- OrnellaDoyen
Bonsoir,
Cette séquence me pose problème. J'aimerais, dans l'absolu évoquer toutes les guerres et les conflits du XXème ... et aussi tous les genres. Je ne trouve pas de texte XXème sur le colonialisme et surtout, je sèche complètement sur le théâtre, j'aimerais étudier un ou deux extraits de théâtre en rapport avec la guerre. Des idées?
Cette séquence me pose problème. J'aimerais, dans l'absolu évoquer toutes les guerres et les conflits du XXème ... et aussi tous les genres. Je ne trouve pas de texte XXème sur le colonialisme et surtout, je sèche complètement sur le théâtre, j'aimerais étudier un ou deux extraits de théâtre en rapport avec la guerre. Des idées?
- belodetHabitué du forum
Le voyageur sans bagage, Anouilh et Siegfried Giraudoux (conséquences de l'après-guerre sur l'identité)?
- OrnellaDoyen
je n'ai jamais lu Siegfried. Merci pour ces conseils.
- MehitabelVénérable
La tragédie du Roi Christophe de Césaire, écrite au XXème qui parle de la révolte des Haitiens pour l'indépendance, alors je ne suis pas sure que cela puisse aller.
Si les effets de la colonisation en Nouvelle calédonie t'intéressent tu peux te pencher sur les textes de Nicolas Kurtovich ou Pierre Gope.
Si les effets de la colonisation en Nouvelle calédonie t'intéressent tu peux te pencher sur les textes de Nicolas Kurtovich ou Pierre Gope.
- AmaliahEmpereur
Les Paravents de Genet, mais je n'en ai plus aucun souvenir précis en tête.
- Marguerite de NavarreNiveau 1
Sinon, il existe une très belle œuvre de Suzanne Lebeau, "Le bruit des os qui craquent", sur les enfants soldats.
- OrnellaDoyen
Merci pour vos conseils... vous pensez que c'est une bonne idée d'inclure le théâtre dans cette séquence?
- Marguerite de NavarreNiveau 1
Hum... Je trouve l'idée très bonne, j'aime bien les séquences qui utilisent plusieurs genres !
Par contre, c'est au moment de les réaliser que je rencontre toujours des problèmes... Mais un petit extrait ici ou là, pourquoi pas ?
Par contre, c'est au moment de les réaliser que je rencontre toujours des problèmes... Mais un petit extrait ici ou là, pourquoi pas ?
- NadejdaGrand sage
Le théâtre de Brecht (Mère Courage et ses enfants) et les allégories chez Brecht encore (La Résistible ascension d'Arturo Ui) ou Ionesco (Rhinocéros)...
Tu peux aussi évoquer sans les étudier les pièces écrites et jouées dans les camps par des femmes comme
- Germaine Tillion avec Le Verfügbar aux Enfers in Une opérette à Ravensbrück
- Charlotte Delbo, elle aussi déportée politique, mais à Auschwitz puis à Ravensbrück. Ses pièces de théâtre s'inspirent de cette expérience. Mais ses souvenirs comme la trilogie Auschwitz et après mêle les genres, entre récit, poème et théâtre (les déportées sont semblables à un choeur antique de femmes en deuil). C'est très beau mais assez dur (quand on est une femme en particulier, je trouve), mais ce peut être intéressant d'évoquer ces cas de pièces jouées dans les camps pour soulager un peu le coeur des déportées.
Sinon, pour le théâtre plus contemporain, je pensais aussi au théâtre de Wajdi Mouawad dont la quadrilogie Le Sang des promesses est traversée par la guerre. Dans la pièce Littoral, le fils part dans le pays natal de son père et y découvre des ruines et une population effondrée par la guerre.
Olivier Py a aussi été très très marqué par la guerre en ex-Yougoslavie. Le massacre de Srebrenica a été un grand choc pour lui. Requiem pour Srrebrenica en parle directement, mais il a confirmé que beaucoup de ses pièces parlaient aussi en creux des pertes immenses causées par la guerre. Lui aussi, finalement, actualise les grands genres antiques (la tragédie, la tradition lyrique, les choeurs, les "femmes en deuil") pour dire autrement les grands conflits de notre époque.
Enfin, il y a tout un pan du théâtre anglais contemporain marqué par les guerres et les violences consécutives à la Seconde Guerre Mondiale. Ce théâtre se joue d'un discours horrifiant et d'une monstration littérale de l'horreur. Horreur qui n'est pas gratuite car c'est un théâtre du traumatisme, souvent politisé, certes, mais qui fait se rejoindre la barbarie du monde avec celle du corps martyrisé, c'est-à-dire témoin actif de la souffrance. Le public a en tête les bébés jetés sur scène dans une pièce d'Edward Bond, la reine Victoria lesbienne et anthropophage qui se lèche les doigts après avoir mangé ses enfants, Galactia du Tableau d'une exécution d'Howard Barker qui offre le spectacle de son intestin ouvert pour sept dollars, l'Hippolyte de Sarah Kane qui se masturbe dans des chaussettes sales et les exemples d'une surenchère de l'horreur seraient encore nombreux. Les termes pour désigner ce théâtre qui commence surtout avec la pièce Saved d'Edward Bond en 1965 (où l'on voit des bébés lapidés) sont eux aussi nombreux. On parle de « Théâtre de la catastrophe » (théorisé par Howard Barker), de théâtre « in yer face » (pour Sarah Kane), de « New Brutalists » ou encore de « Nasty 90's ». Le théâtre est devenu le lieu de la blessure pour reprendre l'expression de Bond. Il s'agit de mettre en scène le corps souffrant, qu'il soit affamé, violé, sodomisé ou déchiré. On observe depuis ces vingt dernières années une évolution de ce théâtre : de l'horreur il passe à l'abjection, du corps public il passe au corps individuel, de la honte il passe à la culpabilité, plus intérieure. Cette évolution se fait essentiellement par la voix qui devient spectrale, porteuse d'une souffrance encore plus poignante que le corps meurtri. Ce théâtre refuse la distanciation brechtienne car pour ces dramaturges elle ne peut être que criminelle : elle se positionne contre l'empathie et conduit inéluctablement à Auschwitz. Face au monde morcelé qui est le nôtre, la souffrance (comme la cruauté l'était déjà chez Artaud et chez Strindberg en filigrane) devient le seul moyen pour le sujet d'accéder à lui-même. Ce théâtre qui mutile les corps et qui fait vomir (c'est ce que préconise très explicitement Howard Barker qui s'attend à ce que ses spectateurs vomissent sur sa chemise !) est le seul moyen de provoquer un choc salvateur pour le public, c'est-à-dire une prise de conscience frontale. Les psychismes qui s'expriment par le corps et par la voix rendent beaucoup plus compte de l'inhumanité fondamentale de l'homme que de son humanité qui, elle, n'est que cultivée, c'est-à-dire voulue. L'évolution du théâtre de Kane, avant son suicide à 28 ans, témoigne lui aussi d'une disparition du corps qui suggère une abstraction de plus en plus évidente de la souffrance, La pièce 4:48 comporte 24 sections qui peinent à se réunir, à se connecter en symphonie, en unité : c'est métaphoriquement le corps disloqué par l'agression du monde extérieur qui est ici signifié. Mais c'est surtout le langage qui peine à rester cohérent. Le texte est parsemé de bribes d'alphabets (MNO), de signes (ASAP pour « as soon as possible ») et de chiffres qui tentent de dire que le corps non plus ne peut plus dire les souffrances qui ont été intériorisées. Ce théâtre de la barbarie initié par Bond n'est pas un épiphénomène : il se retrouve sur plusieurs scènes anglaises et se présente comme un défi jeté à la face du monde et comme une philosophie qui conceptualise la souffrance à travers la représentation, pour signifier que le corps et la voix sont devenus insuffisants pour dire la souffrance. Celle-ci a dès lors besoin d'une autre voix, d'un autre langage peut-être, pour dire ce qui est resté enfoui au fond de l'être et ne peut plus en sortir. (je m'étais un peu penchée sur ce théâtre en licence, d'où le long développement...)
Evidemment, je ne conseille pas d'étudier précisément ces pièces car c'est un théâtre très violent et difficile à commenter stylistiquement, mais évoquer cette "tradition" peut être intéressant. Sur la guerre en particulier, il y a Naître et Pièces de guerre d'Edward Bond et Anéantis de Sarah Kane.
Voilà !
Tu peux aussi évoquer sans les étudier les pièces écrites et jouées dans les camps par des femmes comme
- Germaine Tillion avec Le Verfügbar aux Enfers in Une opérette à Ravensbrück
- Charlotte Delbo, elle aussi déportée politique, mais à Auschwitz puis à Ravensbrück. Ses pièces de théâtre s'inspirent de cette expérience. Mais ses souvenirs comme la trilogie Auschwitz et après mêle les genres, entre récit, poème et théâtre (les déportées sont semblables à un choeur antique de femmes en deuil). C'est très beau mais assez dur (quand on est une femme en particulier, je trouve), mais ce peut être intéressant d'évoquer ces cas de pièces jouées dans les camps pour soulager un peu le coeur des déportées.
Sinon, pour le théâtre plus contemporain, je pensais aussi au théâtre de Wajdi Mouawad dont la quadrilogie Le Sang des promesses est traversée par la guerre. Dans la pièce Littoral, le fils part dans le pays natal de son père et y découvre des ruines et une population effondrée par la guerre.
Olivier Py a aussi été très très marqué par la guerre en ex-Yougoslavie. Le massacre de Srebrenica a été un grand choc pour lui. Requiem pour Srrebrenica en parle directement, mais il a confirmé que beaucoup de ses pièces parlaient aussi en creux des pertes immenses causées par la guerre. Lui aussi, finalement, actualise les grands genres antiques (la tragédie, la tradition lyrique, les choeurs, les "femmes en deuil") pour dire autrement les grands conflits de notre époque.
Enfin, il y a tout un pan du théâtre anglais contemporain marqué par les guerres et les violences consécutives à la Seconde Guerre Mondiale. Ce théâtre se joue d'un discours horrifiant et d'une monstration littérale de l'horreur. Horreur qui n'est pas gratuite car c'est un théâtre du traumatisme, souvent politisé, certes, mais qui fait se rejoindre la barbarie du monde avec celle du corps martyrisé, c'est-à-dire témoin actif de la souffrance. Le public a en tête les bébés jetés sur scène dans une pièce d'Edward Bond, la reine Victoria lesbienne et anthropophage qui se lèche les doigts après avoir mangé ses enfants, Galactia du Tableau d'une exécution d'Howard Barker qui offre le spectacle de son intestin ouvert pour sept dollars, l'Hippolyte de Sarah Kane qui se masturbe dans des chaussettes sales et les exemples d'une surenchère de l'horreur seraient encore nombreux. Les termes pour désigner ce théâtre qui commence surtout avec la pièce Saved d'Edward Bond en 1965 (où l'on voit des bébés lapidés) sont eux aussi nombreux. On parle de « Théâtre de la catastrophe » (théorisé par Howard Barker), de théâtre « in yer face » (pour Sarah Kane), de « New Brutalists » ou encore de « Nasty 90's ». Le théâtre est devenu le lieu de la blessure pour reprendre l'expression de Bond. Il s'agit de mettre en scène le corps souffrant, qu'il soit affamé, violé, sodomisé ou déchiré. On observe depuis ces vingt dernières années une évolution de ce théâtre : de l'horreur il passe à l'abjection, du corps public il passe au corps individuel, de la honte il passe à la culpabilité, plus intérieure. Cette évolution se fait essentiellement par la voix qui devient spectrale, porteuse d'une souffrance encore plus poignante que le corps meurtri. Ce théâtre refuse la distanciation brechtienne car pour ces dramaturges elle ne peut être que criminelle : elle se positionne contre l'empathie et conduit inéluctablement à Auschwitz. Face au monde morcelé qui est le nôtre, la souffrance (comme la cruauté l'était déjà chez Artaud et chez Strindberg en filigrane) devient le seul moyen pour le sujet d'accéder à lui-même. Ce théâtre qui mutile les corps et qui fait vomir (c'est ce que préconise très explicitement Howard Barker qui s'attend à ce que ses spectateurs vomissent sur sa chemise !) est le seul moyen de provoquer un choc salvateur pour le public, c'est-à-dire une prise de conscience frontale. Les psychismes qui s'expriment par le corps et par la voix rendent beaucoup plus compte de l'inhumanité fondamentale de l'homme que de son humanité qui, elle, n'est que cultivée, c'est-à-dire voulue. L'évolution du théâtre de Kane, avant son suicide à 28 ans, témoigne lui aussi d'une disparition du corps qui suggère une abstraction de plus en plus évidente de la souffrance, La pièce 4:48 comporte 24 sections qui peinent à se réunir, à se connecter en symphonie, en unité : c'est métaphoriquement le corps disloqué par l'agression du monde extérieur qui est ici signifié. Mais c'est surtout le langage qui peine à rester cohérent. Le texte est parsemé de bribes d'alphabets (MNO), de signes (ASAP pour « as soon as possible ») et de chiffres qui tentent de dire que le corps non plus ne peut plus dire les souffrances qui ont été intériorisées. Ce théâtre de la barbarie initié par Bond n'est pas un épiphénomène : il se retrouve sur plusieurs scènes anglaises et se présente comme un défi jeté à la face du monde et comme une philosophie qui conceptualise la souffrance à travers la représentation, pour signifier que le corps et la voix sont devenus insuffisants pour dire la souffrance. Celle-ci a dès lors besoin d'une autre voix, d'un autre langage peut-être, pour dire ce qui est resté enfoui au fond de l'être et ne peut plus en sortir. (je m'étais un peu penchée sur ce théâtre en licence, d'où le long développement...)
Evidemment, je ne conseille pas d'étudier précisément ces pièces car c'est un théâtre très violent et difficile à commenter stylistiquement, mais évoquer cette "tradition" peut être intéressant. Sur la guerre en particulier, il y a Naître et Pièces de guerre d'Edward Bond et Anéantis de Sarah Kane.
Voilà !
- IlianaGrand sage
Nadedja, pour l'ensemble de ton post,
Que du que j'aime (pour parler la France) et que j'allais citer.
Que du que j'aime (pour parler la France) et que j'allais citer.
_________________
Minuit passé déjà. Le feu s'est éteint et je sens le sommeil qui gagne du terrain.
Je vais m'endormir contre vous, respirer doucement, parce que je sais où nous allons désormais.
Fauve - Révérence
- OrnellaDoyen
whaouh, Nadejda, merci beaucoup !!! Marguerite de Navarre, j'ai commandé la pièce que tu recommandes. J'ai préparé cette séquence avec beaucoup d'enthousiasme. Contre toute attente, je prends du plaisir avec ce nouveau programme!
- OrnellaDoyen
et je te relis et je me dis : quelle culture!!!
le théâtre et la colonisation, j'ai l'impression de passer à côté de quelque chose que j'oublie... nan?
le théâtre et la colonisation, j'ai l'impression de passer à côté de quelque chose que j'oublie... nan?
- NadejdaGrand sage
euh merci
Mehitabel a déjà donné des références sur théâtre et colonisation, je crois (Césaire et des auteurs sur la Nouvelle-Calédonie).
Sur la guerre d'Algérie, j'ai trouvé ce petit document : http://www.pratiques-cresef.com/MCorvin_GuerreTheatre.pdf Je retiendrais Les Paravents de Genet...
Et Bernard-Marie Koltès aussi : Combats de nègres et de chiens
Ah, et j'édite : les pièces de Laurent Gaudé sont très marquées par la guerre ! Les Sacrifiées traitent des femmes algériennes par exemple. Pluie de cendres et Cendres sur les mains traitent aussi de la guerre et de la désolation qui s'ensuit.
Et sur le génocide rwandais, j'ai oublié Rwanda 94 du Groupov. Cette pièce relève du "biodrame", c'est-à-dire qu'elle est construite à partir des expériences personnelles des acteurs et/ou du metteur en scène. Cette pièce a une réelle dimension cathartique par sa dimension testimoniale et son recours à plusieurs genres (théâtre, musique, choeurs, images fixes...). Yolande Mukagasana est une des survivantes et auteurs de ce texte. C'est vraiment une pièce incontournable sur ce génocide, non seulement parce qu'elle a produit une prise de conscience sur le public, mais aussi parce qu'elle a en quelque sorte contribué à ce qu'une littérature testimoniale ancrée dans la tradition orale africaine se développe au Rwanda après le génocide.
Mehitabel a déjà donné des références sur théâtre et colonisation, je crois (Césaire et des auteurs sur la Nouvelle-Calédonie).
Sur la guerre d'Algérie, j'ai trouvé ce petit document : http://www.pratiques-cresef.com/MCorvin_GuerreTheatre.pdf Je retiendrais Les Paravents de Genet...
Et Bernard-Marie Koltès aussi : Combats de nègres et de chiens
Ah, et j'édite : les pièces de Laurent Gaudé sont très marquées par la guerre ! Les Sacrifiées traitent des femmes algériennes par exemple. Pluie de cendres et Cendres sur les mains traitent aussi de la guerre et de la désolation qui s'ensuit.
Et sur le génocide rwandais, j'ai oublié Rwanda 94 du Groupov. Cette pièce relève du "biodrame", c'est-à-dire qu'elle est construite à partir des expériences personnelles des acteurs et/ou du metteur en scène. Cette pièce a une réelle dimension cathartique par sa dimension testimoniale et son recours à plusieurs genres (théâtre, musique, choeurs, images fixes...). Yolande Mukagasana est une des survivantes et auteurs de ce texte. C'est vraiment une pièce incontournable sur ce génocide, non seulement parce qu'elle a produit une prise de conscience sur le public, mais aussi parce qu'elle a en quelque sorte contribué à ce qu'une littérature testimoniale ancrée dans la tradition orale africaine se développe au Rwanda après le génocide.
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