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John
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par John Mer 08 Fév 2012, 15:24
En renonçant aux humanités classiques, la France renonce à son influence

Point de vue | LEMONDE | 08.02.12 | 13h37
par Romain Brethes, Barbara Cassin, Charles Dantzig, Régis Debray, etc...

Est-ce que la France serait devenue suicidaire ? En quelques mois, plusieurs sentences sans appel sont tombées, sans qu'on sache vraiment qui est à la manoeuvre : suppression de la culture générale à l'entrée de Sciences Po ; invention, digne des Monty Python, d'un concours de recrutement de professeurs de lettres classiques sans latin ni grec ; disparition de l'enseignement de l'histoire-géographie pour les terminales scientifiques...

Autant de tirs violents, sans semonce, contre la culture et contre la place qu'elle doit occuper dans les cerveaux de nos enfants et des adultes qu'ils seront un jour. Une place qu'on lui conteste aujourd'hui au nom du pragmatisme qu'impose la mondialisation. Mais quel pragmatisme, au moment où, partout dans le monde, de la Chine aux Etats-Unis, l'accent est mis sur la culture et la diversité de l'éducation, le fameux soft power ?

En bannissant des écoles, petites ou grandes, les noms mêmes de Voltaire et de Stendhal, d'Aristote et de Cicéron, en cessant de transmettre le souvenir de civilisations qui ont inventé les mots "politique", "économie", mais aussi cette magnifique idée qu'est la citoyenneté, bref, en coupant nos enfants des meilleures sources du passé, ces "visionnaires" ne seraient-ils pas en train de compromettre notre avenir ?

Le 31 janvier s'est tenu à Paris, sous l'égide du ministère de l'éducation nationale, un colloque intriguant : "Langues anciennes, mondes modernes. Refonder l'enseignement du latin et du grec". C'est que l'engouement pour le latin et le grec est, malgré les apparences, toujours vivace, avec près de 500 000 élèves pratiquant une langue ancienne au collège ou au lycée. Le ministère de l'éducation nationale a d'ailleurs annoncé à cette occasion la création d'un prix Jacqueline de Romilly, récompensant un enseignant particulièrement novateur et méritant dans la transmission de la culture antique. Quelle intention louable !

Mais quel paradoxe sur pattes, quand on considère l'entreprise de destruction systématique mise en oeuvre depuis plusieurs années par une classe politique à courte vue, de droite comme de gauche, contre des enseignements sacrifiés sur l'autel d'une modernité mal comprise. Le bûcher fume déjà. Les arguments sont connus. L'offensive contre les langues anciennes est symptomatique, et cette agressivité d'Etat rejoint les attaques de plus en plus fréquentes contre la culture dans son ensemble, considérée désormais comme trop discriminante par des bureaucrates virtuoses dans l'art de la démagogie et maquillés en partisans de l'égalité, alors qu'ils en sont les fossoyeurs.

Grâce à cette culture qu'on appelait "humanités", la France a fourni au monde certaines des plus brillantes têtes pensantes du XXe siècle. Jacqueline de Romilly, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Lucien Jerphagnon, Paul Veyne sont pratiqués, cités, enseignés dans toutes les universités du globe.

A l'heure du classement de Shanghaï et dans sa tentative appréciable de donner à la France une place de choix dans la compétition planétaire du savoir et de la recherche, la classe politique semble aveuglée par le primat accordé à des disciplines aux retombées économiques plus ou moins aléatoires.

Le président de la République, pour qui les universités américaines constituent un modèle avoué, devrait méditer cette réalité implacable, visible pour qui fréquente les colloques internationaux ou séjourne durablement aux Etats-Unis. Que ce soient les prestigieuses universités de l'Ivy League (Harvard, Yale, Princeton...) ou celles plus modestes ou méconnues d'Iowa ou du Kansas, toutes possèdent leur département de langues anciennes.

Comment l'expliquer ? Par cette simple raison qu'une nation puissante et ambitieuse ne s'interdit rien et surtout ne fait aucune discrimination entre les disciplines, qu'elles soient littéraires ou scientifiques. Ce fameux soft power, ou "puissance douce", consiste à user d'une influence parfois invisible, mais très efficace, sur l'idéologie, les modes de pensée et la politique culturelle internationale. Les Etats-Unis, en perte de vitesse sur le plan économique, en ont fait une arme redoutable, exploitant au mieux l'abandon par l'Europe de cet attachement à la culture.

Pour Cicéron, "si tu ne sais pas d'où tu viens, tu seras toujours un enfant". C'est-à-dire un être sans pouvoir, sans discernement, sans capacité à agir dans le monde ou à comprendre son fonctionnement.

Voilà la pleine utilité des humanités, de l'histoire, de la littérature, de la culture générale, utilité à laquelle nous sommes attachés et que nous défendons, en femmes et hommes véritablement pragmatiques, soucieux du partage démocratique d'un savoir commun.

Romain Brethes, Barbara Cassin, Charles Dantzig, Régis Debray, Florence Dupont, Adrien Goetz, Marc Fumaroli, Michel Onfray, Christophe Ono-dit-Biot, Jean d'Ormesson, Erik Orsenna, Daniel Rondeau, Jean-Marie Rouart, Philippe Sollers et Emmanuel Todd sont écrivains et philosophes

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par Presse-purée Mer 08 Fév 2012, 15:29
C'est pas trop tôt qu'une tribune comme celle-ci sorte.

A noter que Christophe Ono-dit-Biot intervenait lors du colloque cité.

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par deroute Mer 08 Fév 2012, 15:30
bisous et :mitrailler: en même temps! J'ai l'impression qu'on ne peut rien faire!
Thalia de G
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par Thalia de G Mer 08 Fév 2012, 15:54
Pour Cicéron, "si tu ne sais pas d'où tu viens, tu seras toujours un enfant". C'est-à-dire un être sans pouvoir, sans discernement, sans capacité à agir dans le monde ou à comprendre son fonctionnement.
Et l'enfant n'est-il pas celui qui ne sait pas encore parler ?

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par MrBrightside Mer 08 Fév 2012, 15:58
Ca me rappelle un article lu récemment en anglais. C'est long, mais ça vaut le coup:

The New York Review of Books: Do the Classics Have a Future?

Moi je ne remets toujours pas de n'avoir pas fait de latin :| C'est bien le seul choix de toute ma scolarité que je regrette...
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User5899
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par User5899 Mer 08 Fév 2012, 16:02
deroute a écrit: bisous et :mitrailler: en même temps! J'ai l'impression qu'on ne peut rien faire!
Si. Virer les incultes incapables qui trustent le pouvoir depuis 10 ans. Euh... Depuis 31 ans ? 38 ans ?
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par egomet Mer 08 Fév 2012, 16:06
MrBrightside a écrit:
Moi je ne remets toujours pas de n'avoir pas fait de latin :| C'est bien le seul choix de toute ma scolarité que je regrette...

Tout n'est pas perdu. On apprend à tout âge!
MrBrightside
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par MrBrightside Mer 08 Fév 2012, 16:08
egomet a écrit:
MrBrightside a écrit:
Moi je ne remets toujours pas de n'avoir pas fait de latin :| C'est bien le seul choix de toute ma scolarité que je regrette...

Tout n'est pas perdu. On apprend à tout âge!

Malheureusement, j'ai bien peur d'avoir l'esprit un peu trop préoccupé par ma discipline de spécialité.
Mais effectivement, je néglige pas la possibilité de m'y mettre "en autodidacte" un jour.
deroute
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par deroute Mer 08 Fév 2012, 16:11
Cripure a écrit:
deroute a écrit: bisous et :mitrailler: en même temps! J'ai l'impression qu'on ne peut rien faire!
Si. Virer les incultes incapables qui trustent le pouvoir depuis 10 ans. Euh... Depuis 31 ans ? 38 ans ?

Ah oui ça je voudrais bien. C'est peut-être bête à dire mais la dernière fois, j'ai vu une interview de Bayrou et derrière lui il y avait un Gaffiot et un Bailly, j'ai adoré!
C'est surement un peu limite de s'arrêter à ça mais je n'arrive pas à m'ôter ça de la tête! Il a gagné beaucoup de points ce jour là!
egomet
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par egomet Mer 08 Fév 2012, 16:12
MrBrightside a écrit:
egomet a écrit:
MrBrightside a écrit:
Moi je ne remets toujours pas de n'avoir pas fait de latin :| C'est bien le seul choix de toute ma scolarité que je regrette...

Tout n'est pas perdu. On apprend à tout âge!

Malheureusement, j'ai bien peur d'avoir l'esprit un peu trop préoccupé par ma discipline de spécialité.
Mais effectivement, je néglige pas la possibilité de m'y mettre "en autodidacte" un jour.

On a tous un peu le même problème. Je te souhaite de trouver le temps... un jour pas trop lointain. :lecteur:
Luigi_B
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par Luigi_B Jeu 09 Fév 2012, 11:27
Dans mon lycée, la proviseur a récemment suggéré d'ouvrir en seconde des classes européennes où les élèves ne pourraient faire du coup ni latin ni grec. Son argument : permettre enfin aux élèves d'avoir une "ouverture culturelle".

Je n'en suis toujours pas revenu.

Le plus consternant, c'est quand ce discours vient d'en haut. Bienvenue dans ce que Jean Clair appelle "l'hiver de la culture".

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User5899
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par User5899 Jeu 09 Fév 2012, 16:00
La barbarie douce.
Thalia de G
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par Thalia de G Jeu 09 Fév 2012, 16:32
Cripure a écrit:La barbarie douce.
Je n'ai pas voulu écrire ce mot, mais j'y ai pensé très fort, me référant à ceux que les Grecs appelaient "oi Barbaroi"... (traduction approximative : ceux qui baragouinent)

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par thetis Sam 11 Fév 2012, 07:04
Dans la même lignée, je viens d'assister à un stage sur l'évaluation des compétences en français et, en étudiant les résultats de PISA , le doigt a été mis par notre formatrice sur une des origines non négligeables de nos mauvais résultats par rapport à la Finlande [Le Monde] En renonçant aux humanités classiques, la France renonce à son influence.  3795679266 : leur système orthographique est beaucoup plus simple, une même racine permettant de comprendre/former de nombreux mots, contrairement au français qui demande de connaître les racines latines et grecques. Un exemple donné : "pentagone" en français se dirait "cinq-angles" directement en finlandais ...
j'ai été effarée .... euh non.... subjuguée devant une telle révélation. Evidemment que nos petits élèves d'aujourd'hui sont en souffrance face à une telle énormité des savoirs à accumuler en langue. Venant souvent d'ailleurs aujourd'hui, dans les zones difficiles en tout cas, ils ne bénéficient pas de ce vivier lexical dans leur vie de tous les jours, et imaginer l'acquérir pendant sa scolarité est bien trop difficile d'où leur échec scolaire . Pauvres petits, s'ils avaient pu faire leur scolarité ailleurs,dans le grand nord par exemple, leur salut aurait été possible !

Savoir qu'on pouvait en stage véhiculer un tel message m'a laissée totalement coite. furieux furieux furieux
Palombella Rossa
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par Palombella Rossa Sam 11 Fév 2012, 07:59
John a écrit: Le ministère de l'éducation nationale a d'ailleurs annoncé à cette occasion la création d'un prix Jacqueline de Romilly, récompensant un enseignant particulièrement novateur et méritant dans la transmission de la culture antique. Quelle intention louable !

Heu... C'est ironique ?
Iphigénie
Iphigénie
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par Iphigénie Sam 11 Fév 2012, 08:05
On va aussi lancer une nouvelle marque de cosmétiques masculins nommée Jean-Pierre Vernant- La preuve qu'on aime les humanités, non?
Palombella Rossa
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Neoprof expérimenté

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par Palombella Rossa Sam 11 Fév 2012, 08:18
iphigénie a écrit:On va aussi lancer une nouvelle marque de cosmétiques masculins nommée Jean-Pierre Vernant- La preuve qu'on aime les humanités, non?

Bel exemple de PPP (partenariat public-privé, cher à la droite et aux socialos) entre L'Oréal et le ministère de l'éducation nationale... parce que nous le valons bien !
Pryneia
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par Pryneia Sam 11 Fév 2012, 08:57
Quel plaisir de lire pareille tribune !
Elle me semble toutefois bien "soft", au vu des attaques terribles essuyées par les humanités classiques.


MrBrightside a écrit:
egomet a écrit:
MrBrightside a écrit:
Moi je ne remets toujours pas de n'avoir pas fait de latin :| C'est bien le seul choix de toute ma scolarité que je regrette...

Tout n'est pas perdu. On apprend à tout âge!

Malheureusement, j'ai bien peur d'avoir l'esprit un peu trop préoccupé par ma discipline de spécialité.
Mais effectivement, je néglige pas la possibilité de m'y mettre "en autodidacte" un jour.

Je suis sûre que tu pourrais trouver un(e) collègue de LC qui t'initierait avec joie aux langues anciennes Smile

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par Sowandi Sam 11 Fév 2012, 09:22
John a écrit:Le ministère de l'éducation nationale a d'ailleurs annoncé à cette occasion la création d'un prix Jacqueline de Romilly, récompensant un enseignant particulièrement novateur et méritant dans la transmission de la culture antique.
Pourquoi absolument novateur ? Méritant ne suffit pas ?


Sinon, la France, s'te-plaît, déconne pas trop quand même avec le français...

Ici, en Indonésie, apprendre le français est considéré comme particulièrement classe, ce n'est pas juste de la communication pratique.

C'est la baguette, Paris, la Tour Eiffel, les femmes fatales, les grands auteurs.
Le rêve, l'exotisme.

(Et aussi le French kiss, le 5 à 7...)
Aredius
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par Aredius Sam 11 Fév 2012, 09:44
"Dans mon lycée, la proviseur a récemment suggéré d'ouvrir en seconde des classes européennes où les élèves ne pourraient faire du coup ni latin ni grec. Son argument : permettre enfin aux élèves d'avoir une "ouverture culturelle".

Je n'en suis toujours pas revenu.

Le plus consternant, c'est quand ce discours vient d'en haut. Bienvenue dans ce que Jean Clair appelle "l'hiver de la culture"."

Il paraît que c'est Sarko qui soufflait au proviseur !

Tiens, saviez-vous que nous venons de vivre l'année la plus froide depuis 20 ans...? pas en France, mais au niveau mondial.

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Aredius, Nantes,http://lefenetrou.blogspot.com
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Invité
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par Invité Sam 11 Fév 2012, 09:56
Dans mon collège, les élèves peuvent faire classe euro en 5e ou latin en 5e ou aucune option.
Mais les meilleurs élèves choisissent la classe euro : places limitées, élèves sélectionnés, d'où une classe de bon niveau.
Or on ne peut pas faire euro + latin.
Malgré tout, l'option latin subsiste. Jusqu'à quand ?
Luigi_B
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par Luigi_B Sam 11 Fév 2012, 10:05
Pour ceux qui ne l'auraient pas lu, le texte de la tribune dans "L'Humanité" du jury de lettres classiques démissionnaire en juillet 2010, dans l'indifférence générale.

C'est bon à lire. veneration

La stratégie visant à éradiquer le grec et le latin de l’école publique entre aujourd’hui dans sa phase terminale, avec la suppression programmée du Capes de lettres classiques, concours principal pourvoyeur des professeurs de langues anciennes dans les collèges et lycées de France. Membres du jury de ce défunt concours, nous avons devant nous ce qui semble devoir être la dernière génération de professeurs de grec et de latin.

Il y aura dès le mois de novembre un Capes de lettres classiques flambant neuf, sans latin ni grec… Tout au plus, les candidats auront-ils à se fendre de quelques bribes de versions, comme nos collègues de lettres modernes traduisent parfois un peu d’anglais. Fi des explications de Virgile, Horace, Sénèque, Cicéron, Euripide, Eschyle, Platon… Place au contrôle de l’éthique du fonctionnaire, et à l’épreuve-reine : le commentaire d’une photocopie de manuels scolaires…

Aucune autre discipline n’a eu droit a un traitement aussi privilégié ; partout ailleurs, la réforme des concours a tout de même laissé debout quelques épreuves qui permettent encore de vérifier la compétence des candidats dans la discipline qu’ils s’apprêtent à enseigner ; partout… sauf en langues anciennes. Aucune volonté politique établie, aucune logique de rentabilité, aucun impératif économique… Une commission de réforme des concours se réunit en petit comité ; un Inspecteur général y représente les lettres, négocie les nouvelles épreuves, sans latin ni grec ! Chagrin de notre Inspecteur : “Je fis ce que je pus pour vous pouvoir défendre…” Le ministre valide, pas de risque de professeurs ou de gamins dans la rue pour sauver Homère et Tacite, et d’un trait de plume des disciplines entières disparaissent des écrans de contrôle, sans le début du commencement d’une justification.

Un peu d’histoire : depuis trente ans, des “hommes de progrès”, plutôt bien représentés au sein du Ministère, et de son Inspection générale des lettres en particulier, luttent contre ces fléaux de l’élitisme, du conservatisme, et de l’inutilité, que constitueraient le grec et le latin. Aucune fracture droite/gauche à chercher : les pragmatiques comme les révolutionnaires y trouvent leur compte.

Ils avaient d’abord voulu agir sur la demande (les élèves et leurs familles), en proposant des horaires stimulants (latin pendant le déjeuner, grec le mercredi après-midi), des innovations audacieuses (seconde, première, et terminale regroupées en une seule classe), la technique dite du “supermarket” (“Alors on vous propose la classe sportive, ou la classe numérique, ou la classe européenne, ou la classe musique, ou la classe d’excellence artistique, ou la classe sciences de l’ingénieur, ou alors du latin…”)

Mais tous ces efforts se révélèrent peine perdue. Il restait à la rentrée 2009 un demi-million de petits néo-réactionnaires qui s’entêtaient à vouloir étudier le grec et le latin dans les collèges et lycées de France. Plus grave : dans un contexte où les supposées élites se détournent massivement de l’étude des langues anciennes au profit d’options jugées plus modernes (classe européenne, cinéma, chinois…), le grec et le latin sont en train de devenir l’un des rares endroits où les élèves les plus fragiles peuvent bénéficier de ce grand luxe dans l’école d’aujourd’hui : du temps. Du temps pour comprendre l’orthographe des mots, la grammaire d’une langue, l’évolution d’une écriture, du temps pour l’essentiel. La diminution drastique des horaires de français dans le secondaire rend ces matières indispensables, du moins pour ceux qui ne peuvent apprendre le français là où on l’apprend désormais : non plus dans une classe, mais dans sa famille. Dans cette étoffe d’incohérence que constitue une journée de cours pour un lycéen d’aujourd’hui, le grec et le latin confèrent une unité à cet ensemble, notamment pour ceux qui n’ont personne autour d’eux pour les aider à s’orienter dans le dédale des filières et des options. Pouvoir retrouver l’étymologie de tel nouveau terme scientifique, tel symbole mathématique familier, tel mythe revu et corrigé par un auteur du XXème, telle racine indo-européenne commune à l’allemand et à l’espagnol : ou comment une journée de cours s’ordonne autour d’une langue ancienne.

Le grec et le latin, instruments de l’égalité des chances, vecteurs de réussite scolaire pour les plus démunis ! Il fallait agir ! Supprimer les élèves prendrait du temps, le plus simple est qu’ils n’aient plus de professeurs. Cette décision devenait d’autant plus urgente que commence à se dessiner aujourd’hui le bilan des “hommes de progrès” qui ont, depuis quelques décennies, la haute main sur l’enseignement des lettres : un bac français où a désormais cours la notion de “compréhension phonétique” de la copie, des professeurs de langues vivantes, de sciences bloqués dans leur progression par les lacunes abyssales des élèves en français, des universités instituant un peu partout des modules de rattrapage accéléré en grammaire et en orthographe pour les jeunes bacheliers, des élèves incapables de trouver les mots, prisonniers de codes langagiers qui font peut-être les délices des scénaristes et des publicitaires, mais s’avèrent assez discriminants dans les entretiens d’embauche. Effectivement, mieux vaut que les élèves n’entendent pas trop parler de l’Athènes antique, où les hauts fonctionnaires étaient astreints à rendre compte de leur gestion, au sortir de leur charge…

C’est dire la responsabilité qui échoira à ces derniers jeunes professeurs de lettres classiques, qui, dans un mois à peine, seront projetés dans les eaux troubles des classes de collèges, avec la lourde charge d’y faire exister le grec et le latin. C’est là-bas plus qu’ailleurs que ces matières devront apporter la preuve de leur légitimité et de leur nécessité. Ils nous trouveront à leurs côtés dans cette entreprise. Universitaires, formateurs, professeurs, c’est à ce combat-là que nous allons désormais consacrer toutes nos forces, loin des jurys de concours où nous laisserons à d’autres la délicate besogne d’abandonner l’étude des “poètes impeccables”, pour le contrôle, plus inattendu, des “collègues impeccables”.

Car nous sommes convaincus qu’il y a plus que jamais en France une demande d’école, une demande d’exigence, d’ambition, et de dépaysement, et que le grec et le latin sont les mieux placés pour y répondre. Dans un système qui ne fait qu’accroître les inégalités entre les familles, où l’on explique aux élèves boursiers “on va vous faire passer des concours différents parce que vous êtes pauvres”, dans un système qui abandonne, sans combattre, ses principes fondateurs aux établissements privés, nous ne comptons pas vraiment abdiquer “l’honneur d’être une cible”.

Pascale Barillot, professeur de lettres classiques (Versailles)

Malika Bastin-Hammou, maître de conférences (Grenoble)

Emanuèle Caire, professeur des Universités (Aix-Marseille)

Anne de Crémoux, maître de conférences (Lille)

Bénédicte Delignon, maître de conférences à l’ENS (Lyon)

Laure Echalier, maître de conférences (Montpellier)

Anne-Marie Favreau-Linder, maître de conférences (Clermont-Ferrand)

Michèle Gally, professeur des Universités (Aix-Marseille)

Thomas Guard, maître de conférences (Besançon)

Michèle Gueret-Laferte, maître de conférences (Rouen)

Augustin d’Humières, professeur de lettres classiques (Créteil)

Sabine Luciani, professeur des Universités (Grenoble)

Danièle Sabbah, professeur des Universités (Bordeaux)

Anne Vialle, professeur en classe préparatoire (Bordeaux)
Mama
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par Mama Sam 11 Fév 2012, 20:52
thetis a écrit:Dans la même lignée, je viens d'assister à un stage sur l'évaluation des compétences en français et, en étudiant les résultats de PISA , le doigt a été mis par notre formatrice sur une des origines non négligeables de nos mauvais résultats par rapport à la Finlande [Le Monde] En renonçant aux humanités classiques, la France renonce à son influence.  3795679266 : leur système orthographique est beaucoup plus simple, une même racine permettant de comprendre/former de nombreux mots, contrairement au français qui demande de connaître les racines latines et grecques. Un exemple donné : "pentagone" en français se dirait "cinq-angles" directement en finlandais ...
j'ai été effarée .... euh non.... subjuguée devant une telle révélation. Evidemment que nos petits élèves d'aujourd'hui sont en souffrance face à une telle énormité des savoirs à accumuler en langue. Venant souvent d'ailleurs aujourd'hui, dans les zones difficiles en tout cas, ils ne bénéficient pas de ce vivier lexical dans leur vie de tous les jours, et imaginer l'acquérir pendant sa scolarité est bien trop difficile d'où leur échec scolaire . Pauvres petits, s'ils avaient pu faire leur scolarité ailleurs,dans le grand nord par exemple, leur salut aurait été possible !

Savoir qu'on pouvait en stage véhiculer un tel message m'a laissée totalement coite. furieux furieux furieux

Bonsang, ça m'énerve cette Finlande qui revient toujours sur le tapis : ils sont forts, tout simplement, parce qu'ils sont très peu par classe, avec un assistant qui rattrape les élèves en retard au moindre signe de faiblesse !!!!!!!!! Le beau mystère... Et qu'on ne me dise pas le contraire, j'y suis allée et j'ai vu (correspondante théâtre au lycée).
Mama
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par Mama Sam 11 Fév 2012, 20:55
Luigi, c'est une très belle tribune, merci.
Duplay
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Expert

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par Duplay Sam 11 Fév 2012, 21:12
mamamanette a écrit:
thetis a écrit:Dans la même lignée, je viens d'assister à un stage sur l'évaluation des compétences en français et, en étudiant les résultats de PISA , le doigt a été mis par notre formatrice sur une des origines non négligeables de nos mauvais résultats par rapport à la Finlande [Le Monde] En renonçant aux humanités classiques, la France renonce à son influence.  3795679266 : leur système orthographique est beaucoup plus simple, une même racine permettant de comprendre/former de nombreux mots, contrairement au français qui demande de connaître les racines latines et grecques. Un exemple donné : "pentagone" en français se dirait "cinq-angles" directement en finlandais ...
j'ai été effarée .... euh non.... subjuguée devant une telle révélation. Evidemment que nos petits élèves d'aujourd'hui sont en souffrance face à une telle énormité des savoirs à accumuler en langue. Venant souvent d'ailleurs aujourd'hui, dans les zones difficiles en tout cas, ils ne bénéficient pas de ce vivier lexical dans leur vie de tous les jours, et imaginer l'acquérir pendant sa scolarité est bien trop difficile d'où leur échec scolaire . Pauvres petits, s'ils avaient pu faire leur scolarité ailleurs,dans le grand nord par exemple, leur salut aurait été possible !

Savoir qu'on pouvait en stage véhiculer un tel message m'a laissée totalement coite. furieux furieux furieux

Bonsang, ça m'énerve cette Finlande qui revient toujours sur le tapis : ils sont forts, tout simplement, parce qu'ils sont très peu par classe, avec un assistant qui rattrape les élèves en retard au moindre signe de faiblesse !!!!!!!!! Le beau mystère... Et qu'on ne me dise pas le contraire, j'y suis allée et j'ai vu (correspondante théâtre au lycée).


Et ils ont une langue transparente, ajoute la maîtresse de CP qui passait par-là ! professeur
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