- JohnMédiateur
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Une politique placée sous le patronage de Jean Zay, ministre du Front populaire
LEMONDE | 09.02.12 | 12h20
Les campagnes électorales permettent parfois de tirer de l'oubli des personnalités injustement enfouies dans les tréfonds de la mémoire collective. Ce devait être le cas, jeudi 9 février, François Hollande profitant de sa visite à Orléans pour rendre hommage à Jean Zay.
Né dans cette ville en 1904, ministre de l'éducation nationale et des beaux-arts de 1936 à 1939, il fut condamné par le Conseil de guerre, embarqué sur le Massilia pour le Maroc à la veille de la signature de l'armistice de juin 1940, et mourut assassiné par la Milice le 20 juin 1944, après avoir passé quatre ans dans les geôles du régime de Vichy.
L'idée de rendre hommage à celui que la presse collaborationniste vomissait pour ses origines juives, son républicanisme intransigeant et son appartenance à la franc-maçonnerie est de Vincent Peillon. "Il est important que François s'inscrive dans une histoire, affirme le député européen, chargé des questions d'éducation auprès du candidat socialiste. Or à qui rendre hommage sur ces questions? Après Jules Ferry, un nom s'impose : Jean Zay."
JEUNE ET RÉFORMATEUR
M. Peillon n'a eu aucun mal à convaincre M. Hollande. "Quand je lui ai soumis l'idée, il m'a dit qu'il avait lu cet été Souvenirs et solitude, le texte écrit par Zay en prison, et que cette lecture l'avait bouleversé." Cet hommage à Jean Zay – que des historiens comme Pascal Ory ou Antoine Prost ont contribué à tirer de l'oubli – s'explique aisément. Il y a d'abord la jeunesse, dont M. Hollande veut faire sa priorité.
Or quel plus beau symbole que cet avocat devenu député à 27 ans et ministre à 31 ans dans le crépuscule d'une IIIe République ankylosée par sa gérontocratie ? Il y a ensuite l'ardeur réformatrice. Soucieux de démocratiser une école républicaine qui l'était encore imparfaitement, Jean Zay est à l'origine d'un projet d'unification des classes primaires des lycées et des écoles élémentaires. "Il a parachevé le programme classique de la IIIe République tout en jetant les bases de ce qu'on appellera plus tard le tronc commun", résume Pascal Ory.
Ouvert aux pédagogies nouvelles, Jean Zay est aussi à l'initiative d'un programme d'ouverture des élèves vers la vie active, à travers la promotion des activités dirigées et des classes promenades.
A l'origine du CNRS, de la réunion des théâtres nationaux, du Musée d'art moderne et de celui des arts et traditions populaires, il est aussi l'un des fondateurs du Festival de Cannes, dont la première édition aurait dû se tenir en septembre 1939 si la guerre n'avait pas éclaté. On comprend que l'exemple d'un tel volontarisme, dans la France des années 1930 affaiblie par la crise mondiale, puisse inspirer M. Hollande.
ICÔNE RÉPUBLICAINE
A travers Jean Zay, c'est enfin une icône républicaine que le candidat veut célébrer.
Pour M. Hollande, qui veut s'inscrire dans l'histoire de la gauche sans s'enfermer dans celle du socialisme, il est une référence idéale. Benjamin du premier gouvernement dirigé par un socialiste, celui formé par Blum en 1936, il n'était pas membre de la SFIO, mais comptait alors parmi les "Jeunes Turcs" qui voulaient rénover le Parti radical. Avec son ami Pierre Mendès France, il incarne une gauche à la fois ambitieuse et pragmatique dont M. Hollande, candidat autoproclamé de l'"espérance lucide", se veut l'héritier.
On peut enfin voir dans le geste de M. Hollande un clin d'œil au destin. En allant à Orléans, le candidat du PS met ses pas dans ceux de François Mitterrand qui, pour les 50 ans de la mort de l'ancien ministre, y était venu pour inaugurer une avenue à son nom.
Et puis, comme ancien élève de l'ENA, M. Hollande ne peut ignorer que la promotion 2012-2013, dont il rêve qu'elle soit la première de son quinquennat, porte précisément le nom de Jean Zay.
Thomas Wieder
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