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- MamaVénérable
Bonjour !
Voilà, je baigne dans le monde pictural depuis toute petite de par le métier d'un parent. Je fréquente pas mal les expos, les musées, beaucoup de peintres et d'époques touchent mon coeur et mon âme. Mais aujourd'hui, j'ai vécu quelque chose d'inexplicable et de bouleversant qui m'a donné l'idée de lancer ce topic.
C'est un lieu commun de dire qu'une oeuvre en vrai et reproduite ne peuvent produire le même effet. Bien sûr. Tout comme la différence entre un concert et un CD, etc.
J'ai ainsi pris toute la mesure du génie de Van Gogh le jour où j'en ai eu un sous les yeux.
Mais revenons à aujourd'hui.
Aujourd'hui, je suis allée voir l'exposition de la collection Netter (Modigliani, Soutine et l'aventure de Montparnasse) à la Pinacothèque.
Bon.
Depuis le lycée, je suis fascinée par Soutine, et je n'en avais jamais vu "en vrai" à ce jour.
Bon.
J'ai déjà eu les larmes aux yeux devant un Bonnard, un ou deux Picasso de la période bleue, un Van Gogh, un ou deux Monnet.
Bon.
J'entre, je visite, j'admire. Cette exposition est une merveille, allez-y.
J'arrive dans la salle qui précède celles consacrées à Soutine.
Je me retourne un instant.
A deux salles de distance, en face de moi, un tableau m'appelle de toute sa lumière.
Je me mets en marche vers lui.
Et, parvenue à quelques mètres... je fonds en larmes.
...
Je tremble et je vibre encore en écrivant ceci.
J'ai fondu en larmes, sans spasme, rien, instantanément, dès le moment où j'ai placé mes yeux dans ceux du portrait.
Je précise que je n'avais aucune envie de pleurer avant, que rien dans ma vie personnelle n'a de lien avec le sujet du tableau, qu'aucun autre tableau ne m'a fait cet effet à aucun autre moment, même difficile et intense, de ma vie.
J'ai pleuré, sans bouger, plongée dans cette femme, pendant 40 minutes environ (estimation par rapport à mon entrée et à ma sortie). Les gens me remarquaient, passaient autour, ne se plaçaient pas entre moi et le tableau (il n'y avait pas encore trop de monde).
Au prix d'un effort énorme, je m'arrache enfin à la contemplation, je sèche mes larmes, je parcours vaguement la dernière salle.
Et je repasse, sans regarder.
Je risque un oeil.
Je croise de nouveau les yeux, les mains de ce portrait, et les larmes reviennent, immédiatement. Comme une vague immense d'émotion qui submerge tout sans laisser le temps, le sentiment que toute la douceur et la misère des fous de l'humanité tout entière me passent dans le corps. Ces mains tordues, rougies, fragiles et démentes, ces yeux qui vivent et me fixent et me crient leur solitude...
Ce tableau, c'est La Folle de Soutine. Le tableau de ma vie.
Avez-vous déjà pleuré devant un tableau, sans autre raison apparente que sa puissance évocatrice ?
Et sinon, avez-vous un tableau préféré, une rencontre (oui, c'est une rencontre) qui est restée gravée dans votre mémoire ?
Signé Mamamanette, qui vient de vivre l'émotion artistique la plus puissante et la plus épuisante de sa vie (et qui va donc bientôt aller au lit).
Voilà, je baigne dans le monde pictural depuis toute petite de par le métier d'un parent. Je fréquente pas mal les expos, les musées, beaucoup de peintres et d'époques touchent mon coeur et mon âme. Mais aujourd'hui, j'ai vécu quelque chose d'inexplicable et de bouleversant qui m'a donné l'idée de lancer ce topic.
C'est un lieu commun de dire qu'une oeuvre en vrai et reproduite ne peuvent produire le même effet. Bien sûr. Tout comme la différence entre un concert et un CD, etc.
J'ai ainsi pris toute la mesure du génie de Van Gogh le jour où j'en ai eu un sous les yeux.
Mais revenons à aujourd'hui.
Aujourd'hui, je suis allée voir l'exposition de la collection Netter (Modigliani, Soutine et l'aventure de Montparnasse) à la Pinacothèque.
Bon.
Depuis le lycée, je suis fascinée par Soutine, et je n'en avais jamais vu "en vrai" à ce jour.
Bon.
J'ai déjà eu les larmes aux yeux devant un Bonnard, un ou deux Picasso de la période bleue, un Van Gogh, un ou deux Monnet.
Bon.
J'entre, je visite, j'admire. Cette exposition est une merveille, allez-y.
J'arrive dans la salle qui précède celles consacrées à Soutine.
Je me retourne un instant.
A deux salles de distance, en face de moi, un tableau m'appelle de toute sa lumière.
Je me mets en marche vers lui.
Et, parvenue à quelques mètres... je fonds en larmes.
...
Je tremble et je vibre encore en écrivant ceci.
J'ai fondu en larmes, sans spasme, rien, instantanément, dès le moment où j'ai placé mes yeux dans ceux du portrait.
Je précise que je n'avais aucune envie de pleurer avant, que rien dans ma vie personnelle n'a de lien avec le sujet du tableau, qu'aucun autre tableau ne m'a fait cet effet à aucun autre moment, même difficile et intense, de ma vie.
J'ai pleuré, sans bouger, plongée dans cette femme, pendant 40 minutes environ (estimation par rapport à mon entrée et à ma sortie). Les gens me remarquaient, passaient autour, ne se plaçaient pas entre moi et le tableau (il n'y avait pas encore trop de monde).
Au prix d'un effort énorme, je m'arrache enfin à la contemplation, je sèche mes larmes, je parcours vaguement la dernière salle.
Et je repasse, sans regarder.
Je risque un oeil.
Je croise de nouveau les yeux, les mains de ce portrait, et les larmes reviennent, immédiatement. Comme une vague immense d'émotion qui submerge tout sans laisser le temps, le sentiment que toute la douceur et la misère des fous de l'humanité tout entière me passent dans le corps. Ces mains tordues, rougies, fragiles et démentes, ces yeux qui vivent et me fixent et me crient leur solitude...
Ce tableau, c'est La Folle de Soutine. Le tableau de ma vie.
Avez-vous déjà pleuré devant un tableau, sans autre raison apparente que sa puissance évocatrice ?
Et sinon, avez-vous un tableau préféré, une rencontre (oui, c'est une rencontre) qui est restée gravée dans votre mémoire ?
Signé Mamamanette, qui vient de vivre l'émotion artistique la plus puissante et la plus épuisante de sa vie (et qui va donc bientôt aller au lit).
- cannelle21Grand Maître
Bouleversée, je ne sais pas, transportée, oui, par les toiles de Chagall. Ma mère m'avait traînée pour mes douze ans à une expo Chagall à Paris. Elle a dû revenir me chercher 4 heures plus tard car je ne me décidais pas à partir.
- MamaVénérable
Je viens de relire mon post et je pleure doucement de nouveau, je frissonne... Je n'arrive pas à y croire. J'ai hâte de savoir si c'est déjà arrivé à l'un d'entre vous.
Je suis à ce moment un mystère pour moi-même. Que m'arrive-t-il ?
Je suis à ce moment un mystère pour moi-même. Que m'arrive-t-il ?
- MalagaModérateur
Très joli texte; ton émotion semble très forte.
Je n'ai jamais pleuré devant un tableau mais je découvre peu à peu le monde de l'art, notamment grâce à l'histoire des arts et je me régale. Je découvre et donc j'espère un jour faire une aussi belle rencontre que la tienne.
Je n'ai jamais pleuré devant un tableau mais je découvre peu à peu le monde de l'art, notamment grâce à l'histoire des arts et je me régale. Je découvre et donc j'espère un jour faire une aussi belle rencontre que la tienne.
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J'utilise des satellites coûtant plusieurs millions de dollars pour chercher des boîtes Tupperware dans la forêt ; et toi, c'est quoi ton hobby ?
- Reine MargotDemi-dieu
pour les curieux (en spoiler pour éviter une nouvelle crise ) voici le tableau
moi je dirais que les sculptures de Camille Claudel ont été une grande émotion:
surtout les causeuses, Clotho, et l'âge mûr
- Spoiler:
moi je dirais que les sculptures de Camille Claudel ont été une grande émotion:
surtout les causeuses, Clotho, et l'âge mûr
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- gelsomina31Grand Maître
Malaga a écrit:Très joli texte; ton émotion semble très forte.
Je n'ai jamais pleuré devant un tableau mais je découvre peu à peu le monde de l'art, notamment grâce à l'histoire des arts et je me régale. Je découvre et donc j'espère un jour faire une aussi belle rencontre que la tienne.
PS : "le cri" de Munch me touche énormément, même si il a été vu et revu et détourné.
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Fear buildswalls.Hope builds bridges !
« De chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins. »
- MamaVénérable
Merci.
Transportée, oui, c'est ce qui m'arrive souvent, et là, ça n'a rien de commun. Un mystère, une communion d'âme, le réveil d'une peur ou d'une sensibilité inconsciente à la folie, le rappel d'une personne croisée et oubliée, je ne sais.
Depuis mes 16 ans, je considère Soutine comme un génie du portrait, et je suis pleinement confirmée dans mes premières impressions... J'ai même du mal à écrire "portrait". Cette folle est sortie de sa toile à l'instant où je l'ai regardée. Je lui ai donné vie. La part de folle en moi lui a donné vie, peut-être...
Je suis vidée, bon sang. Si un jour j'ai besoin de pleurer et que je n'y arrive pas, je sais quoi faire...
Transportée, oui, c'est ce qui m'arrive souvent, et là, ça n'a rien de commun. Un mystère, une communion d'âme, le réveil d'une peur ou d'une sensibilité inconsciente à la folie, le rappel d'une personne croisée et oubliée, je ne sais.
Depuis mes 16 ans, je considère Soutine comme un génie du portrait, et je suis pleinement confirmée dans mes premières impressions... J'ai même du mal à écrire "portrait". Cette folle est sortie de sa toile à l'instant où je l'ai regardée. Je lui ai donné vie. La part de folle en moi lui a donné vie, peut-être...
Je suis vidée, bon sang. Si un jour j'ai besoin de pleurer et que je n'y arrive pas, je sais quoi faire...
- MamaVénérable
Reine Margot, j'espère que ton lien amène à une très bonne reproduction. Je ne l'ai pas mis exprès, même pas pour éviter de "repartir" (avec une reproduction, pas sûr), mais plutôt parce que j'ai l'impression justement que la reproduction me serait d'une fadeur abominable, maintenant.
- cannelle21Grand Maître
J'aime ce que tu écris, car cela m'est arrivé avec de la musique. L'art nous bouleverse.
- MamaVénérable
Sinon, pour Claudel, on est sur la même longueur d'ondes, ce sont les oeuvres qui m'avaient le plus émue jusque-là, en particulier les Clotho (je suis très sensible aux représentations de la vieillesse en art) et La Valse (elle me fait frissonner aussi, mais c'est beaucoup plus doux, plus tendre).
- Reine MargotDemi-dieu
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- MalagaModérateur
cannelle21 a écrit:J'aime ce que tu écris, car cela m'est arrivé avec de la musique. L'art nous bouleverse.
Avec de la musique, cela m'est également arrivé. Certaines oeuvres me donnent immédiatement la chair de poule et me font monter les larmes aux yeux.
- MamaVénérable
Oui Cannelle, en musique cela m'arrive plus souvent, en particulier avec les concertos n°2 et 3 pour piano Rachmaninov et le Requiem de Mozart.
Ca commence, je décolle, et les larmes coulent doucement de temps en temps.
Mais là c'était unique, une violence incroyable.
L'art nous bouleverse, oui, comem le coup de foudre amoureux, parce que tout à coup un artiste dit sur le monde, d'un trait, ce que nous avons toujours vu, et rêvé de réussir à exprimer, que son génie nous parle et que nous avons l"impression que l'oeuvre a été faite pour nous, que la relation avec l'artiste est devenue unique. D'où la difficulté de partager ce genre de sentiments : rares seront ceux, parmi nos proches, qui y seront sensibles au même degré. Les affinités électives...
Ca commence, je décolle, et les larmes coulent doucement de temps en temps.
Mais là c'était unique, une violence incroyable.
L'art nous bouleverse, oui, comem le coup de foudre amoureux, parce que tout à coup un artiste dit sur le monde, d'un trait, ce que nous avons toujours vu, et rêvé de réussir à exprimer, que son génie nous parle et que nous avons l"impression que l'oeuvre a été faite pour nous, que la relation avec l'artiste est devenue unique. D'où la difficulté de partager ce genre de sentiments : rares seront ceux, parmi nos proches, qui y seront sensibles au même degré. Les affinités électives...
- MamaVénérable
Je vous laisse, et demain matin j'espère trouver le tableau préféré de tout un tas de Néo !
- SergeMédiateur
Pour ma part, ce sont les peintures sur les murs de Pompéi. Pas forcément la fresque de la villa des mystères, mais les petits motifs délicats, les représentations de scènes quotidiennes, les visages, les regards ... Quelque chose de mélancolique mais surtout de gracieux, d'esthétique et de presque envoutant. Il se dégage un je ne sais quoi qui me trouble littéralement quand je suis seul à les contempler (pas devant les élèves, quoi)
- BientôtlesudFidèle du forum
- Le Cri qui m'a fait m'intéresser à l'art.
- le traitement du corps par Lucian Freud me fascine.
- Bien des tableaux de Magritte m'ont donné à réfléchir.
- Je suis resté 30 minutes assis devant "Champ de blé avec cyprès" de Van Gogh à la National Gallery, avec le privilège d'avoir pu y être seul, à admirer le bleu et le jaune qui pulsaient à travers la salle.
- le traitement du corps par Lucian Freud me fascine.
- Bien des tableaux de Magritte m'ont donné à réfléchir.
- Je suis resté 30 minutes assis devant "Champ de blé avec cyprès" de Van Gogh à la National Gallery, avec le privilège d'avoir pu y être seul, à admirer le bleu et le jaune qui pulsaient à travers la salle.
- MamaVénérable
Bientôt le sud, j'ai fait pareil récemment avec la nuit étoilée à Orsay.
- CeladonDemi-dieu
Egon Schiele me trouble énormément. Mais pas au point de pleurer ou de trembler. C'est exceptionnel, ce que tu vis là, Mamamanette !
- MamaVénérable
Oui... Mais je suis bien d'accord pour Schiele, et Ensor, qui après le lycée se sont apparentés pour moi à l'effet que me faisait Soutine. Jusqu'à aujourd'hui...
- adelaideaugustaFidèle du forum
mamamanette a écrit:Je viens de relire mon post et je pleure doucement de nouveau, je frissonne... Je n'arrive pas à y croire. J'ai hâte de savoir si c'est déjà arrivé à l'un d'entre vous.
Je suis à ce moment un mystère pour moi-même. Que m'arrive-t-il ?
C'est un syndrome de Stendhal.
"Ce syndrome est appelé ainsi en référence à l'expérience vécue par l’écrivain français Stendhal lors de son voyage en Italie, à l’étape de Florence, en 1817. Il écrit alors :
« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »
— Rome, Naples et Florence, éditions Delaunay, Paris -1826, tome II, p. 102
Stendhal n’a rien fait pour s’en prémunir puisque s’asseyant sur un banc de la place, il lut un poème pour se remettre, et vit que ses visions empiraient à la lecture de cette somme de culture ambiante dans les lieux : il fut épris et malade à la fois de tant de profusion."
- adelaideaugustaFidèle du forum
adelaideaugusta a écrit:mamamanette a écrit:Je viens de relire mon post et je pleure doucement de nouveau, je frissonne... Je n'arrive pas à y croire. J'ai hâte de savoir si c'est déjà arrivé à l'un d'entre vous.
Je suis à ce moment un mystère pour moi-même. Que m'arrive-t-il ?
C'est un syndrome de Stendhal.
"Ce syndrome est appelé ainsi en référence à l'expérience vécue par l’écrivain français Stendhal lors de son voyage en Italie, à l’étape de Florence, en 1817. Il écrit alors :
« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »
— Rome, Naples et Florence, éditions Delaunay, Paris -1826, tome II, p. 102
Stendhal n’a rien fait pour s’en prémunir puisque s’asseyant sur un banc de la place, il lut un poème pour se remettre, et vit que ses visions empiraient à la lecture de cette somme de culture ambiante dans les lieux : il fut épris et malade à la fois de tant de profusion."
- MarieLNeoprof expérimenté
mamamanette a écrit:Bonjour !
Voilà, je baigne dans le monde pictural depuis toute petite de par le métier d'un parent. Je fréquente pas mal les expos, les musées, beaucoup de peintres et d'époques touchent mon coeur et mon âme. Mais aujourd'hui, j'ai vécu quelque chose d'inexplicable et de bouleversant qui m'a donné l'idée de lancer ce topic.
C'est un lieu commun de dire qu'une oeuvre en vrai et reproduite ne peuvent produire le même effet. Bien sûr. Tout comme la différence entre un concert et un CD, etc.
J'ai ainsi pris toute la mesure du génie de Van Gogh le jour où j'en ai eu un sous les yeux.
Mais revenons à aujourd'hui.
Aujourd'hui, je suis allée voir l'exposition de la collection Netter (Modigliani, Soutine et l'aventure de Montparnasse) à la Pinacothèque.
Bon.
Depuis le lycée, je suis fascinée par Soutine, et je n'en avais jamais vu "en vrai" à ce jour.
Bon.
J'ai déjà eu les larmes aux yeux devant un Bonnard, un ou deux Picasso de la période bleue, un Van Gogh, un ou deux Monnet.
Bon.
J'entre, je visite, j'admire. Cette exposition est une merveille, allez-y.
J'arrive dans la salle qui précède celles consacrées à Soutine.
Je me retourne un instant.
A deux salles de distance, en face de moi, un tableau m'appelle de toute sa lumière.
Je me mets en marche vers lui.
Et, parvenue à quelques mètres... je fonds en larmes.
...
Je tremble et je vibre encore en écrivant ceci.
J'ai fondu en larmes, sans spasme, rien, instantanément, dès le moment où j'ai placé mes yeux dans ceux du portrait.
Je précise que je n'avais aucune envie de pleurer avant, que rien dans ma vie personnelle n'a de lien avec le sujet du tableau, qu'aucun autre tableau ne m'a fait cet effet à aucun autre moment, même difficile et intense, de ma vie.
J'ai pleuré, sans bouger, plongée dans cette femme, pendant 40 minutes environ (estimation par rapport à mon entrée et à ma sortie). Les gens me remarquaient, passaient autour, ne se plaçaient pas entre moi et le tableau (il n'y avait pas encore trop de monde).
Au prix d'un effort énorme, je m'arrache enfin à la contemplation, je sèche mes larmes, je parcours vaguement la dernière salle.
Et je repasse, sans regarder.
Je risque un oeil.
Je croise de nouveau les yeux, les mains de ce portrait, et les larmes reviennent, immédiatement. Comme une vague immense d'émotion qui submerge tout sans laisser le temps, le sentiment que toute la douceur et la misère des fous de l'humanité tout entière me passent dans le corps. Ces mains tordues, rougies, fragiles et démentes, ces yeux qui vivent et me fixent et me crient leur solitude...
Ce tableau, c'est La Folle de Soutine. Le tableau de ma vie.
Avez-vous déjà pleuré devant un tableau, sans autre raison apparente que sa puissance évocatrice ?
Et sinon, avez-vous un tableau préféré, une rencontre (oui, c'est une rencontre) qui est restée gravée dans votre mémoire ?
Signé Mamamanette, qui vient de vivre l'émotion artistique la plus puissante et la plus épuisante de sa vie (et qui va donc bientôt aller au lit).
J'allais évoquer la même chose que Adelaïdeaugusta. C'est paraît-il relativement fréquent à Florence ce genre de réactions devant une oeuvre d'art.
Je ne connais pas grand chose ni à la peinture, ni à la musique classique - et ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais je crois en effet que mieux vaut avoir grandi dans un milieu où tout cela fait partie du quotidien. Du coup, je n'ai guère d'émotions dans ces domaines, à part un inexplicable attrait les tableaux de La Tour.
Il m'est pourtant arrivé de ressentir cette même émotion : les tremblements, les larmes au bord des yeux, l'impression d'être à la fois exaltée et désespérée, une certitude, une re-connaissance inexplicable, et à la sortie une intense exaltation qui dure plusieurs heures. Mais je n'aurais pas ton courage en citant la source des mes transports
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Je suis ce que je suis et je suis l'être même, je suis ma volonté en moi-même exaucée - A. Kalda
- MamaVénérable
Merci, Adelaide et Axel pour cette référence au syndrome de Stendhal, que je ne connaissais pas. Ce délicieux vertige face à une somme de culture, une charge émotionnelle générale d'oeuvres, comme à Florence, je l'ai connu régulièrement, mais ici ça me semble différent. Plus proche de ce qu'Axel décrit à la fin de son post. C'est une rencontre, une re-connaissance, et je suis certaine que ce tableau m'aurait fait la même impression si je l'avais vu dans un centre commercial (lieu de toutes les horreurs pour moi). Comme une reconnaissance amoureuse soudaine, qui peut intervenir dans les lieux les plus incongrus.
Cela me le refera peut-être une ou deux fois dans ma vie...
En tout cas voilà un tableau que je ne peux regretter de pas avoir chez moi, ce serait insoutenable.
Cela me le refera peut-être une ou deux fois dans ma vie...
En tout cas voilà un tableau que je ne peux regretter de pas avoir chez moi, ce serait insoutenable.
- adelaideaugustaFidèle du forum
mamamanette a écrit:Merci, Adelaide et Axel pour cette référence au syndrome de Stendhal, que je ne connaissais pas. Ce délicieux vertige face à une somme de culture, une charge émotionnelle générale d'oeuvres, comme à Florence, je l'ai connu régulièrement, mais ici ça me semble différent. Plus proche de ce qu'Axel décrit à la fin de son post. C'est une rencontre, une re-connaissance, et je suis certaine que ce tableau m'aurait fait la même impression si je l'avais vu dans un centre commercial (lieu de toutes les horreurs pour moi). Comme une reconnaissance amoureuse soudaine, qui peut intervenir dans les lieux les plus incongrus.
Cela me le refera peut-être une ou deux fois dans ma vie...
En tout cas voilà un tableau que je ne peux regretter de pas avoir chez moi, ce serait insoutenable.
Je vais préciser comment j'ai eu connaissance de ce syndrome.
Un matin, j'écoutais une émission (je crois que c'était avec Yves Calvi, sur France Inter) où parlait un psychiatre, Régis Airault, qui a écrit un livre très amusant, et très documenté, "Fous de l'Inde".
Il a parlé de Stendhal et de son syndrome.
Les auditeurs pouvaient intervenir, et une dame sculpteur a raconté son expérience.
Visitant le musée d'archéologie de Florence, elle a franchi l'entourage de cordes qui protège les Esclaves, de Michel-Ange, gigantesques statues inachevées, sublimes de sauvagerie et de beauté, tout-à-fait hors d'elle-même. Et elle l'a enlacé ! Elle n'est revenue à elle que quand elle s'est retrouvée à l'extérieur du musée, expulsée manu militari par les gardiens du musée, qui l'ont cru folle.
C'est ainsi qu'elle( et moi) avons pris connaissance de ce fameux syndrome.
Effectivement, pour moi, Florence peut être riche en émotions de ce genre. La porte d'or, de Ghiberti, ou des places comme celle de la cathédrale, où on se sent complètement écrasé...Ouf, j'en ai les yeux humides en y pensant.
- JaneMonarque
J'ai une émotion particulière devant les peintures diaphanes, effacées, les teintes claires. Je suis capable de pleurer devant une peinture dont l'état de dégradation est tel que les pigments sont devenus aussi fragiles que de la poussière, et ce indépendamment du peintre ou du sujet représenté.
Celle-ci j'ai passé des heures à la regarder. De manière globale, je suis extrêmement touchée par les peintures de Botticelli que je trouve empreintes d'une immense douceur...
Egalement par les portraits de Jeanne Hébuterne de Modigliani et de leur terrible et fatale histoire d'amour
Celle-ci j'ai passé des heures à la regarder. De manière globale, je suis extrêmement touchée par les peintures de Botticelli que je trouve empreintes d'une immense douceur...
Egalement par les portraits de Jeanne Hébuterne de Modigliani et de leur terrible et fatale histoire d'amour
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