- Rock88Niveau 1
Bonjour à toutes et à tous,
J'ai bien cherché d'autres sujets en lien avec ma question, espérant y trouver une réponse, mais sans succès.
Aussi, je me permets d'ouvrir un nouveau sujet.
N'étant pas expert en théologie (et encore moins en théologie médiévale), je m'interrogeais sur l'attitude de Renart vis-à-vis de la religion.
Si de nombreuses aventures le mettent en avant comme une personnage se moquant de la religion, je me demandais si Renart était lui-même croyant ?
Est-il bien chrétien, mais serait alors un "mauvais chrétien", impie et moqueur ? Ou était-il athée ? (L'athéisme existait-il d'ailleurs au Moyen-Âge, ou s'agit-il d'un anachronisme ?)
Compte tenu du fait que le Roman de Renart et ses diverses branches ont été écrites par des clercs et avant tout destiné à une certaine élite sociale, comment expliquer que ces aventures n'aient pas plus choqué les auditeurs de l'époque, la religion semblant être toujours aussi importante aux yeux de tous à l'époque.
D'avance, je vous remercie.
Ps. S'il avait été préférable de poster ceci dans un autre sujet (même si les plus récents à ce propos semblaient dater de plusieurs années), merci de me le faire savoir.
J'ai bien cherché d'autres sujets en lien avec ma question, espérant y trouver une réponse, mais sans succès.
Aussi, je me permets d'ouvrir un nouveau sujet.
N'étant pas expert en théologie (et encore moins en théologie médiévale), je m'interrogeais sur l'attitude de Renart vis-à-vis de la religion.
Si de nombreuses aventures le mettent en avant comme une personnage se moquant de la religion, je me demandais si Renart était lui-même croyant ?
Est-il bien chrétien, mais serait alors un "mauvais chrétien", impie et moqueur ? Ou était-il athée ? (L'athéisme existait-il d'ailleurs au Moyen-Âge, ou s'agit-il d'un anachronisme ?)
Compte tenu du fait que le Roman de Renart et ses diverses branches ont été écrites par des clercs et avant tout destiné à une certaine élite sociale, comment expliquer que ces aventures n'aient pas plus choqué les auditeurs de l'époque, la religion semblant être toujours aussi importante aux yeux de tous à l'époque.
D'avance, je vous remercie.
Ps. S'il avait été préférable de poster ceci dans un autre sujet (même si les plus récents à ce propos semblaient dater de plusieurs années), merci de me le faire savoir.
- PonocratesExpert spécialisé
Je ne suis pas médiéviste. Ceci posé, l'univers de Renart est chrétien,pour autant cela n'empêche pas une certaine irrévérence vis-à-vis de l'Église. Les moines dénoncés comme paillards, fornicateurs si l'occasion se présente, sont des personnages archétypiques des textes satiriques du Moyen-âge- le Décaméron de Boccace en fournit de nombreux exemples. Quant à savoir si Renart est bon ou mauvais chrétien, le fait même qu'il prétende utiliser le baiser de la paix de Dieu pour croquer la mésange est bien la preuve que c'est une canaille pour qui tous les moyens sont bons. Qu'il soit chrétien ne signifie pas qu'il soit vertueux et il me semble inutile d'en faire un athée pour expliquer son comportement qui ne saurait en aucun cas être exemplaire. Mais les spécialistes auront peut-être une vision plus précise.
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"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
- ElaïnaDevin
L'athéisme n'existe pas dans le moyen âge occidental (voir Lucien Febvre sur La religion de Rabelais). En revanche se moquer des mauvais prêtres est une blague récurrente au moyen âge.
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It took me forty years to realize this. But for guys like us... our lives aren't really our own. There's always someone new to help. Someone we need to protect. These past few years, I fought that fate with all I had. But I'm done fighting. It's time I accept the hand I was dealt. Too many people depend on us. Their dreams depend on us.
Kiryu Kazuma inYakuza 4 Remastered
Ma page Facebook https://www.facebook.com/Lire-le-Japon-106902051582639
- henrietteMédiateur
Oui, on retrouve cela souvent aussi dans les fabliaux et les farces.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- DeliaEsprit éclairé
Crosse d'or,
Evêque de bois,
Crosse de bois,
Evêque d'or.
Ce dicton est toujours valable de nos jours !
Evêque de bois,
Crosse de bois,
Evêque d'or.
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- MiniloupiotteNiveau 7
J'ai retrouvé des notes que j'avais prises dans un cours de prépa agreg sur Le Roman de Renart : ce qui est spécifique à cette oeuvre est bien sûr que les personnages sont des animaux. Cela ancre le texte dans la pratique du Carnaval, le retournement est permis. Ce point de départ des animaux comme acteurs peut s'inscrire dans la tradition monastique des "ridenda" (ex : âne jouant de la lyre). Le Carnaval (voir Bakhtine) permet l'inversion salvatrice : désordre vivifiant qui permet de tout dire, profiter d'une liberté refusée dans la vie de tous les jours. L'objectif du texte est de "fere rire" (Branche IV). Le masque permet de dire ce qui est interdit (déguisement animal, homme masqué) : se situer hors de la réalité. Il n'y a pas vraiment d'irrévérence, envers la féodalité, l'épopée qui sont parodiées ou même les valeurs Bien/Mal, dans la mesure où le masque permet de rire de ce qui est interdit. Voir aussi le rôle du fou au Moyen-Age ( le seul qualifié pour reconnaître et dénoncer la folie des autres ). C'est le retournement carnavalesque, le système intègre sa contestation. L'ironie est essentielle dans Renart : elle est à la fois intratextuelle, intertextuelle (Chanson de geste, Chrétien de Troyes, Béroul...) et ontologique (dépassement du Bien et du Mal). Les personnages étant à la fois humains et animaux, on a un texte piégé, un retournement constant de la perspective. Voilà ! J'espère que ces notes t'aideront dans ta réflexion !
- bas-médiévisteNiveau 9
Rock88 a écrit:
Si de nombreuses aventures le mettent en avant comme une personnage se moquant de la religion, je me demandais si Renart était lui-même croyant ?
Hum... prudence. Il s'agit souvent de se moquer de la religion dévoyée et corrompue pour au contraire revaloriser les pratiques moralement fondées. Le texte est en réalité beaucoup plus conservateur qu'il n'y paraît.
Les lecteurs médiévaux savaient parfaitement rire de ces dévoiements, mais l'important est qu'in fine la vraie morale soit préservée et que chacun reste à la place qui lui a été assignée (le prêtre, l'épouse, la veuve, etc.).
Par ailleurs, le terme "religion" est d'un maniement difficile. Tous les personnages appartiennent, comme les gens hors de la fiction, à la communauté de l'ecclesia. Les pratiques religieuses constituent la matrice de l'appartenance sociale. La question de la croyance ne se pose pas en tant que tel : c'est un problème anachronique même.
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"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
- Rock88Niveau 1
A toutes à et tous,
Je vous remercie pour vos différentes réponses.
Elles me permettent effectivement de mieux cerner le problème, et m'aidera surtout à mieux le présenter à mes élèves.
Merci d'avoir pris le temps d'y répondre !
Prenez bien soin de vous, et d'avance, de bonnes fêtes de fin d'année à chacun !
Je vous remercie pour vos différentes réponses.
Elles me permettent effectivement de mieux cerner le problème, et m'aidera surtout à mieux le présenter à mes élèves.
Merci d'avoir pris le temps d'y répondre !
Prenez bien soin de vous, et d'avance, de bonnes fêtes de fin d'année à chacun !
- DeliaEsprit éclairé
Curieuse remarque : un croyant ne pourrait pas se moquer de la religion ?
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- SteredDoyen
L'une des sources du Roman de Renart, l'Ysengrimus (XIIe), est centré sur le personnage du loup qui est le symbole qui mauvais moine : on s'y moque de façon très crue de la religion. Les attaques contre le pape m'avaient surprise par leur virulence. C'est la célébration du monde à l'envers carnavalesque.
Et il faut distinguer, de la part des auteurs, le fait de se moquer de Dieu et le fait de se moquer de l'Eglise avec son organisation terrestre et ses membres parfois hypocrites.
Et il faut distinguer, de la part des auteurs, le fait de se moquer de Dieu et le fait de se moquer de l'Eglise avec son organisation terrestre et ses membres parfois hypocrites.
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"Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent." Maïakovski
- DeliaEsprit éclairé
En ce moment circule une pétition réclamant de beaux évêques dans l'esprit d'ouverture de François.
Golias édite tous les ans un Trombinoscope des évêques français, décernant des mitres... et des bonnets d'âne. Mgr Lustiger y est rebaptisé ... Lustifer. Inutile de remonter au Moyen-Age pour trouver des chrétiens critiques.
Golias édite tous les ans un Trombinoscope des évêques français, décernant des mitres... et des bonnets d'âne. Mgr Lustiger y est rebaptisé ... Lustifer. Inutile de remonter au Moyen-Age pour trouver des chrétiens critiques.
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- Rock88Niveau 1
Bonjour à vous,
En train de préparer mes séquences sur le Roman de Renart, je découvre dans certains documents trouvés sur Internet que Renart aurait non seulement violé Hersent, la femme d’Ysengrin, mais également Fière, la Reine, femme du Roi Noble.
(voir : http://classes.bnf.fr/renart/it/episodes/07.htm )
Je viens de relire à nouveau cette œuvre afin de retrouver ces éléments, lesquels ne m’avaient pas paru explicites lors de mes premières lectures.
Dans la version Folio Classique (préface de Béatrix Beck), il est dit à propos du viol de la Reine que :
« Ici, je ne dois pas omettre qu’avant de prendre congé, il avait trouvé dans le courtil du palais, Madame Fiere la Reine, dont grande était la beauté, la courtoisie. « Damp Renart, lui avait-elle dit, priez pour nous outremer, nous prierons ici pour votre retour. – Dame, fit Renart en s’inclinant, la prière venue de haut est la chose la plus précieuse du monde ; heureux celui pour qui vous prierez ! il aura grand sujet de démener joie. Oh ! que j’accomplirais heureusement mon pèlerinage, si j’emportais en Syrie un gage de votre amitié ! » La Reine alors détacha l’anneau de son doigt et le lui tendit. Renart prit à peine soin de l’en remercier, mais il dit entre ses dents : « Cet anneau, je ne le rendrais pour rien au monde ; » et l’ayant passé à son doigt, il avait reçu, comme on a vu, congé de toute la Cour et piqué des éperons » (55e aventure, p. 247)
Je me mets ici à la place de mes élèves…
Comment comprendre qu’il ait une relation avec elle ? L’anneau aurait-il cette symbolique qui m’a jusqu’alors échappé ?
D’ailleurs, dans les œuvres Chrétien de Troyes, de nombreuses femmes donnent des anneaux à leurs amants (Guenièvre à Lancelot, Ludine et Lunette à Yvain).
Fallait-il y voir également des relations charnelles ?
De même, lorsque Renart rejoint le domicile d’Ysengrin et d’Hersent, il est dit :
« Vraiment, on parle de moi chez nos voisins ! Le vilain dit : Tel appelle sa honte qui pense à la venger. Je puis le dire hautement ; jusqu’à présent je n’ai pas eu de pensée mauvaise : mais puisque Ysengrin m’accuse, je veux lui donner raison ; et dès aujourd’hui, Renart, j’entends que vous soyez mon ami. Comptez toujours sur mon bon accueil, j’engage ma foi d’être entièrement à vous. » Renart, charmé de si bonnes paroles, ne se les fit
pas répéter. Il s’approcha de dame Hersent, la pressa dans ses bras, et les nouveaux amants firent échange des promesses les plus tendres. Mais les longs propos d’amour n’étaient pas au goût de damp Renart ; il parla bientôt de séparation et de la nécessité de prévenir le retour d’Ysengrin. Avant de sortir de la maison, il a soin de passer sur les louveteaux et de les souiller de ses ordures. » (21e aventure, p. 115)
A nouveau, je trouve que l’expression « presser dans ses bras » et « faire échange des promesses les plus tendres » n’évoque pas vraiment un viol, mais une relation consentante entre les deux amants, non ?
Enfin, lors que Hersent reste coincée et que Renart cherche à l’en dégager, il est dit :
« La pauvre Hersent, plus confuse qu’on ne saurait dire, répondait en priant le méchant roux d’avoir compassion d’elle et de la tirer du mauvais pas où elle se trouvait ; Ysengrin arriva comme Renart essayait en effet de lui porter secours. Quelle ne fut pas alors sa rage ! « Ah ! maudit nain ; vous allez payer cher ce dernier outrage. – Lequel, et de quoi parlez-vous ? répond Renart qui s’était hâté de rentrer au logis et se remontrait par la plus étroite ouverture. En vérité, sire Ysengrin, vous reconnaissez mal le service que j’allais rendre à votre digne épouse. Ne voyez-vous pas comme elle est prise ? -Est-ce ma faute si elle est venue s’y engager ? Cependant, au lieu de me remercier de l’aide que je lui portais, vous en paraissez tout en colère. Supposeriez-vous que j’aie voulu frapper dame Hersent ? Je suis prêt à jurer que j’ai fait tout ce qui dépendait de moi pour la dégager. – Toi jurer ! double traître ! mais ta vie n’est qu’un long parjure. Laisse tes mensonges et tes inventions ; j’ai vu, j’ai entendu. Est-ce en l’outrageant de paroles que tu marques ton respect pour elle et pour moi – Vous êtes en vérité trop fin et trop subtil, sire Ysengrin. Votre femme s’est engagée volontairement dans cette porte ; elle n’en était pas encore sortie, j’en conviens, mais j’allais la délivrer quand vous êtes arrivé. Si je ne me suis pas pressé davantage, c’est que je fus, il n’y a pas longtemps, blessé à la jambe, et que je n’ai pu faire plus grande diligence. Je vous ai dit la vérité ; vous en tomberez d’accord, à moins que vous ne soyez décidé à me faire mauvaise querelle. D’ailleurs, Madame est là ; vous pouvez l’interroger, je suis bien sûr qu’une fois rendue libre elle ne joindra pas sa clameur à la vôtre. Dieu vous garde, sire Ysengrin ! » Cela dit, il rentra la tête dans Maupertuis, ferma la lucarne et disparut… » (30e aventure, p. 151)
A nouveau, comment comprendre qu’il y a abus sexuel ? Les indices me semblent infimes pour le comprendre…
Comme toute l’intrigue liée au jugement de Renart repose essentiellement sur ce crime, je m’étonne qu’il ne soit plus explicite que cela.
D’avance, je vous remercie pour vos lumières.
En train de préparer mes séquences sur le Roman de Renart, je découvre dans certains documents trouvés sur Internet que Renart aurait non seulement violé Hersent, la femme d’Ysengrin, mais également Fière, la Reine, femme du Roi Noble.
(voir : http://classes.bnf.fr/renart/it/episodes/07.htm )
Je viens de relire à nouveau cette œuvre afin de retrouver ces éléments, lesquels ne m’avaient pas paru explicites lors de mes premières lectures.
Dans la version Folio Classique (préface de Béatrix Beck), il est dit à propos du viol de la Reine que :
« Ici, je ne dois pas omettre qu’avant de prendre congé, il avait trouvé dans le courtil du palais, Madame Fiere la Reine, dont grande était la beauté, la courtoisie. « Damp Renart, lui avait-elle dit, priez pour nous outremer, nous prierons ici pour votre retour. – Dame, fit Renart en s’inclinant, la prière venue de haut est la chose la plus précieuse du monde ; heureux celui pour qui vous prierez ! il aura grand sujet de démener joie. Oh ! que j’accomplirais heureusement mon pèlerinage, si j’emportais en Syrie un gage de votre amitié ! » La Reine alors détacha l’anneau de son doigt et le lui tendit. Renart prit à peine soin de l’en remercier, mais il dit entre ses dents : « Cet anneau, je ne le rendrais pour rien au monde ; » et l’ayant passé à son doigt, il avait reçu, comme on a vu, congé de toute la Cour et piqué des éperons » (55e aventure, p. 247)
Je me mets ici à la place de mes élèves…
Comment comprendre qu’il ait une relation avec elle ? L’anneau aurait-il cette symbolique qui m’a jusqu’alors échappé ?
D’ailleurs, dans les œuvres Chrétien de Troyes, de nombreuses femmes donnent des anneaux à leurs amants (Guenièvre à Lancelot, Ludine et Lunette à Yvain).
Fallait-il y voir également des relations charnelles ?
De même, lorsque Renart rejoint le domicile d’Ysengrin et d’Hersent, il est dit :
« Vraiment, on parle de moi chez nos voisins ! Le vilain dit : Tel appelle sa honte qui pense à la venger. Je puis le dire hautement ; jusqu’à présent je n’ai pas eu de pensée mauvaise : mais puisque Ysengrin m’accuse, je veux lui donner raison ; et dès aujourd’hui, Renart, j’entends que vous soyez mon ami. Comptez toujours sur mon bon accueil, j’engage ma foi d’être entièrement à vous. » Renart, charmé de si bonnes paroles, ne se les fit
pas répéter. Il s’approcha de dame Hersent, la pressa dans ses bras, et les nouveaux amants firent échange des promesses les plus tendres. Mais les longs propos d’amour n’étaient pas au goût de damp Renart ; il parla bientôt de séparation et de la nécessité de prévenir le retour d’Ysengrin. Avant de sortir de la maison, il a soin de passer sur les louveteaux et de les souiller de ses ordures. » (21e aventure, p. 115)
A nouveau, je trouve que l’expression « presser dans ses bras » et « faire échange des promesses les plus tendres » n’évoque pas vraiment un viol, mais une relation consentante entre les deux amants, non ?
Enfin, lors que Hersent reste coincée et que Renart cherche à l’en dégager, il est dit :
« La pauvre Hersent, plus confuse qu’on ne saurait dire, répondait en priant le méchant roux d’avoir compassion d’elle et de la tirer du mauvais pas où elle se trouvait ; Ysengrin arriva comme Renart essayait en effet de lui porter secours. Quelle ne fut pas alors sa rage ! « Ah ! maudit nain ; vous allez payer cher ce dernier outrage. – Lequel, et de quoi parlez-vous ? répond Renart qui s’était hâté de rentrer au logis et se remontrait par la plus étroite ouverture. En vérité, sire Ysengrin, vous reconnaissez mal le service que j’allais rendre à votre digne épouse. Ne voyez-vous pas comme elle est prise ? -Est-ce ma faute si elle est venue s’y engager ? Cependant, au lieu de me remercier de l’aide que je lui portais, vous en paraissez tout en colère. Supposeriez-vous que j’aie voulu frapper dame Hersent ? Je suis prêt à jurer que j’ai fait tout ce qui dépendait de moi pour la dégager. – Toi jurer ! double traître ! mais ta vie n’est qu’un long parjure. Laisse tes mensonges et tes inventions ; j’ai vu, j’ai entendu. Est-ce en l’outrageant de paroles que tu marques ton respect pour elle et pour moi – Vous êtes en vérité trop fin et trop subtil, sire Ysengrin. Votre femme s’est engagée volontairement dans cette porte ; elle n’en était pas encore sortie, j’en conviens, mais j’allais la délivrer quand vous êtes arrivé. Si je ne me suis pas pressé davantage, c’est que je fus, il n’y a pas longtemps, blessé à la jambe, et que je n’ai pu faire plus grande diligence. Je vous ai dit la vérité ; vous en tomberez d’accord, à moins que vous ne soyez décidé à me faire mauvaise querelle. D’ailleurs, Madame est là ; vous pouvez l’interroger, je suis bien sûr qu’une fois rendue libre elle ne joindra pas sa clameur à la vôtre. Dieu vous garde, sire Ysengrin ! » Cela dit, il rentra la tête dans Maupertuis, ferma la lucarne et disparut… » (30e aventure, p. 151)
A nouveau, comment comprendre qu’il y a abus sexuel ? Les indices me semblent infimes pour le comprendre…
Comme toute l’intrigue liée au jugement de Renart repose essentiellement sur ce crime, je m’étonne qu’il ne soit plus explicite que cela.
D’avance, je vous remercie pour vos lumières.
- TriskelNiveau 7
Il faut lire le texte original. Je ne l'ai plus sous la main, mais j'ai un souvenir très précis du viol de Hersent, car il m'a choqué : Renart pénètre Hersent "par les deux pertuis", la métaphore de la porte étant répétée de vers en vers. La relation avec Fière m'avait parue plus "consentie" : il la séduit, ou plutôt la manipule, avant d'obtenir l'anneau.
La traduction, comme pour Tristan et Iseut d'ailleurs, se fait censure à renfort d'omissions ou d'euphémismes.
La traduction, comme pour Tristan et Iseut d'ailleurs, se fait censure à renfort d'omissions ou d'euphémismes.
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L'espoir des cantharides
Est un bien bel espoir.
- HonchampDoyen
Parenthèse dans le fil, ce n'est certainement pas la réponse attendue. Je ne suis pas prof de lettres.
Les textes donnent souvent lieu à des lectures à différents niveaux.
Est-ce important pour les travailler avec les élèves ? On ne fera pas la même lecture en 5ème et en fac.
En revanche, il est bon que le prof maîtrise les différents niveaux.
J'ai assisté à une université d'automne il y a quelques années, et une conférence était liée aux chansons populaires traditionnelles.
Ce qu'on chante ou qu'on écoute avec innocence est parfois le récit d'une agression sexuelle ou d'un viol. Je me souviens de l'histoire d'une biche et d'un chasseur. Ou de tout ce qui tourne autour de la rose ou du bouton de rose. (Virginité).
Je me rappelle aussi un élève, dans une classe avec qui on m'avait demandé de travailler sur un des romans de la table ronde, version scolaire.
Lancelot "couchait" avec la reine, ou "partageait sa couche".
La plupart des élèves, naïfs, l'époque a certainement changé, pensait qu'il dormait dans le même lit.
Mais l'un d'entre eux m'avait dit "Il couche, il couche vraiment ? ". Lui avait saisi. Je lui avais seulement répondu "Oui". Moment de connivence.
Fin de la parenthèse.
Les textes donnent souvent lieu à des lectures à différents niveaux.
Est-ce important pour les travailler avec les élèves ? On ne fera pas la même lecture en 5ème et en fac.
En revanche, il est bon que le prof maîtrise les différents niveaux.
J'ai assisté à une université d'automne il y a quelques années, et une conférence était liée aux chansons populaires traditionnelles.
Ce qu'on chante ou qu'on écoute avec innocence est parfois le récit d'une agression sexuelle ou d'un viol. Je me souviens de l'histoire d'une biche et d'un chasseur. Ou de tout ce qui tourne autour de la rose ou du bouton de rose. (Virginité).
Je me rappelle aussi un élève, dans une classe avec qui on m'avait demandé de travailler sur un des romans de la table ronde, version scolaire.
Lancelot "couchait" avec la reine, ou "partageait sa couche".
La plupart des élèves, naïfs, l'époque a certainement changé, pensait qu'il dormait dans le même lit.
Mais l'un d'entre eux m'avait dit "Il couche, il couche vraiment ? ". Lui avait saisi. Je lui avais seulement répondu "Oui". Moment de connivence.
Fin de la parenthèse.
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"Tu verras bien qu'il n'y aura pas que moi, assise par terre comme ça.."
- SteredDoyen
Le texte original est en effet très clair. Le passage est souvent éludé dans les manuels scolaires et atténué, tout en implicite, dans les livres scolaires présentant le RdR.
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"Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent." Maïakovski
- PointàlaligneExpert
Bonjour,
le mieux serait sans doute de te plonger dans la bibliographie des études renardiennes. C'est vrai que l'accès aux bibliothèques est bien compromis en ce moment.
On trouve en ligne un article qui aborde le sujet (épisode avec Hersent seulement) :
"Viol et adultère au prisme de la justice féodale dans le Roman de Renart", Jean Subrenat, MISCELLANEA JUSLITTERA, 2018, pp.127-145.
Edit : voir également
« Le viol d'Hersent : transgression sexuelle, transgression romanesque », Nicolas Garnier, Questes , 2018.
Quelques lignes à glaner sur Fière :
"Le goupil en liberté : la jubilation du désordre dans le Roman de Renart", Laurence Hélix, L'Information littéraire, 2008, pp. 9-15.
le mieux serait sans doute de te plonger dans la bibliographie des études renardiennes. C'est vrai que l'accès aux bibliothèques est bien compromis en ce moment.
On trouve en ligne un article qui aborde le sujet (épisode avec Hersent seulement) :
"Viol et adultère au prisme de la justice féodale dans le Roman de Renart", Jean Subrenat, MISCELLANEA JUSLITTERA, 2018, pp.127-145.
Edit : voir également
« Le viol d'Hersent : transgression sexuelle, transgression romanesque », Nicolas Garnier, Questes , 2018.
Quelques lignes à glaner sur Fière :
"Le goupil en liberté : la jubilation du désordre dans le Roman de Renart", Laurence Hélix, L'Information littéraire, 2008, pp. 9-15.
- Thalia de GMédiateur
Topics fusionnés, pour ne pas multiplier les sujets sur cette œuvre.
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
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