?
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Automate - et fier de l'être
"Well, the travelling teachers do come through every few months," said the Baron.
"Yes, sir, I know sir, and they're useless. They teach facts, not understanding. It's like teaching people about forests by showing them a saw. I want a proper school, sir, to teach reading an writing, and most of all thinking, sir [...]"
Terry Pratchett - I Shall Wear Midnight
... und wer Fehler findet, kann sie behalten!
- MarcassinHabitué du forum
Un excellent article qui dépasse largement l'enseignement de la musique mais qui permet de comprendre ce à quoi il faut s'attendre dans l’Éducation Nationale.Ulrich a écrit:Voir le topic sur Néoprofs ici : https://www.neoprofs.org/t53291-l-autonomie-des-etablissements-appliquee-aux-conservatoires-de-musique-francais-le-profil-de-l-en-de-demain-un-article-sur-le-blog-de-catherine-kintzler#1649428
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"Je regarde la grammaire comme la première partie de l'art de penser." (Condillac)
- yphrogEsprit éclairé
on n'apprend pas que du solfège à band camp!
http://www.urbandictionary.com/define.php?term=band%20camp
en particulier la définition 2...
La musique n'est pas un art qui se pratique seul devant un jury à 10 ans ou à 15. Quelle horreur! Je suis complètement d'accord avec l'esprit de l'article d'origine, n'ayant que très rarement -- en fait jamais -- vu des "college bands" digne de ce nom en France.
http://www.urbandictionary.com/define.php?term=band%20camp
en particulier la définition 2...
La musique n'est pas un art qui se pratique seul devant un jury à 10 ans ou à 15. Quelle horreur! Je suis complètement d'accord avec l'esprit de l'article d'origine, n'ayant que très rarement -- en fait jamais -- vu des "college bands" digne de ce nom en France.
- UlrichNiveau 6
Aevin a écrit:https://www.neoprofs.org/t41876p20-tableau-bans-et-avertissements#1586223Cripure a écrit:Elle a quitté Néo, Aurore ?
- Spoiler:
- Aevin en rêvait, John l'a fait...
- AuroreEsprit éclairé
Mais comme toute bonne chose a une fin...Ulrich a écrit:Aevin a écrit:https://www.neoprofs.org/t41876p20-tableau-bans-et-avertissements#1586223Cripure a écrit:Elle a quitté Néo, Aurore ?
- Spoiler:
Aevin en rêvait, John l'a fait...
- MarcassinHabitué du forum
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"Je regarde la grammaire comme la première partie de l'art de penser." (Condillac)
- RamoneurNiveau 8
Aurore a écrit:Mais comme toute bonne chose a une fin...Ulrich a écrit:Aevin a écrit:https://www.neoprofs.org/t41876p20-tableau-bans-et-avertissements#1586223Cripure a écrit:Elle a quitté Néo, Aurore ?
- Spoiler:
Aevin en rêvait, John l'a fait...
Welcome back Aurore !
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Ah, dis-je.
Ernest Hemingway
- AuroreEsprit éclairé
Ah, mais quel comité d'accueil !!!!
- AuroreEsprit éclairé
Revenons à des choses moins réjouissantes :
http://www.apfm.asso.fr/images/Droit_de_reponse_FM_le_Monde.pdf
Article FM /Le Monde 23-08-2012
"Droit de réponse :
Introduction :
L’Association des Professeurs de Formation Musicale (APFM), représentant un large corps professoral implanté sur tout le territoire national et formé depuis plus de 30 ans dans les institutions publiques de la République, a souhaité réagir à l’article paru dans le Monde daté du 23/08/2012. Ses membres ont été nombreux à solliciter un droit de réponse pour éclairer les lecteurs du journal sur l’enseignement de la Formation Musicale en France.
Présentation :
Tout d’abord : un peu d’histoire ! Quand est apparu l’enseignement de cette discipline ?
La Révolution de 1789 a structuré l’enseignement musical en France et l’a ouvert aux plus doués des enfants de la République. Le solfège y tenait une place prépondérante, s’appuyant sur des ouvrages techniques spécialisés, souvent remarquables pour leurs vertus pédagogiques et musicales puisque écrits par des compositeurs. Il est indissociablement lié à la musique savante occidentale, de tradition écrite, dont la notation n’a cessé de se codifier et se complexifier depuis plus de dix siècles.
Vers 1970, l’enseignement musical devient plus collectif car il accueille de plus en plus d’enfants. Il faut penser non seulement à construire de nouveaux conservatoires mais aussi à adapter l’enseignement musical, à le rendre plus vivant, en contact direct avec les oeuvres musicales. Quelques pédagogues remarquables proposent alors de remplacer le solfège par la formation musicale. C’est l’époque des « méthodes actives » auxquelles la formation musicale peut se rattacher : priorité est donnée à l’équilibre entre sensoriel et intellectuel. Depuis, cette grande réforme sert toujours de socle à l’enseignement de cette discipline.
Aussi, il serait souhaitable de ne pas faire d’un cas particulier une généralité : La formation musicale, telle que définie dans les référentiels officiels du ministère de la Culture, se pratique largement à l’instrument (ou la voix) et favorise toujours une approche globale et collective de la musique. Il existe de nombreuses expériences pédagogiques innovantes en France que le rédacteur de l’article en question ne connait visiblement pas.
Formation des professeurs :
Contrairement à certains pays européens, vues les conditions de travail à l’Education Nationale, il est impossible d’y apprendre à pratiquer un instrument dans toute sa technicité. Les écoles et conservatoires de musique sont les seuls endroits où les enfants peuvent apprendre sérieusement la musique.
Et que penser des autres pays (il y en a beaucoup !) qui ne consacrent leurs deniers publics qu’à l’enseignement musical professionnel !
En France, les enseignants artistiques recrutés dans les écoles et conservatoires contrôlés par l’Etat ont reçu pour la plupart une solide formation pédagogique, d’une durée de 2 ans minimum, avant d’exercer leur métier. On peut cependant regretter qu’actuellement, avec la réorganisation de l’enseignement professionnel de la musique en pôles supérieurs, cette formation soit moins accessible aux jeunes musiciens, puisque la Formation Musicale y a peu de place.
Notre enseignement est un complément au travail du professeur d’instrument et permet souvent une pratique collective parfois difficile à organiser autrement…
Le professeur d’instrument ne peut pas remplacer le prof de FM, ce n’est pas le même métier.
Si cela était envisagé, il faudrait revoir la manière de former les professeurs d’instruments, ce qui n’est évidemment pas du tout le cas actuellement…
Formation des élèves :
La musique est une discipline complète, demandant maîtrise de soi, aisance corporelle, dissociation et motricité fine associées à une maîtrise intellectuelle, le tout avec un sens artistique incontournable, ce qui en fait l’une des matières les plus complètes et complexes à enseigner. Nous sommes bien conscients de l’importance de cette mission. Nous nous attachons à former des mélomanes avertis.
Envisagerait-on d’apprendre le français seulement par l’oral et la lecture ?
Que dire de la compréhension de texte et de l’écriture eux aussi gourmands en temps ?
Il faut une dizaine d’années pour former un bon musicien, c’est une école de la patience, de
l’exigence et de la rigueur, et ce serait leurrer les enfants et leurs parents de leur faire croire que c’est facile. Ce travail est largement récompensé par le plaisir de produire des sons harmonieux et de les partager : ne dit-on pas que l’on « joue » d’un instrument ?
Comment ignorer la joie et la fierté de nos élèves de pouvoir suivre en autonomie la partition d’orchestre étudiée pendant l’année et d’en jouer des passages en orchestration spontanée, de pouvoir relever une mélodie entendue à la radio... !
L’évaluation des compétences se fait en fin de cycles (tous les 4 ans à peu près) et non par année scolaire, comme c’est le cas à l’Education Nationale.
La fin du premier cycle marque une étape dans la formation du petit musicien qui va apprendre peu à peu à être autonome lors du second cycle. Il est donc très difficile de dire à ce moment si l’élève poursuivra ou non ses études musicales pour en faire son métier.
Le conservatoire est un service public ouvert à tous, soumis à des conditions financières adaptées, où chaque enfant peut aller aussi loin que ses capacités et ses envies le lui permettent.
Autonome lors du second cycle, la grande majorité de nos élèves ne poursuit pas un but professionnel, mais celui d’amateur éclairé ; même ainsi cela reste un « loisir studieux ».
Conclusion :
La pyramide des âges avancée dans l’article est un phénomène que l’on retrouve dans toutes les activités périscolaires. En primaire les enfants ont souvent des loisirs multiples, puis peu à peu ils font des choix suivant leurs goûts, leurs aptitudes et aussi le temps dont ils disposent. La musique est très chronophage en investissement quotidien ; peu d’enfants sont prêts à faire cet effort prolongé et soutenu.
Malgré ce constat et malgré un certain dédain face à notre profession, les professeurs de Formation Musicale sont souvent les plus impliqués dans les projets artistiques des conservatoires et dans la progression des jeunes musiciens."
Difficile de faire plus convenu et consensuel...
http://www.apfm.asso.fr/images/Droit_de_reponse_FM_le_Monde.pdf
Article FM /Le Monde 23-08-2012
"Droit de réponse :
Introduction :
L’Association des Professeurs de Formation Musicale (APFM), représentant un large corps professoral implanté sur tout le territoire national et formé depuis plus de 30 ans dans les institutions publiques de la République, a souhaité réagir à l’article paru dans le Monde daté du 23/08/2012. Ses membres ont été nombreux à solliciter un droit de réponse pour éclairer les lecteurs du journal sur l’enseignement de la Formation Musicale en France.
Présentation :
Tout d’abord : un peu d’histoire ! Quand est apparu l’enseignement de cette discipline ?
La Révolution de 1789 a structuré l’enseignement musical en France et l’a ouvert aux plus doués des enfants de la République. Le solfège y tenait une place prépondérante, s’appuyant sur des ouvrages techniques spécialisés, souvent remarquables pour leurs vertus pédagogiques et musicales puisque écrits par des compositeurs. Il est indissociablement lié à la musique savante occidentale, de tradition écrite, dont la notation n’a cessé de se codifier et se complexifier depuis plus de dix siècles.
Vers 1970, l’enseignement musical devient plus collectif car il accueille de plus en plus d’enfants. Il faut penser non seulement à construire de nouveaux conservatoires mais aussi à adapter l’enseignement musical, à le rendre plus vivant, en contact direct avec les oeuvres musicales. Quelques pédagogues remarquables proposent alors de remplacer le solfège par la formation musicale. C’est l’époque des « méthodes actives » auxquelles la formation musicale peut se rattacher : priorité est donnée à l’équilibre entre sensoriel et intellectuel. Depuis, cette grande réforme sert toujours de socle à l’enseignement de cette discipline.
Aussi, il serait souhaitable de ne pas faire d’un cas particulier une généralité : La formation musicale, telle que définie dans les référentiels officiels du ministère de la Culture, se pratique largement à l’instrument (ou la voix) et favorise toujours une approche globale et collective de la musique. Il existe de nombreuses expériences pédagogiques innovantes en France que le rédacteur de l’article en question ne connait visiblement pas.
Formation des professeurs :
Contrairement à certains pays européens, vues les conditions de travail à l’Education Nationale, il est impossible d’y apprendre à pratiquer un instrument dans toute sa technicité. Les écoles et conservatoires de musique sont les seuls endroits où les enfants peuvent apprendre sérieusement la musique.
Et que penser des autres pays (il y en a beaucoup !) qui ne consacrent leurs deniers publics qu’à l’enseignement musical professionnel !
En France, les enseignants artistiques recrutés dans les écoles et conservatoires contrôlés par l’Etat ont reçu pour la plupart une solide formation pédagogique, d’une durée de 2 ans minimum, avant d’exercer leur métier. On peut cependant regretter qu’actuellement, avec la réorganisation de l’enseignement professionnel de la musique en pôles supérieurs, cette formation soit moins accessible aux jeunes musiciens, puisque la Formation Musicale y a peu de place.
Notre enseignement est un complément au travail du professeur d’instrument et permet souvent une pratique collective parfois difficile à organiser autrement…
Le professeur d’instrument ne peut pas remplacer le prof de FM, ce n’est pas le même métier.
Si cela était envisagé, il faudrait revoir la manière de former les professeurs d’instruments, ce qui n’est évidemment pas du tout le cas actuellement…
Formation des élèves :
La musique est une discipline complète, demandant maîtrise de soi, aisance corporelle, dissociation et motricité fine associées à une maîtrise intellectuelle, le tout avec un sens artistique incontournable, ce qui en fait l’une des matières les plus complètes et complexes à enseigner. Nous sommes bien conscients de l’importance de cette mission. Nous nous attachons à former des mélomanes avertis.
Envisagerait-on d’apprendre le français seulement par l’oral et la lecture ?
Que dire de la compréhension de texte et de l’écriture eux aussi gourmands en temps ?
Il faut une dizaine d’années pour former un bon musicien, c’est une école de la patience, de
l’exigence et de la rigueur, et ce serait leurrer les enfants et leurs parents de leur faire croire que c’est facile. Ce travail est largement récompensé par le plaisir de produire des sons harmonieux et de les partager : ne dit-on pas que l’on « joue » d’un instrument ?
Comment ignorer la joie et la fierté de nos élèves de pouvoir suivre en autonomie la partition d’orchestre étudiée pendant l’année et d’en jouer des passages en orchestration spontanée, de pouvoir relever une mélodie entendue à la radio... !
L’évaluation des compétences se fait en fin de cycles (tous les 4 ans à peu près) et non par année scolaire, comme c’est le cas à l’Education Nationale.
La fin du premier cycle marque une étape dans la formation du petit musicien qui va apprendre peu à peu à être autonome lors du second cycle. Il est donc très difficile de dire à ce moment si l’élève poursuivra ou non ses études musicales pour en faire son métier.
Le conservatoire est un service public ouvert à tous, soumis à des conditions financières adaptées, où chaque enfant peut aller aussi loin que ses capacités et ses envies le lui permettent.
Autonome lors du second cycle, la grande majorité de nos élèves ne poursuit pas un but professionnel, mais celui d’amateur éclairé ; même ainsi cela reste un « loisir studieux ».
Conclusion :
La pyramide des âges avancée dans l’article est un phénomène que l’on retrouve dans toutes les activités périscolaires. En primaire les enfants ont souvent des loisirs multiples, puis peu à peu ils font des choix suivant leurs goûts, leurs aptitudes et aussi le temps dont ils disposent. La musique est très chronophage en investissement quotidien ; peu d’enfants sont prêts à faire cet effort prolongé et soutenu.
Malgré ce constat et malgré un certain dédain face à notre profession, les professeurs de Formation Musicale sont souvent les plus impliqués dans les projets artistiques des conservatoires et dans la progression des jeunes musiciens."
Difficile de faire plus convenu et consensuel...
- AuroreEsprit éclairé
D'ailleurs, on peut en lire un compte rendu ici : http://www.laviemoderne.net/forum/viewtopic.php?f=12&t=374&p=1586#p1586
- Tribune du Monde sur l'enseignement du code informatique à l'école et au collège
- Tribune du ministre dans Le Monde
- Questionnaire sur l'enseignement de la musique
- L'enseignement de la musique : état des lieux et perspectives
- Tribune de J. Julliard dans Le Monde : "La rue de Grenelle est aux mains de pédagogistes inamovibles"
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