Page 1 sur 2 • 1, 2
- CondorcetOracle
- Marie LaetitiaBon génie
tu n'aurais pas oublié le lien, Condorcet?
_________________
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- CondorcetOracle
- CondorcetOracle
- alberto79Habitué du forum
condorcet a écrit:Publié sur le site de Sauvons La Recherche, cet appel interpelle les candidats à l'élection présidentielle sur leurs carences programmatiques concernant l'enseignement supérieur et la recherche, singulièrement malmené durant ce quinquennat.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Merci beaucoup de l´avoir signalé ici Condorcet. Je ne peux qu´encourager à tous ceux qui s´intéressent à l´avenir de l´enseignement supérieur et de la recherche en France à le lire et (s´ils sont d´accord) à le signer.
- CondorcetOracle
Cet appel a recueilli plus de 4400 signatures !
- CondorcetOracle
Et aujourd'hui plus de 5000 signatures !
- CondorcetOracle
L'appel approche les 6000 signataires (à 150 près ). Merci à celles et ceux qui ont déjà signé et/ou qui signeront !
- alberto79Habitué du forum
condorcet a écrit:Merci à celles et ceux qui ont déjà signé et/ou qui signeront !
Merci à vous Condorcet, de l' avoir signalé ici et de continuer à en faire la publicité.
- loup des steppesNeoprof expérimenté
alberto79 a écrit:condorcet a écrit:Merci à celles et ceux qui ont déjà signé et/ou qui signeront !
Merci à vous Condorcet, de l' avoir signalé ici et de continuer à en faire la publicité.
_________________
[i] "Là où sont mes pieds, je suis à ma place." prov. Amérindien
"Choose the words you use with care: they create the world around you"
- loup des steppesNeoprof expérimenté
5933 signataires maintenant..
_________________
[i] "Là où sont mes pieds, je suis à ma place." prov. Amérindien
"Choose the words you use with care: they create the world around you"
- alberto79Habitué du forum
Message reçu:
"Chers collègues,
L'Appel du 23 février aux candidats à la présidentielle et aux citoyens (à l'initiative de la Coordination Nationale des Universités (CNU), du Secrétariat de la Coordination Nationale de la Formation Des Enseignants (CNFDE) 2009-2010, de Sauvons la recherche (SLR), de Sauvons L’Université (SLU))
a recueilli 5500 SIGNATURES en dix jours, signatures d'enseignants-chercheurs, de chercheurs, d'étudiants et d'enseignants, et de citoyens hors Enseignement supérieur et recherche.
Il a d'ores et déjà reçu le soutien :
- de l'Association Française des Professeurs de Langues Vivantes (APLV) :http://www.aplv-languesmodernes.org/
- du Collectif PAPERA - Pour l’Abolition de la Précarité dans l’Enseignement supérieur, la Recherche et Ailleurs : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
- de L’Appel des appels : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
- de Voltaire République : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
- d'Attac-France : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Cet appel (http://appel-enseignement-sup-et-recherche.fr/spip.php?article1) a été repris le 2 mars par le C3N (le président et le bureau du Conseil Scientifique du CNRS, les dix présidents des Conseils Scientifiques d’Institut du CNRS, le président et le bureau de la conférence des présidents des sections du Comité National de la Recherche Scientifique - une instance élue hautement représentative donc) qui s'adresse également "aux candidats à l’élection présidentielle… et aux électeurs" pour les alerter sur le caractère catastrophique de la "politique d'excellence" mise en place par le gouvernement actuel dans la recherche : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Il entre en résonance avec la pétition "Halte à la destruction de la recherche scientifique" lancée par deux biologistes, Yehezkel Ben-Ari et Joël Bockaert, le 3 février : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Il renforce le propos du courrier adressé par la présidente de l'université de Montpellier 3, Anne Fraïsse, le 7 février, à François Hollande, candidat à la présidentielle : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Cette convergence de textes, de courriers et d'alertes montre que l'Appel du 23 février n'est pas isolé. Il porte le message que la communauté scientifique tente de faire entendre dans le brouillage d'informations ambiant. Ce message est le suivant : les réformes de l'ESR sont gravement destructrices pour l'Université et la Recherche françaises.
Ce texte, que vous avez peut-être déjà signé, est pour nous le fer de lance du débat nécessaire qu'il est urgent d'engager sur la situation de l'enseignement supérieur et la recherche en France, et qui ne concerne pas que nos métiers. Nous ne voudrions pas nous reprocher un jour de n'avoir pas tout fait pour faire savoir à ceux qui ne savent pas, faire entendre à ceux qui ne veulent rien écouter, que non, les réformes de l'ESR ne sont pas la réussite de ces cinq dernières années, ni, par exemple et de manière significative, les Idex le salut des universités et des régions :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Aussi, faut-il le pousser, le porter encore quelque temps, cet appel, ne pas craindre de le relancer, ne pas craindre d'insister : l'envoyer si vous le pouvez dans vos UFR, sur vos listes savantes, à vos collègues, vos amis, mobiliser vos réseaux, y compris hors de France, avec un message approprié et un titre d'"alerte". En ce début de mois de mars, on peut distinguer quelques analyses un peu différentes dans la presse et les discours politiques. C'est un frémissement, juste un frémissement. Il faut obtenir beaucoup plus.
Nous comptons sur vous aussi, donc : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Sauvons l'Université! "
"Chers collègues,
L'Appel du 23 février aux candidats à la présidentielle et aux citoyens (à l'initiative de la Coordination Nationale des Universités (CNU), du Secrétariat de la Coordination Nationale de la Formation Des Enseignants (CNFDE) 2009-2010, de Sauvons la recherche (SLR), de Sauvons L’Université (SLU))
a recueilli 5500 SIGNATURES en dix jours, signatures d'enseignants-chercheurs, de chercheurs, d'étudiants et d'enseignants, et de citoyens hors Enseignement supérieur et recherche.
Il a d'ores et déjà reçu le soutien :
- de l'Association Française des Professeurs de Langues Vivantes (APLV) :http://www.aplv-languesmodernes.org/
- du Collectif PAPERA - Pour l’Abolition de la Précarité dans l’Enseignement supérieur, la Recherche et Ailleurs : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
- de L’Appel des appels : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
- de Voltaire République : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
- d'Attac-France : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Cet appel (http://appel-enseignement-sup-et-recherche.fr/spip.php?article1) a été repris le 2 mars par le C3N (le président et le bureau du Conseil Scientifique du CNRS, les dix présidents des Conseils Scientifiques d’Institut du CNRS, le président et le bureau de la conférence des présidents des sections du Comité National de la Recherche Scientifique - une instance élue hautement représentative donc) qui s'adresse également "aux candidats à l’élection présidentielle… et aux électeurs" pour les alerter sur le caractère catastrophique de la "politique d'excellence" mise en place par le gouvernement actuel dans la recherche : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Il entre en résonance avec la pétition "Halte à la destruction de la recherche scientifique" lancée par deux biologistes, Yehezkel Ben-Ari et Joël Bockaert, le 3 février : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Il renforce le propos du courrier adressé par la présidente de l'université de Montpellier 3, Anne Fraïsse, le 7 février, à François Hollande, candidat à la présidentielle : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Cette convergence de textes, de courriers et d'alertes montre que l'Appel du 23 février n'est pas isolé. Il porte le message que la communauté scientifique tente de faire entendre dans le brouillage d'informations ambiant. Ce message est le suivant : les réformes de l'ESR sont gravement destructrices pour l'Université et la Recherche françaises.
Ce texte, que vous avez peut-être déjà signé, est pour nous le fer de lance du débat nécessaire qu'il est urgent d'engager sur la situation de l'enseignement supérieur et la recherche en France, et qui ne concerne pas que nos métiers. Nous ne voudrions pas nous reprocher un jour de n'avoir pas tout fait pour faire savoir à ceux qui ne savent pas, faire entendre à ceux qui ne veulent rien écouter, que non, les réformes de l'ESR ne sont pas la réussite de ces cinq dernières années, ni, par exemple et de manière significative, les Idex le salut des universités et des régions :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Aussi, faut-il le pousser, le porter encore quelque temps, cet appel, ne pas craindre de le relancer, ne pas craindre d'insister : l'envoyer si vous le pouvez dans vos UFR, sur vos listes savantes, à vos collègues, vos amis, mobiliser vos réseaux, y compris hors de France, avec un message approprié et un titre d'"alerte". En ce début de mois de mars, on peut distinguer quelques analyses un peu différentes dans la presse et les discours politiques. C'est un frémissement, juste un frémissement. Il faut obtenir beaucoup plus.
Nous comptons sur vous aussi, donc : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Sauvons l'Université! "
- CondorcetOracle
J'espère franchement que l'appel pèsera dans la campagne électorale et dans les échéances qui attendent l'enseignement supérieur et la recherche après celle-ci !
- CondorcetOracle
Presque 6500 signataires, nous progressons !
- CondorcetOracle
Plus de 6800 signataires et toujours aussi peu d'éclaircissement de la part des principaux candidats et des partis qu'ils représentent ? Seraient-ils sourds à nos appels ? Dans ce cas, nous serions aussi sourds aux leurs... (au 1er comme au 2ème tour des présidentielles et des législatives).
- CondorcetOracle
Plus de 7000 signataires : n'hésitez pas à les rejoindre car les problématiques de l'enseignement supérieur et celles de l'école au sens large sont étroitement liées !
- ErgoDevin
Si seulement cet appel pouvait être entendu...
_________________
"You went to a long-dead octopus for advice, and you're going to blame *me* for your problems?" -- Once Upon a Time
"The gull was your ordinary gull." -- Wittgenstein's Mistress
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] (Si vous cherchez un stulo-plyme, de l'encre, récap de juillet 2024)
- CondorcetOracle
Espérons !
- alberto79Habitué du forum
condorcet a écrit:Espérons !
Malheureusement, je ne crois pas qu´il sera entendu dans sa totalité. Or, ce sera très compliqué pour le prochain gouvernement d´ignorer un appel qui commence à devenir assez représentatif de l´opinion de l’ensemble des acteurs de l´enseignement supérieur et la recherche en France.
- CondorcetOracle
- CondorcetOracle
A la suite de cet appel, un texte pour expliquer avec la plus grande clarté possible les problématiques inhérentes à l'enseignement supérieur et à la recherche a été rédigé par Pascal Vaillant, maître de conférences en informatique à l'université Paris 13 :
"L'IDEX SPC : une université unifiée, mais plus désunie que jamais
- Réponses aux questions que vont me poser mes parents,
beaux-parents, oncles et tantes -
Il y a dans ma famille des gens qui sont extérieurs au
monde de l'enseignement supérieur et de la recherche,
qui n'en sont informés que par ce qu'en disent les
média, et qui me demandent parfois des explications sur
ce qui s'y passe. Ils peuvent être d'une génération
antérieure ou postérieure à la mienne ; ils peuvent être
tout à fait d'un autre bord que moi politiquement - ce
qui ne les empêche d'ailleurs pas d'être de bonne foi et
d'essayer de comprendre sérieusement ce que je peux
vivre de l'intérieur. Ils demandent parfois des
explications sur ce qui leur apparaît, forcément, comme
des positions paradoxales, au vu de la façon dont les
choses leur sont présentées : par exemple, en période de
grève générale (comme en 2009) : comment des chercheurs
peuvent-ils être si peu satisfaits de recevoir tant
d'attention et tant d'argent du gouvernement, tant il
est de notoriété publique que l'université est « la
réforme réussie » du quinquennat Sarkozy (en Une de
"Challenge" sans point d'interrogation, et du "Monde"
avec point d'interrogation), tant il est répété sur
toutes les ondes que les universités sont enfin
autonomes et épanouies de l'être, tant il a été
claironné que des dizaines de milliards d'euros étaient
« mis à la disposition de l'enseignement supérieur et de
la recherche » ?
Je pense aux questions que ces gens vont peut-être me
poser s'ils ont entendu parler de la conférence de
presse récente, du 13 mars, où François Fillon a annoncé
que la somme faramineuse de 6 milliards d'euros allait
être déversée sur huit nouvelles initiatives
d'excellence (IDEX) ayant pour ambition de devenir des
pôles de rayonnement mondiaux de la recherche et de
l'université française. Je fais partie de l'un de ces «
IDEX » : Sorbonne Paris-Cité, ci-devant SPC, aussi
familièrement appelé « IDEX des numéros impairs », parce
qu'il regroupe les universités Paris 3, 5, 7 et 13 (je
suis employé par l'une des universités qui en sont
membre fondateur, l'université Paris-13) ; et, non, je
ne suis pas heureux de cet IDEX. Pas plus que la
majorité de mes collègues embarqués dans le même navire.
Comment expliquer à mes amis que je ne suis pas heureux
qu'on me déverse dessus 800 millions d'euros ? Que je ne
suis pas ravi à l'idée de devenir un enseignant
chercheur d'un pôle de rayonnement mondial ? Qu'est-ce
que je pourrai leur répondre, s'ils me posent ce genre
de questions ?
1. Alors tu n'es pas content de travailler avec des collègues d'autres
universités ?
Je suis très content de travailler avec des collègues, avec qui j'ai
effectivement des choses à échanger. Mais note bien que je n'ai pas
attendu l'existence d'un IDEX pour le faire. Actuellement déjà, s'il y
a des rapprochements que l'on constate naturellement entre thèmes de
recherche ou d'enseignement dans deux universités ou équipes de
recherche différentes, rien n'empêche de travailler ensemble. Je peux
faire des projets de recherche avec des collègues d'autres
universités, et j'ai le droit d'aller donner des heures de cours dans
d'autres universités. À un niveau plus élevé que celui de l'individu
isolé, il existe des conventions, des systèmes comme des diplômes en
co-tutelle, des encadrements de thèse en commun, des maisons de la
recherche, des laboratoires mixtes, ou des écoles doctorales communes.
Et cela ne se limite d'ailleurs pas aux autres établissements qui sont
dans l'IDEX. Donc, si l'on parle de collaboration *volontaire* avec
des collègues d'autres universités, non, il n'y avait pas besoin
d'IDEX pour cela.
2. Mais tu dois être quand même content que le gouvernement vous donne
beaucoup de moyens pour fonctionner ?
Mais le gouvernement ne nous donne pas tant de moyens pour fonctionner
qu'il veut le faire croire. Pour l'IDEX SPC, on « met à notre
disposition » 800 millions d'euros. Pour commencer, précisons que la
demande initiale était de 1300 millions d'euros. Nous en obtenons
donc 800 millions. Bien, le chiffre a l'air énorme. Mais je ne sais
pas si cela a été expliqué suffisamment clairement dans la presse,
mais cela ne veut pas dire que l'on nous donne 800 millions d'euros à
dépenser - pour acheter des bâtiments, des accélérateurs de
particules, des super-calculateurs, des laboratoires de biologie, des
équipements pédagogiques, et embaucher des dizaines d'enseignants et
de chercheurs. Non, ces 800 millions d'euros sont une « dotation
non-consomptible », c'est-à-dire une somme qu'on met à notre
disposition en 2012, et qui devra être toujours intacte, au sou près,
dans quatre ans.
Pour avoir de l'argent à dépenser, on doit donc compter sur les
intérêts produits par cette somme, en l'utilisant pour faire des
placements. Combien ça représente ? Difficile à dire exactement : le
revenu des placements dépend de leur risque. Placer l'argent dans des
fonds de « subprimes » pour gagner beaucoup en peu de temps, c'est un
peu passé de mode. Alors imaginons que les gestionnaires de cette
somme soient prudents et fassent un placement de père de famille, à
4%. 800 millions d'euros, à 4%, ça fait 32 millions d'euros par an.
Ces 32 millions d'euros sont à distribuer entre les huit
établissements prenant part à l'IDEX, c'est-à-dire en moyenne 4
millions d'euros chacun. Ça a l'air déjà moins énorme que les 800
millions d'euros annoncés dans la presse.
Alors, certes, 4 millions d'euros, ce n'est pas une paille ; mais il
faut relativiser : le budget d'une université comme la mienne tourne
autour de 170 millions d'euros, donc 4 millions, ce n'est pas non plus
la grande cagnotte du loto.
Et puis si je me mets à raisonner en tant que contribuable, et plus
seulement en tant qu'universitaire, il y a encore autre chose qui me
fait tiquer. Ces 800 millions d'euros, il est un fait d'évidence que
l'état français ne les a pas. Il doit donc les emprunter, avant de
pouvoir nous les prêter (c'est le fameux « Grand Emprunt »). Donc lui
aussi paye des intérêts. Admettons (toussotement gêné), admettons que
l'état français bénéficie d'une telle confiance, en tant que débiteur,
qu'on lui prête à des taux plus bas : mettons 3%. Ça veut dire quand
même que chaque année, il rembourse de son côté 24 millions d'euros
pour avoir la possibilité de mettre à la disposition de notre IDEX de
quoi empocher 32 millions d'euros. Ce ne serait pas plus simple qu'il
nous les donne directement, au lieu d'ajouter d'un côté à la dette
publique, et d'obliger par ailleurs nos gestionnaires à faire un
travail de financiers en plus de leur travail de gestionnaires
d'établissements d'enseignement et de recherche ?
3. Bon, mais vous allez tous être meilleurs, il paraît ... le dossier
de presse dit qu'on va augmenter la qualité de la recherche
scientifique dans ces regroupements, en augmentant la proportion de
chercheurs de haut niveau. Ils vont faire quelque chose pour vous,
pour ça, concrètement ? par exemple vous libérer à tous plus de temps
pour faire de la science ?
Ce n'est pas du tout prévu comme ça. Même à supposer - et c'est une
supposition qui n'est absolument pas démontrée ! - même à supposer,
donc, que l'on puisse mesurer ce qui fait un mauvais chercheur, un bon
chercheur, ou un chercheur « excellent », le dispositif ne prévoit pas
du tout de promouvoir tous les enseignants et tous les chercheurs.
Dans le système de l'IDEX, on a trouvé un moyen simple de compter la
proportion de chercheurs « excellents » : on compte les effectifs de
toutes les équipes étiquetées comme telles par l'AERES. Cela veut dire
qu'on compte les équipes qui ont été labellisées « A+ » ou « Labex »
- pour schématiser, celles qui produisent le plus de publications
scientifiques ou de brevets. L'obtention de cette précieuse étiquette
est déjà parfois, en amont, le résultat d'un travail d'écrémage : on
n'intègre dans les effectifs que les sous-équipes les plus
« productives », et l'on obtient sans surprise des équipes
« excellentes ». Donc : on prend tous ces « excellents », on les met
ensemble, on construit une jolie clôture (sur le papier) tout autour,
qu'on appelle le « péridex » (périmètre d'excellence). On compte ce
qui est à l'intérieur de la clôture, et on constate que ça représente
37% des chercheurs et enseignants-chercheurs de l'ensemble.
Ensuite, que fait-on pour augmenter ce chiffre de 37% ? Tu crois qu'on
donne aux autres équipes, celles qui ne sont pas encore « A+ », des
ressources et des incitations pour franchir la clôture ? Tu n'y es pas
du tout. Voilà ce qui est prévu : sur l'ensemble des postes de
chercheur « non-excellent » qui se libèrent chaque année à la suite de
départs en retraite, on en prélève une proportion que l'on remet au
recrutement *à l'intérieur du « péridex »*. En d'autres termes, on ne
déplace pas la clôture : pour cinq vaches maigres qui meurent
en-dehors de la clôture, on rachète une vache grasse qu'on met à
l'intérieur de la clôture.
Et quand je dis « on rachète » ... en fait, pour être plus juste, on
loue.
4. Et ceux qui sont « excellents », au moins, ils y gagneront vraiment ?
Très bonne question, justement ! Qui sont ces futures vaches grasses,
et comment va-t-on les traiter ? À peu près comme les vaches
laitières de l'agriculture contemporaine, c'est à craindre.
Il est bien connu, dans le milieu des chercheurs et des enseignants,
que les collègues français sont scandaleusement mal payés par rapport
à leurs collègues d'autres pays. En France, un jeune chercheur,
embauché avec un diplôme de niveau bac+8 (ce qui veut souvent dire
concrètement bien plus de huit ans après le bac, le temps de
participer à la grande course aux postes vacants), touche aujourd'hui
1,59 SMIC. Si tu prends une machine à voyager dans le temps et que tu
vas le dire à un universitaire de 1962 (occupé à acheter son premier
appartement avec sa première paye), il va très certainement refuser de
te croire.
Par ailleurs, les « enseignants-chercheurs » français - c'est-à-dire
les universitaires - ont des charges, en termes de tâches extérieures
à la recherche (enseignement, administration), qui font éclater de
rire les collègues anglo-saxons. Ils doivent enseigner,
statutairement, 192 heures par an - ce qui représente, lissé sur les
semaines des semestres universitaires non-consacrées aux examens, à
peu près 8h par semaine en moyenne. Les collègues américains n'ont
pas de statut national auquel on pourrait comparer le nôtre, mais pour
donner une idée de la manière dont est organisé leur système
universitaire, je peux te dire que si des enseignants d'une université
prestigieuse (qui délivre des diplômes reconnus, au-delà de bac+3)
font *deux* modules de 24h par semestre (donc, au total, 96h par an,
c'est-à-dire la moitié de ce que nous faisons en France), ils
s'estiment grotesquement amputés dans leur capacité à rester à la fois
enseignants et chercheurs. Ils considèrent qu'ils sont avant tout des
chercheurs qui transmettent leurs connaissance de domaines
spécialisées, pas des enseignants de collège à mi-temps.
Malgré les inconvénients de ce statut, il y a chaque année, jusqu'à
maintenant, pas mal de chercheurs étrangers de très bon niveau qui
tentent leur chance en France, en essayant de s'y faire recruter comme
chercheur ou comme enseignant-chercheur. Pourquoi ? Parce qu'il
reste - il restait jusqu'à maintenant - en France un avantage que les
chercheurs d'autres pays nous enviaient : l'emploi stable. Tu as fait
huit ans d'études, tu as atteint le meilleur niveau possible dans le
système universitaire, tu galères trois ans pour trouver un poste, et
tu acceptes malgré tout un poste payé 50% de plus que le SMIC :
pourquoi ? Parce que tu penses qu'au moins, dans ce poste, tu vas
pouvoir développer l'activité intellectuelle qui te plaît pour le
reste de ta carrière, sans avoir le stress de justifier ton existence
en permanence, et sans avoir à changer d'orientation au gré de
changements de priorités stratégiques de ton employeur.
Cet avantage était déjà en train d'être grignoté marginalement, par le
système du financement par projets qui s'étend depuis quelques années
en France, et qui fait qu'un chercheur doit passer une partie de plus
en plus grande de son temps à répondre à des appels d'offres et à
rédiger des dossiers - non pas encore pour justifier son propre
salaire, mais pour obtenir les moyens dont il a besoin pour son
travail. Avec ce projet d'IDEX, il s'y fait la première brèche
sérieuse. Le projet d'IDEX prévoir en effet d'embaucher des jeunes
chercheurs brillants en contrat à durée déterminée. Comme c'est le cas
dans le système allemand ou dans le système américain, ils auront un
contrat probatoire de quelques années, et à l'issue de cette période
leur emploi sera réexaminé.
Alors bien sûr, si tu supprimes l'avantage de la sécurité
professionnelle et de l'indépendance intellectuelle, tu ne peux plus
te permettre de payer les gens juste au-dessus du SMIC. L'ambition des
IDEX est de créer des universités qui vont rivaliser avec Stanford,
Harvard ou l'UCLA pour attirer les meilleurs talents au niveau
international ; il est donc bien certain qu'on ne va pas convaincre un
jeune chercheur qui pourrait avoir un poste à Stanford de venir à
Paris - même s'il aime bien Paris - sur un contrat de deux ans payé
1700 euros par mois. Le projet prévoit donc, pour ces embauches de
jeunes chercheurs « excellents », une négociation individuelle du
salaire et des conditions de travail.
On va donc créer une catégorie d'enseignants-chercheurs à part, de
mercenaires de la recherche de haut vol, sans statut précis, qui vont
coexister avec leurs collègues fonctionnaires. Ils pourront être payés
trois fois plus que leurs collègues ; ils pourront avoir trois fois
moins d'obligations d'enseignement - parce que bien sûr on les fera
venir pour augmenter le nombre de prix et de publications
internationales, pas pour participer à des tâches moins prestigieuses
comme de faire des cours en amphi à des étudiants de première année.
En revanche, ces jeunes étoiles filantes seront condamnées à
travailler avec la menace permanente de ne pas être renouvelés s'ils
ne sont pas suffisamment brillants, et avec la pression permanente de
devoir répondre à des « appels d'offres internes » concurrentiels,
pour faire partie de ceux qui auront le droit d'obtenir les moyens de
poursuivre leurs activités.
5. Et les étudiants, ils en profitent, de leur côté ? Ils vont avoir
une formation de meilleur niveau, dans cette nouvelle
super-université ?
C'est bien, tiens, toi tu te rappelles que dans une université il y a
des étudiants !
Alors pour commencer il faut savoir que dans le système existant, un
grand nombre d'étudiants qui s'inscrivent à l'université n'arrivent
pas à obtenir de diplôme (moins de la moitié en moyenne obtiennent le
premier grade universitaire, la licence, de niveau bac+3). Tout frais
sortis du lycée, sans préparation, sans aucune sélection, et sans
aucune préparation au fait d'être sélectionnés (85% des élèves de
terminale ont le baccalauréat), ils s'inscrivent à l'université
souvent sans vraiment savoir ce qu'ils veulent y faire, ce qu'ils
peuvent y faire, parfois avec de grosses lacunes en termes de niveau
ou de méthode de travail. Jusqu'à présent on ne sait pas très bien
par quel bout prendre ce problème.
Alors, qu'est-ce que tu imagines qu'on va faire pour eux, dans une
université d'excellence ? Qu'on va mettre des moyens pour leur donner
des heures de cours supplémentaires en première année, pour qu'ils
finissent par rattraper, au bout de trois ans, le niveau attendu en
licence d'histoire, de mathématiques ou de biologie ?
Perdu. Ce qui est prévu, c'est qu'on fasse de la première année une
année généraliste, de tronc commun, de mise à niveau pour attaquer
vraiment des études supérieures spécialisées : une année de
« propédeutique ». Attention : non pas une année qui viendrait
s'intercaler entre le bac et trois années d'études d'histoire, de
mathématiques ou de biologie : mais une année qui *prendrait la place*
de la première des trois années de licence. Il resterait donc ensuite
deux ans pour amener l'étudiant au niveau de spécialisation exigé par
une licence en telle ou telle matière. Comme c'est bien évidemment
impossible, cela veut dire que nous allons donner des diplômes moins
spécialisés au niveau de la licence, et devoir en contrecoup baisser
le niveau de spécialisation des diplômes du grade d'au-dessus, celui
des « masters » (bac+5).
Mais ceci est cohérent avec une logique qui est également poussée par
ailleurs dans ce projet d'IDEX, qui est celle de l'homogénéisation et
de la rationalisation de l'ensemble des formations proposées dans ce
grand regroupement. Il est prévu de supprimer les « doublons » : s'il
y a un master de linguistique à Paris-7 et un autre à Paris-3, il
faudra les fusionner. Comme chaque diplôme, dans le système qui
existe actuellement, a sa propre petite touche supplémentaire, sa
propre spécialité, il va falloir, pour réaliser ces fusions, raboter
ces spécialisations. Finalement, ça tombe bien que nous ayions des
étudiants moins bien préparés, n'est-ce-pas ?
Pour résumer, nous allons avoir des plus grands groupes d'étudiants,
et nous allons leur fournir des enseignements qui auront globalement
baissé en niveau d'exigence et en degré de spécialisation. Mais ceci
ne concerne « que » la vaste majorité des étudiants de l'IDEX, car
deux « collèges de style oxfordien » accueilleront chacun 1600
étudiants d'élite dans des conditions bien plus favorables - les 3200
étudiants concernés représentent 2,5% des quelques 125 000 étudiants
du grand regroupement.
On peut remarquer en passant que le projet a pensé à la nécessité de
promouvoir chez les étudiants le sentiment d'appartenir à une
université commune, et qu'il a trouvé le moyen d'y arriver : fonder
une station de radio des étudiants de l'IDEX SPC.
6. Bon, mais au pire si c'est juste une plus grosse université, même
si ça n'apporte rien de plus ni pour les étudiants ni pour les
chercheurs, ça n'a rien de mauvais en soi ?
Si, à mon avis (et je ne suis pas seul à penser ainsi), il y a des
dérives très perverses qui rendent le projet mauvais en soi. Tout
d'abord, il déploie un discours assez stupide : on présente comme des
« atouts naturels » - comme des armes merveilleusement adaptées pour
être utilisées et affûtées dans une nouvelle course concurrentielle
entre grands pôles de recherche français, européens et mondiaux - ce
qui est, quand on y réfléchit, le produit de quatre, parfois de seize
décennies de planification étatique de la recherche et de
l'enseignement supérieur en France. Découverte divine : l'IDEX SPC
réunit une part considérable des ressources françaises dans la
recherche en médecine, en pharmacie, et dans les sciences du vivant !
Voilà un atout formidable dans la grande course aux meilleures
universités mondiales : lançons-nous y, et que les meilleurs gagnent !
Simplement, est-ce que le fait que l'IDEX réunisse l'université
Paris-5 (c'est-à-dire l'historique faculté de médecine de Paris, avec
tous ses labos communs avec l'INSERM et l'Assistance Publique -
Hôpitaux de Paris) et l'université Paris-13 (qui englobe la faculté de
médecine de Bobigny), n'y serait pas pour quelque chose ? Constat qui
nous remplit d'orgueil : l'IDEX SPC regroupe un grand nombre d'équipes
de spécialistes reconnus des sciences du langage ! Ah, que nous
sommes bons ! Oui, mais est-ce que le fait qu'on y ait rassemblé les
UFR de linguistique de Paris-7, Paris-3 et Paris-5, l'Institut
National des Langues Orientales, et un certain nombre de laboratoires
CNRS réunis sous la bannière du Labex, n'aiderait pas un peu dans ce
magnifique « atout naturel » ?
Et ces ressources considérables, que l'on voit aujourd'hui comme des
avantages concurrentiels, qui les a créées, regroupées, entretenues,
et fait croître pendant des décennies, dans le passé ? La main
invisible de la concurrence entre pôles universitaires, ou une
politique de financement public de la recherche et de la formation en
médecine ? Cette politique qu'on est justement en train de jeter dans
le fossé ...
Mais ceci n'est pas le plus grave ... On ne meurt pas de discours
marketing ridicules. Ce qui est beaucoup plus grave est que l'IDEX est
une machine qui crée de nouvelles structures de pouvoir sur la future
université unifiée, et que dans ces nouvelles structures de pouvoir,
les usagers (universitaires et étudiants) n'ont presque plus voix au
chapitre.
Traditionnellement, les universités ont un fonctionnement que l'on
décrit comme « collégial » : les décisions importantes y sont prises
par des *conseils*, dans lesquels siègent des représentants des
grandes catégories de participants à la vie universitaire
(enseignants, chercheurs, techniciens et administratifs, étudiants),
représentants qui sont *élus* par les membres de ces catégories. Dans
ces conseils siègent également des membres extérieurs, chargés de
représenter les entités qui ont un intérêt dans les activités de
l'université (collectivités politiques locales, entreprises,
organismes de recherche), mais ces membres extérieurs - nommés et non
pas élus - ne constituent pas la majorité des voix dans les conseils.
Ce fonctionnement collégial garantit, au prix des lenteurs qu'imposent
la vie démocratique, l'exercice du débat, et la recherche de
compromis, qu'aucune orientation importante ne soit décidée sans
qu'elle ait reçu l'adhésion d'une majorité de ceux qui y sont
directement concernés.
Dans l'IDEX SPC, il est prévu que la nouvelle université unifiée soit
dirigée par un Conseil de Direction de 16 membres, comprenant : 1
président, 4 représentants des organismes de recherche, 3
représentants d'entreprises, 1 représentant de l'Assistance Publique -
Hôpitaux de Paris, 1 de la Ville de Paris, 1 de la région
Île-de-France, et ... 5 représentants des institutions fondatrices.
Pour représenter les huit institutions fondatrices, donc, en tout,
cinq sièges sur seize (un petit tiers du conseil de direction) ; et il
ne s'agit pas de représentants élus, mais de représentants désignés
d'avance (ce sont les présidents des institutions concernées). A
fortiori, pas de représentants des catégories d'usagers.
Cette prise de pouvoir est totale (la future université unifiée sera
effectivement dirigée par ce conseil de direction), et elle est
décidée d'une manière totalement illégitime par rapport au système
collégial qu'elle vise à remplacer. Les communautés universitaires
n'ont en effet absolument pas été consultées - et même pire : le
projet d'IDEX a été élaboré dans le plus grand secret, et n'a été
rendu public qu'après la date des élections des présidents
d'université dans les deux plus grosses universités participantes,
Paris-5 et Paris-7. C'est donc purement et simplement un coup
d'état. C'est comme si les chefs d'état de la France, de l'Allemagne,
et du Royaume-Uni se réunissaient entre eux pour décider qu'à
l'avenir, le pouvoir effectif dans l'ensemble de ces pays réunis
serait exercé par un comité de direction de personnalités nommées à
l'avance, et qu'il n'y aurait plus d'élections.
D'ailleurs pour être certains que le moins de gens possibles prennent
conscience de ce qu'implique ce nouveau projet, il a été rédigé en
anglais (et même en mauvais anglais, pour éviter que même des
universitaires d'origine britannique puissent le comprendre).
7. Peut-être qu'ils sont obligés de fonctionner comme ça parce que
sinon ils n'avanceraient jamais, parce qu'il y aurait toujours des
gens qui ne seraient pas d'accord avec ceci ou cela, et que la
structure serait ingouvernable.
Ma foi, c'est bien possible. Peut-être qu'une structure trop complexe
est ingouvernable. Peut-être bien qu'une entité comme la France est
ingouvernable, si on va par là, et c'est peut-être son problème (pour
la Belgique, en tout cas, c'est démontré). Si on devait en tirer à
chaque fois la conclusion qu'on renonce à s'efforcer de tendre vers
des pouvoirs démocratiques, et qu'il est plus simple et plus pratique
d'une minorité éclairée décide tout de son propre chef, ce serait un
progrès ?
Plus spécifiquement, oui, il est fort possible qu'une usine à gaz de
l'envergure de l'IDEX SPC soit concrètement ingouvernable, dans le
cadre d'un système démocratique, à cause de sa démesure, de son
hétérogénéité, de sa complexité interne. Si c'est vrai, cela ne
devrait pas nous convaincre de la nécessité de la gouverner de manière
autoritaire, mais plutôt de la pertinence même de créer une entité
ingouvernable.
En d'autres mots, si, pour devenir gouvernable, une université doit
cesser d'être une université, au sens où on l'entendait jusqu'à cette
année (c'est-à-dire un organe social de construction et de
transmission d'intelligence, fonctionnant de manière collégiale),
alors on doit vigoureusement questionner l'utilité de la démarche !
8. Et vous êtes nombreux à penser comme ça ?
Tu peux être certain que ce que je te dis n'est pas une simple opinion
personnelle. J'ai perdu le compte des motions de protestation et des
demandes de moratoire qui émanent de conseils d'unités de formation et
de recherche, de conseils de laboratoire, de syndicats, de collectifs,
de listes se présentant aux élections des conseils (dans les
universités où des élections ont eu lieu récemment) : il en tombe tous
les jours dans nos boîtes aux lettres. Un collègue en a fait circuler
récemment une compilation : elle tient sur 38 pages.
Le cas le plus emblématique est celui du conseil d'administration de
l'une des institutions concernées (l'Institut des Langues
Orientales) : quand il a réalisé qu'il était prévu qu'on fasse
disparaître cet Institut, de plus de trois siècles d'existence, et
qu'on ne lui avait non seulement pas demandé son avis, mais pas même
daigné l'informer de ce projet, il l'a désavoué à l'unanimité.
En fait, pour l'instant, le projet d'IDEX SPC est comme un traité
signé (par tous les chefs d'état), mais ratifié par aucun parlement.
Ce que je dis au sujet de l'IDEX SPC semble être vrai aussi (bien que
je n'en aie des échos que plus lointains) pour d'autres IDEX, comme
celui de Marseille ou celui de Toulouse.
9. Mais alors si ce machin ne sert à rien, pourquoi le gouvernement le
fait ?
Le projet d'IDEX Sorbonne Paris-Cité est une réponse à une commande
politique.
La motivation originelle est tellement stupide que j'ai honte de la
mentionner : un institut basé à Shanghai, en Chine, publie tous les
ans un classement (le classement « ARWU ») des meilleures universités
mondiales. Or les premières universités françaises à apparaître dans
ce classement sont assez loin des premières places, et il n'y a pas
beaucoup d'universités françaises dans les cent premières places du
classement. En voyant cela, l'orgueil national de nos hommes et femmes
politiques n'a fait qu'un tour, et ils ont décidé de tout faire pour
améliorer le « score » français dans ce fameux classement.
On s'est aperçu que les universités françaises étaient assez peu
visibles pour des raisons structurelles, liées à la manière dont
fonctionne le système d'enseignement et de recherche dans notre pays :
- beaucoup d'équipes de recherche sont « mixtes », et donc dépendent à
la fois de plusieurs établissements, comme par exemple une
université et un ou deux organismes de recherche, ce qui minimise le
poids de chaque publication ou brevet dans le score de chacun de ces
établissements ;
- les universités françaises sont souvent de taille moyenne et plus ou
moins spécialisées, par opposition avec des grands conglomérats
comme l'UCLA de Los Angeles, la CUNY de New-York, ou l'UNM de
Mexico, qui regroupent sous un seul chapeau tous les étudiants de
leurs mégapoles respectives ;
- enfin, les universités françaises intègrent une mission républicaine
d'accueil de tous les étudiants sur tout le territoire, et ne
peuvent donc rivaliser par ailleurs avec des petites institutions
d'élite comme Yale ou le MIT, qui ne recrutent que des étudiants
sélectionnés à la fois par le niveau et par l'argent, et peuvent se
permettre de recruter des prix Nobel comme enseignants.
Comme il a été fixé comme objectif politique de faire remonter le rang
des universités françaises dans le classement de Shanghai, on a vite
identifié le moyen le plus simple d'y arriver : regrouper trois ou
quatre universités en une seule permet à la somme ainsi obtenue de
grimper automatiquement dans le classement. Sans rien changer
concrètement ni à la qualité de la recherche, ni à la qualité de
l'enseignement qui y est délivré. Depuis cinq ans, le mot d'ordre est
donc : fusion.
L'idée est de pouvoir présenter un simple jeu de définition, sur
papier, du périmètre administratif des universités, comme le résultat
positif concret d'une politique de développement de la recherche (la
France a gagné des places dans le classement de Shanghai - ce qu'une
partie de l'électorat comprendra comme : nos universités sont devenues
meilleures).
À côté de ce grand ramdam sur le classement de Shanghai, d'autres
motivations peuvent pousser le gouvernement actuel à promouvoir les
PRES (pôles de recherche et d'enseignement supérieur), et autres
IDEX : avec ces nouvelles structures, comme je le disais tout à
l'heure, on retire le pouvoir de gouvernance des mains des
universitaires, et on le met dans les mains de représentants des
pouvoirs politique et économique. Cherche à qui profite le crime ...
10. Et pourquoi les présidents d'établissement le font ?
Je ne vais certainement pas te dire que nos présidents d'université
sont des méchants, qui complotent sournoisement pour vendre leurs
universités aux Martiens ou à d'autres forces maléfiques. Il n'y a
aucune théorie du complot là-derrière (ce serait si confortable
intellectuellement si les choses étaient aussi simples !), et les gens
qui sont derrière ce projet sont plutôt, assez probablement, de bonne
foi et de bonne volonté. Je pense que s'ils se sont prêté à ce jeu,
au point d'être maintenant persuadés que c'est la bonne solution,
c'est d'abord, et avant tout, à force d'accepter de parler la langue
des gestionnaires adeptes du nouveau management public.
Entrer dans le filet des signifiés de l'interlocuteur est un jeu
dangereux - même si tu le fais en essayant d'y gagner. Tôt ou tard, tu
finis par réfléchir en termes « d'indicateurs », au lieu de réfléchir
en termes de profondeur de la réflexion scientifique, de qualité du
dialogue entre recherche et société, ou d'utilité et de qualité de la
formation des étudiants. C'est typiquement ce qui est arrivé à nos
présidents d'université : dans le système des « indicateurs », dans
lequel ils ont accepté d'entrer, leur projet est cohérent et positif.
Mes propres propos, s'ils les lisaient (ce qu'ils ne feront jamais
parce qu'ils n'ont pas le temps), leurs paraîtraient illisibles,
simplificateurs, tendancieux, et bourrés de mauvaise foi. Nous ne
parlons plus le même langage.
Je pense aussi que s'ils le font - et c'est sans doute un effet
pervers de leur bonne volonté - c'est pour grapiller, en période de
récession générale, quelques piécettes supplémentaires pour
fonctionner, à l'heure où beaucoup d'universités s'enfoncent dans le
déficit. Ils sont pragmatiques, et se disent qu'en jouant à ce jeu,
ils travaillent pour mon bien, puisqu'ils me permettent de faire
partie des quelques universités qui reçoivent quelques millions
d'euros de plus pour continuer à travailler, alors que globalement, la
part consacrée à la recherche de la dotation nationale des universités
(la « MIRES »), selon les calculs d'Henri Audier, régresse d'environ
1% en 2012 en euros constants.
Ce qui est intrinsèquement pervers dans ce jeu, c'est que la majorité
des universités françaises n'en bénéficient pas. Alors bien sûr, les
présidents d'université de l'IDEX SPC, eux, sont contents. Et
quelques collègues, dans les rouages du fonctionnement de nos
universités, se laissent convaincre aussi, et déclarent d'un air
désolé : « il faut bien aller chercher l'argent où il se trouve ...
il vaut mieux être à l'intérieur qu'à l'extérieur ... »
Nous sommes un peu dans la situation où l'on aurait remplacé la
distribution d'un salaire par un gain tiré à la loterie. Imagine un
chantier qui fait travailler cent personnes. Jusqu'à une certaine
époque, on leur donnait à tous un salaire pour avoir contribué à
travailler et à faire avancer le chantier. À présent, on a décidé
qu'on ne distribuerait plus qu'une partie de la somme qui servait
auparavant à la paye globale ; mais attention : on ne la distribuera
pas à tout le monde, mais seulement à une partie des travailleurs,
tirés à la loterie.
C'est injuste, n'est-ce-pas ? Nous sommes d'accord. Seulement voilà :
va convaincre quelqu'un qui *gagne* à la loterie qu'il est immoral de
jouer à la loterie.
11. Et pourquoi l'opposition ne prend pas position contre ? Ça a l'air d'être
un sujet consensuel puisque le gouvernement n'est pas tellement attaqué sur
son bilan dans ce domaine précis ...
L'opposition ne prend pas position contre, parce qu'un grand nombre de
notables politiques locaux du Parti Socialiste soutiennent ce type
d'initiatives - par exemple Bertrand Delanoë à Paris, ou Martin Malvy
à Toulouse.
Pourquoi les notables politiques locaux soutiennent cette politique ?
Tu imagines un président de région capable de résister à l'envie de
pouvoir dire qu'il a dans sa région un pôle universitaire classé à tel
et tel rang dans le classement de Shanghai ?
12. Et pour finir, s'il y a tant de gens qui trouvent que cette idée ne vaut
pas grand chose telle qu'elle est faite, pourquoi ne pas prendre le temps de
réfléchir et de faire les choses mieux ?
Si, de la part du pouvoir, l'objectif est électoral - c'est-à-dire
qu'il s'agit de pouvoir exhiber des résultats, même dénués de sens,
d'une politique de promotion de la recherche - alors il faut bien
évidemment le faire avant les élections. Voilà pourquoi, depuis
quelques mois déjà, avec d'autres opérations du même genre (LABEX,
IDEFI ...) nous voyons, dans certains de nos labos et dans certaines
de nos facs, se déverser sur nous des crédits qu'il est urgent de
dépenser dans la quinzaine alors qu'ils étaient attendus depuis des
années. Et pour revenir à l'IDEX, voilà pourquoi il y a une hâte
frénétique, de la part du gouvernement, de faire signer aux présidents
des institutions concernées la convention de mise en route de l'IDEX
SPC avant le 15 avril.
Malheureusement pour eux - et heureusement pour la raison - au sein
même des établissements concernés, les résistances se font de plus en
plus fortes, et les appels à remettre complètement sur la table la
définition de ce projet, de plus en plus nombreuses. Si bien que
malgré la frénésie de ces dernières semaines, il semble de plus en
plus probable que ce projet n'aboutira pas avant l'élection
présidentielle (ce qui était sa seule raison d'être), et que, quel que
soit le résultat de celle-ci, une nouvelle phase de réflexion s'engage
plus sérieusement par la suite."
Pascal Vaillant a gracieusement accepté de me laisser publier ce texte ici et indiqué son adresse électronique pour toute remarque à ce sujet : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
"L'IDEX SPC : une université unifiée, mais plus désunie que jamais
- Réponses aux questions que vont me poser mes parents,
beaux-parents, oncles et tantes -
Il y a dans ma famille des gens qui sont extérieurs au
monde de l'enseignement supérieur et de la recherche,
qui n'en sont informés que par ce qu'en disent les
média, et qui me demandent parfois des explications sur
ce qui s'y passe. Ils peuvent être d'une génération
antérieure ou postérieure à la mienne ; ils peuvent être
tout à fait d'un autre bord que moi politiquement - ce
qui ne les empêche d'ailleurs pas d'être de bonne foi et
d'essayer de comprendre sérieusement ce que je peux
vivre de l'intérieur. Ils demandent parfois des
explications sur ce qui leur apparaît, forcément, comme
des positions paradoxales, au vu de la façon dont les
choses leur sont présentées : par exemple, en période de
grève générale (comme en 2009) : comment des chercheurs
peuvent-ils être si peu satisfaits de recevoir tant
d'attention et tant d'argent du gouvernement, tant il
est de notoriété publique que l'université est « la
réforme réussie » du quinquennat Sarkozy (en Une de
"Challenge" sans point d'interrogation, et du "Monde"
avec point d'interrogation), tant il est répété sur
toutes les ondes que les universités sont enfin
autonomes et épanouies de l'être, tant il a été
claironné que des dizaines de milliards d'euros étaient
« mis à la disposition de l'enseignement supérieur et de
la recherche » ?
Je pense aux questions que ces gens vont peut-être me
poser s'ils ont entendu parler de la conférence de
presse récente, du 13 mars, où François Fillon a annoncé
que la somme faramineuse de 6 milliards d'euros allait
être déversée sur huit nouvelles initiatives
d'excellence (IDEX) ayant pour ambition de devenir des
pôles de rayonnement mondiaux de la recherche et de
l'université française. Je fais partie de l'un de ces «
IDEX » : Sorbonne Paris-Cité, ci-devant SPC, aussi
familièrement appelé « IDEX des numéros impairs », parce
qu'il regroupe les universités Paris 3, 5, 7 et 13 (je
suis employé par l'une des universités qui en sont
membre fondateur, l'université Paris-13) ; et, non, je
ne suis pas heureux de cet IDEX. Pas plus que la
majorité de mes collègues embarqués dans le même navire.
Comment expliquer à mes amis que je ne suis pas heureux
qu'on me déverse dessus 800 millions d'euros ? Que je ne
suis pas ravi à l'idée de devenir un enseignant
chercheur d'un pôle de rayonnement mondial ? Qu'est-ce
que je pourrai leur répondre, s'ils me posent ce genre
de questions ?
1. Alors tu n'es pas content de travailler avec des collègues d'autres
universités ?
Je suis très content de travailler avec des collègues, avec qui j'ai
effectivement des choses à échanger. Mais note bien que je n'ai pas
attendu l'existence d'un IDEX pour le faire. Actuellement déjà, s'il y
a des rapprochements que l'on constate naturellement entre thèmes de
recherche ou d'enseignement dans deux universités ou équipes de
recherche différentes, rien n'empêche de travailler ensemble. Je peux
faire des projets de recherche avec des collègues d'autres
universités, et j'ai le droit d'aller donner des heures de cours dans
d'autres universités. À un niveau plus élevé que celui de l'individu
isolé, il existe des conventions, des systèmes comme des diplômes en
co-tutelle, des encadrements de thèse en commun, des maisons de la
recherche, des laboratoires mixtes, ou des écoles doctorales communes.
Et cela ne se limite d'ailleurs pas aux autres établissements qui sont
dans l'IDEX. Donc, si l'on parle de collaboration *volontaire* avec
des collègues d'autres universités, non, il n'y avait pas besoin
d'IDEX pour cela.
2. Mais tu dois être quand même content que le gouvernement vous donne
beaucoup de moyens pour fonctionner ?
Mais le gouvernement ne nous donne pas tant de moyens pour fonctionner
qu'il veut le faire croire. Pour l'IDEX SPC, on « met à notre
disposition » 800 millions d'euros. Pour commencer, précisons que la
demande initiale était de 1300 millions d'euros. Nous en obtenons
donc 800 millions. Bien, le chiffre a l'air énorme. Mais je ne sais
pas si cela a été expliqué suffisamment clairement dans la presse,
mais cela ne veut pas dire que l'on nous donne 800 millions d'euros à
dépenser - pour acheter des bâtiments, des accélérateurs de
particules, des super-calculateurs, des laboratoires de biologie, des
équipements pédagogiques, et embaucher des dizaines d'enseignants et
de chercheurs. Non, ces 800 millions d'euros sont une « dotation
non-consomptible », c'est-à-dire une somme qu'on met à notre
disposition en 2012, et qui devra être toujours intacte, au sou près,
dans quatre ans.
Pour avoir de l'argent à dépenser, on doit donc compter sur les
intérêts produits par cette somme, en l'utilisant pour faire des
placements. Combien ça représente ? Difficile à dire exactement : le
revenu des placements dépend de leur risque. Placer l'argent dans des
fonds de « subprimes » pour gagner beaucoup en peu de temps, c'est un
peu passé de mode. Alors imaginons que les gestionnaires de cette
somme soient prudents et fassent un placement de père de famille, à
4%. 800 millions d'euros, à 4%, ça fait 32 millions d'euros par an.
Ces 32 millions d'euros sont à distribuer entre les huit
établissements prenant part à l'IDEX, c'est-à-dire en moyenne 4
millions d'euros chacun. Ça a l'air déjà moins énorme que les 800
millions d'euros annoncés dans la presse.
Alors, certes, 4 millions d'euros, ce n'est pas une paille ; mais il
faut relativiser : le budget d'une université comme la mienne tourne
autour de 170 millions d'euros, donc 4 millions, ce n'est pas non plus
la grande cagnotte du loto.
Et puis si je me mets à raisonner en tant que contribuable, et plus
seulement en tant qu'universitaire, il y a encore autre chose qui me
fait tiquer. Ces 800 millions d'euros, il est un fait d'évidence que
l'état français ne les a pas. Il doit donc les emprunter, avant de
pouvoir nous les prêter (c'est le fameux « Grand Emprunt »). Donc lui
aussi paye des intérêts. Admettons (toussotement gêné), admettons que
l'état français bénéficie d'une telle confiance, en tant que débiteur,
qu'on lui prête à des taux plus bas : mettons 3%. Ça veut dire quand
même que chaque année, il rembourse de son côté 24 millions d'euros
pour avoir la possibilité de mettre à la disposition de notre IDEX de
quoi empocher 32 millions d'euros. Ce ne serait pas plus simple qu'il
nous les donne directement, au lieu d'ajouter d'un côté à la dette
publique, et d'obliger par ailleurs nos gestionnaires à faire un
travail de financiers en plus de leur travail de gestionnaires
d'établissements d'enseignement et de recherche ?
3. Bon, mais vous allez tous être meilleurs, il paraît ... le dossier
de presse dit qu'on va augmenter la qualité de la recherche
scientifique dans ces regroupements, en augmentant la proportion de
chercheurs de haut niveau. Ils vont faire quelque chose pour vous,
pour ça, concrètement ? par exemple vous libérer à tous plus de temps
pour faire de la science ?
Ce n'est pas du tout prévu comme ça. Même à supposer - et c'est une
supposition qui n'est absolument pas démontrée ! - même à supposer,
donc, que l'on puisse mesurer ce qui fait un mauvais chercheur, un bon
chercheur, ou un chercheur « excellent », le dispositif ne prévoit pas
du tout de promouvoir tous les enseignants et tous les chercheurs.
Dans le système de l'IDEX, on a trouvé un moyen simple de compter la
proportion de chercheurs « excellents » : on compte les effectifs de
toutes les équipes étiquetées comme telles par l'AERES. Cela veut dire
qu'on compte les équipes qui ont été labellisées « A+ » ou « Labex »
- pour schématiser, celles qui produisent le plus de publications
scientifiques ou de brevets. L'obtention de cette précieuse étiquette
est déjà parfois, en amont, le résultat d'un travail d'écrémage : on
n'intègre dans les effectifs que les sous-équipes les plus
« productives », et l'on obtient sans surprise des équipes
« excellentes ». Donc : on prend tous ces « excellents », on les met
ensemble, on construit une jolie clôture (sur le papier) tout autour,
qu'on appelle le « péridex » (périmètre d'excellence). On compte ce
qui est à l'intérieur de la clôture, et on constate que ça représente
37% des chercheurs et enseignants-chercheurs de l'ensemble.
Ensuite, que fait-on pour augmenter ce chiffre de 37% ? Tu crois qu'on
donne aux autres équipes, celles qui ne sont pas encore « A+ », des
ressources et des incitations pour franchir la clôture ? Tu n'y es pas
du tout. Voilà ce qui est prévu : sur l'ensemble des postes de
chercheur « non-excellent » qui se libèrent chaque année à la suite de
départs en retraite, on en prélève une proportion que l'on remet au
recrutement *à l'intérieur du « péridex »*. En d'autres termes, on ne
déplace pas la clôture : pour cinq vaches maigres qui meurent
en-dehors de la clôture, on rachète une vache grasse qu'on met à
l'intérieur de la clôture.
Et quand je dis « on rachète » ... en fait, pour être plus juste, on
loue.
4. Et ceux qui sont « excellents », au moins, ils y gagneront vraiment ?
Très bonne question, justement ! Qui sont ces futures vaches grasses,
et comment va-t-on les traiter ? À peu près comme les vaches
laitières de l'agriculture contemporaine, c'est à craindre.
Il est bien connu, dans le milieu des chercheurs et des enseignants,
que les collègues français sont scandaleusement mal payés par rapport
à leurs collègues d'autres pays. En France, un jeune chercheur,
embauché avec un diplôme de niveau bac+8 (ce qui veut souvent dire
concrètement bien plus de huit ans après le bac, le temps de
participer à la grande course aux postes vacants), touche aujourd'hui
1,59 SMIC. Si tu prends une machine à voyager dans le temps et que tu
vas le dire à un universitaire de 1962 (occupé à acheter son premier
appartement avec sa première paye), il va très certainement refuser de
te croire.
Par ailleurs, les « enseignants-chercheurs » français - c'est-à-dire
les universitaires - ont des charges, en termes de tâches extérieures
à la recherche (enseignement, administration), qui font éclater de
rire les collègues anglo-saxons. Ils doivent enseigner,
statutairement, 192 heures par an - ce qui représente, lissé sur les
semaines des semestres universitaires non-consacrées aux examens, à
peu près 8h par semaine en moyenne. Les collègues américains n'ont
pas de statut national auquel on pourrait comparer le nôtre, mais pour
donner une idée de la manière dont est organisé leur système
universitaire, je peux te dire que si des enseignants d'une université
prestigieuse (qui délivre des diplômes reconnus, au-delà de bac+3)
font *deux* modules de 24h par semestre (donc, au total, 96h par an,
c'est-à-dire la moitié de ce que nous faisons en France), ils
s'estiment grotesquement amputés dans leur capacité à rester à la fois
enseignants et chercheurs. Ils considèrent qu'ils sont avant tout des
chercheurs qui transmettent leurs connaissance de domaines
spécialisées, pas des enseignants de collège à mi-temps.
Malgré les inconvénients de ce statut, il y a chaque année, jusqu'à
maintenant, pas mal de chercheurs étrangers de très bon niveau qui
tentent leur chance en France, en essayant de s'y faire recruter comme
chercheur ou comme enseignant-chercheur. Pourquoi ? Parce qu'il
reste - il restait jusqu'à maintenant - en France un avantage que les
chercheurs d'autres pays nous enviaient : l'emploi stable. Tu as fait
huit ans d'études, tu as atteint le meilleur niveau possible dans le
système universitaire, tu galères trois ans pour trouver un poste, et
tu acceptes malgré tout un poste payé 50% de plus que le SMIC :
pourquoi ? Parce que tu penses qu'au moins, dans ce poste, tu vas
pouvoir développer l'activité intellectuelle qui te plaît pour le
reste de ta carrière, sans avoir le stress de justifier ton existence
en permanence, et sans avoir à changer d'orientation au gré de
changements de priorités stratégiques de ton employeur.
Cet avantage était déjà en train d'être grignoté marginalement, par le
système du financement par projets qui s'étend depuis quelques années
en France, et qui fait qu'un chercheur doit passer une partie de plus
en plus grande de son temps à répondre à des appels d'offres et à
rédiger des dossiers - non pas encore pour justifier son propre
salaire, mais pour obtenir les moyens dont il a besoin pour son
travail. Avec ce projet d'IDEX, il s'y fait la première brèche
sérieuse. Le projet d'IDEX prévoir en effet d'embaucher des jeunes
chercheurs brillants en contrat à durée déterminée. Comme c'est le cas
dans le système allemand ou dans le système américain, ils auront un
contrat probatoire de quelques années, et à l'issue de cette période
leur emploi sera réexaminé.
Alors bien sûr, si tu supprimes l'avantage de la sécurité
professionnelle et de l'indépendance intellectuelle, tu ne peux plus
te permettre de payer les gens juste au-dessus du SMIC. L'ambition des
IDEX est de créer des universités qui vont rivaliser avec Stanford,
Harvard ou l'UCLA pour attirer les meilleurs talents au niveau
international ; il est donc bien certain qu'on ne va pas convaincre un
jeune chercheur qui pourrait avoir un poste à Stanford de venir à
Paris - même s'il aime bien Paris - sur un contrat de deux ans payé
1700 euros par mois. Le projet prévoit donc, pour ces embauches de
jeunes chercheurs « excellents », une négociation individuelle du
salaire et des conditions de travail.
On va donc créer une catégorie d'enseignants-chercheurs à part, de
mercenaires de la recherche de haut vol, sans statut précis, qui vont
coexister avec leurs collègues fonctionnaires. Ils pourront être payés
trois fois plus que leurs collègues ; ils pourront avoir trois fois
moins d'obligations d'enseignement - parce que bien sûr on les fera
venir pour augmenter le nombre de prix et de publications
internationales, pas pour participer à des tâches moins prestigieuses
comme de faire des cours en amphi à des étudiants de première année.
En revanche, ces jeunes étoiles filantes seront condamnées à
travailler avec la menace permanente de ne pas être renouvelés s'ils
ne sont pas suffisamment brillants, et avec la pression permanente de
devoir répondre à des « appels d'offres internes » concurrentiels,
pour faire partie de ceux qui auront le droit d'obtenir les moyens de
poursuivre leurs activités.
5. Et les étudiants, ils en profitent, de leur côté ? Ils vont avoir
une formation de meilleur niveau, dans cette nouvelle
super-université ?
C'est bien, tiens, toi tu te rappelles que dans une université il y a
des étudiants !
Alors pour commencer il faut savoir que dans le système existant, un
grand nombre d'étudiants qui s'inscrivent à l'université n'arrivent
pas à obtenir de diplôme (moins de la moitié en moyenne obtiennent le
premier grade universitaire, la licence, de niveau bac+3). Tout frais
sortis du lycée, sans préparation, sans aucune sélection, et sans
aucune préparation au fait d'être sélectionnés (85% des élèves de
terminale ont le baccalauréat), ils s'inscrivent à l'université
souvent sans vraiment savoir ce qu'ils veulent y faire, ce qu'ils
peuvent y faire, parfois avec de grosses lacunes en termes de niveau
ou de méthode de travail. Jusqu'à présent on ne sait pas très bien
par quel bout prendre ce problème.
Alors, qu'est-ce que tu imagines qu'on va faire pour eux, dans une
université d'excellence ? Qu'on va mettre des moyens pour leur donner
des heures de cours supplémentaires en première année, pour qu'ils
finissent par rattraper, au bout de trois ans, le niveau attendu en
licence d'histoire, de mathématiques ou de biologie ?
Perdu. Ce qui est prévu, c'est qu'on fasse de la première année une
année généraliste, de tronc commun, de mise à niveau pour attaquer
vraiment des études supérieures spécialisées : une année de
« propédeutique ». Attention : non pas une année qui viendrait
s'intercaler entre le bac et trois années d'études d'histoire, de
mathématiques ou de biologie : mais une année qui *prendrait la place*
de la première des trois années de licence. Il resterait donc ensuite
deux ans pour amener l'étudiant au niveau de spécialisation exigé par
une licence en telle ou telle matière. Comme c'est bien évidemment
impossible, cela veut dire que nous allons donner des diplômes moins
spécialisés au niveau de la licence, et devoir en contrecoup baisser
le niveau de spécialisation des diplômes du grade d'au-dessus, celui
des « masters » (bac+5).
Mais ceci est cohérent avec une logique qui est également poussée par
ailleurs dans ce projet d'IDEX, qui est celle de l'homogénéisation et
de la rationalisation de l'ensemble des formations proposées dans ce
grand regroupement. Il est prévu de supprimer les « doublons » : s'il
y a un master de linguistique à Paris-7 et un autre à Paris-3, il
faudra les fusionner. Comme chaque diplôme, dans le système qui
existe actuellement, a sa propre petite touche supplémentaire, sa
propre spécialité, il va falloir, pour réaliser ces fusions, raboter
ces spécialisations. Finalement, ça tombe bien que nous ayions des
étudiants moins bien préparés, n'est-ce-pas ?
Pour résumer, nous allons avoir des plus grands groupes d'étudiants,
et nous allons leur fournir des enseignements qui auront globalement
baissé en niveau d'exigence et en degré de spécialisation. Mais ceci
ne concerne « que » la vaste majorité des étudiants de l'IDEX, car
deux « collèges de style oxfordien » accueilleront chacun 1600
étudiants d'élite dans des conditions bien plus favorables - les 3200
étudiants concernés représentent 2,5% des quelques 125 000 étudiants
du grand regroupement.
On peut remarquer en passant que le projet a pensé à la nécessité de
promouvoir chez les étudiants le sentiment d'appartenir à une
université commune, et qu'il a trouvé le moyen d'y arriver : fonder
une station de radio des étudiants de l'IDEX SPC.
6. Bon, mais au pire si c'est juste une plus grosse université, même
si ça n'apporte rien de plus ni pour les étudiants ni pour les
chercheurs, ça n'a rien de mauvais en soi ?
Si, à mon avis (et je ne suis pas seul à penser ainsi), il y a des
dérives très perverses qui rendent le projet mauvais en soi. Tout
d'abord, il déploie un discours assez stupide : on présente comme des
« atouts naturels » - comme des armes merveilleusement adaptées pour
être utilisées et affûtées dans une nouvelle course concurrentielle
entre grands pôles de recherche français, européens et mondiaux - ce
qui est, quand on y réfléchit, le produit de quatre, parfois de seize
décennies de planification étatique de la recherche et de
l'enseignement supérieur en France. Découverte divine : l'IDEX SPC
réunit une part considérable des ressources françaises dans la
recherche en médecine, en pharmacie, et dans les sciences du vivant !
Voilà un atout formidable dans la grande course aux meilleures
universités mondiales : lançons-nous y, et que les meilleurs gagnent !
Simplement, est-ce que le fait que l'IDEX réunisse l'université
Paris-5 (c'est-à-dire l'historique faculté de médecine de Paris, avec
tous ses labos communs avec l'INSERM et l'Assistance Publique -
Hôpitaux de Paris) et l'université Paris-13 (qui englobe la faculté de
médecine de Bobigny), n'y serait pas pour quelque chose ? Constat qui
nous remplit d'orgueil : l'IDEX SPC regroupe un grand nombre d'équipes
de spécialistes reconnus des sciences du langage ! Ah, que nous
sommes bons ! Oui, mais est-ce que le fait qu'on y ait rassemblé les
UFR de linguistique de Paris-7, Paris-3 et Paris-5, l'Institut
National des Langues Orientales, et un certain nombre de laboratoires
CNRS réunis sous la bannière du Labex, n'aiderait pas un peu dans ce
magnifique « atout naturel » ?
Et ces ressources considérables, que l'on voit aujourd'hui comme des
avantages concurrentiels, qui les a créées, regroupées, entretenues,
et fait croître pendant des décennies, dans le passé ? La main
invisible de la concurrence entre pôles universitaires, ou une
politique de financement public de la recherche et de la formation en
médecine ? Cette politique qu'on est justement en train de jeter dans
le fossé ...
Mais ceci n'est pas le plus grave ... On ne meurt pas de discours
marketing ridicules. Ce qui est beaucoup plus grave est que l'IDEX est
une machine qui crée de nouvelles structures de pouvoir sur la future
université unifiée, et que dans ces nouvelles structures de pouvoir,
les usagers (universitaires et étudiants) n'ont presque plus voix au
chapitre.
Traditionnellement, les universités ont un fonctionnement que l'on
décrit comme « collégial » : les décisions importantes y sont prises
par des *conseils*, dans lesquels siègent des représentants des
grandes catégories de participants à la vie universitaire
(enseignants, chercheurs, techniciens et administratifs, étudiants),
représentants qui sont *élus* par les membres de ces catégories. Dans
ces conseils siègent également des membres extérieurs, chargés de
représenter les entités qui ont un intérêt dans les activités de
l'université (collectivités politiques locales, entreprises,
organismes de recherche), mais ces membres extérieurs - nommés et non
pas élus - ne constituent pas la majorité des voix dans les conseils.
Ce fonctionnement collégial garantit, au prix des lenteurs qu'imposent
la vie démocratique, l'exercice du débat, et la recherche de
compromis, qu'aucune orientation importante ne soit décidée sans
qu'elle ait reçu l'adhésion d'une majorité de ceux qui y sont
directement concernés.
Dans l'IDEX SPC, il est prévu que la nouvelle université unifiée soit
dirigée par un Conseil de Direction de 16 membres, comprenant : 1
président, 4 représentants des organismes de recherche, 3
représentants d'entreprises, 1 représentant de l'Assistance Publique -
Hôpitaux de Paris, 1 de la Ville de Paris, 1 de la région
Île-de-France, et ... 5 représentants des institutions fondatrices.
Pour représenter les huit institutions fondatrices, donc, en tout,
cinq sièges sur seize (un petit tiers du conseil de direction) ; et il
ne s'agit pas de représentants élus, mais de représentants désignés
d'avance (ce sont les présidents des institutions concernées). A
fortiori, pas de représentants des catégories d'usagers.
Cette prise de pouvoir est totale (la future université unifiée sera
effectivement dirigée par ce conseil de direction), et elle est
décidée d'une manière totalement illégitime par rapport au système
collégial qu'elle vise à remplacer. Les communautés universitaires
n'ont en effet absolument pas été consultées - et même pire : le
projet d'IDEX a été élaboré dans le plus grand secret, et n'a été
rendu public qu'après la date des élections des présidents
d'université dans les deux plus grosses universités participantes,
Paris-5 et Paris-7. C'est donc purement et simplement un coup
d'état. C'est comme si les chefs d'état de la France, de l'Allemagne,
et du Royaume-Uni se réunissaient entre eux pour décider qu'à
l'avenir, le pouvoir effectif dans l'ensemble de ces pays réunis
serait exercé par un comité de direction de personnalités nommées à
l'avance, et qu'il n'y aurait plus d'élections.
D'ailleurs pour être certains que le moins de gens possibles prennent
conscience de ce qu'implique ce nouveau projet, il a été rédigé en
anglais (et même en mauvais anglais, pour éviter que même des
universitaires d'origine britannique puissent le comprendre).
7. Peut-être qu'ils sont obligés de fonctionner comme ça parce que
sinon ils n'avanceraient jamais, parce qu'il y aurait toujours des
gens qui ne seraient pas d'accord avec ceci ou cela, et que la
structure serait ingouvernable.
Ma foi, c'est bien possible. Peut-être qu'une structure trop complexe
est ingouvernable. Peut-être bien qu'une entité comme la France est
ingouvernable, si on va par là, et c'est peut-être son problème (pour
la Belgique, en tout cas, c'est démontré). Si on devait en tirer à
chaque fois la conclusion qu'on renonce à s'efforcer de tendre vers
des pouvoirs démocratiques, et qu'il est plus simple et plus pratique
d'une minorité éclairée décide tout de son propre chef, ce serait un
progrès ?
Plus spécifiquement, oui, il est fort possible qu'une usine à gaz de
l'envergure de l'IDEX SPC soit concrètement ingouvernable, dans le
cadre d'un système démocratique, à cause de sa démesure, de son
hétérogénéité, de sa complexité interne. Si c'est vrai, cela ne
devrait pas nous convaincre de la nécessité de la gouverner de manière
autoritaire, mais plutôt de la pertinence même de créer une entité
ingouvernable.
En d'autres mots, si, pour devenir gouvernable, une université doit
cesser d'être une université, au sens où on l'entendait jusqu'à cette
année (c'est-à-dire un organe social de construction et de
transmission d'intelligence, fonctionnant de manière collégiale),
alors on doit vigoureusement questionner l'utilité de la démarche !
8. Et vous êtes nombreux à penser comme ça ?
Tu peux être certain que ce que je te dis n'est pas une simple opinion
personnelle. J'ai perdu le compte des motions de protestation et des
demandes de moratoire qui émanent de conseils d'unités de formation et
de recherche, de conseils de laboratoire, de syndicats, de collectifs,
de listes se présentant aux élections des conseils (dans les
universités où des élections ont eu lieu récemment) : il en tombe tous
les jours dans nos boîtes aux lettres. Un collègue en a fait circuler
récemment une compilation : elle tient sur 38 pages.
Le cas le plus emblématique est celui du conseil d'administration de
l'une des institutions concernées (l'Institut des Langues
Orientales) : quand il a réalisé qu'il était prévu qu'on fasse
disparaître cet Institut, de plus de trois siècles d'existence, et
qu'on ne lui avait non seulement pas demandé son avis, mais pas même
daigné l'informer de ce projet, il l'a désavoué à l'unanimité.
En fait, pour l'instant, le projet d'IDEX SPC est comme un traité
signé (par tous les chefs d'état), mais ratifié par aucun parlement.
Ce que je dis au sujet de l'IDEX SPC semble être vrai aussi (bien que
je n'en aie des échos que plus lointains) pour d'autres IDEX, comme
celui de Marseille ou celui de Toulouse.
9. Mais alors si ce machin ne sert à rien, pourquoi le gouvernement le
fait ?
Le projet d'IDEX Sorbonne Paris-Cité est une réponse à une commande
politique.
La motivation originelle est tellement stupide que j'ai honte de la
mentionner : un institut basé à Shanghai, en Chine, publie tous les
ans un classement (le classement « ARWU ») des meilleures universités
mondiales. Or les premières universités françaises à apparaître dans
ce classement sont assez loin des premières places, et il n'y a pas
beaucoup d'universités françaises dans les cent premières places du
classement. En voyant cela, l'orgueil national de nos hommes et femmes
politiques n'a fait qu'un tour, et ils ont décidé de tout faire pour
améliorer le « score » français dans ce fameux classement.
On s'est aperçu que les universités françaises étaient assez peu
visibles pour des raisons structurelles, liées à la manière dont
fonctionne le système d'enseignement et de recherche dans notre pays :
- beaucoup d'équipes de recherche sont « mixtes », et donc dépendent à
la fois de plusieurs établissements, comme par exemple une
université et un ou deux organismes de recherche, ce qui minimise le
poids de chaque publication ou brevet dans le score de chacun de ces
établissements ;
- les universités françaises sont souvent de taille moyenne et plus ou
moins spécialisées, par opposition avec des grands conglomérats
comme l'UCLA de Los Angeles, la CUNY de New-York, ou l'UNM de
Mexico, qui regroupent sous un seul chapeau tous les étudiants de
leurs mégapoles respectives ;
- enfin, les universités françaises intègrent une mission républicaine
d'accueil de tous les étudiants sur tout le territoire, et ne
peuvent donc rivaliser par ailleurs avec des petites institutions
d'élite comme Yale ou le MIT, qui ne recrutent que des étudiants
sélectionnés à la fois par le niveau et par l'argent, et peuvent se
permettre de recruter des prix Nobel comme enseignants.
Comme il a été fixé comme objectif politique de faire remonter le rang
des universités françaises dans le classement de Shanghai, on a vite
identifié le moyen le plus simple d'y arriver : regrouper trois ou
quatre universités en une seule permet à la somme ainsi obtenue de
grimper automatiquement dans le classement. Sans rien changer
concrètement ni à la qualité de la recherche, ni à la qualité de
l'enseignement qui y est délivré. Depuis cinq ans, le mot d'ordre est
donc : fusion.
L'idée est de pouvoir présenter un simple jeu de définition, sur
papier, du périmètre administratif des universités, comme le résultat
positif concret d'une politique de développement de la recherche (la
France a gagné des places dans le classement de Shanghai - ce qu'une
partie de l'électorat comprendra comme : nos universités sont devenues
meilleures).
À côté de ce grand ramdam sur le classement de Shanghai, d'autres
motivations peuvent pousser le gouvernement actuel à promouvoir les
PRES (pôles de recherche et d'enseignement supérieur), et autres
IDEX : avec ces nouvelles structures, comme je le disais tout à
l'heure, on retire le pouvoir de gouvernance des mains des
universitaires, et on le met dans les mains de représentants des
pouvoirs politique et économique. Cherche à qui profite le crime ...
10. Et pourquoi les présidents d'établissement le font ?
Je ne vais certainement pas te dire que nos présidents d'université
sont des méchants, qui complotent sournoisement pour vendre leurs
universités aux Martiens ou à d'autres forces maléfiques. Il n'y a
aucune théorie du complot là-derrière (ce serait si confortable
intellectuellement si les choses étaient aussi simples !), et les gens
qui sont derrière ce projet sont plutôt, assez probablement, de bonne
foi et de bonne volonté. Je pense que s'ils se sont prêté à ce jeu,
au point d'être maintenant persuadés que c'est la bonne solution,
c'est d'abord, et avant tout, à force d'accepter de parler la langue
des gestionnaires adeptes du nouveau management public.
Entrer dans le filet des signifiés de l'interlocuteur est un jeu
dangereux - même si tu le fais en essayant d'y gagner. Tôt ou tard, tu
finis par réfléchir en termes « d'indicateurs », au lieu de réfléchir
en termes de profondeur de la réflexion scientifique, de qualité du
dialogue entre recherche et société, ou d'utilité et de qualité de la
formation des étudiants. C'est typiquement ce qui est arrivé à nos
présidents d'université : dans le système des « indicateurs », dans
lequel ils ont accepté d'entrer, leur projet est cohérent et positif.
Mes propres propos, s'ils les lisaient (ce qu'ils ne feront jamais
parce qu'ils n'ont pas le temps), leurs paraîtraient illisibles,
simplificateurs, tendancieux, et bourrés de mauvaise foi. Nous ne
parlons plus le même langage.
Je pense aussi que s'ils le font - et c'est sans doute un effet
pervers de leur bonne volonté - c'est pour grapiller, en période de
récession générale, quelques piécettes supplémentaires pour
fonctionner, à l'heure où beaucoup d'universités s'enfoncent dans le
déficit. Ils sont pragmatiques, et se disent qu'en jouant à ce jeu,
ils travaillent pour mon bien, puisqu'ils me permettent de faire
partie des quelques universités qui reçoivent quelques millions
d'euros de plus pour continuer à travailler, alors que globalement, la
part consacrée à la recherche de la dotation nationale des universités
(la « MIRES »), selon les calculs d'Henri Audier, régresse d'environ
1% en 2012 en euros constants.
Ce qui est intrinsèquement pervers dans ce jeu, c'est que la majorité
des universités françaises n'en bénéficient pas. Alors bien sûr, les
présidents d'université de l'IDEX SPC, eux, sont contents. Et
quelques collègues, dans les rouages du fonctionnement de nos
universités, se laissent convaincre aussi, et déclarent d'un air
désolé : « il faut bien aller chercher l'argent où il se trouve ...
il vaut mieux être à l'intérieur qu'à l'extérieur ... »
Nous sommes un peu dans la situation où l'on aurait remplacé la
distribution d'un salaire par un gain tiré à la loterie. Imagine un
chantier qui fait travailler cent personnes. Jusqu'à une certaine
époque, on leur donnait à tous un salaire pour avoir contribué à
travailler et à faire avancer le chantier. À présent, on a décidé
qu'on ne distribuerait plus qu'une partie de la somme qui servait
auparavant à la paye globale ; mais attention : on ne la distribuera
pas à tout le monde, mais seulement à une partie des travailleurs,
tirés à la loterie.
C'est injuste, n'est-ce-pas ? Nous sommes d'accord. Seulement voilà :
va convaincre quelqu'un qui *gagne* à la loterie qu'il est immoral de
jouer à la loterie.
11. Et pourquoi l'opposition ne prend pas position contre ? Ça a l'air d'être
un sujet consensuel puisque le gouvernement n'est pas tellement attaqué sur
son bilan dans ce domaine précis ...
L'opposition ne prend pas position contre, parce qu'un grand nombre de
notables politiques locaux du Parti Socialiste soutiennent ce type
d'initiatives - par exemple Bertrand Delanoë à Paris, ou Martin Malvy
à Toulouse.
Pourquoi les notables politiques locaux soutiennent cette politique ?
Tu imagines un président de région capable de résister à l'envie de
pouvoir dire qu'il a dans sa région un pôle universitaire classé à tel
et tel rang dans le classement de Shanghai ?
12. Et pour finir, s'il y a tant de gens qui trouvent que cette idée ne vaut
pas grand chose telle qu'elle est faite, pourquoi ne pas prendre le temps de
réfléchir et de faire les choses mieux ?
Si, de la part du pouvoir, l'objectif est électoral - c'est-à-dire
qu'il s'agit de pouvoir exhiber des résultats, même dénués de sens,
d'une politique de promotion de la recherche - alors il faut bien
évidemment le faire avant les élections. Voilà pourquoi, depuis
quelques mois déjà, avec d'autres opérations du même genre (LABEX,
IDEFI ...) nous voyons, dans certains de nos labos et dans certaines
de nos facs, se déverser sur nous des crédits qu'il est urgent de
dépenser dans la quinzaine alors qu'ils étaient attendus depuis des
années. Et pour revenir à l'IDEX, voilà pourquoi il y a une hâte
frénétique, de la part du gouvernement, de faire signer aux présidents
des institutions concernées la convention de mise en route de l'IDEX
SPC avant le 15 avril.
Malheureusement pour eux - et heureusement pour la raison - au sein
même des établissements concernés, les résistances se font de plus en
plus fortes, et les appels à remettre complètement sur la table la
définition de ce projet, de plus en plus nombreuses. Si bien que
malgré la frénésie de ces dernières semaines, il semble de plus en
plus probable que ce projet n'aboutira pas avant l'élection
présidentielle (ce qui était sa seule raison d'être), et que, quel que
soit le résultat de celle-ci, une nouvelle phase de réflexion s'engage
plus sérieusement par la suite."
Pascal Vaillant a gracieusement accepté de me laisser publier ce texte ici et indiqué son adresse électronique pour toute remarque à ce sujet : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
- CondorcetOracle
L'appel du 23 février a été signé par 7333 personnes que je remercie chaleureusement avec l'espoir de les voir rejoints par de nouvelles forces vives !
- neoSage
Appel du Front de Gauche de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche :
Engagé-e-s dans le Front de Gauche, travailleurs scientifiques de toutes les catégories professionnelles, acteurs de tous les champs disciplinaires, nous voulons construire un large rassemblement autour de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ensemble, faisons sauter les étouffoirs d’avenir que sont les IDEX, la LRU, et autres AERES. Le Pacte pour la Recherche doit être abandonné, l’ANR profondément transformée.
Lire l'appel: [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Premiers signataires:
Acqua J.N. (EC Paris), Anné C. (CNRS Nantes), Bacalexi D. (CNRS Paris), Bachet D. (EC Evry), Berviller H. (PRAG Strasbourg) , Bonnarel F. (CNRS Strasbourg), Bonne-Andrea C. (CNRS Montpellier), Bonnéry S. (EC Paris), Bossis G. (CNRS Montpellier), Boutan P. (EC Montpellier), Brèthes D. (CNRS Bordeaux), Buzaré J. Y. (EC Le Mans), Cahen M. (CNRS Bordeaux), Chantelot P. (PRAG UMLV, Responsable commission ESR du PG), Chatenay D. (CNRS Paris), Chaudret B. (CNRS Toulouse, Ac. Sciences), Chouteau G. (EC Grenoble), Clément C. (EC Strasbourg), Conjeaud H. (CNRS Paris), Courel M.F. (CNRS Paris), Coux O. (CNRS Montpellier), Crepel P. (CNRS Lyon), El Guerdjouma R. (EC Le Mans), Fabbrizio E. (CNRS Montpellier), Faudot D. (EC Dijon), Fourme R. (EC Orsay), Geay B. (EHESS Paris), Gebuhrer O. (CN PCF Responsable national PCF pour ESR), Génereux J.(EC IEP Paris), Grousson R. (CNRS Paris), Guelfucci J.P. (EC Toulouse), Guespin J. (EC Rouen), Hérin M. (EC Le Mans), Jusserand B. (CNRS Paris, SN République et Socialisme), Kahane C. (EC Grenoble), Kahane J.P. (EC Orsay, Ac. Sciences), Kieffer A. (Sociologue et syndicaliste, Paris), Lagron J.C. (IR Orsay), Lambert X. (EC Toulouse), Laschon G. (EC Orsay), Lauton G. (EC Paris), Lauton M. (EC Orsay), Lavallée Y. (PR Paris), Le Coutellec L. (Doctorant Lyon), Le Ny A. (EC Orsay), Lederer P. (CNRS Orsay), Lutfalla G. (CNRS Montpellier), Maillard J.M. (CNRS Paris), Mazauric C. (EC Paris), Mazauric S. (EC Paris), Mesliand A. (EC Aix Marseille), Mills C. (EC Paris), Miqueu C. (EC Bordeaux), Monsonégo G. (EC Strasbourg), Monsonégo S. (CNRS Strasbourg) Neel H. (CNRS Montpellier), Neveu M. (EC Dijon), Pacteau C. (CNRS, Fédération pour une alternative sociale et écologique), Pagano A. (EC Angers), Perdereau P. (BN du PG en charge de l’ESR), Périnet F. (EC Orsay), Puppo A. (EC Nice), Qaglia I. (Bibliothécaire Nîmes), Quétier J. (Elève ENS), Revauger C. (EC Bordeaux), Révauger J.P. (EC Bordeaux), Rosemberg C. (CNRS Toulouse), Rossi -Neves P. (EC Toulouse), Rousseau M. (EC CCSTI Le Mans), Rousseau P. (EC Lille), Rozet J. P. (EC Paris), Saly P. (EC Paris), Seureau C. (EC Paris), Steinmetz D. (Syndicaliste Toulouse), Tosel A. (EC Nice)
Engagé-e-s dans le Front de Gauche, travailleurs scientifiques de toutes les catégories professionnelles, acteurs de tous les champs disciplinaires, nous voulons construire un large rassemblement autour de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ensemble, faisons sauter les étouffoirs d’avenir que sont les IDEX, la LRU, et autres AERES. Le Pacte pour la Recherche doit être abandonné, l’ANR profondément transformée.
Lire l'appel: [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Premiers signataires:
Acqua J.N. (EC Paris), Anné C. (CNRS Nantes), Bacalexi D. (CNRS Paris), Bachet D. (EC Evry), Berviller H. (PRAG Strasbourg) , Bonnarel F. (CNRS Strasbourg), Bonne-Andrea C. (CNRS Montpellier), Bonnéry S. (EC Paris), Bossis G. (CNRS Montpellier), Boutan P. (EC Montpellier), Brèthes D. (CNRS Bordeaux), Buzaré J. Y. (EC Le Mans), Cahen M. (CNRS Bordeaux), Chantelot P. (PRAG UMLV, Responsable commission ESR du PG), Chatenay D. (CNRS Paris), Chaudret B. (CNRS Toulouse, Ac. Sciences), Chouteau G. (EC Grenoble), Clément C. (EC Strasbourg), Conjeaud H. (CNRS Paris), Courel M.F. (CNRS Paris), Coux O. (CNRS Montpellier), Crepel P. (CNRS Lyon), El Guerdjouma R. (EC Le Mans), Fabbrizio E. (CNRS Montpellier), Faudot D. (EC Dijon), Fourme R. (EC Orsay), Geay B. (EHESS Paris), Gebuhrer O. (CN PCF Responsable national PCF pour ESR), Génereux J.(EC IEP Paris), Grousson R. (CNRS Paris), Guelfucci J.P. (EC Toulouse), Guespin J. (EC Rouen), Hérin M. (EC Le Mans), Jusserand B. (CNRS Paris, SN République et Socialisme), Kahane C. (EC Grenoble), Kahane J.P. (EC Orsay, Ac. Sciences), Kieffer A. (Sociologue et syndicaliste, Paris), Lagron J.C. (IR Orsay), Lambert X. (EC Toulouse), Laschon G. (EC Orsay), Lauton G. (EC Paris), Lauton M. (EC Orsay), Lavallée Y. (PR Paris), Le Coutellec L. (Doctorant Lyon), Le Ny A. (EC Orsay), Lederer P. (CNRS Orsay), Lutfalla G. (CNRS Montpellier), Maillard J.M. (CNRS Paris), Mazauric C. (EC Paris), Mazauric S. (EC Paris), Mesliand A. (EC Aix Marseille), Mills C. (EC Paris), Miqueu C. (EC Bordeaux), Monsonégo G. (EC Strasbourg), Monsonégo S. (CNRS Strasbourg) Neel H. (CNRS Montpellier), Neveu M. (EC Dijon), Pacteau C. (CNRS, Fédération pour une alternative sociale et écologique), Pagano A. (EC Angers), Perdereau P. (BN du PG en charge de l’ESR), Périnet F. (EC Orsay), Puppo A. (EC Nice), Qaglia I. (Bibliothécaire Nîmes), Quétier J. (Elève ENS), Revauger C. (EC Bordeaux), Révauger J.P. (EC Bordeaux), Rosemberg C. (CNRS Toulouse), Rossi -Neves P. (EC Toulouse), Rousseau M. (EC CCSTI Le Mans), Rousseau P. (EC Lille), Rozet J. P. (EC Paris), Saly P. (EC Paris), Seureau C. (EC Paris), Steinmetz D. (Syndicaliste Toulouse), Tosel A. (EC Nice)
- CondorcetOracle
Après le suicide il y a quelques années de Marie-Claude Lorne, maître de conférences stagiaire en philosophie à l'Université de Bretagne occidentale, celui d'un électricien travaillant dans la même université a eu lieu en mars dernier. Cette tragédie à la fois personnelle et collective nous interroge plus que jamais sur la souffrance dans l'exercice de nos métiers.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Paix à son âme.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Paix à son âme.
- neoSage
Réponse du Front de Gauche à l’appel du 23 février 2012
11 avril 2012
Le Front de Gauche de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche répond au collectif de l’appel du 23 Février, composé de membres de la Coordination Nationale des Universités, de la Coordination Nationale de la Formation des Enseignants, de Sauvons La Recherche et de Sauvons L’Université.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
11 avril 2012
Le Front de Gauche de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche répond au collectif de l’appel du 23 Février, composé de membres de la Coordination Nationale des Universités, de la Coordination Nationale de la Formation des Enseignants, de Sauvons La Recherche et de Sauvons L’Université.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Page 1 sur 2 • 1, 2
- Pétition 2012 : quel changement pour les 50 000 précaires de l'Enseignement supérieur et de la recherche ?
- George Debrégeas, "Qu'attendre des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ? Rien, ou pire encore ?" (site de l'association Sauvons La Recherche)
- Tchad : bac 2012 annulé, ministre de l'enseignement supérieur limogé.
- Concours d'affiches : Le ministère de l'enseignement supérieur un appel à projets contre l'homophobie.
- projet PS pour l'enseignement supérieur (et la recherche)
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum