Luc la morale

Delicieux Luc Ferry : il vient de nous offrir la chronique la plus désopilante de la semaine. "Faut-il (vraiment) enseigner la morale à l'école ?" se demande-t-il gravement dans "Le Figaro" (15/9). Et de répondre que, s'il "applaudi[t] des deux mains", la récente initiative de son "collègue et ami" le ministre Luc Chatel, au fond, lui fait peur. Car parler en classe de morale à nos chères têtes blondes, c'est "prendre le risque d'ouvrir une nouvelle boîte de Pandore". En effet les affreux profs forcément gauchistes ne vont pas se gêner ! " J'imagine déjà que certains collègues ne manqueront pas d'inscrire au tableau noir : "Alors que 8 millions de personnes vivent sous le seuil de la pauvreté, est-il juste que Bercy renvoie des chèques au milliardaires au nom du bouclier fiscal ?" ; "Trouves-tu normal (le tutoiement s'impose...) que le ministre de l'Intérieur expulse, comme en 1940, de malheureux Roms innocents ?" ; "Que penses-tu des entreprises qui font des bénéfices et qui licencient ?" ; "Un ministre de l'Intérieur peut-il écouter les journalistes en bafouant le secret des sources ?" ; "Le capitalisme pollue la planète et contribue au réchauffement climatique : est-ce vraiment bien ?", j'en passe et des meilleures."
Ces questions-là, Ferry les trouve évidemment idiotes. Elles risqueraient de faire réfléchir un peu trop les élèves. Lesquels risquent de trouver immorales toutes ces choses qui enthousiasment Ferry : les injustices sociales, les expulsions musclées, les bénéfices outranciers, les ministres de l'Intérieur qui espionnent les journalistes, le capitalisme pollueur à tout-va. Et ils pourraient même, un comble ! se demander s'il est moral qu'un prof d'université nommé Luc Ferry ait perçu, pendant plusieurs mois, un confortable salaire mensuel de 4 499 euros sans avoir donné un seul cours à la fac.
À Sarkoland, mieux vaut que la morale reste enfermée à double tour à la maison.