- RobinFidèle du forum
"On a raison de dire : il est un temps pour parler, pour écrire, et un temps pour se taire. Que le lecteur me pardonne de les avoir mêlés et confondus, une dernière fois, dans ce livre où, imprudemment, il m'arrive d'effacer les frontières entre les âges de la vie."
Dans ce livre qui fait suite à Entre mythe et politique, Jean-Pierre Vernant évoque la question des rapports entre le passé et le présent, les frontières qui les séparent, les moyens de franchir ces limites sans les brouiller...
"Le problème se pose à bien des niveaux, explique Jean-Pierre Vernant. Sur le plan d'abord de mon travail d'enquête concernant l'Antiquité, la civilisation hellénique, l'homme grec ancien.
Y a-t-il un lien, m'a-t-on demandé, entre votre lecture de l'épopée homérique et votre action dans la Résistance militaire, avec les risques qu'elle comportait ? La question m'avait déjà été posée au cours d'un débat avec François Hartog. Sur le coup elle m'avait surpris et même, je crois, un peu scandalisé, dans la mesure où il me semblait incongru d'amalgamer ce qui ne relève, en principe, que de la pure science et les aléas de l'action, au gré des circonstances.
Mais à la réflexion, ces liens me sont apparus très clairement, qui ont tissé entre mon interprétation du monde des héros d'Homère et mon expérience de vie comme un invisible réseau de correspondances, orientant ma lecture "savante" et privilégiant dans le texte certains traits : la vie brève, l'idéal héroïque, la belle mort, l'outrage au cadavre, le véritable honneur, la gloire impérissable, la mémoire du chant poétique - autant de thèmes que j'ai placés au premier plan.
Entre un passé vieux de presque trois mille ans inscrit dans des textes, un passé tout récent encore vivant dans mes souvenirs et l'aujourd'hui où j'écris ce livre, si ces thèmes continuent à m'interpeller, c'est qu'ils se font écho, dans mon interrogation présente, mêlant leurs voix sans les confondre.
Comme si, dans ma personne, trois couches sédimentaires distinctes - l'Antiquité, le cours de ma propre vie, le maintenant de ma pensée -, chacune avec son propre mode de temporalité entraient en résonance au moment de répondre aux questions difficiles que Pierre Laborie et Laurent Douzou ont choisi de me poser.
Frontières entre passé et présent, entre différents passés, entre l'objectivité distante du savant et l'engagement passionnée du militant, distance enfin, en chacun de nous, entre ses souvenirs et sa présence à soi-même..."
Ce livre, on l'aura compris, est moins une autobiographie qu'une réflexion sur la mémoire et le témoignage, notamment de la difficulté pour l'historien de parler des "années noires de l'Occupation". Jean-Pierre Vernant évoque, à ce sujet, "l'affaire Aubrac", "qui a constitué dans le débat des historiens entre eux, comme dans la confrontation entre résistants et historiens, un point de non-retour en mettant en pleine lumière le fossé qui sépare l'enquête du savant et la mise en scène journalistique."
"De la mémoire divinisée des Grecs de l'époque archaïque, cette Mnémosunè omnisciente qui, en inspirant le poète épique, lui confère, avec le don de voyance, la capacité de connaître et de chanter "tout ce qui a été", de raconter, comme s'il y était, l'ancien temps, l'autrefois des héros légendaires, jusqu'à notre mémoire d'aujourd'hui, ou plutôt nos formes multiples de remémoration, il y a des changements, des ruptures, des abandons, de profondes transformations.
Pour schématiser le statut actuel des activités que nous rangeons sous la rubrique mémoire, il faut faire la distinction entre la mémoire individuelle, avec les souvenirs de chacun, la mémoire collective, celle des groupes sociaux qui se fabriquent un passé commun pour y enraciner leur présent, et celle des historiens pour qui, depuis l’avènement de leur discipline, le passé, du seul fait qu'il a eu lieu, acquiert le statut d'un objet de recherche scientifique et relève dans son être même de l'établissement controlé du vrai. Ces trois formes de mémoire (mémoire individuelle, mémoire collective, mémoire des historiens), en dépit de leurs différences, ont en commun d'être des reconstructions, plus ou moins laborieuses du passé, et non son appréhension directe et immédiate."
"A la fin du chapitre intitulé : "La mort héroïque chez les Grecs" ("L'idéal aristocratique dans la démocratie"), Jean-Pierre Vernant montre que la cité démocratique reste paradoxalement enracinée dans les valeurs aristocratiques : "Si l'on prend la plupart des civilisations orientales, on a une société très hiérarchisée, avec un souverain qui représente l'autorité et qui sert en même temps d'intermédiaire entre les dieux et les hommes. Son pouvoir fonde l'ordre social. Chez les Grecs - on aperçoit encore cela chez Hésiode - , on constate qu'à un moment donné la communauté considère qu'il ne doit pas y avoir de pouvoir souverain, que le pouvoir, le kratos, doit être déposé au centre de la communauté et que chacun des membres de cette communauté doit pouvoir décider des affaires communes. Idée complètement folle ! D'où vient-elle ? Dans le domaine privé, chacun exerce un pouvoir en quelque sorte royal, le maître de maison est comme un roi avec ses enfants, ses esclaves, son épouse ; mais pour qu'il soit l'égal des autres dans la communauté civique, il faut trouver des modèles d'institutions qui permettent que le pouvoir soit entièrement dépersonnalisé et qu'il circule des uns aux autres, que l'on commande et obéisse successivement et que tout soit réglé par un débat public au centre de la cité. Manifestement, si l'on regarde l'Iliade, c'est déjà ce qui se passe..." (p.84-85)
Outre les textes sur "la mort héroïque" et sur "l'Histoire de la mémoire", La traversée des frontières comporte un commentaire de pages d'Ignace Meyerson sur "L'histoire de la volonté" et sur le caractère "intersubjectif" du vouloir : "Dans le récupération et l'accroissement des forces personnelles d'un individu, l'apport d'autrui - le rôle que jouent en particulier les êtres qui ont la vertu de faire rayonner leur propre dynamisme interne - apparaît décisif. Que signifie cette nécessaire présence de l'autre dans l'affermissement de soi-même et de son vouloir ? En quoi l'"acte positif", le don, ce que nous recevons d'un autre ou que nous lui offrons, peut-il constituer une dimension majeure d'une génétique de la volonté ?" (p. 162)
Plusieurs essais traitent du passage entre des domaines opposés : passé et présent, mythe et raison, monde archaïque et cité, soi-même et l'autre : "Entre exotisme et familiarité", "Penser la différence", "Naissance du politique".
"Entre exotisme et familiarité", est un entretien avec Bernard Mazzadri qui porte sur la conception de la "personnalité" et de la mort dans la Grèce antique, sur le statut des mythes, leur "bipolarité" : le fait que des notions comme "elpis" (l'espoir et la crainte), "aidos" (la pudeur et la honte), "éris" (la lutte, l'émulation, la rivalité) ont un sens à la fois positif et négatif et la question de la "rationnalité" du mythe, de sa spécificité culturelle et de son universalité : "Le mythe n'a de sens que si on l'interroge et l'analyse avec les procédures des linguistes, des anthropologues, des historiens, celles des philosophes à l'occasion, pour essayer de comprendre comment il fonctionne. Et sur ce plan aussi, quand j'affirme que le mythe en général n'existe pas, je prends position contre ceux qui, comme Eliade, ont érigé le mythe en catégorie absolue, tout mythe étant une variante d'un mythe matriciel du retour à la forme embryonnaire et aux origines de l'univers, ce que je crois tout à fait faux : il y a une multitude de récits différents, qui parlent de choses différentes..." (p. 126)
"Histoire de la mémoire et mémoire historienne" explique que les activités mémorielles visant à rendre présent ce qui ne l'est pas sont des constructions liées à des contextes historiques : il y a une histoire de la mémoire, histoire dont J.-P. Vernant évoque l'origine dans la civilisation sans écriture de la Grèce archaïque : "La mémoire est omnisciente. Son rôle n'est pas de reconstituer le passé aboli, de le re-présenter, mais de rendre présent, en franchissant les frontières d'un éphémère aujourd'hui, à ce qui demeure caché derrière les apparences : l'ancien temps, celui des héros, des dieux, des origines, du primordial. La mémoire n'est pas la reconstruction du passé, mais l'exploration de l'invisible." (p. 128), puis dans la remémoration individuelle et religieuse pratiquée dans des milieux de sectes à orientation mystique par des "hommes divins" comme Pythagore et Empédocle, dans l'intériorisation et l'individualisation de la mémoire comme "dimension du moi" dans Les Confessions de saint Augustin, dans l'idéal "polymathe" qui présida à la construction de la bibliothèque d'Alexandrie, que l'on retrouve chez les hommes de la Renaissance comme Pic de la Mirandole, à travers la voie ouverte par saint Augustin, dans l'émergence de l'invidu et de son enquête sur son propre passé dans sa singularité (Confessions, Mémoires, autobiographies, journaux intimes...) et enfin dans la "mémoire historienne" comme reconstitution rationnelle du passé fondée sur l'examen critique de documents, le "tournant" s'étant produit en Grèce même, vers le VII siècle avec l'émergence de la cité et la diffusion de l'écriture.
Né d'une rencontre à Heidelberg avec le philosophe Hans Georg Gadamer et des architectes, "Espace et ville" (p. 133 et suiv.) pose le problème des rapports entre pouvoir politique, espace social et urbanisme, de la Grèce antique à nos jours : "comment faire en sorte que nos villes de demain résolvent ce double problème qui sont la stabilité des foyers (Hestia) et le mouvement qui ne cesse de nous entraîner (Hermès) ? Comment faire en sorte d'unir l'intimité d'un chez soi et la socialité urbaine ? Les problèmes sont certes complètement différents de ceux de la Grèce, et pourtant mes deux petits dieux, d'une certaine façon, posent des questions par ma bouche." (p. 140)
"Naissance du politique" analyse l'apparition de la démocratie en Grèce comme "neutralisation du pouvoir absolu" : "neutraliser le pouvoir consistera pour le groupe de ceux qui se considèrent comme des égaux (groupe qui s'élargira jusqu'à englober tous les citoyens) à déposer le kratos au centre, pour le dépersonnaliser et le rendre commun, de façon que tous y aient part sans qu'aucun ne puisse se l'approprier." (...) Cette neutralisation du pouvoir suppose qu'il ait perdu son caractère de sacralité et que les intérêts communs du groupe, les affaires humaines, soient traités comme un domaine relevant, à travers le débat, de l'analyse intellectuelle, de l'expérience raisonnée, de la réflexion positive." (p. 146)... "Le politique, dès lors, ne se contente plus d'exister dans la pratique institutionnelle : il est devenu "conscience de soi", il donne à la vie en groupe, aux individus réunis dans une même communauté, leur caractère proprement humain." (ibidem)
"Penser la différence" : "Si les sociétés étaient toutes semblables, les anthropologues diraient tous la même chose. Ce n'est justement pas le cas. Il y a bien un fonds commun (un "socle"), mais ce qui intéresse l'anthropologue, ce sont à la fois les différences et, en même temps, ce fonds commun..."
Jean-Pierre Vernant prend l'exemple de la crémation dans les civilisation grecque ancienne et dans la civilisation indienne : même pratique, mais une "petite" différence significative - le fait que l'on enterre les ossements sous un tertre signalé par une stèle chez les Grecs, le fait que le corps est entièrement brûlé et que les cendres sont dispersées dans un fleuve chez les Indiens - montre que ces deux civilisations se sont engagées dans des voies différentes : "la civilisation grecque est une civilisation qui vit dans l'existence terrestre et qui, à l'intérieur de cette existence terrestre, s'efforce d'obtenir la stabilité, la permanence, que d'autres cultures cherchent ailleurs par une évasion complète de la vie terrestre." (p.156-57)...
De même, les Grecs possédaient des savoirs "techniques" et la science physique d'aujourd'hui est l'héritière de la science grecque, mais les Grecs n'avaient pas du tout l'idée, comme nous, que l'homme doit changer le monde et qu'il est le maître de l'avenir.
Et si les Grecs ont effectivement inventé la "démocratie", qui consiste non pas à justifier le pouvoir exceptionnel d'un individu sur les autres, ni à en assurer le fondement, mais au contraire à disqualifier ce type de pouvoir, à mettre à la base de la vie sociale la neutralisation du pouvoir, la situation est tout autre dans nos sociétés modernes où c'est l’État qui exerce, à la façon d'un monarque, la souveraineté. "D'hier à aujourd'hui, de la démocratie ancienne à la démocratie moderne, il y a bien continuité quant à l'importance du politique, mais la notion de pouvoir souverain, dans les grandes nations modernes, a repris sa place tandis que l'individu émergeait comme un centre de référence incontournable sur tous les plans de la vie collective." (p. 159)
D'autres écrits plus brefs, plus circonstanciels, viennent ponctuer ce parcours : liens successifs avec la Tchécoslovaquie, depuis Munich jusqu'à l'installation du régime communiste et au soutien actif à la dissidence par la fondation, avec Jacques Derrida, de l'association Jean-Hus ("Un grain de sable", discours prononcé lors de la remise du diplôme de docteur honoris causa de l'université Masaryk à Brno, République tchèque, le 3 oct. 1998), traversée de la rue des Ecoles pour passer des Hautes études au Collège de France et, pour finir, sous le titre "Franchir un pont", un texte commandé par le conseil de l'Europe pour représenter la France et qui figure parmi ceux d'autres nations sur une stèle jalonnant le Pont de l'Europe qui relie à travers le Rhin les rives française et allemande.
Jean-Pierre Vernant, La traversée des frontières, "Entre mythe et politique II, éditions du Seuil, oct. 2004, coll. La librairie du XXIème siècle.
"Achille est confronté à un choix entre deux vies. Ou bien une vie paisible et douce, une vie longue, avec une femme, des enfants, son père, et puis la mort au bout du chemin, comme il arrive à toutes les vieilles gens, dans son lit ; il disparaîtrait dans l'Hadès, dans une sorte de monde obscur de têtes vêtues de nuit, où personne n'a de nom ni d'individualité, et où il deviendrait une ombre inconsistante, puis plus rien, personne. Ou bien, au contraire, ce que les Grecs appellent la vie brève et la belle mort, kalos thanatos. Il n'y a pas de belle mort s'il n'y a pas de vie brève. Cela signifie que dans l'idéal héroïque, un homme peut choisir de vouloir être toujours et en tout le meilleur, et pour le prouver il va continuellement - c'est la morale guerrière du combat - se placer sans hésiter au premier rang et mettre en jeu chaque jour, dans chaque affrontent, sa psuchè, lui-même, sa propre vie, tout. Pourquoi tout ? Cette conception d'une forme de vie qui adhère à un sens de l'honneur, la timè, fait aussi que tous les honneurs d'Etat, les honneurs établis ne valent rien. "(La Traversée des frontières, La mort héroïque chez les Grecs, p.70-71)
"Pour un chrétien aujourd'hui, la mort n'est rien, c'est un passage qui n'entame pas son individualité : les êtres qu'il aimait sont partis ailleurs avec leur individualité. Ce souci de l'individualité à l'intérieur de la pensée chrétienne se marque justement par l'idée de la résurrection des corps. Comment l'âme de quelqu'un pourrait-elle être - même toute spirituelle - indépendante de son visage, de ses gestes, de sa peau, de sa prestance ? S'il y a vraiment une immortalité des gens dans leur singularité, il faut que les corps ressuscitent. L'idée d'une résurrection des corps pour les Grecs anciens est impensable. La question de l'individualité permet donc de distinguer nettement la culture chrétienne de la culture grecque. Elle permet aussi de distinguer la culture grecque de la culture hindoue." (ibidem, p. 77)
Né à Provins (Seine-et-Marne) le 4 janvier 1914, Jean-Pierre Vernant n'a jamais connu son père. Ce dernier, agrégé de philosophie avait renoncé à sa carrière universitaire pour reprendre l'entreprise de presse que le grand-père de Jean-Pierre Vernant avait fondée à Provins, à la fin du XIXe siècle et devenir directeur du journal républicain et anticlérical Le Briard. Il fut tué au front en 1915. La mère de Jean-Pierre Vernant meurt alors qu'il n'a que huit ans.
Il entreprend des études de philosophie et est reçu premier à l'agrégation, en 1937. Adhérant aux Jeunesses communistes, il entre dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale : il rejoint le réseau Libération-Sud, fondé par Emmanuel d'Astier de la Vigerie. Par la suite, il commande les Forces françaises de l'intérieur de Haute-Garonne, sous le pseudonyme du « colonel Berthier » où il dirige les frères Angel qui libèrent André Malraux. Il est fait Compagnon de la Libération.
Après la guerre, il demeure au sein du Parti communiste français et le quitte en 1969. En 1960 il est signataire du Manifeste des 121. Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Il soutient, depuis sa création en 2001, le fonds associatif Non-Violence XXI.
Influencé par Louis Gernet, il se tourne vers l'anthropologie de la Grèce antique quand il entre au CNRS, en 1948. Dix ans plus tard, il devient directeur d'études à l'EPHE (VIe section). Spécialiste de la Grèce antique, il s'est souvent exprimé sur ce qu'il y a de commun mais aussi de différent entre les Grecs et l'Occident moderne, notamment la pratique de la démocratie. Il était professeur honoraire au Collège de France.
Le 23 octobre 2006, Jean-Pierre Vernant a souhaité donner une dernière conférence, sur l'Odyssée, au lycée Le Corbusier, à Aubervilliers, dans le cadre des « Lundis du Collège de France »
Ce geste, dans le contexte actuel de désaffection pour l'étude des langues anciennes et de nos racines culturelles que déplorait, de son côté, Jacqueline de Romilly, avait évidemment une valeur hautement symbolique.
Jean-Pierre Vernant est mort le 9 janvier 2007 à son domicile de Sèvres (Hauts-de-Seine).
Bibliographie :
Les Origines de la pensée grecque, Paris, CNRS, collection « Mythes et religions », 1962 ; 10è édition : Presses Universitaires de France, coll. « Quadrige », 2007
Mythe et pensée chez les Grecs. Etudes de psychologie historique, Paris, François Maspero, 1965 ; rééd. Paris, La Découverte, 2007.
(Dir.), Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, Paris-La Haye, Mouton, 1968.
Avec Pierre Vidal-Naquet : Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Paris, François Maspero, 1972.
Mythe et société en Grèce ancienne, Paris, François Maspero, 1974.
Avec Marcel Detienne, Les ruses de l’intelligence. La métis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974.
Religion grecque, religions antiques, Paris, François Maspero, 1976.
Religion, histoires, raisons, Paris, François Maspero, 1979.
Avec Marcel Detienne, La Cuisine de sacrifice en pays grec, Paris, Gallimard, 1979.
La Mort dans les yeux. Figures de l’autre en Grèce ancienne, Paris, Hachette, 1985.
Avec Pierre Vidal-Naquet, Mythe et tragédie, II, Paris, La Découverte, 1986.
Avec Pierre Vidal-Naquet, Travail et esclavage en Grèce ancienne, Bruxelles, Complexe, 1988.
L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989.
Mythe et religion en Grèce ancienne, Paris, Le Seuil, 1990.
Figures, idoles, masques, Paris, Julliard, 1990.
En co-direction avec Gherardo Gnoli, La mort, les morts dans les sociétés anciennes, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1990.
Avec Pierre Vidal-Naquet, La Grèce ancienne. Tome I : Du mythe à la raison, Paris, Le Seuil, 1990 ; Tome II : L’espace et le temps, Paris, Le Seuil, 1991 ; Tome III : Rites de passage et transgression, Paris, Le Seuil, 1992.
(Dir), L’Homme grec, Paris, Le Seuil, 1993.
Avec Pierre Vidal-Naquet : Œdipe et ses mythes, Bruxelles, Complexe, 1994.
Entre mythe et politique, Paris, Le Seuil, 1996.
En codirection avec Stella Georgoudi, Les Mythes grecs au figuré de l’antiquité au baroque, Paris, Gallimard, 1996.
Avec Jean Bottéro et Clarisse Herrenschmidt, L’Orient ancien et nous, Paris, Albin Michel, 1996.
Avec Françoise Frontisi-Ducroux, Dans l’œil du miroir, Paris, Odile Jacob, 1997.
L’univers, les dieux, les hommes. Récits grecs des origines, Paris, Le Seuil, 1999.
Ulysse et Persée, Paris, Bayard, collection « Parler de la Grèce avec les enfants », 2004.
La Traversée des frontières, Paris, Le Seuil, « La librairie du XXIe siècle », 2004.
Pandora, la première femme, Paris, Éditions Bayard, 2005 [reprise d'une conférence donnée à la Bibliothèque nationale de France le 6 juin 2005].
Dans ce livre qui fait suite à Entre mythe et politique, Jean-Pierre Vernant évoque la question des rapports entre le passé et le présent, les frontières qui les séparent, les moyens de franchir ces limites sans les brouiller...
"Le problème se pose à bien des niveaux, explique Jean-Pierre Vernant. Sur le plan d'abord de mon travail d'enquête concernant l'Antiquité, la civilisation hellénique, l'homme grec ancien.
Y a-t-il un lien, m'a-t-on demandé, entre votre lecture de l'épopée homérique et votre action dans la Résistance militaire, avec les risques qu'elle comportait ? La question m'avait déjà été posée au cours d'un débat avec François Hartog. Sur le coup elle m'avait surpris et même, je crois, un peu scandalisé, dans la mesure où il me semblait incongru d'amalgamer ce qui ne relève, en principe, que de la pure science et les aléas de l'action, au gré des circonstances.
Mais à la réflexion, ces liens me sont apparus très clairement, qui ont tissé entre mon interprétation du monde des héros d'Homère et mon expérience de vie comme un invisible réseau de correspondances, orientant ma lecture "savante" et privilégiant dans le texte certains traits : la vie brève, l'idéal héroïque, la belle mort, l'outrage au cadavre, le véritable honneur, la gloire impérissable, la mémoire du chant poétique - autant de thèmes que j'ai placés au premier plan.
Entre un passé vieux de presque trois mille ans inscrit dans des textes, un passé tout récent encore vivant dans mes souvenirs et l'aujourd'hui où j'écris ce livre, si ces thèmes continuent à m'interpeller, c'est qu'ils se font écho, dans mon interrogation présente, mêlant leurs voix sans les confondre.
Comme si, dans ma personne, trois couches sédimentaires distinctes - l'Antiquité, le cours de ma propre vie, le maintenant de ma pensée -, chacune avec son propre mode de temporalité entraient en résonance au moment de répondre aux questions difficiles que Pierre Laborie et Laurent Douzou ont choisi de me poser.
Frontières entre passé et présent, entre différents passés, entre l'objectivité distante du savant et l'engagement passionnée du militant, distance enfin, en chacun de nous, entre ses souvenirs et sa présence à soi-même..."
Ce livre, on l'aura compris, est moins une autobiographie qu'une réflexion sur la mémoire et le témoignage, notamment de la difficulté pour l'historien de parler des "années noires de l'Occupation". Jean-Pierre Vernant évoque, à ce sujet, "l'affaire Aubrac", "qui a constitué dans le débat des historiens entre eux, comme dans la confrontation entre résistants et historiens, un point de non-retour en mettant en pleine lumière le fossé qui sépare l'enquête du savant et la mise en scène journalistique."
"De la mémoire divinisée des Grecs de l'époque archaïque, cette Mnémosunè omnisciente qui, en inspirant le poète épique, lui confère, avec le don de voyance, la capacité de connaître et de chanter "tout ce qui a été", de raconter, comme s'il y était, l'ancien temps, l'autrefois des héros légendaires, jusqu'à notre mémoire d'aujourd'hui, ou plutôt nos formes multiples de remémoration, il y a des changements, des ruptures, des abandons, de profondes transformations.
Pour schématiser le statut actuel des activités que nous rangeons sous la rubrique mémoire, il faut faire la distinction entre la mémoire individuelle, avec les souvenirs de chacun, la mémoire collective, celle des groupes sociaux qui se fabriquent un passé commun pour y enraciner leur présent, et celle des historiens pour qui, depuis l’avènement de leur discipline, le passé, du seul fait qu'il a eu lieu, acquiert le statut d'un objet de recherche scientifique et relève dans son être même de l'établissement controlé du vrai. Ces trois formes de mémoire (mémoire individuelle, mémoire collective, mémoire des historiens), en dépit de leurs différences, ont en commun d'être des reconstructions, plus ou moins laborieuses du passé, et non son appréhension directe et immédiate."
"A la fin du chapitre intitulé : "La mort héroïque chez les Grecs" ("L'idéal aristocratique dans la démocratie"), Jean-Pierre Vernant montre que la cité démocratique reste paradoxalement enracinée dans les valeurs aristocratiques : "Si l'on prend la plupart des civilisations orientales, on a une société très hiérarchisée, avec un souverain qui représente l'autorité et qui sert en même temps d'intermédiaire entre les dieux et les hommes. Son pouvoir fonde l'ordre social. Chez les Grecs - on aperçoit encore cela chez Hésiode - , on constate qu'à un moment donné la communauté considère qu'il ne doit pas y avoir de pouvoir souverain, que le pouvoir, le kratos, doit être déposé au centre de la communauté et que chacun des membres de cette communauté doit pouvoir décider des affaires communes. Idée complètement folle ! D'où vient-elle ? Dans le domaine privé, chacun exerce un pouvoir en quelque sorte royal, le maître de maison est comme un roi avec ses enfants, ses esclaves, son épouse ; mais pour qu'il soit l'égal des autres dans la communauté civique, il faut trouver des modèles d'institutions qui permettent que le pouvoir soit entièrement dépersonnalisé et qu'il circule des uns aux autres, que l'on commande et obéisse successivement et que tout soit réglé par un débat public au centre de la cité. Manifestement, si l'on regarde l'Iliade, c'est déjà ce qui se passe..." (p.84-85)
Outre les textes sur "la mort héroïque" et sur "l'Histoire de la mémoire", La traversée des frontières comporte un commentaire de pages d'Ignace Meyerson sur "L'histoire de la volonté" et sur le caractère "intersubjectif" du vouloir : "Dans le récupération et l'accroissement des forces personnelles d'un individu, l'apport d'autrui - le rôle que jouent en particulier les êtres qui ont la vertu de faire rayonner leur propre dynamisme interne - apparaît décisif. Que signifie cette nécessaire présence de l'autre dans l'affermissement de soi-même et de son vouloir ? En quoi l'"acte positif", le don, ce que nous recevons d'un autre ou que nous lui offrons, peut-il constituer une dimension majeure d'une génétique de la volonté ?" (p. 162)
Plusieurs essais traitent du passage entre des domaines opposés : passé et présent, mythe et raison, monde archaïque et cité, soi-même et l'autre : "Entre exotisme et familiarité", "Penser la différence", "Naissance du politique".
"Entre exotisme et familiarité", est un entretien avec Bernard Mazzadri qui porte sur la conception de la "personnalité" et de la mort dans la Grèce antique, sur le statut des mythes, leur "bipolarité" : le fait que des notions comme "elpis" (l'espoir et la crainte), "aidos" (la pudeur et la honte), "éris" (la lutte, l'émulation, la rivalité) ont un sens à la fois positif et négatif et la question de la "rationnalité" du mythe, de sa spécificité culturelle et de son universalité : "Le mythe n'a de sens que si on l'interroge et l'analyse avec les procédures des linguistes, des anthropologues, des historiens, celles des philosophes à l'occasion, pour essayer de comprendre comment il fonctionne. Et sur ce plan aussi, quand j'affirme que le mythe en général n'existe pas, je prends position contre ceux qui, comme Eliade, ont érigé le mythe en catégorie absolue, tout mythe étant une variante d'un mythe matriciel du retour à la forme embryonnaire et aux origines de l'univers, ce que je crois tout à fait faux : il y a une multitude de récits différents, qui parlent de choses différentes..." (p. 126)
"Histoire de la mémoire et mémoire historienne" explique que les activités mémorielles visant à rendre présent ce qui ne l'est pas sont des constructions liées à des contextes historiques : il y a une histoire de la mémoire, histoire dont J.-P. Vernant évoque l'origine dans la civilisation sans écriture de la Grèce archaïque : "La mémoire est omnisciente. Son rôle n'est pas de reconstituer le passé aboli, de le re-présenter, mais de rendre présent, en franchissant les frontières d'un éphémère aujourd'hui, à ce qui demeure caché derrière les apparences : l'ancien temps, celui des héros, des dieux, des origines, du primordial. La mémoire n'est pas la reconstruction du passé, mais l'exploration de l'invisible." (p. 128), puis dans la remémoration individuelle et religieuse pratiquée dans des milieux de sectes à orientation mystique par des "hommes divins" comme Pythagore et Empédocle, dans l'intériorisation et l'individualisation de la mémoire comme "dimension du moi" dans Les Confessions de saint Augustin, dans l'idéal "polymathe" qui présida à la construction de la bibliothèque d'Alexandrie, que l'on retrouve chez les hommes de la Renaissance comme Pic de la Mirandole, à travers la voie ouverte par saint Augustin, dans l'émergence de l'invidu et de son enquête sur son propre passé dans sa singularité (Confessions, Mémoires, autobiographies, journaux intimes...) et enfin dans la "mémoire historienne" comme reconstitution rationnelle du passé fondée sur l'examen critique de documents, le "tournant" s'étant produit en Grèce même, vers le VII siècle avec l'émergence de la cité et la diffusion de l'écriture.
Né d'une rencontre à Heidelberg avec le philosophe Hans Georg Gadamer et des architectes, "Espace et ville" (p. 133 et suiv.) pose le problème des rapports entre pouvoir politique, espace social et urbanisme, de la Grèce antique à nos jours : "comment faire en sorte que nos villes de demain résolvent ce double problème qui sont la stabilité des foyers (Hestia) et le mouvement qui ne cesse de nous entraîner (Hermès) ? Comment faire en sorte d'unir l'intimité d'un chez soi et la socialité urbaine ? Les problèmes sont certes complètement différents de ceux de la Grèce, et pourtant mes deux petits dieux, d'une certaine façon, posent des questions par ma bouche." (p. 140)
"Naissance du politique" analyse l'apparition de la démocratie en Grèce comme "neutralisation du pouvoir absolu" : "neutraliser le pouvoir consistera pour le groupe de ceux qui se considèrent comme des égaux (groupe qui s'élargira jusqu'à englober tous les citoyens) à déposer le kratos au centre, pour le dépersonnaliser et le rendre commun, de façon que tous y aient part sans qu'aucun ne puisse se l'approprier." (...) Cette neutralisation du pouvoir suppose qu'il ait perdu son caractère de sacralité et que les intérêts communs du groupe, les affaires humaines, soient traités comme un domaine relevant, à travers le débat, de l'analyse intellectuelle, de l'expérience raisonnée, de la réflexion positive." (p. 146)... "Le politique, dès lors, ne se contente plus d'exister dans la pratique institutionnelle : il est devenu "conscience de soi", il donne à la vie en groupe, aux individus réunis dans une même communauté, leur caractère proprement humain." (ibidem)
"Penser la différence" : "Si les sociétés étaient toutes semblables, les anthropologues diraient tous la même chose. Ce n'est justement pas le cas. Il y a bien un fonds commun (un "socle"), mais ce qui intéresse l'anthropologue, ce sont à la fois les différences et, en même temps, ce fonds commun..."
Jean-Pierre Vernant prend l'exemple de la crémation dans les civilisation grecque ancienne et dans la civilisation indienne : même pratique, mais une "petite" différence significative - le fait que l'on enterre les ossements sous un tertre signalé par une stèle chez les Grecs, le fait que le corps est entièrement brûlé et que les cendres sont dispersées dans un fleuve chez les Indiens - montre que ces deux civilisations se sont engagées dans des voies différentes : "la civilisation grecque est une civilisation qui vit dans l'existence terrestre et qui, à l'intérieur de cette existence terrestre, s'efforce d'obtenir la stabilité, la permanence, que d'autres cultures cherchent ailleurs par une évasion complète de la vie terrestre." (p.156-57)...
De même, les Grecs possédaient des savoirs "techniques" et la science physique d'aujourd'hui est l'héritière de la science grecque, mais les Grecs n'avaient pas du tout l'idée, comme nous, que l'homme doit changer le monde et qu'il est le maître de l'avenir.
Et si les Grecs ont effectivement inventé la "démocratie", qui consiste non pas à justifier le pouvoir exceptionnel d'un individu sur les autres, ni à en assurer le fondement, mais au contraire à disqualifier ce type de pouvoir, à mettre à la base de la vie sociale la neutralisation du pouvoir, la situation est tout autre dans nos sociétés modernes où c'est l’État qui exerce, à la façon d'un monarque, la souveraineté. "D'hier à aujourd'hui, de la démocratie ancienne à la démocratie moderne, il y a bien continuité quant à l'importance du politique, mais la notion de pouvoir souverain, dans les grandes nations modernes, a repris sa place tandis que l'individu émergeait comme un centre de référence incontournable sur tous les plans de la vie collective." (p. 159)
D'autres écrits plus brefs, plus circonstanciels, viennent ponctuer ce parcours : liens successifs avec la Tchécoslovaquie, depuis Munich jusqu'à l'installation du régime communiste et au soutien actif à la dissidence par la fondation, avec Jacques Derrida, de l'association Jean-Hus ("Un grain de sable", discours prononcé lors de la remise du diplôme de docteur honoris causa de l'université Masaryk à Brno, République tchèque, le 3 oct. 1998), traversée de la rue des Ecoles pour passer des Hautes études au Collège de France et, pour finir, sous le titre "Franchir un pont", un texte commandé par le conseil de l'Europe pour représenter la France et qui figure parmi ceux d'autres nations sur une stèle jalonnant le Pont de l'Europe qui relie à travers le Rhin les rives française et allemande.
Jean-Pierre Vernant, La traversée des frontières, "Entre mythe et politique II, éditions du Seuil, oct. 2004, coll. La librairie du XXIème siècle.
"Achille est confronté à un choix entre deux vies. Ou bien une vie paisible et douce, une vie longue, avec une femme, des enfants, son père, et puis la mort au bout du chemin, comme il arrive à toutes les vieilles gens, dans son lit ; il disparaîtrait dans l'Hadès, dans une sorte de monde obscur de têtes vêtues de nuit, où personne n'a de nom ni d'individualité, et où il deviendrait une ombre inconsistante, puis plus rien, personne. Ou bien, au contraire, ce que les Grecs appellent la vie brève et la belle mort, kalos thanatos. Il n'y a pas de belle mort s'il n'y a pas de vie brève. Cela signifie que dans l'idéal héroïque, un homme peut choisir de vouloir être toujours et en tout le meilleur, et pour le prouver il va continuellement - c'est la morale guerrière du combat - se placer sans hésiter au premier rang et mettre en jeu chaque jour, dans chaque affrontent, sa psuchè, lui-même, sa propre vie, tout. Pourquoi tout ? Cette conception d'une forme de vie qui adhère à un sens de l'honneur, la timè, fait aussi que tous les honneurs d'Etat, les honneurs établis ne valent rien. "(La Traversée des frontières, La mort héroïque chez les Grecs, p.70-71)
"Pour un chrétien aujourd'hui, la mort n'est rien, c'est un passage qui n'entame pas son individualité : les êtres qu'il aimait sont partis ailleurs avec leur individualité. Ce souci de l'individualité à l'intérieur de la pensée chrétienne se marque justement par l'idée de la résurrection des corps. Comment l'âme de quelqu'un pourrait-elle être - même toute spirituelle - indépendante de son visage, de ses gestes, de sa peau, de sa prestance ? S'il y a vraiment une immortalité des gens dans leur singularité, il faut que les corps ressuscitent. L'idée d'une résurrection des corps pour les Grecs anciens est impensable. La question de l'individualité permet donc de distinguer nettement la culture chrétienne de la culture grecque. Elle permet aussi de distinguer la culture grecque de la culture hindoue." (ibidem, p. 77)
Né à Provins (Seine-et-Marne) le 4 janvier 1914, Jean-Pierre Vernant n'a jamais connu son père. Ce dernier, agrégé de philosophie avait renoncé à sa carrière universitaire pour reprendre l'entreprise de presse que le grand-père de Jean-Pierre Vernant avait fondée à Provins, à la fin du XIXe siècle et devenir directeur du journal républicain et anticlérical Le Briard. Il fut tué au front en 1915. La mère de Jean-Pierre Vernant meurt alors qu'il n'a que huit ans.
Il entreprend des études de philosophie et est reçu premier à l'agrégation, en 1937. Adhérant aux Jeunesses communistes, il entre dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale : il rejoint le réseau Libération-Sud, fondé par Emmanuel d'Astier de la Vigerie. Par la suite, il commande les Forces françaises de l'intérieur de Haute-Garonne, sous le pseudonyme du « colonel Berthier » où il dirige les frères Angel qui libèrent André Malraux. Il est fait Compagnon de la Libération.
Après la guerre, il demeure au sein du Parti communiste français et le quitte en 1969. En 1960 il est signataire du Manifeste des 121. Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Il soutient, depuis sa création en 2001, le fonds associatif Non-Violence XXI.
Influencé par Louis Gernet, il se tourne vers l'anthropologie de la Grèce antique quand il entre au CNRS, en 1948. Dix ans plus tard, il devient directeur d'études à l'EPHE (VIe section). Spécialiste de la Grèce antique, il s'est souvent exprimé sur ce qu'il y a de commun mais aussi de différent entre les Grecs et l'Occident moderne, notamment la pratique de la démocratie. Il était professeur honoraire au Collège de France.
Le 23 octobre 2006, Jean-Pierre Vernant a souhaité donner une dernière conférence, sur l'Odyssée, au lycée Le Corbusier, à Aubervilliers, dans le cadre des « Lundis du Collège de France »
Ce geste, dans le contexte actuel de désaffection pour l'étude des langues anciennes et de nos racines culturelles que déplorait, de son côté, Jacqueline de Romilly, avait évidemment une valeur hautement symbolique.
Jean-Pierre Vernant est mort le 9 janvier 2007 à son domicile de Sèvres (Hauts-de-Seine).
Bibliographie :
Les Origines de la pensée grecque, Paris, CNRS, collection « Mythes et religions », 1962 ; 10è édition : Presses Universitaires de France, coll. « Quadrige », 2007
Mythe et pensée chez les Grecs. Etudes de psychologie historique, Paris, François Maspero, 1965 ; rééd. Paris, La Découverte, 2007.
(Dir.), Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, Paris-La Haye, Mouton, 1968.
Avec Pierre Vidal-Naquet : Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Paris, François Maspero, 1972.
Mythe et société en Grèce ancienne, Paris, François Maspero, 1974.
Avec Marcel Detienne, Les ruses de l’intelligence. La métis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974.
Religion grecque, religions antiques, Paris, François Maspero, 1976.
Religion, histoires, raisons, Paris, François Maspero, 1979.
Avec Marcel Detienne, La Cuisine de sacrifice en pays grec, Paris, Gallimard, 1979.
La Mort dans les yeux. Figures de l’autre en Grèce ancienne, Paris, Hachette, 1985.
Avec Pierre Vidal-Naquet, Mythe et tragédie, II, Paris, La Découverte, 1986.
Avec Pierre Vidal-Naquet, Travail et esclavage en Grèce ancienne, Bruxelles, Complexe, 1988.
L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989.
Mythe et religion en Grèce ancienne, Paris, Le Seuil, 1990.
Figures, idoles, masques, Paris, Julliard, 1990.
En co-direction avec Gherardo Gnoli, La mort, les morts dans les sociétés anciennes, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1990.
Avec Pierre Vidal-Naquet, La Grèce ancienne. Tome I : Du mythe à la raison, Paris, Le Seuil, 1990 ; Tome II : L’espace et le temps, Paris, Le Seuil, 1991 ; Tome III : Rites de passage et transgression, Paris, Le Seuil, 1992.
(Dir), L’Homme grec, Paris, Le Seuil, 1993.
Avec Pierre Vidal-Naquet : Œdipe et ses mythes, Bruxelles, Complexe, 1994.
Entre mythe et politique, Paris, Le Seuil, 1996.
En codirection avec Stella Georgoudi, Les Mythes grecs au figuré de l’antiquité au baroque, Paris, Gallimard, 1996.
Avec Jean Bottéro et Clarisse Herrenschmidt, L’Orient ancien et nous, Paris, Albin Michel, 1996.
Avec Françoise Frontisi-Ducroux, Dans l’œil du miroir, Paris, Odile Jacob, 1997.
L’univers, les dieux, les hommes. Récits grecs des origines, Paris, Le Seuil, 1999.
Ulysse et Persée, Paris, Bayard, collection « Parler de la Grèce avec les enfants », 2004.
La Traversée des frontières, Paris, Le Seuil, « La librairie du XXIe siècle », 2004.
Pandora, la première femme, Paris, Éditions Bayard, 2005 [reprise d'une conférence donnée à la Bibliothèque nationale de France le 6 juin 2005].
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